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Le défi du samedi
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2 mai 2020

Des hauts et des bas (Vegas sur sarthe)


Elle a mis sa chaîne B&O
pas en mono, en stéréo
sans vidéo

Elle a vidé tout son déo
avant d'ôter ses bas, des hauts
en vidéo

j'ai pu découvrir sa géo
ses imparfaits, ses idéaux
en vidéo

elle m'a fait son rodéo
dans son jacuzzi balnéo
en vidéo

puis j'ai plongé en spéléo
dans sa jungle de Bornéo
en vidéo

y'avait déjà des proprios
j'ai vu Léo et Matéo
et puis Théo et Roméo
quelle vidéo ...

J'ai voulu jouer en solo
elle a remis son paréo
et puis elle m'a vidé … Oh !

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25 avril 2020

Pecunia non olet (Vegas sur sarthe)


L'endroit est froid, épuré, aseptisé aussi n'y vais-je que quand j'en éprouve le besoin.
Le lieu est quasiment désert à part ces deux vieux que j'appelle des vieux à débit immédiat et qui secouent sauvagement leurs bourses en quête d'une ultime liquidité.
Moi j'ai terminé de déposer les miennes depuis longtemps; j'étais pressé de me débarrasser de ce fardeau accumulé au fil des heures.
On dirait qu'ici tout le monde est pressé – certains triturent on ne sait quoi dans leur poche – il y en a même qui vous bousculeraient malgré les restrictions de proximité pour vous prendre la place.
On nous serine qu'en cette période d'incertitude ça ne sert à rien de thésauriser et que garder ça sous son matelas ou dans l'armoire sous une pile de draps ça n'est pas très sain …
Qui possède encore une pile de draps de nos jours ?

Ici un écriteau signale fort à propos qu'il ne faut pas en mettre à gauche ; j'ajouterais qu'il ne faut pas en mettre à droite non plus.
Où tout ce flot s'en va t-il ? Quelqu'un s'est-il déjà posé la question ?
Et je ne parle pas des grosses commissions pour lesquelles il est prévu des endroits fermés à l'abri des indiscrétions … et des jalousies.
En posséder trop c'est louche, ça sent mauvais.
On est là pour satisfaire un besoin naturel quelle que soit notre position religieuse – debout ou accroupi –  notre couleur de peau – uriblanc ou urinoir – ou nos penchants politiques – gauche, droite ou centre – ou quel que soit notre sexe, même s'il y a des accès distincts pour éloigner les hommes des femmes.
Autour de moi les deux vieux se sont vidés et repartent en bouclant leur coffre à ceinture et bretelles, calculant déjà leur prochaine échéance sur l'échelle prostatique …
Un autre écriteau signale qu'il ne faut rien jeter d'autre qui pourrait freiner le débit et la bonne marche de l'institution.

Heureusement dans l'agence que je fréquente assidûment il y a Huguette qui veille à la bonne marche de l'institution.
Avec elle, pas besoin d'écriteau. Il suffit de lire dans son regard pour savoir si on a bien fait ou fait de travers, ou fait à moitié.
Huguette a le regard intraitable des gens assermentés, elle veille sur La Populaire du Grand Ouest située Place de Bourse (ça ne s'invente pas) où elle officie du lundi au samedi.
Si l'on n'est pas pressé on peut lire au dessus de la porte d'entrée et en lettres d'or «Pecunia non olet » ce qui veut dire L'argent n'a pas d'odeur ; il faut dire que Huguette n'est pas avare de désodorisant.

Ah elle pourrait vous en raconter des histoires, des incivilités des empêcheurs de déposer, des excités de tout poil, des barjos de la bourse.
Elle pourrait vous montrer comment on vire les petits branleurs avec un « C'est pas la banque du sperme, ici» bien senti ! C'est qu'elle s'y connaît en virement, Huguette.
Elle pourrait vous parler des voyeurs qui parient à celui qui a le plus gros pécule, des exhibitionnistes du découvert, des tordus de la main levée, de ceux qui émargent avant de sortir – laissant leur signature à la postérité des lieux –  des amateurs de compte joint qui se retrouvent chez les dames sans parler des échangistes et de ceux qui se vengent contre la porte, comme des chiens après la fermeture de l'agence.

Les mauvaises langues disent que Huguette pratique des actes sous sein privé mais moi, je l'ai surtout vue faire le ménage et la police et puis son patron le receveur Vespasien parait plutôt tyran que souteneur.
Si je devais ne faire qu'une critique au sujet de cette agence ça serait qu'il y manque des toilettes, mais ça n'engage que moi.

18 avril 2020

À l'arrière des berlines (Vegas sur sarthe)


J'aime bien les défis, surtout quand je gagne et je n'allais faire qu'une bouchée de celui-ci.
Laconique, elle avait juste chuchoté « A minuit derrière les Citroën» et cet ultimatum m'excitait comme un adolescent qui fantasme à l'idée de s'envoyer en l'air à l'arrière des berlines.
Après bien des recherches il était presque une heure du mat et à la lueur de ma torche qui vacillait moins que mes guibolles il n'y avait que deux bagnoles planquées dans le petit bois.
La première était une Peugeot – je n'ai rien contre la marque au lion, bien au contraire – et l'autre était déjà habitée à en juger par les jambes qui dépassaient et s'agitaient par la fenêtre arrière …
Pourquoi avait-elle dit « les Citroën» alors qu'une seule suffirait à nos premiers ébats fussent-ils débridés ?

J'approchai résolument du compas qui sortait de la voiture, bien décidé à trouver le corps auquel il appartenait afin de demander à la tête s'il existait dans ce petit bois un endroit réservé aux Citroën.
Je dus me pencher à l'intérieur pour deviner la tête de cette bête à deux dos qui se démenait fougueusement sur la banquette arrière.
Entre deux « Han » et trois « Oh Oui » je distinguai un « Va t'faire foutre » qui correspondait bien au lieu et à la situation.
Comme je me permettais d'insister une masse s'extirpa de la voiture et fondit sur moi en rugissant.
Je n'ai pas pour habitude de courir vite mais je cours toujours plus vite que n'importe quel type qui a son pantalon sur les chevilles.
Au bout de cent mètres je trouvai refuge derrière une haie tandis que le type retournait à son affaire en sautillant.
A en juger à la lueur vacillante de ma torche ma haie protectrice était une haie d'arbustes somme toute rustique de la grande famille des Oleaceae dont je n'avais rien à faire à cette heure indue.
Etonnamment il s'en dégageait une forte odeur de jasmin qui me faisait vaguement penser à ce flacon de Lancôme que j'avais offert à Germaine pour notre première rencontre …

La coïncidence était ahurissante, bref j'en étais là de ma réflexion quand une furie à la bouche vorace mangea la mienne.
Je tombai à la renverse sous la sauvagerie de l'agression et récupérai ma langue à grand peine en reconnaissant mon agresseur : »Qu'est-ce que tu fais là ? »
Telle une harpie  échevelée, Germaine m'étranglait : « ça fait une plombe que j't'attends derrière ces troènes ! » et elle ajouta « t'as failli m'poser un lapin dès la première fois ? »
« Euh... la deuxième fois » rectifiai-je en lui rappelant notre speed dating de la semaine passée.
Elle s'était inondée de Jasmins Marzipane et j'en eus aussitôt la nausée tandis qu'elle s'employait à rattraper cette heure perdue.
Pas facile de rattraper une heure d'extase quand on a encore à l'esprit ma course folle avec le malabar déculotté !
Je n'osais avouer ma mésaventure à Germaine mais quelque chose me turlupinait ; entre deux apnées je réussis à demander : « Au fait, elle est garée où ta Citroën ? »
Germaine se redressa, tout aussi échevelée : « Quelle Citroën ? J'ai une Mazda»
Une Mazda … à défaut de Duracell ça m'aurait dépanné pour ma torche qui vacillait de plus en plus mais je me gardai bien de lui en faire part.
J'avais dû mal comprendre et ça ne présageait rien de bon pour Germaine et moi
 

