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Le défi du samedi
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18 février 2017

Icônes au clash (Vegas sur sarthe)


“Iconoclastes! Invertébrés! Bachi-bouzouks!” Un torrent d'insultes ad hoc – c'est à dire proportionnel à la somme des carrés des côtés du temple – sortait de la foule des iconodules*.

“Trop de culte tue le culte!” répondaient leurs adversaires sans regarder plus bas que leur nombril tandis que les iconodules ramassaient minutieusement des fragments de statues pour tenter de les recoller.
“Quand les uns s'énervent les autres vénèrent... Comment veux-tu, comment veux-tu qu'on iconocule?” scandait un sympathisant de l'empereur Léon III du haut de son échelle.
Depuis que Leon III cartonnait dans les sondages bien qu'il ait employé illégalement son fils Constantin V, on décimait à tout va toutes les images pieuses à grands coups de marteaux et de pioches.
“Mille millions de mille sabords” gueula un défenseur d'icônes en retenant un mur de mosaïques sur le point de s'effondrer.
“D'abord c'est quoi un sabord?” demanda un sombre iconoclaste.
“Analphabète! Va t'faire voir chez les Grecs” répondit l'autre.
“Mon cul!” répondit le démolisseur “j'en reviens et j'suis pas prêt d'y retourner”.
“Vivement le Concile qu'on répare tout ça” pleurnichait un défenseur d'images pieuses.
“Ca sera quand?” s'enquit son voisin. (On s'enquérait pas mal à l'époque)
“D'après le prophète Elisée ça s'ra en 787 mon vieux, d'ici là y z'auront tout pété, ces sauvages!”
“On devrait appeler les CRS*” suggéra un autre.
Dans un grand fracas les bustes de marbre tombaient un à un comme au chamboule-tout.
“Qui va garantir nos statuts?” demanda un iconodule sénile.
“Celui qui a eu l'idée folle d'inventer l'école” rétorqua l'autre.
“Qui ça? Julius Ferry?” chevrotta le vieux.
“Non! Ce sacré-sacré-sacré-sacré-sacré-Charlemagne” fredonna l'érudit et adorateur de Francegal.
 
L'imposant Christ Chalkitès accroché à la porte de bronze du Grand palais de Constantinople fut finalement mis à terre.
“Encore un coup du Sénat!” gémit un iconodule.
“C'est sûr” confirma son voisin “j'ai vu passer un train de sénateur y'a une heure... il allait pas vite”.
“Tous des feignasses, des emplâtres à la graisse de hérisson! Y manquent pourtant pas d'assistants” gronda le premier.
Plus loin deux forcenés se disputaient une Pénélope de marbre au risque de la démembrer.
“Et mon culte, c'est du poulet?” hurlait l'iconodule cramponné à la croupe callipyge.
“T'occupes pas de l'oie blanche, ectoplasme à roulette” criait l'autre “ça sert à rien tout ça. C'est de l'idolâtrie, du marketingue!”
“Du marque quoi?” s'esclaffa l'iconodule.
“Laisse tomber, tu peux pas comprendre. T'es qu'un iconodule, un papou des carpates” conclut l'iconoclaste.
Alors l'iconodule laissa tomber l'oie blanche avec son fuseau, son fil et son diadème.
Le schisme était né.


iconodule: anti-iconoclaste
CRS: Compagnon Réparateur de Statue
Marketingue: Etude de ce qu'il faudrait faire si on était suffisamment bête pour être client
Schisme: Brouille entre un Tchouk-Tchouk-Nougat et un mérinos mal peigné

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11 février 2017

Le hobereau pour les Nuls (Vegas sur sarthe)


Au XXIème siècle le hobereau est devenu un oiseau rare, une espèce volatile.
D'allure élégante il est souvent désargenté à l'inverse de son plumage.
Le hobereau a la “gentillesse” des petits gentilhommes campagnards qui vivent sur leurs terres, arrogants, ne travaillant pas, menant une vie futile et oisive – de petit oiseau –  faite de parties de chasse et de soirées entre nobliaux.
Le hobereau a du crottin sous ses bottes mais c'est du noble crottin sous des bottes de gentilhomme des champs.
S'il adore les endroits humides, on le dit cependant peu coureur; mal armé, il passerait un temps fou à recharger sa pétoire.
C'est pourquoi afin de redorer son blason pâlichon le hobereau épouse souvent une Ermegunde ou une Adrienne ou une de ces femmes dont le bien est aussi conséquent qu'ambigu; on parle alors en chuchotant dans leur dos d'un oncle d'Amérique qui aurait fait commerce d'esclaves ou d'un lointain cousin négociant en Indochine.
De manière imagée on dit que le hobereau “pond ses oeufs dans le nid d'une autre espèce”, une espèce d'une richesse douteuse mais opportune.