11 avril 2020

C'est Ektorp (Vegas sur sarthe)


Je me souviens qu'il est arrivé un vendredi.
J'en suis sûr parce que le vendredi c'est jour de brandade et on en avait mangé à la maison.
D'ailleurs j'ai été malade le lendemain et c'était un samedi.
Pourtant Germaine n'a pas son pareil pour dessaler la morue mais c'est pas le sujet du Défi.
Il a eu du mal à passer par la porte mais dans l'immeuble y a pas d'autre solution.
On l'a entendu arriver au bruit que faisait la concierge !
Madame Dugenou – je l'appelle comme ça parce que je la vois toujours à genoux dans l'escalier – hurlait qu'elle ne voulait pas le laisser monter vu qu'on est confinés mais il était assez baraqué pour avoir le dernier mot.
Et puis on sentait que les deux malabars masqués qui l'accompagnaient étaient du métier.

Germaine était aux anges ; elle a toujours aimé les gros bras ce qui ne l'a paradoxalement pas empêchée de m'épouser.
Donc il est entré par la porte, tout rouge après avoir monté les cinq étages et aussi parce qu'il était naturellement rouge, le rouge Lipstick comme dit Germaine qui lit Closer …
La concierge suivait – plutôt rouge tomate et essoufflée d'avoir gueulé – curieuse de savoir où on allait l'installer.
Pas facile de leur trouver leur place quand c'est votre premier.
Je ne sais pas comment vous avez fait pour votre premier ; nous on avait galéré au fil des ans avec le vaisselier – celui qui gère la vaisselle – puis avec notre plumard – un King size de chez Galipette&Co – puis avec le secrétaire – Germaine voulait un secrétaire particulier – puis avec mon Dyson mais ça j'en ai déjà parlé.
« C'est gros pour un canapé » a commenté la concierge.
Germaine était furieuse et elle est montée dans les tours : « C'est un sofa, pas un canapé ! ».
J'allais m'informer de la différence quand Germaine a enchaîné : »Un canapé c'est deux places et un sofa c'est trois places ! »
Ce machin avait trois places alors qu'on n'est que deux à s'asseoir ici.
Ca sentait l'arnaque. Ce truc rouge Lipstick avait un bras droit pour un droitier et un bras gauche pour un gaucher mais qui allait occuper la place du milieu ?
Les deux malabars masqués se poussaient du coude. Non, ça ne pouvait pas être eux.
« C'est Ektorp » a dit Germaine.
J'ai aussitôt pensé à un roumain ou à un turc alors j'ai bredouillé : « et il sort d'où ce Ektorp ? »
«Mais il est là, gros naze» a dit Germaine en montrant le truc – il faudra que je m'habitue à dire sofa –  « on va le mettre devant la télé »

C'est chaque fois pareil, quand on reçoit quelqu'un Germaine l'installe devant la télé comme si c'était le raffinement suprême de regarder les Feux de l'amour en sirotant un jus de goyave.
Alors on a poussé mon fauteuil – Germaine dit Voltaire depuis qu'elle lit Closer –  pour faire la place au sofa … ça y est, je l'ai dit.
Va falloir que je m'habitue au rouge Lipstick.
La concierge s'était vite habituée, déjà assise dedans – on dit dedans ou dessus ? – avant même que les malabars masqués ne se démasquent pour réclamer un pourboire.
«Il est confortable votre canapé » a osé la concierge.
Germaine était furieuse et elle allait remonter dans les tours quand je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai crié : »Un canapé c'est deux places et un sofa c'est trois places ! »
Germaine m'a lancé un regard reconnaissant avant de m'inviter à tester notre sofa.
Je dois reconnaître qu'entre Germaine et la concierge, la petite place qu'elles m'avaient laissée au milieu était assez confortable.
J'ai refilé dix balles aux malabars masqués et on est restés seuls, enfin tous les trois à regarder l'écran vide.
Je ne sais plus quel célèbre inconnu a dit : « On naît, on achète un canapé et puis on meurt » et cette pensée m'a tellement fichu le bourdon que je suis allé me coucher direct.

4 avril 2020

Le gigolo (Vegas sur sarthe)


J'ai un nom à coucher dehors
on me traite d'incognito
de charlatan, de gros mytho
je suis la fiotte des pandores

On me dit roi du mauvais goût
de l'exotisme bon marché
on critique mon déhanché
mon arrogance et mon bagou

Je suis un virus, un malware
le plus suspect des étrangers
n'y a t-il pas pire danger ?

Je suis un homo erectus
pas de quoi risquer l'infarctus
je suis fier d'être rastaquouère

 

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28 mars 2020

La course sans sac (Vegas sur sarthe)


Ça y est, nous avons fini par épuiser tous les jeux de société ainsi que ceux de la chambre qui eux m'ont éreinté …
Germaine qui ne manque pas d'imagination a pensé à un nouveau jeu : On fait des courses de balai à califourchon dans la maison.
J'ai eu un mal de chien à lui trouver un balai traditionnel car beaucoup de gens confinés ont du avoir la même idée.
Moi je me suis attribué le Dyson – prononcer Daïzône parce que c'est angliche – que je pilote bien depuis que j'ai trouvé un tuto sur le net.
Pour les ignares le Daïzône est un aspirateur sans sac contrairement aux courses avec sac.
Germaine prononce Dison alors disons que son accent laisse à désirer.

Le balai de Germaine est un balai comme j'en ai connu chez ma mémé avec un gros manche en bois lisse et un mignon faisceau de paille de riz.
Il est sexy mais un peu lourd pour prendre les virages ; les balais à flux énergétique positif comme celui de ma mémé n'existent plus …
Celui de Germaine serait plutôt du genre à flux énergétique négatif à voir la façon dont elle gère la marche arrière.
Le mien est un V8 comme les bagnoles américaines – avec un accessoire suceur mais on s'en sert pas – et il a une autonomie de 7 minutes à vitesse Max alors que Germaine tire la langue au bout de 3 minutes !
Je gagne toujours parce que le Daïzône est également plus maniable mais nous avons maintenant épuisé tous les gages attribués au vainqueur y compris les gages de la chambre.
Après la partie gagnée je sais être magnanime et j'aspire les brins de paille de riz avec mon Daïzône V8.
Germaine dit que je suis avantagé, c'est aussi ce qu'elle disait pour les jeux de la chambre et ça me rend fier. Après tout c'est elle qui a voulu jouer à ça.
Les voisins y jouent aussi mais avec une variante : ils courent dans un dédale de bouteilles de bière ouvertes qu'ils doivent boire aussitôt qu'ils les renversent.
À les entendre ils sont très maladroits et passent beaucoup de temps à balayer les débris.

Après le confinement j'ai promis à Germaine de lui acheter un Daïzône V10 … à moins qu'on se lasse d'ici-là mais comme je lui dis « ça te serviras toujours ».