Le hobereau a bon dos et l'oeil bordé de noir comme sa fine moustache; son nom viendrait de faux con ou l'inverse mais sous toutes réserves.
Le hobereau aime la chasse à courre mais si les ragots vont bon train, ce ne sont pas ces jeunes sangliers de deux ans, ces “ragots” qu'il traque avec sa meute de corniauds mais toutes ces rumeurs qui courent sur sa jeune femme généralement avenante et peu farouche.
On raconte qu'en deux mots elle se rend souvent à confesse où elle passe des heures auprès de quelque jeune vicaire à avouer Dieu seul sait quels péchés...  
Certain ragoteur à l'oreille aiguisée osera même dire l'avoir entendue au crépuscule pousser de grands hallalis tant la confession est encombrante! On prétend aussi qu'elle préfèrerait le martinet à tout autre oiseau.
Comme des andouillers les cornes que porte le hobereau tombent chaque année pour mieux repousser à chaque nouvelle aventure de ladite Ermegunde ou Adrienne.
Le hobereau possède un manoir à larges ouvertures pour y faciliter la circulation.
Par contre si les ornithologues lui prêtent une queue courte, tout porte à croire que son Ermegunde ou son Adrienne ne s'en satisfait pas... d'où les ragots.
 
Catégorie sociale protégée jusqu'à la fin du XVIII ème siècle, il est interdit de mutiler le hobereau, de le détruire ou l'enlever même si ce n'est pas l'envie qui manque à sa compagne.
Malgré sa vue perçante le hobereau meurt souvent d'un accident de châsses, cataracte ou glaucome; on appelle ça la chute ou fin du sujet.

4 février 2017

391 kilocalories (Vegas sur sarthe)


Se goinfrer ça ne rime à rien, c'est ce que n'arrêtait pas de me seriner ma diététicienne.
Alors j'ai voulu en avoir le coeur net; elle avait raison: ça ne rime avec rien.
Elle et moi on a essayé de trouver une rime en goinfre, et on n'en a pas trouvé.
C'est pourtant pas faute d'avoir cherché.
D'abord on s'est pris deux dictionnaires, deux petits Robert comme je les aime qu'elle gardait au chaud dans son boudoir, à la fois fermes et replets, doux au toucher, de ceux qui donnent envie de mouiller son doigt pour tourner les pages... et d'aller voir toujours un peu plus loin.
Ca avait l'air de l'amuser – en tout cas elle riait bien – et moi je ne boudais pas mon plaisir par dessus son épaule.
A chaque changement de lettre on se tapait un de ces petit en-cas qu'elle garde en réserve pour ses clients en crise d'hypoglycémie: confitures, miel et jus de fruits... mais attention! Que du bio!
A un moment j'ai proposé Gouffre mais c'était trop vertigineux, disproportionné pour un petit Robert.
Comme elle suggérait Gaufre je lui ai dit que je ne serais pas contre à condition d'y ajouter du chocolat râpé; alors elle est allée nous faire des gaufres pendant que j'attaquais la lettre H...
J'ai corné les pages avec les mots Haddock, Hareng, Homard et Huître pour le cas où on aurait eu un petit creux avant d'atteindre la dernière page; ça ne rime pas mais ça ne mange pas de pain.
Elle est revenue avec une pile de gaufres au lard fumé qui aurait nourri un régiment!
“Seulement 391 kilocalories!” a t'elle lancé en me tendant l'assiette et ses lèvres; j'ai tout pris.
C'était bon. On croit que les gaufres au lard c'est gras... c'est une illusion.
Je crois qu'elle était pressée d'arriver à la fin des dico alors pendant qu'elle remettait de l'ordre dans ses petits Robert j'ai filé à la cuisine sous le prétexte d'aller chercher une lichette de vin blanc.
Personnellement je préfère le Vouvray pétillant au Crémant de Loire mais elle n'avait qu'un fût de bière Duchesse de Lorraine comme elle.
Elle est pas duchesse – bien qu'elle pourrait l'être largement – mais elle est lorraine.
Alors on s'est rincé le gosier à la bière en chantant pour ne pas faire mentir le dicton lorrain: “L'alcool est notre ennemi-i-i mais fuir l'ennemi c'est lâ-â-âche”.
Faut dire que les gaufres au lard et l'exploration des petits Robert ça sêche bien les papilles.
Comme on arrivait à la dernière page on a compris que c'était foutu pour la rime alors elle a proposé des synonymes: ogresse, vorace, goulue ou gloutonne... elle les a tous trouvés avant que j'aie eu le temps de terminer l'assiette de gaufres.
Seulement 391 kilocalories... ça ne se refuse pas et puis j'avais la bénédiction d'une spécialiste nutritionniste.
A la fin on s'est partagé ce qui restait: elle m'a pris cent euros et moi j'ai pris trois kilos.

28 janvier 2017

Des vers pour des piafs (Vegas sur sarthe)

 

Qui dit qu'il n'y a plus d'étourneau sansonnet ?

J'en ai vu en pâté, en daube provençale

pas plus tard qu'aujourd'hui au centre Commercial

où je venais chercher un précieux Chardonnay

 

Mon petit producteur en avait ras le fût

d'entendre gazouiller les sturnus vulgaris

leur goût pour les raisins, leur fièvre prédatrice

et tous ces sifflements, cliquetis, ce raffut.

 

Fi des effaroucheurs et des grands moulinets

il chargea le fusil de cartouches de trap

je n'avais jamais vu tant de force de frappe

 

La nuée s'abattit avant qu'il ne tirât

il se vit submergé, noyé, fait comme un rat

Qui niera qu'il n'est pas d'étourneau sans sonnet ?