21 mars 2020

La Seguin (Vegas sur sarthe)


«Ça y est, celle du Seguin a mis bas cette nuit, depuis l'temps qu'elle traînait son gros bide dans l'quartier»
«C'est donc elle qui bêlait comme ça dans l'immeuble ?  J'me suis demandé c'que c'était que c'bordel à point d'heure ! »
«Ah bon ? Elle a pourtant accouché par voie basse ... »
« À voix basse ? T'en as d'bonnes ! On a mis deux heures à s'rendormir avec la Germaine. Tu sais que c'est pas simple pour la rendormir, enfin non tu peux pas savoir»
« J'te répète que c'était par voie basse. Le véto est pas équipé pour les césariennes»
« Lever tôt. Lever tôt ! Pour sûr, il était cinq heures du mat avec c't'affaire »
« Oh c'est pas tous les quatre matins non plus. Et pis elle était à terme, faut bien qu'la nature fasse son oeuvre»
« Pour sûr qu'elle était à terme ! Neuf mois ! Elle était devenue grincheuse, irritable et j'te parle pas de la taille des mamelles, elle rentrait plus dans l'ascenseur »
« Neuf mois c'est du jamais vu chez les ovins … et qu'est-ce qu'elle foutait dans l'ascenseur ? »
« C'est bien normal dans son état quand on crèche au sixième ! »
« Au sixième ? La chèvre du père Seguin crèche au sixième, maint'nant ? »
«Tu l'appelles la chèvre, toi ? Nous dans l'immeuble on l'appelle la Marie-couche-toi-là»
« Chez moi, tout c'qui a une barbichette, des grands yeux doux et des sabots noirs et luisants ça s'appelle une chèvre »
« J'avais bien remarqué ses loup-bouquetins mais pas sa barbichette. Pourtant j'la croise tous les soirs dans l'ascenseur »
« Tous les soirs dans l'ascenseur ? Alors on doit pas parler de la même chèvre parce que celle du Seguin elle est au pré dès l'aube»
« La Marie-couche-toi-là que j'te parle elle arpente la Grand'rue mais pas avant vingt deux heures »
« Ah ? C'est sûr que c'est pas la même … en tout cas la tienne elle doit pas brouter grand chose dans la Grand'rue »
« Oh que si ! Pour brouter, elle broute de bon coeur, crois-moi … enfin c'est c'qu'on m'a raconté»
« Et elle a pas peur du loup en broutant la nuit ? »
« Le loup,  y'a belle heurette qu'il lui fait plus peur ! »
« Ben faudra qu'j'en cause au Seguin qu'a perdu sa Blanquette dans la montagne y'a pas si longtemps. C'est quelle race ta Marikouchtwala
 ? »
« Euh … c'est un blaze de l'Est, une russkov ou une ukrainienne, enfin c'est pas d'chez nous»
« Pour sûr, c'est pas une corse si elle bosse jusqu'à point d'heure. Alors le biquet, y vont lui donner un nom slave ? »
«Un nom slave … tu veux dire un nom propre. Cette année faut qu'ça commence par un 'R'»
« P't'être Rudolf ou Raspoutine ? »
« C'est pas not' problème »
«T'as raison et pis Raspoutine Seguin, ça ferait bizarre, non ? »
« Ceux du sixième y s'appellent pas Seguin »
« Ah bon ? Alors on parle pas d'la même chose»

14 mars 2020

Chez Laurent (Vegas sur sarthe)


Dégoûté de n'avoir rien trouvé j'ai poussé la porte de cette échoppe qui ne m'avait pourtant rien fait ; l'enseigne indiquait tout simplement Chez Laurent.
Ça faisait bien cinq jours que je cherchais des orants pour ce fichu Défi du Samedi !

« Bonjour, vous n'auriez pas des orants par hasard ? »
Le type s'est agenouillé les mains jointes et j'ai failli repartir; ou ce gars était mime ou bien il était fou …
« J'dois en avoir quelques uns là-dessous » a t-il dit en ouvrant un tiroir aussi bas que poussiéreux.
Il avait dit ça avec un accent maghrébin ou berbère alors j'ai demandé : « Vous êtes d'où ? »
« Je suis des hauts d'Oran » a t-il répondu en se relevant fièrement « vous connaissez ? »
Je ne connaissais pas et il n'y avait pas lieu d'en être fier alors j'ai juste répondu : « C'est donc ça le relent dans votre échoppe ? »
«Un relent ? » a t-il dit «ça doit être à cause de ces vieilleries que je garde mais je ne suis pas fâché d'avoir un client, Monsieur comment ?»
« Monsieur Laurent » ai-je répondu sans réfléchir.
« Ah … vous aussi » a t-il remarqué.

Le premier orant qu'il m'a montré était un orant dévot qu'il appelait « Le dévorant » car selon la légende inscrite dessous il dévorait du beurre de missel.
Pas sûr qu'ils apprécieraient la vanne au Défi du Samedi.
« Vous avez autre chose ? »ai-je demandé.
Il a sorti un orant très différent, éthéré, un orant du genre oxygéné. «Celui-ci on l'appelle le Décolle-orant » a t-il dit fièrement.
Je trouvai qu'il n'y avait pas lieu d'en être fier.
« Autre chose ? »ai-je insisté.
Il en a sorti deux autres … un orant inculte qu'il appelait « L'ignorant » aux antipodes du suivant, un orant éduqué qu'il appelait « L'édulcorant ».
Je n'était pas très emballé et puis il y avait ce relent qui ne donnait pas envie de relever ce Défi.

« Attendez » s'est-il exclamé en raclant le fond du tiroir «il me reste ce vieil orant voûté – façon chapelle sixtine ou seventeen – comme s'il souffrait de rachialgie dorsale et qu'on appelle le Mal au dorant»
« Mal o do rant » ai-je ânonné à la limite de l'évanouissement.

Il me confia que pour le soulager on l'avait perfusé et rebaptisé « Le perforant ».
Le perfuseur était parait-il un orant rebouteux qu'on appelait « Le revigorant ».

Comme j'hésitais entre tous ces orants il me supplia en m'implorant de prendre le lot.
« C'est une bonne affaire » gémit-il « et puis ça débarrasse »
 « Vous prenez la carte bleue ? » ai-je demandé sans conviction.
« Je prends tout » répondit-il ravi et il ajouta avec un petit rire «j'accepte même les cheik-reste-orant ».
Ils allaient se marrer au Défi du Samedi en apprenant que j'avais réglé ces machins avec des vieux tickets de la Sodexo !
 
Comme je repoussais la porte de cette échoppe qui ne m'avait pourtant rien fait, le type me rattrapa : »Prenez ça aussi, ça me fait plaisir ».
« Qu'est-ce que c'est ? » dis-je en prenant l'objet.
Le type avait l'air possédé : « C'est une statuette de vierge Orante, un authentique vestige de l'Acropole d'Athènes qui chante l'Ave Maria quand on la retourne »
Je retournai la statuette en plastique d'un joli vert fluo et je pus lire son épigraphe « Made in Taïwan ».
Ça s'est mis à nasiller : « Ave Maria … Oh mother hear a suppliant child »
Ça ne chantait même pas en latin. J'ai pris mes jambes à mon cou.
Voilà

7 mars 2020

Eve et les Non-sens (Vegas sur sarthe)


Au huitième jour le Créateur décida que c'était plié et qu'il était temps qu'IL s'octroye ce qu'IL nomma le jour de AirTéTé.
Comme IL allait s'endormir du sommeil du juste ON tambourina à sa porte.
Ce ON ne pouvait être qu'un des deux bipèdes créés au sixième jour mais il jeta quand même un coup d'œil au Judas, une espèce de lucarneau qui permet d'épier hypocritement et dont il usait pour la « toute première fois, toute toute première fois » comme bramait déjà sa Jeanne Mas.
C'était Adam son bipède mâle, celui avec une côte en moins mais qui le valait bien... alors IL lui ouvrit.
« Ça roule comme tu veux, Adam ? » demanda le Créateur somnolent.
« Euh... Caïn Caha » répondit Adam « la vie n'est pas un long marigot tranquille dans votre eden »
Tout en notant l'expression digne d'un titre de film, le Créateur reprit : «Justement à propos de Caïn, tu n'as pas oublié ce que je vous ai dit : Croissez et multipliez-vous»
« Euh... justement, c'est rapport à cette Eve » bougonna Adam.
«Qu'a t-elle fait déjà? » demanda le Créateur.
IL avait dit Déjà car il était trop tôt pour dire Encore – question de bon sens – mais IL ne perdait rien pour attendre.
« Ah ça pour croisser elle croasse» pleurnicha Adam « mais elle m'ignore comme si elle était seule sur Terre. Il n'y en a que pour son Genèse Magazine, son cœur croisé de latex et ses loup-bouquetins ! »

Le Créateur s'emporta : « A quoi ça sert que je me sois décarcassé ? ».
Tout en notant l'expression digne d'une publicité pour aromates IL explosa : «Nom de Dieu ! Je vous ai donné cinq sens... c'est pas fait pour les canidés»
« Euh... je les ai bien essayés tous les cinq, surtout le toucher » protesta Adam « mais c'est à croire qu'elle en a un sixième...»
Le Créateur nota l'expression Sixième Sens digne d'un titre de film d'horreur et poursuivit en verlan : «Mais que dit-elle quand tu la pécho ? »
« Elle dit NON ! » lança Adam « toute la journée, elle fait Non, Non, Non, Non ».
«Ca va, ça, fais pas ton Polnareff» soupira le Créateur en se grattant la sainte barbe « mais tu la pécho dans les règles au moins ? »
«Dans les règles... au sens propre ou au figuré ? » interrogea Adam.
« Dans les règles comme n'importe quel missionnaire, quoi » s'impatienta le Créateur.
Adam nota l'expression Missionnaire pour son projet de kamasutra et demanda «C'est donc ça qu'on appelle dans les règles ? »
« Ça tombe sous le sens » soupira le Créateur et il ajouta « sinon ça serait un contresens, comme ils disent à Sodome ».
« Alors » conclut Adam «cette manie qu'elle a de dire NON tout le temps, c'est un Non-sens ? »
« C'est pas faux » acquiesça le Créateur en notant l'expression pour un prochain défi de son Samedi …
« Oui mais alors y'a pas d'solution ? » s'inquiéta Adam.

Le Créateur se gratta à nouveau la sainte barbe et dit : « Je pourrais la doter d'un OUI-sens – un truc que je gardais pour ma Genèse 2.0 – mais je crains des effets secondaires »
« M'en fiche ! » s'exclama Adam qui en avait marre des chèvres.
«Réfléchis bien» dit le Créateur « le OUI-sens ça pourrait mener à la nymphomanie alors que le NON-sens c'est plus cool»
« C'est pas très grave » dit Adam « je fais moi-même un peu de satyriasis »
« Bon » conclut le Créateur, « j'avais prédit que vous auriez 33 bipèdes mâles et 23 bipèdes femelles, mais n'en faites pas trop quand même parce que c'est moi qui finance».
« Et ce OUI-sens, ça va prendre du temps ? » demanda Adam en trépignant d'impatience.
« C'est déjà fait » dit le Créateur en souriant « ne l'entends-tu pas t'appeler ? »

Au loin ON chantonnait du Julie Pietri ...
« Oh femme unique, péché, désir
Pour un serpent de bible
A brisé son empire »
Par le Judas, IL regarda Adam détaler : »Surtout, ne me remercie pas »  

29 février 2020

Honteuse femelle (Vegas sur sarthe)


En lui offrant ça j'étais bien conscient que je lui offrais une légumineuse, alors j'ai dit pour faire plus romantique  « C'est une sensitive, ma biche ».

La fleuriste antillaise avait été nettement moins sensible pour une fleuriste, elle appelait ça une honteuse femelle, une herbe mamzelle mais je me suis dit que Germaine aimerait quand même ça car elle n'était pas jaune … Germaine a horreur du jaune.
Elle m'avait rencardé sur ce machin et j'avais noté des termes comme pétioles Doudou, pennes Doudou et folioles Doudou.
J'avais lu des trucs surprenants, comment ça refermait ses feuilles au moindre choc ; même que ça fermait ses feuilles la nuit tout comme Germaine à l'hôtel du cul tourné !
C'est une technique pour se défendre contre les prédateurs nocturnes ; ainsi, Germaine était nyctinastique et moi par voie de conséquence un prédateur nocturne, bref.
La fleuriste avait ponctué nyctinastique par un « I pa bon ».
J'évitai le sujet avec Germaine, me contentant de lui tendre le bouquet.
J'avais lu aussi que la sensitive pouvait infester les cultures – un peu comme Germaine – mais j'évitai aussi de le préciser tout comme son caractère toxique du à la présence de nombreux alcaloïdes.
De toute façon Germaine n'avait pas l'habitude de brouter les bouquets que je lui offrais … enfin, rarement.
« Quelque chose à te faire pardonner ? » a t-elle questionné en cherchant un vase.
J'ai réfléchi quelques secondes ; non, je n'avais rien à me faire pardonner ce jour-là.
Germaine était toujours méfiante à propos des cadeaux gratuits.

Pour l'entretien la fleuriste antillaise m'avait conseillé une douche deux fois par semaine … mais je me gardai bien de lui avouer que j'en prenais chaque matin.
C'était bien la première fois qu'une fleuriste me parlait d'hygiène corporelle à moins que cette plante ne soit vraiment malfaisante.
Germaine avait posé le vase sur le buffet : »Si c'était pas bleu, j'aurais juré que tu me ramenais du mimosa »
« Je connais tes goûts, ma biche » ai-je rétorqué en me gaussant.
« C'est pas de la peinture au moins ? » a t-elle insisté en reniflant les inflorescences bleutées.
« Tu le sauras vite » ai-je répondu « la fleuriste préconise deux douches par semaine »
« Tu sentais si mauvais que ça ? De quoi elle se mêle cette fleuriste ? » a rugi Germaine.
« Je suis bien d'accord avec toi » ai-je rétorqué « de quoi elle se mêle ? »
« ça sent bon » a conclu Germaine.
La fleuriste aurait dit « I bon » mais je n'ai rien ajouté.

22 février 2020

Un gros potentiel (Vegas sur sarthe)


Quand j'ai connu Germaine et quoi que vous en pensiez elle était plutôt timide, du genre vierge effarouchée mais en moins vierge quand même.
Toujours est-il que malgré mes encouragements elle se limitait à de minuscules 'o' et des 'a'  tout aussi discrets.
Mais je n'étais ni frustré ni résigné, son père m'ayant vanté son fort potentiel, « un très gros potentiel » disait-il d'un air goguenard.
Alors je l'ai mise au travail, d'abord sur la table de la cuisine puis à ce que j'appelais son cours du soir sur le canapé où elle perfectionnait sa technique, gommant tel ou tel défaut.
Elle s'exerçait même au lit tandis que je lisais Diderot – oui je relisais ses Essais, en particulier son « Regrets sur ma vieille robe de chambre » ça vous étonne, hein – tout en épiant ma besogneuse du coin de l'oeil.
Aussi ne fus-je pas surpris qu'après quelques semaines elle exprime sur le canapé son premier 'O' majuscule, un O bien dodu, plantureux qui me mit en joie alors que sur Canal se tirait un penalty décisif dans les arrêts de jeu.
Enhardie, Germaine avait mis les bouchées doubles ; en l'observant toujours à la dérobée je lui trouvai le poignet plus souple et une certaine frénésie dans le regard.
Il fallait la voir penchée sur l'ouvrage, jamais lassée de la corvée, attentive à mes conseils, retouchant le dessin de la ligne d'un sein comme chantait Aznavour.