 

21 janvier 2017

Le bleu et le noir (Vegas sur sarthe)

 

Le sous-sol de la maison de son aïeul tenait plus de la caverne d'Ali Baba que d'un atelier de peintre.
Il était temps pour Pablo de faire le grand ménage dans ce bric à brac.
Il s'était débarrassé de l'éternelle vareuse bleu turquoise qui le quittait rarement; c'est alors qu'entre deux esquisses sans grande valeur il avait aperçu l'étonnante composition: une miniature exécutée à la tempera sur un panneau de pin.
Pablo l'approcha d'un soupirail où la lumière d'un franc soleil pénétra à travers les couches de couleurs, faisant briller les glacis d'un éclat extraordinaire.
Ce vieux maniaque aurait appliqué à la lettre tous les secrets de l'émulsion retranscris d'une fine écriture dans ce petit carnet que Pablo venait de découvrir?
Les couleurs pures faites de pigments mélangés au liant à l'oeuf et passées les unes par dessus les autres au lieu de s'entretuer apportaient un effet lumineux haut en couleurs.

Pourtant l'oeuvre semblait enfantine comme si un apprenti-Caravage en culottes courtes avait été rompu à cette technique malgré son jeune âge.
Comme il y cherchait une signature il retourna le tableautin et il le vit !
C'était un fond abyssal d'un noir ultra-noir, un rectangle si sombre que Pablo en perdit toute notion de lieu et de temps.
Jamais il n'aurait dû le fixer si longtemps à l'oeil nu, mais longtemps ne signifiait déjà plus rien.
Jamais il n'aurait dû y poser le doigt, offrir ses mains, ses bras à ce noir qui l'aspirait.

Le sous-sol de la vieille maison ressemblait à une caverne d'Ali Baba.
On y retrouva parmi de vieux cadres défraîchis une étrange vareuse bleue turquoise et un petit carnet vierge...

 

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14 janvier 2017

Le trou de l'Epiphanie (Vegas sur sarthe)


Au début je n'entendis rien ou presque rien.
Il faut dire que je ne suis pas du matin, alors les bruits du matin... le raffut du traditionnel cadeau de Germaine me rappelait plus celui d'une tondeuse à gazon que d'une tondeuse à barbe.
Alors j'ai ressorti le bon vieux rasoir mécanique que Germaine avait relégué dans un tiroir quand on s'était mis en ménage.
Qui dit bon vieux rasoir mécanique veut dire coupures, saignements et pansements mais c'est à ce prix que j'ai pu l'entendre.
C'était comme un chuintement, un bruissement, le souffle d'une respiration ténue que j'identifiai en collant mon oreille contre le froid du carrelage entre la paroi de douche et l'armoire à pharmacie.
Alors machinalement – par je ne sais quel étrange élan de curiosité – j'ai commencé à gratter le joint du carrelage avec mon ongle.
Et puis de grattage en grattage – seulement deux minutes chaque matin après avoir refait mes pansements et pour ne pas me mettre en retard au travail – mes ongles se sont élimés alors tout naturellement je me suis servi de la lime à ongle dont je n'avais plus d'utilité pour mes ongles hormis ceux des pieds.
J'avais calculé que si le mur était aussi friable que le joint – vous savez, ces murs d'appartement qui laissent passer les chuintements comme les éclats de scènes de ménage –  s'il faisait cinq centimètres d'épaisseur et s'il se trouvait précisément de l'Autre Côté un autre joint aussi friable que le mien... et à raison de trois millimètres par jour sauf le dimanche où j'en grattais le double je franchirais la frontière dans quatorze jours soit le dimanche de l'Epiphanie, ce jour béni où Germaine se rend traditionnellement chez sa vieille tante Dolores pour chercher la même vieille fève sucée et resucée dans une part de galette.

Germaine me regardait bizarrement depuis quelques jours, peut-être à cause de tous ces pansements sur mon visage, sur mes doigts ou à cause de l'air radieux que j'affichais en sortant de la salle de bains où je m'éternisais deux minutes de plus que d'habitude sauf le dimanche bien sûr.
De l'Autre Côté la respiration s'était considérablement amplifiée avec comme un petit sifflement poitrinaire à la fin de chaque cycle.
Alors je me suis mis à l'imaginer galbée et opaline, laiteuse à souhait avec des aréoles rosacées qui se soulevaient à chaque respiration; c'est çà... une bouche qui aspirait et une poitrine qui transpirait. Et moi donc.
Parfois un ronronnement comme le bruit du sèche-cheveux l'accompagnait.
ELLE devait les avoir longs, ruisselants sur sa croupe au sortir de la douche.
J'imaginais des fesses fermes, joufflues et un joli triangle crépu qu'en se retournant ELLE m'offrirait... IL m'offrirait?
Cette idée me glaça le sang et j'en cassai la lime à ongle.
J'étais alors passé à la visite supérieure avec un couteau pointu mais ce tournevis de fortune travaillait trop vite et je dus ralentir mon travail de sape.
Chaque matin je scrutais la fine poussière, guettant un changement de couleur ou de texture qui m'annoncerait que je touchais au but.
J'attendais ça comme attend un roi de l'évasion, traçant parfois de la pointe du couteau de grands Z comme j'avais vu le faire le héros télévisé, masqué et en noir et blanc de mon enfance.
Germaine, son truc c'était les Feux de l'amour et si je la voyais dépérir à chaque épisode, je ne donnais pas long feu de son coeur d'artichaud.
La veille du jour tant attendu, alors que la poussière avait muté en débris de joint de carrelage rose je crus que le mien allait éclater... pas le carrelage mais mon coeur.
Seul un être sublime pouvait avoir eu l'idée d'un joint de carrelage rose dans cet immeuble si triste et si fade...
Deux millimètres de rositude me séparaient d'ELLE et de son ravissant petit sifflement de poitrine.
Et si ELLE était malade? Bronchiteuse? Asthmatique ou plus grave encore?
Le ronronnement rassurant balayait mes craintes, berçait mon oreille d'une douce musique mais j'y voyais aussi le bruit d'un respirateur artificiel branché sur un corps squelettique.