Pour ma part je m'endormais facilement – c'est ce qu'on appelle l'effet Diderot – sans savoir que ce qu'elle aimait avant tout c'était le X ...
Un soir nous étions au lit, moi relisant la « Lettre sur les sourds et muets » et Germaine en plein exercice quand sans crier gare – et sans rien crier du tout – elle nous exécuta une figure inédite qui me sidéra au point que j'en lâchai mon Diderot.
Ce qu'elle venait de nous faire ressemblait à une sorte de Huit à plat, un ample mouvement circulaire si artistique et aux courbes si lascives que le drap et la couette en furent maculés … c'est bien le seul reproche que je peux faire à la plume sergent major qui est nonobstant (j'adore placer nonobstant) la meilleure des plumes.
Cet emblème de victoire  après la restitution de l'Alsace et de la Lorraine en 1919 venait de prendre dans les doigts agiles de Germaine une dimension nouvelle.
L'encre violette c'est ce qu'il y a de plus récalcitrant au lavage mais Germaine avait franchi un cap et je lui pardonnai cette incivilité.

Adieu pattes de mouche ! Germaine touchait au sublime, elle venait de hausser son art à un niveau si élevé que je lui offris illico une belle récompense … ce Waterman 4 couleurs que j'avais jadis gagné au tir dans une fête foraine et qui dormait dans un tiroir.
Cette nuit-là elle me fit une pleine page multicolore de ce Huit à plat qu'elle appelait une lemniscate et qui avait parait-il inspiré les grecs pour sculpter les hanches de leurs Aphrodites.
Du coup ses lemniscates m'ont donné des idées et j'ai délaissé les essais de Diderot ; son père avait raison : Germaine a un fort potentiel.
Si je ne craignais pas la concurrence je l'inscrirais bien au Défi Du Samedi ...
  

15 février 2020

Le kilt pour les Nuls (Vegas sur sarthe)

kilt[1]


Connu pour sa légendaire pingrerie l'écossais porte le kilt sens dessus dessous c'est à dire sans dessous dessous.
Si le kilt est appelé jupe portefeuille il ne contient guère que quelques bijoux de famille sauf s'il est porté par une femme ce qui est rare.
Il est conçu sans poches afin ne pas avoir à faire l'aumône.
Le kilt est constitué d'un tissu de même nationalité – l'écossais – afin de rendre fous et faire fuir les caméléons car le caméléon a la réputation de se nourrir de cricket (première spécialité écossaise) et de tartan (seconde spécialité écossaise) en laine de mérinos.
Le tartan est une étoffe rare car il arrive que le mérinos mange le caméléon.
Le tartan est une étoffe qui s'apparente au vitrail de par ses carreaux de couleurs mais c'est leur seul point commun.
Le port du kilt nécessite un certain savoir-faire et bien sûr un savoir-défaire. S'y draper prend statistiquement entre un quart d'heure et deux jours, c'est pourquoi certains n'hésitent pas à dormir dedans.

La technique est simple en apparence :
Draper le rectangle de 5 mètres de tissu autour de la taille en vous assurant que les plis sont à l'arrière . Si les plis sont à l'avant, il faut se tourner et recommencer en veillant à ce que la bordure basse du kilt arrive au genou ; si elle arrive aux chevilles, recommencer en montant sur une chaise.

Attacher le kilt en tirant sur la lanière en cuir du tablier droit (qui est donc le tablier de dessous sauf pour les gauchers).
Avec la main gauche sur la hanche droite, attacher la lanière sur le tablier gauche (qui est donc le tablier de devant sinon il faut se retourner et recommencer) sur les boucles à droite qui sont au nombre de deux en commençant par celle du haut sauf s'il n'y en a qu'une …

Le bord frangé du kilt doit se trouver sur la droite (ou la gauche pour les gauchers) et le kilt doit être bien centré. Vérifier le centrage au moyen du repère inscrit sur le tartan au milieu du tablier de devant. Si le repère n'est pas visible c'est qu'il se trouve derrière vous, il faut vous retourner et recommencer au début.

S'il vous reste du temps (le temps est gratuit sauf pour un écossais), complétez par des chaussettes à rubans en fil d'Ecosse, des chaussures basses, une escarcelle qui palliera à l'absence de poches, un gilet et une veste.
On peut terminer le déguisement par un petit couteau glissé dans la chaussette droite (pour les droitiers) et qui servira à découper rapidement tout ce bazar en cas d'urgence …

Conseil pour le laçage des chaussures basses : Quel que soit le type de laçage – haut, de côté ou bas –  terminer par un joli nœud de taille respectable (comme celui caché sous le kilt)

Bon kilt (en écossais : Happy kilt)

8 février 2020

Le mot de trop (Vegas sur sarthe)


« C'est quoi ce mot que tu viens de poser ? JOUTE ? On avait dit Pas de mots inventés ! »
« Euh ... »
« Je comprends que tu veuilles te débarrasser du J qui vaut 8 points sauf que Goutte s'écrit avec un G et deux T »
« Euh ... j'avais pas prévu de mettre un G puisque j'en ai pas»
« Alors parce que Madame n'a pas de G elle met un J et elle croit que je vais accepter ça»
« Euh … j'ai posé JOUTE parce que c'est un mot qui existe»
« Dans tes délires, oui ! Tu vas encore me prendre pour une brelle et me sortir ta science … une histoire genre remède de grand-mère en patois ou un combat médiéval. On joue pas à la bataille navale, que je sache ! »
« Euh justement, il s'agit d'une bataille»
« Franchement t'avais le choix entre JUTE et JOUE … ou même JOUET. Remercie moi, je te tends la perche»
« Justement, il s'agit bien de perches mais comme tu le suggères je remplace par JOUET puisque c'est les mêmes lettres »
« T'es gonflée ! Madame a décidé qu'on pouvait changer les lettres comme ça en dépit du règlement »
« Mais je permute juste le T avec le E »
« Pas question ! »
« Mais un E ça vaut un point comme le T … ça change quoi au total ? »
« Ca change que tu remplace ton mot foireux par un mot valide et que t'as pas le droit »
« Bon, ben je laisse ce mot foireux que tu vas chercher tout de suite dans le dictionnaire »
« Dans le quoi ? Tout de suite les grands mots ! Pas de dictionnaire ici ma p'tite dame, on joue à l'instinct, sûr de sa culture sinon c'est pas la peine de jouer. Tu ferais ça dans un tournoi officiel ?»
« Justement, une JOUTE c'est un tournoi »
« Ne m'embrouille pas»
« Et puis t'as jamais entendu parler de joute verbale ? »
« Non Madame »
« Et bien c'est ce qu'on fait depuis cinq minutes »
« N'importe quoi »
« Et t'as jamais non plus entendu parler de joute amoureuse ? »
« Ne change pas de sujet, enjôleuse. Pose ton JOUET si tu veux mais c'est la dernière fois»
« Oui Môssieur, c'est bien la dernière fois »
 

1 février 2020

La grenouille et le lotus (Vegas sur sarthe)


Je l'ai trouvée au petit matin assise sur le lit, les jambes croisées – pied droit sur la cuisse gauche et vice-versa – les mains croisées sur les genoux et les yeux pas croisés mais grands ouverts.
Comme je trouvais cette posture incongrue pour quelqu'un qui depuis notre mariage dort en travers du lit jusqu'à neuf heures, j'osai m'inquiéter pour sa santé.

Germaine me répondit d'une voix que je ne lui connaissais pas : »Pas d'inquiétude, bébé … je fais un padmāsana”.
“Tu fais un quoi ?” m'enquis-je en songeant à tous ces nouveaux virus qui contaminaient la planète.
“Un padmāsana, ce que les non-initiés appellent la position du lotus, bébé”
Elle me traitait de non-initié, moi l'amateur éclairé de cette position intime !
Je lui fis remarquer qu'elle se pratiquait à deux et qu'elle aurait pu m'y inviter conjointement en tant que conjoint.
Germaine avait repris sa voix habituelle et j'eus droit à un flot de qualificatifs allant du paillard à l'obsédé sexuel en passant par le pervers et le débauché, ce qui me confirma que je m'étais bel et bien gouré de lotus.
« C'est une position propice à la méditation et qui mène à l'illumination » ajouta t-elle en refermant les yeux et elle conclut dans un soupir plus empreint de spiritualité que d'érotisme « Maintenant oublie moi, bébé »

L'oublier ?
Oublier ce pied posé sur sa cuisse et cet autre pied sur l'autre cuisse ?
Etait-ce ma Germaine habituée à se plaindre tantôt d'arthrose ou tantôt de lombalgie ?
Elle avait du souffrir le martyr pour parvenir à cette posture alambiquée dont elle ne sortirait pas facilement.
Mais ce qui me choquait le plus dans son attitude c'est qu'elle portait mes charentaises aux pieds ce qui acheva de faire retomber ma libido, et puis je tenais trop à mes pantoufles pour les prêter à je ne sais quelle imposture.
Vexé de n'avoir pu amener Germaine sur mon terrain favori, je me suis alors souvenu d'une citation de Louis Pauwels – oui, le soir dans mon lit je lis les écrivains français, et alors ? – qui disait «S'il suffisait de s'installer en position de lotus pour accéder à l'illumination, toutes les grenouilles seraient des bouddhas »

Qu'est-ce qui m'a pris de lui balancer cette citation alors qu'elle semblait sur le point d'atteindre l'illumination suprême ?
Toujours est-il que la grenouille en question n'a pas apprécié ma remarque et que les charentaises mes sont parvenues en pleine citrouille avec une précision diabolique.
Avant que j'aie pu les chausser, Germaine m'a flanqué à la porte de notre chambre d'où elle n'est plus sortie depuis … depuis quand déjà ?


Je tiens à remercier les pompiers pour leur efficacité.
Une fois la porte défoncée, ils sont parvenus à déplier Germaine et à la remettre sur ses jambes ankylosées.
Le médecin lui a interdit le Sûtra du lotus jusqu'à nouvel ordre, quant aux coassements qu'elle émet de temps à autre et qui avoisinent les cinquante décibels, il paraît que ça devrait disparaître … sinon on a le choix entre des boules Qiès et une opération de la glotte.
 

25 janvier 2020

Du bruit dans la chaumière (Vegas sur sarthe)


Je venais juste de garnir les gamelles pour calmer les Miaou et les Wouf de nos fauves quand j'ai perçu un bruit non répertorié provenant de notre chambre.
Je croyais pourtant avoir domestiqué tous les bruits de cette maison depuis qu'on l'avait faite construire il y a quarante ans.

Ce n'était ni le Clap clap clap des mules de Germaine – ses chaussons bien sûr, pas des bardots encore que Bardot porte aussi des mules – ni le Clac clac exaspérant de ses loups-bouquetins, c'est ainsi que j'aime moquer ses escarpins bon marché.
Non c'était plus subtil, comme un bruissement soyeux entre Frou frou et Froutch, un froissement de tissu suivi d'un Raaah que je trouvai incongru pour un début d'après-midi.  
Je dois dire que les Raaah de Germaine retentissent invariablement en fin de soirée un peu après les Guili guili et avant le Tagada tsoin-tsoin, un rituel qu'elle appelle pertinemment le Hop-là et dont je vous épargnerai la liste fluctuante d'onomatopées.

J'en étais là de mes supputations quand un Coin Coin tonitruant nous cloua sur place, notre ménagerie et moi.
Qu'est-ce qu'un Coin coin foutait à cette heure dans notre chambre ?
Kukuriku – notre chienne malinoise – avait instinctivement retroussé les babines et j'en fis de même quand une Germaine échevelée sortit de la chambre comme une furie, suivie du Vlan bien compréhensible de la porte.
Avant que Germaine ait ouvert la bouche, Kukuriku s'était jetée sur l'objet vibrant son dernier soupir et entreprit de le dévorer avec d'horribles Gnap.

« Ces foutus canards connectés, c'est d'la daube ! » s'écria Germaine hors d'elle c'est à dire hors de cet affriolant déshabillé commandé sur Ecuyère – ou Amazone, je ne sais plus – et qui lui avait valu en prime le dernier cri (Coin Coin) de la haute technologie libertine, le Duck Fripon 2.0 !  
« Hummm » osai-je pour toute réponse et conscient que tout commentaire risquerait de faire capoter notre prochain Hop-là.

«Beurk» fit Kukuriku qui parlait humain à ses heures et dont les crocs achevaient de démembrer le fâcheux volatile.
Boudeuse, Germaine avait prestement gagné son boudoir, notre salle de bains où je reconnus bientôt le doux ramage de ses Bla bla bla et Na na ni, Na na na, ceux-là même qu'elle échange à longueur de forfait téléphonique avec ses amies.

Après ce Couac intempestif notre maison semblait retrouver ses bruits familiers, ce rassurant ordonnancement qui fait qu'on s'y sent comme chez soi.
Kukuriku notre gourmande malinoise digérait l'objet du délit mise à part sa pile au lithium que je comptais bien récupérer dans sa petite déjection du matin.
Dans le boudoir les Na na ni, Na na na n'en finissaient pas de bouder; Germaine devait raconter ses malheurs à quelque curieuse confidente, pester contre cette notice en 12 langues quand une seule langue aurait suffi à faire son bonheur...
Alors Hop-là ou plus simplement Hop ! d'un saut de cabri sur mon Lanskrona en cuir pleine fleur (ne cherchez pas, c'est du suédois) je m'installai – zapette en main, Youpi – pour une après-midi de calme et de volupté.

18 janvier 2020

La zizanie (Vegas sur sarthe)

 


A voir la mine défaite de Germaine j'ai compris qu'il était revenu mais c'est plus fort que moi, j'ai quand même posé la question : « Le prédateur est revenu, hein ? »
Germaine a confirmé « Oui, il est revenu »
« Je suppose que c'était pour la même chose ? »
« Oui, toujours la même chose »
« Et ça c'est passé pareil ? »
« Tu sais, c'est bien orchestré, ils ne dévient pas d'un poil ces types là »
Je savais comment ça se passait mais je demandais toujours : « C'était pareil comment ? »
« J'te l'ai déjà dit, il entre, j'monte sur la chaise de la cuisine pour attraper la boîte à sel en haut du buffet»
« Et tu lui donnes le sel ...»
« Non, il a dit que le sel ça vaut plus rien depuis qu'c'est produit à grande échelle »
« C'est nouveau ? Il faut une grande échelle pour récolter le sel maintenant ? Et après ce bobard, il fait quoi ? »

«Y m'regarde un peu et y repart »

J'ai haussé le ton : « Il est pas fatigué de te regarder monter sur cette chaise depuis le temps ? Je me demande s'il n'en pincerait pas pour toi et si j'vais pas le signaler à sa hiérarchie. Balance-ton-gabelou, c'est pas fait pour les chiens !»
Germaine a eu l'air surprise de cet accès de jalousie : « C'est pas utile. Y fait ça aussi chez les Martinet, chez les Trotte-Queue et même chez la mamie du 5ème »
«Il monte les 5 étages jusque chez la p'tite vieille ? Mais elle a au moins 80 ans»

« 82 ans l'mois prochain ... »
« Et il force aussi la vieille à monter sur une chaise ? »