Le jour suprême je crus pourtant entendre chantonner au moment où Germaine claquait la porte derrière elle... ou bien c'est moi qui fredonnais :”Un prisonnier, qui surgit hors de la nuit Gratte vers l'aventure au couteau...”
Les ultimes coups furent fébriles et maladroits, je me coupai deux fois car j'avais éteint la lumière pour mieux découvrir l'Autre Côté, mais sans crier gare la dame léboucha... pardon, la lame déboucha.
J'avais tant de fois collé mon oreille au trou que j'hésitais cette fois à y risquer mon oeil.

Heureusement car de l'Autre Côté ON fouillait aussi de la pointe d'un vrai tournevis!!
Pour un peu nos deux pointes avaient failli ferrailler comme dans l'épisode Zorro contre Cupidon.
L'outil ennemi ayant rageusement fouragé puis pénétré délibérément dans MON trou, il se retira enfin.
L'oeil que je vis était clair, presque translucide avec un iris gris foncé... à coup sûr une personnalité à double facette, une Dr Jekyll ou une Mrs Hyde?
 
Pourquoi ai-je bredouillé: “Vous avez d'beaux yeux, tu sais...”; je n'en sais fichtre rien.
Peut-être n'était-ce que l'oeil d'un chat ronronnant au spectacle de sa maîtresse nue?
De l'Autre Côté ELLE s'était mise à rire; le ravissant petit sifflement poitrinaire s'était mué en un rire gras, un bon gros rire de femme bien nourrie, vulgaire, obscène.
Je l'ai entendue brailler à quelqu'un d'autre :”Ça ira comme ça pour accrocher ton foutu tableau?”
L'Autre a dû dire oui car l'instant d'après, MON trou fut masqué – comme le héros télévisé et en noir et blanc de mon enfance –  par quelque affreux cadre de supermarché.

Je me souviens qu'il était dix heures.
En chevauchant à bride abattue tout en comprimant mon doigt sanguinolent avec un mouchoir, je devrais arriver à temps à Monterrey – enfin, à Montreuil – chez la vieille tante Dolores pour gagner cette vieille fève... et faire une reine.

7 janvier 2017

Lointaine Argentine (Vegas sur sarthe)


Dans le grenier des anges habite un encrier
où viennent s'abreuver d'étranges plume d'oies
empruntées aux oiseaux émigrants québecquois
par quelque écrivaillon, troubadour oublié

Il rêve aux maisons bleues, à ses chers orangers
qui ont au fil des nuits pris les couleurs du temps
comme ses yeux rougis, fatigués, cécitants
rongés par la passion  et le rhum arrangé.

De cet hémisphère Sud il ne lui reste rien
que des bouts de pampa, de rios bleu ardoise
les parfums entêtants de cette argentinoise

peinte grandeur nature, traces à main levée
Sur le coeur il a mis ces deux mots: Vie privée
dans ce grenier des anges où rêve un écrivain.

24 décembre 2016

A quoi bon chercher ailleurs (Vegas sur sarthe)


Non seulement Beth chantait comme une casserole mais elle nageait comme un fer à repasser, alors quand j'ai eu mon voyage – quand j'en ai eu marre, si vous préférez – j'ai collé la peau de Beth au mur, Tabarnak!
Moi c'est Davy Croquette, je suis démonstrateur chez Royal Canin et pas du genre à m'faire emmerder par une gourde qui croyait que les raquettes c'était fait pour jouer à la baballe.

Noël ! Elle m'en avait fait un pataquès à l'approche de Noël! Elle avait coupé mon plus beau sapin, roi des forêts pour le planter au milieu de la carrée, confectionné des guirlandes de guenilles, dévalisé mon stock de bougies et fait la tournée jusqu'à Flin Flon avec ma motoneige pour inviter de soi-disant voisins!
Elle s'était mis en tête de faire du saumon fumé! Elle me prenait pour une valise...vous avez déjà vu des saumons qui fument, vous?
Elle voulait aussi une grosse dinde, comme si ça suffisait pas.
Et au dessert il  aurait fallu une bûche... non mais Allo quoi!
Les deux bras m'ont tombé.
Beth, c'était pas un cadeau malgré les compliments qu'on m'en avait fait au magasin.
Ses collègues l'appelaient Elisabeth pour faire plus classe.
Elle bossait à la Compagnie de la baie d'Hudson et pour quelqu'un qui vendait des fourrures... partir comme ça c'est pas glorieux. Bref, elle avait fini d'me tanner moi aussi.

J'pensais pas qu'elle tenait tant que ça à sa peau. Elle est partie dans le plus simple appareil comme vous dites... nous ici on dit à poils.
Quand j'regarde aujourd'hui cette fourrure bien à plat, sagement écartelée au mur face à la cheminée selon une tradition bien d'chez nous j'me dis qu'il en faut pas plus pour être heureux, “vraiment pas plus pour être heureux, il faut se satisfaire du nécessaire” comme dit Baloo mon pote trappeur.
Même si le fer repasse plus, que les casseroles chantent plus sur le feu qu'est-ce que j'suis peinard.
Qu'est-ce qu'elle chantait déjà ? Ah oui... « Nous n'avons pas de voisins, parfois seul un vieil indien entre dans notre cabane au canada » (Je t'en foutrais du vieil indien)
« On y voit des écureuils sur le seuil » (Tu sais c'que j'en fais des écureuils, moi)

J'ai même pas eu besoin de piège tant Beth était bête. J'lui ai cloué le bec avec une facilité déconcertante, trois pointes m'ont suffi pour habiller le mur.
Elle a pas apprécié.
On n'avait pas les mêmes goûts, c'est tout.
Pour Noël je serai seul, sans voisins, sans vieil indien ni écureuil et c'est tant mieux.
Pour Noël j'ouvrirai le congélateur – la porte du hangar, si vous préférez – et je partagerai un sac Maxi Adulte avec mes huskies histoire de marquer le coup... à moins que Baloo mon pote trappeur ne s'invite à l'improviste.
J'aime bien Baloo, on a les mêmes goûts.
Y'en a qui disent qu'on a la même odeur aussi...

Allez, Joyeux Noël

17 décembre 2016

Au théâtre che choir (Vegas sur sarthe)

 

Un salon rococo style Louis XV ou Louis XVI ou Louis la brocante... canapés à fleurs, fenêtres en trompe l'oeil et chaises torsadées (il est fou ce Roger Hart)

 

 

Le souffleur: Vous étiez où? On a dû chauter chinque de vos répliques! Cha va finir par che remarquer.

Moi alias moi: Allez trouver une place de stationnement le samedi soir sur les Champs-Elysées!

Le souffleur: On en était à... Ah cha Mon cher! Ch'est à chette heure que vous rentrez?”

Moi alias Loulou: Garrrglll...

Moi pour moi-même: Ce putain d'costume de Donald Cardwell me serre le kiki ! La costumière va m'entendre... quand j'aurai repris mon souffle

Caroline: C'est tout ce que vous trouvez à dire? C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh ! Dieu ! Bien des choses en somme”

Le souffleur: Qu'est-che qu'elle a chelle là? On n'est pas chez Edmond Rochtand”

Moi alias Loulou: J'étais à un enterrement... ça ne peux pas se remettre

 

Rires dans la salle

Le souffleur: D'où cha chort, cha?

Moi pour le souffleur: C'est tout c'que j'ai trouvé à répondre à cette poufiasse

La poufiasse alias Caroline: L'amour ça demande le plein feu. Ce n'est pas une chose qu'on entretient au bain-marie

 

Le pompier de service: C'est où qu'c'est qu'y a l'feu?

Le chouffleur: Laichez tomber. Je vais chouffler moi-même

Moi pour moi-même: Au bain-marie? Au fait, qu'est-ce qu'elle fout, Marie? Elle avait pourtant dit qu'elle serait au premier rang avec sa petite robe rouge... celle qui m'a coûté un bras

Moi alias Loulou: Comment voulez-vous que je vous comprenne! Vous me parlez à contre-jour.

L'éclairagiste de service: C'est où qu'y faut éclairer plus?

Le souffleur: Voyez cha avec l'ORTF. J'ai bien achez à faire avec ches deux-là

Moi pour le souffleur: C'est à qui de parler maintenant?

Le souffleur: Comment?

Moi pour moi-même: C'est encore avec les sourds qu'on s'entend le mieux

Caroline: Vous disiez, mon ami?

Moi alias Loulou: Rien, je vous écoute

Caroline: Venez-là. Embrassons-nous mon ami

Moi pour le souffleur: C'est dans la pièce, ça?

Le souffleur: Le metteur en chène a fait quelques ajuchtements

Moi alias Loulou, m'égosillant pour faire diversion (foutue costumière) : Au feu! Au feu!

Le souffleur: C'est où qu'y a l'feu?

Le pompier de service: C'est où qu'y a l'feu?

Moi au souffleur: Vous ne comprenez pas que je fais diversion?

Le souffleur: Une verchion, cha chuffit amplement

 

Rires crispés dans la salle

Moi pour moi-même: Marie est enfin arrivée. Mais c'est qui ce bellâtre qui l'accompagne?

 

10 décembre 2016

Intouchable (Vegas sur sarthe)


Que vous ayiez un blaze ou une particule
vous pourrez bien crier à gorge déployée
et vous égosiller, criailler,  supplier
du haut du monticule le roi est dans sa bulle

Depuis l'aube naissante jusqu'au crépuscule
vous pourrez agiter les bras tel un pantin
jeter des confettis, lancer des serpentins
point de conciliabule le roi est dans sa bulle

Rivé au marche-pied du royal véhicule
à hue et à dia réfreinant les chevaux
jetant les deux cochers au fond du caniveau

Vous croirez triompher, arrêter son altesse
faire le baise-main à quelque vicomtesse
mais ça pourrait chauffer pour votre matricule

On vous l'avait bien dit... le roi est dans sa bulle

3 décembre 2016

Bricoleur de bicyclette (Vegas sur sarthe)


(Pardon à Francis Lai, Pierre Barouh et Yves Montand)