« Non, il lui dit qu'c'est pas la peine. C'qu'il veut c'est la madeleine »
« Madeleine ? Qui s'appelle Madeleine ? »
« Non … il prend une madeleine dans sa boîte à madeleines et il s'en va »
J'en reste abasourdi : « Et chez les Martinet, c'est la même chose ? »
Germaine hésite : « J'ai essayé d'savoir mais y sont pas très causants. J'sais même pas s'ils ont les moyens d'avoir une chaise de cuisine »
« Et chez les Trotte-Queue ? Y sont pleins aux as les Trotte-Queue »

Germaine a un petit rictus : « Oh chez eux, c'est Madame qui s'empresse d'ouvrir la porte et la collecte dure un sacré moment, à croire que les chaises sont bancales ou qu'ils fabriquent des madeleines de contrebande »

«Tu vois Germaine, tu m'ôteras pas de l'idée que cette histoire de gamelle c'est juste pour arnaquer les braves gens »
« Gabelle mon chéri, pas gamelle … y disent gabelle à la T.S.F. »
« Ouais, c'est des excréments de langage tout ça, juste pour nous embrouiller ! C'est comme leur histoire de caisse de retraite départementale … tu sais à quoi elle ressemble toi la caisse de retraite départementale ? Et l'âge charnière … t'en as déjà vu des âges charnières ?»
Germaine cherche un peu : « Y'a bien une caisse avec des charnières chez la mère Delevoix, la concierge mais ... »
« Laisse tomber Germaine, tout ça c'est de l'enfumage »


Germaine s'approche de moi pour chuchoter comme si nos minces cloisons étaient sur écoute : « T'sais pas qu'le fils Troquet a fait l'concours pour devenir collecteur ? »
« Le fils Troquet ? Mais il est déjà employé à La Belle Jardinière»
« Tout juste. Parait qu'c'est nouveau, ça s'appellerait le cumul des mandales»
« Le cumul des mandales ? Justement Germaine, y'a des claques qui se perdent au gouvernement »
« T'énerves pas chéri, les Martinet disent que le régime de Vichy va mettre son grain de sel dans tout ça»
Je m'emporte (c'est rare mais après je me rapporte) : »On en reparlera de leur régime à l'eau minérale ! Tiens, sers-moi plutôt un ballon de Côtes du Rhône avant que ton obsédé ne vienne le collecter ! »
Je fronce les sourcils et j'ajoute : « Au fait, le tonnelet de Côtes du Rhône … ne le mets pas en haut du buffet de cuisine, il sera mieux par terre»


Germaine vire au rouge cramoisi, façon Bordeaux : « Qu'est-ce que t'insinues ? Que j'mets les choses en hauteur pour que ce type mate mes cuisses ? »
J'ai pas envie de Paul et Mickey comme disent les chansonniers à la T.S.F.
Je reviens à des considérations plus terre à terre : « Tu vois Germaine, tu m'ôteras pas de l'idée que cette histoire de gamelle c'est juste pour foutre la zizanie dans les couples »
« Gabelle Bon Dieu, pas gamelle »
« C'est bien ce que je disais … la zizanie »

11 janvier 2020

La véritable recette du FAR breton (Vegas sur sarthe)

 

Un grédient … et plus

  • 250 g de FARine dite gruau

  • 1 pincée de sel

  • 100 g de susucre

  • 4 cocos de poule de Janzé ou de Coucou de Rennes

  • 100 g de beubeurre salé mais fondu mais salé

  • 1 litre de lolo de Pie noire (attention, le lait est blanc)

  • 1 couteau breton avec une lame sèche

  • 150g de pruneaux à jeun

  • 10cl de rhum arrangé breton

FARfouillage

  1. Dans un saladier – ou un bobardier ou un menteur – versez la FARine, pincez le sel entre pouce et index puis versez les cocos un par un en mélangeant c'est à dire un coco puis mélanger puis un coco puis mélanger puis un coco puis mélanger puis un coco puis mélanger puis c'est tout car on n'a que 4 cocos.

  2. Continuez à mélanger vigoureusement « à la bretonne » pour que la bouillie soit assez homogène mais pas trop car s'il y a trop d'homogène y'a pas de plaisir.

  3. Ajoutez ensuite le susucre et mélangez à nouveau vigoureusement « à la bretonne » pour que le farfouillage soit assez homogène comme avant.

  4. Faites fondre le beubeurre salé pour faire du beubeurre salé fondu et inoculez-le (ça fait pas mal) au farfouillage.

  5. Mélangez à nouveau vigoureusement « à la bretonne » sinon ça ne sera pas un FAR breton et versez ensuite le lolo préalablement tiédi de façon progressivement progressive.

  6. Reposez-vous sans toucher au rhum arrangé et laissez également reposer le farfouillage 30 minutes voire une demi-heure mais pas plus.

  7. Préchauffez alors le four-à-FAR à 200°C ou à 390 °F si vous n'avez pas de °C.

  8. Pendant ce temps allez vous faire beurrer le moule avec un peu de beubeurre fondu, puis versez-y le farfouillage.

  9. Vous pouvez – si ça vous dit toujours – placer le tout au four-à-FAR pendant 40 minutes voire 40 minutes mais pas plus.

Si le FAR vous gonfle trop, allez vous faire cuire un coco ou baissez la température de votre four-à-FAR jusqu’à la fin de la cuisson c'est à dire 40 minutes mais pas plus.

Lorsque le FAR breton est cuicui, plantez-y la lame d'un couteau breton qui doit rester sèche voire archisèche comme les chaussettes de la duchesse Anne de Bretagne.

Le FAR doit être tout juste coloré – quelle que soit la couleur – sur le dessus et ferme à l’intérieur c'est à dire là où vous avez planté la lame du couteau breton .

Ultimatum

Pour réaliser un vrai FAR breton, vous ajouterez les pruneaux à jeun marinés dans un peu de rhum arrangé breton. Le tout à déguster avec une boisson locale, le rhum arrangé breton bien sûr !

 

4 janvier 2020

Le Noël de Petit-Faucon (Vegas sur sarthe)


En cette belle nuit de Noël, Petit-Faucon ne dort pas, il veille en rêvant.
Depuis que Petit-Faucon a dépecé sa couette en plume d'oie pour tenter de s'en faire une coiffe, papa – Crazy Horse Débauché – et maman –  Cooking Chef Connectée – l'ont confiné dans sa chambre, loin du sapin dressé en totem dans le salon.
Il a eu beau déployer des ruses de sioux pour s'en approcher, rien ne laisse présager du moindre cadeau à venir sous ses mocassins bien rangés.
Pourtant il sait que le sien va arriver, il en est certain car il l'a lu dans les signaux de fumée de la cheminée du grand incinérateur d'Ivry-sur-Seine près duquel il habite avec sa tribu de frères et sœurs.
Depuis le 14ème étage de son tipi, Petit-Faucon adore déchiffrer les messages que lui envoie Butor Déplumé, son papi parti rejoindre leurs ancêtres navajos dans les hautes plaines de l'Utah …

Son cadeau va faire pâlir tous les blancs becs du quartier qui pourront aller « se consoler » avec leur sempiternelle Nintendo ou leur nouvelle PS4.
Il lui tarde tant que le jour se lève.
Petit-Faucon sera si fier dans sa parure en plumes d'aigle disposées en couronne comme la roue du paon du zoo de Vincennes !
Il serre dans son poing son joujou de Noël dernier, un joli couteau de chasse qui avait fait des merveilles même si le scalp de la poupée Barbie de sa petite sœur lui avait valu une raclée mémorable.
 
Demain matin dans la cuisine, maman –  Cooking Chef Connectée – mijotera le traditionnel repas pour célébrer la naissance du papoose dans le wigwam de Bethléem, un repas vite expédié pour pouvoir descendre dans la rue et montrer ses cadeaux aux copains.
Sûr que toutes les gamines du quartier n'auront d'yeux que pour Petit-Faucon-Emplumé ; peut-être réussira t-il à convertir Dolly sa jolie petite voisine du 13ème étage, à lui faire partager le rituel ancestral du calumet et celui de la danse qui chasse les Mauvais-Esprits.
A Ivry-sur-Seine, le Mauvais-Esprit c'est le gardien de l'immeuble qui ne supporte pas qu'on joue dans les escaliers et le calumet n'est rien d'autre que la pipe sacrée en bois de cerf – héritage de papi Butor Déplumé – bourrée d'une poignée d'herbes sèches.
Quand Petit-Faucon lui a expliqué que Doli en navajo veut dire Oiseau Bleu elle a éclaté de rire avant d'aller cafter le secret à ses copines.

Demain, dans sa parure de plumes d'aigle, il en sera tout autrement … elle acceptera qu'il l'appelle Oiseau Bleu et les yeux levés vers le ciel ils fumeront ensemble l'herbe interdite derrière le local à poubelles, l'herbe des plate-bandes du Mauvais-Esprit, celle qui fait tousser et fermer les paupières.

A moins que demain il en soit tout autrement …  les blancs becs du quartier iront échanger leurs cadeaux relou par milliers, Dolly qui rêve d'être danseuse de cabaret jouera avec ses copines à Zizi Jeanmaire ou à la grande Zoa et Santa Claus fourbu ira remettre sa hotte à la consigne chez Amazon ...

28 décembre 2019

Glycérine (Vegas sur sarthe)


Tout en rigolant l'employé de la SPA – un dénommé Alfred Nobel – nous avait bien prévenus : «Pensez à ajuster la laisse à la bonne longueur, car avec Glycérine c'est nitro ni trop peu sinon elle va partir comme un bâton de dynamite»
Avouez qu'il faut être un peu taré pour appeler une chienne Glycérine, bref on a réglé la laisse comme avait dit Alfred et Germaine s'y est attachée … côté maîtresse, pas côté chienne évidemment.
Germaine ne dévoile son côté chienne que dans l'intimité de notre appartement. Tiens j'y pense … la chaise gothique que je vais offrir à Germaine nous promet de belles galipettes !

A propos la seule dynamite que j'avais approchée de près jusqu'à présent c'était Germaine dans nos premiers ébats mais la routine avait mouillé la mèche et le pétard explosait moins souvent … je dirai qu'il faisait long feu, bref notre nouvelle compagne à quatre pattes était sensée redonner un souffle nouveau dans notre foyer.
Coluche disait qu'il y a des gens qui ont des enfants car ils n'ont pas les moyens de s'offrir un chien mais notre cas était tout autre : cette chienne allait être le ciment de notre couple, le pompon sur la cerise quoi.
Pour l'heure c'est Glycérine qui tire à tout va et Germaine a toutes les peines du monde à mener l'équipage sur le chemin du retour.  

Au pied de notre immeuble – soit dit en passant interdit aux animaux même ne faisant que passer – la gardienne est en train de monter la garde puisque son titre l'indique.
Fière de notre chienne Germaine ne peut s'empêcher de vendre la mèche : »C'est Glycérine, notre nouveau locataire ! »
« Vous avez pas l'air de la maîtriser » rouspète la gardienne qui elle aussi est rousse.
« On n'a pas encore bien l'habitude » s'excuse Germaine.
Avec un rire de crécelle la gardienne nous lance : « Vous devriez passer au TNT ».
« Euh … Non merci » répond Germaine fort à propos «on a déjà Canal Plus »
« Le TNT Ma'ame Vegas … z'avez jamais entendu parler du trinitrotoluène ? » fanfaronne notre érudite gardienne.
« Euh ... » Germaine perd la main sur Glycérine qui s'oublie – en grand écart – sur le paillasson du cerbère qui poursuit : « La nitration du toluène Ma'ame Vegas… y z'ont posé la question aux Douze coups d'midi sur la Une à midi ! » et elle ajoute « si vous zieutez que vot' Canal Plus, vous pouvez pas savoir »
« Nous, la vibration de Nolwenn, ça nous passionne pas plus que ça » réplique Germaine en cherchant mon approbation du regard.
J'observe la petite flaque qui progresse en direction de Germaine, tout comme notre gardienne au regard affûté qui s'en inquiète par pure solidarité féminine : »C'est pas des loups-bouquetins au moins qu'vous portez Ma'ame Vegas ? »
Germaine campe fièrement sur ses pilotis, indifférente à la marée : »Vous faites pas de bile, ça craint rien, c'est pas du loup mais du veau retourné … et puis je vais devoir m'y habituer maintenant ! »
Je réalise ce à quoi nous allons devoir nous habituer car nonobstant mes ennuis de prostate nous n'avons jamais subi ce genre d'inondations … (J'adore glisser un petit nonobstant de temps à autre)

« Et bien moi, j'm'y ferai jamais, Ma'ame Vegas !» hurle la gardienne « vous allez devoir affronter le syndic ! »

La gardienne furibonde s'éclipse et revient avec une wassingue estampillée Défi 584.
Je n'ai pas envie de relancer une polémique vieille de quelques semaines.
C'est fou comme le temps passe. Il faut que je file.
J'emprunte l'ascenseur mais promis, juré … je le rendrai.

21 décembre 2019

Game of Trône (Vegas sur sarthe)


Mission accomplie ! Youpi ! Dans l'agitation et la cohue qui bouscule les chalands à l'approche des fêtes et en cette période de trouble social j'ai finalement déniché le cadeau de Noël pour Germaine ; un superbe cadeau à la fois utile et original qui la laissera sur le cul, enfin pas tout à fait car il s'agit d'une chaise gothique .
Mais pas n'importe quelle chaise, d'après le vendeur de la boutique « Troc en stock » c'est l'authentique siège épiscopal où la papesse Jeanne posa son auguste fessier en 855 et ne l'en retira qu'en 858 pour accoucher … il a même précisé que l'expression « la chaire est faible » était née avec ce marmot justement arrivé par le siège.
Cette chaire porterait encore les traces laissées par les forceps mais on a du mal à les distinguer parmi les graffitis gravés au fil du temps par quelques gothiques fanatiques et une enluminure « Made in China » en lettres dorées du plus bel effet … bref, Germaine va être scotchée !
   
Il s'agit d'un des derniers sièges épiscopaux à ne pas être percé – je vais encore faire rire Germaine avec cette expression épices copeaux – car à partir de l'an 1000 un diacre voyeur se glissait sous le siège troué pour y vérifier la présence des burnes du pape et confirmer ainsi la virilité du père de l'Eglise !
Je suis sûr que cette histoire olé olé plaira à Germaine et qu'elle va en boucher un coin à ses amies coincées qui ne jurent que par Ikéa.

J'ai agrémenté le saint siège d'une guirlande d'angelots lumineux qui chantent Minuit Chrétien en polonais ! Ses copines peuvent aller se rhabiller pour trouver mieux chez les suédois et puis Germaine adore les crèches et les chants de Noël qui lui rappellent son enfance à Montfermeil chez les Thénardier (parfaitement sa nourrice s'appelait Thénardier, y'a pas d'mal à ça).  
 
Il me reste à planquer le trône au garage derrière la tondeuse à gazon – son cadeau de l'an dernier qu'elle avait moyennement goûté – et son panier de basket d'il y a deux ans.

Bon Dieu ! Vivement Noël … ça va être la foire du Trône, notre Game of Trône en quelque sorte

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