Quand les vieux lâchaient leur mâtin
On n'était pas dans le pétrin
A bicyclette
Pour sûr on n'était pas copains
Il avait des crocs le Pinpin
On était deux trois galopins
Et puis Colette

On pédalait plus vite qu'elle
Dans cette friche industrielle
A bicyclette
Il lui mordillait les mollets
ses guiboles qui flageolaient
Tandis que nous on rigolait
Devant Colette

On lui chapardait son quatre-heures
C'était la fille d'un livreur
A bicyclette
Et depuis qu'elle avait huit ans
On lui disait en la voyant
T'iras pas loin en déraillant
A bicyclette

Quand on avait semé le clebs
On reposait nos quadriceps
Nos bicyclettes
Je réparais son dérailleur
J'aurais bien mis mes mains ailleurs
Mais le cambouis c'est dégoûtant
Et rebutant

Quand le soleil foutait le camp
On repartait en ferraillant
A bicyclette
On soudoyait le gros clébard
En lui jetant des carambar
On tenait trop à nos calbars
Devant Colette

D'un signe de main énergique
Colette nous faisait la nique
A bicyclette
Je me disais qu'un jour prochain
Je pourrais toucher le machin
Qui remue sa selle en vachin
De bicyclette

26 novembre 2016

Trouble érectile (Vegas sur sarthe)


« Qu'est-ce que j'ai bien pu faire de ma carte Vitale ? »
« Prenez votre temps, monsieur... monsieur comment ? »
« Rodain... René Rodain »
“Ah? Vous ne seriez pas parent par hasard avec le peintre?”
“Non Docteur, il n'y a pas de peintre dans ma famille, enfin je pense”
“Vous pensez? C'est une bonne chose... et qu'est-ce qui vous amène?”
“Le 52”
“C'est quoi le cinquante deux?”
“Le bus 52, Docteur. Je suis monté à Rodin et me voilà chez vous en dix minutes”
“Je savais bien que vous aviez un rapport plus ou moins direct avec ce peintre qui était aussi sculpteur si je ne m'abuse”
« J'étais pourtant certain d'avoir apporté ma carte Vitale»
“Vous devriez chercher dans vos vêtements étant donné que vous êtes nu”
“Bien sûr, où ai-je la tête?”
“A propos de tête, vous adoptez souvent cette attitude?”
“Quelle attitude?”
“Et bien... soutenir votre menton avec votre main droite en appuyant le coude sur la cuisse gauche?”
“Euh... ça dépend, il m'arrive de changer de main ou de cuisse, enfin je pense”
“Je ne sais pas pourquoi vous me faîtes penser à un bronze”
“Ah... vous aussi vous pensez, Docteur”
“Oui, bien sûr je panse, je bande, je soigne... comme tout médecin qui se respecte”
“C'est justement mon problème Docteur... moi je pense mais je ne bande pas”
“Hum... Pas du tout, du tout?”
“Non, que je pense à qui que ce soit ou à n'importe quoi, je ne bande pas du tout”
“Et qu'en dit votre épouse?”
“Camille? Elle est toujours restée de marbre”
“C'est étonnant. Votre épouse s'appelle Camille... comme Camille Claudel?”
“Euh... la mienne c'est Camille Boudin”
“Boudin comme le peintre?”
“Qu'est-ce que vous avez avec les peintres, Docteur?”
“Rien monsieur Rodin mais toutes ces coïncidences, ça donne à penser”
“Je ne vous le fais pas dire... et pour notre problème de marbre?”
“Et bien il faudrait que je vous voie ensemble, votre épouse et vous”
“C'est à dire que Camille est actuellement chez Paul, un ami commun”
“Je vois...Je n'ose pas vous demander son nom”
“C'est Zann”
“Paul Cézanne! Et vous appelez ça un ami commun? Vous avez de sacrées fréquentations vous alors”
“Je pense que vous embellissez le tableau, Docteur”
“Ah! Voyez qu'il y a du peintre là-dessous”

René Rodain se lève pour regarder sous lui.

“Je ne vois rien, Docteur... Ah si! Tenez, c'est ma carte Vitale!”
“Voyons ça... Rodain René... c'est bizarre, vous êtes certain de l'orthographe de votre nom?”
“Oui... enfin je pense”
“Je ne vous le fais pas dire. Donc je peux vous revoir avec votre épouse d'ici une quinzaine?”
“Euh oui... est-ce qu'on devra venir avec Paul?”
“Surtout pas! Laissons le maître à son oeuvre, monsieur Rodain. Vous pouvez vous rhabiller”

19 novembre 2016

Rien ne va plus (Vegas sur sarthe)

 
Oui, y'a des jours comme ça
où y'a trop d'piment dans l'harissa
où les samoussa sentent le pissat
où la métisse d'iBiza
ne s'appelle plus Melissa

Oui, y'a des jours comme ça
on croit qu'ça va couci-couça
on s'exilerait aux USA
eux viendraient là et vice-versa

Et y'a des jours comme si
y'avait plus de démocratie
plus d'aspirine en pharmacie
et plus de départs à Roissy

Oui, y'a des jours comme si
on ne riait plus d'Omar Sy
y'avait plus d'suisses en Helvétie
plus rien en nous de Tennessee

Alors on prie pour qu'il y ait
du vrai piment, de l'antillais
du vrai pastis, du Marseillais
dans nos bourses des gros billets

en attendant qu'un jour on voie
des muets avec des portevoix
des vélos à pédales wah-wah
la dame de Haute-Savoie
et notre reine de l'Iowa...

12 novembre 2016

Tra la la la lère (Vegas sur sarthe)


Au menu de mes petits riens il y a d'abord le cérémonial de chabrot (en cinéphile chevronné, notre oncle Hubert disait Chabrol).
J'avais toujours vu les anciens rafraîchir le fond de leur assiette de soupe avec une grande rasade de Passetoutgrain et on jouait mes cousins et moi à qui imiterait le mieux leurs grands Sluurp qui ponctuaient ce rituel ancestral.
D'où sortait ce Chabrot ou Chabroù? Sans doute un bienfaiteur de l'humanité à en croire les yeux pétillants des vieux.
De mauvaise grâce Tante Anastazia s'y était mise elle aussi, car rien n'égalerait jamais son infâme wodka frelatée à l'herbe de bison.
Un lointain cousin des Baux de Provence qui connaissait Mistral par cœur soutenait que l'expression venait de cabroù parce qu'on boit dans son assiette comme le ferait une chèvre, mais Oncle Hubert qui avait vu “Le beau Serge” en cinémascope à l'Alhambra ne jurait que par son Chabrol.

Mon second petit rien c'est l'incontournable ban bourguignon qu'on entonnait dans les banquets et surtout au dessert après quelques chansons paillardes dont j'ai longtemps ignoré les paroles puisqu'on nous envoyait voir ailleurs si on y était!
Quiconque sait chanter “Tra la... Tra la... Tra la la la lère...” en approchant les mains en forme de coupe à hauteur de sa trogne pour les faire tourner comme si on regardait à travers est sans le savoir un pro du ban bourguignon.
Mes cousins et moi-même avions inventé une variante à une seule main qui permettait de pincer les fesses de la voisine; du coup, nos vieux avaient copié cette même variante pour nous coller une torgniole en retour.
A quoi ça tient un petit rien? A rien du tout. A deux maigres onomatopées, cinq petites notes et neuf claquements de mains, pourtant ces simples scènes de liesse me font encore frissonner aujourd'hui.
Au XXIème siècle on ne chante plus, on ne vit pas de petits riens mais de grands tout qu'on n'aura jamais, on fait des selfies qu'on poste aussitôt sur fesse de bouc, histoire de montrer sa tronche, ses fesses ou un doigt d'honneur au monde entier et puis on va faire la sieste...
Et le kir, le vrai, celui avec un K majuscule pour lequel notre chanoine dijonnais céda l'usage commercial de son nom?
Ce petit rien tient en trois lettres et dix centilitres mais c'est magique.
Un vrrrai blanc-cass, m'sieurs dames c'est un tierrrs de vin blanc cépage aligoté et deux tierrrs de crrrème de cassis à 20°. Ajoutez-y un bon tierrrs d'accent bourrrguignon en rrroulant les 'R' et ces quatrrre tierrrs vous envoient tout drrroit au parrradis!!
Et puis chez nous on n'en boit jamais un seul mais deux.
“Vindiou! Tu vas pas rrrepartirrr sur une seule jambe!” disait notre voisin qui un beau jour oublia de remonter de sa cave (sacrrré Dudule)
Vous repasserez avec vos communards au vin rouge, rince-cochons, kir gaulois à l'hydromel, breton au cidre, royal au crémant ou impérial au champagne! Pourquoi pas un kir alsacien à la Kro tant qu'on y est?

Enfin comment oublier ce petit rien qui fait saliver, ces escargots qu'on sert aux fêtes joyeuses et aussi aux enterrements... oui, pourquoi pas aux enterrements ?
Si aujourd'hui l'escargot de Bourgogne arrive tout droit et sans se presser des pays de l'Est, à mon époque il naissait, vivait et mourait chez nous... comme nos vieux.
Pour ces funestes réjouissances le plat de cagnoles était servi religieusement avec un sachet de cendres issu de sa cuisson pour figurer une sorte d’hommage rendu aux cendres du défunt.
Oncle Hubert rompu aux cérémonies funèbres y allait toujours du même bon mot pour ajouter un zeste de gaieté à la cérémonie: ”Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres” disait-il en ignorant l'oeillade assassine de tante Anastazia.
Je réalise que ces petits riens sont autant de coutumes qui éveillèrent ma curiosité de gosse et forgèrent mon palais - je veux dire mon caractère - et je me dois de terminer par ce petit rien de vérité qu'Oncle Hubert ne manquait jamais d'asséner à son Anastazia : ”Les coutumes comme les femmes, sont faites pour être respectées et bousculées aussi”.

5 novembre 2016

Jungle urbaine (Vegas sur sarthe)


Quand j'ai enfin osé demander ma mutation à Monsieur Clébard le chef du service Comptabilité là où j'exerce depuis quinze ans le beau métier de vérificateur premier échelon, je ne m'attendais pas à cette question :”Vous voudriez être muté en quoi mon ami?”
J'avoue que pendant toutes ces années je n'avais jamais envisagé la question sous cet angle.
Selon moi la mutation d'un vérificateur premier échelon consiste à gravir un échelon de plus pour se retrouver au même niveau que Mademoiselle Pipot c'est à dire au troisième étage, là où l'antique parquet de chêne massif posé à l'anglaise a cette bonne odeur de cire qui rassure et vous donne quelque importance...
J'en étais là de ma rêverie quand Monsieur Clébard a repris :”Nous avons déjà des rats de bibliothèque et même un chaud lapin si j'en crois les ragots!”
Je compris qu'il parlait de Massimo – le tombeur de ces dames – mais je fis comme si j'ignorais la chose.

“Nous avons bien quelques souris au pool dactylo mais je ne crois pas que ce soit votre destin, Léo” ajouta-t-il.
Cette fois il ne m'avait pas appelé 'mon ami' mais Léo et cet excès d'intimité ne me disait rien de bon.
“Si j'exclus les jeunes requins de la finance, quelques sangsues et le troupeau de gnous dont vous faites partie, je ne vois guère que...” dit-il en extirpant un cure-dent de la poche de son gilet pour entreprendre l'exploration chirurgicale de ce que je pris pour une prémolaire.
Il me faut préciser que le paleron de boeuf en daube est au menu chaque jeudi mais uniquement à la table des cadres.
Ainsi j'étais gnou... depuis quinze ans je travaillais en tant que bovidé sans en avoir été informé.
Je pouvais donc logiquement prétendre au statut de léopard mais je restais suspendu à son  “je ne vois guère que...”
Le cure-dent cassa net, déclenchant un rictus d'agacement: “J'ai beau creuser, je ne trouve rien (parlait-il de sa prémolaire ou de mon avenir?) aidez-moi mon vieux! Vous avez bien une idée”
J'étais passé d'ami à Léo puis à vieux alors pourquoi pas de gnou à léopard?
Je balbutiai :”Je voudrais être... léo... pard si c'est possible”

A cet instant je réalisai ma folie: et si la position de Monsieur Clébard dans la hiérarchie de notre jungle laborieuse était inférieure à celle d'un félin?
Il eut un rire de hyène. Je soufflai un coup, comme un gnou. C'était déjà ça, il n'était que hyène.
Mais je n'eus pas l'occasion de bondir, la hyène avait ouvert sa gueule :”Léo... pars!”
Et il ajouta :”Vous passerez aux Ressources Humaines chez les perroquets chercher votre solde de tout compte, Léo... pars”

29 octobre 2016

Imiter: Petit lexique des synonymes


Alors que imiter n'est rien d'autre qu'un I rongé par les mites, que veulent dire ses synonymes?

copier : mettre dans le presse-papier avant de coller
feindre : peindre avec un F
mimer : imiter le 15 mai
parodier : mimer le contraire de rodier
pasticher : imiter une boisson anisée
pirater : imiter Rackham le Rouge
plagier : imiter le sable
simuler : imiter six ânes
singer : imiter un humain qui imite un bonobo

22 octobre 2016

Devinez qui se cache dans le petit salon des collectionneurs (Vegas sur sarthe)


Avrilopiscicophile: N'a bon dos et bonnes darnes que le 1er du mois  
Calcéologiste: Poursuit le 36 fillette en grande pompe
Cartopuciste: Cherche la petit bête sur la carte
Cervoliste: N'a pas fini de se faire des noeuds au cerf-vo...
Clavalogiste: Fait une fixation sur des trucs tordus ou rouillés
Conchyophile: croit entendre la mer dans tout ce qu'il porte à ses portugaises
Jocondophile: Collectionne les sourires
Mnémophile: Ramasse à la pelle feuilles mortes, regrets et autres
Molabophile: L'important c'est la manivelle... What else?
Molubdotémophile: Il est taillé pour avoir toujours bonne mine
Montgolfiérophile: Ne manque pas d'air
Nicophiliste: Brûle le contenu et surtout pas l'emballage
Opercuphiliste: Profite bien du fait que chaque pot a le sien
Philocorbollien: Adore les véhicules au point mort
Philuméniste: s'approvisionne chez la petite fille d'Andersen
Pressophile: Pour les semelles à trous il repassera
Scalaglobuphile: Se roule en boule au bas de la rampe
Vélocipédiste: Hétéro amoureux de la petite reine mais aussi du grand bi

15 octobre 2016

Le chevalier Néon (Vegas sur sarthe)

 

Dans l'quartier on m'appelle le chevalier Néon

je suis un travesti, un espion costumé

tantôt malodorant et tantôt parfumé

je joue du gros calibre et de l'accordéon

 

Connu dans le milieu et aussi sur les bords

j'ai dans ma garde-robe Aubade et Wonderbra

j'épile ma moustache et mes dessous-de-bras

on peut être balance à babord et tribord

 

Je furète à tout va, j'infiltre et je cuisine

j'ai vu tous les Jean Bond, les Zérozérosept

au point de me glisser jusque dans ses chaussettes

 

Mes gonzesses s'appellent Yvonne ou Carlita

c'est pas des Tatiana, des Ruby, des Mata

mais un jour je serai dans tous les magazines

 

8 octobre 2016

Conseil des Sinistres (Vegas sur sarthe)

 

Quelqu'un avait écrit Fabrique de mots magiques ici

Par l'écriteau alléché je tirai avec pêne la bobichevillette réversible et poussai la porte de l'officine, m'attendant à découvrir un Merlin l'Enchanteur désenchanté ou je ne sais quelle fée Clochette évanescentralienne en haut balconné et en bas résilles.

Que nenni !

Dans l'excluminosité qui tombait du sésame-ouvre-toit et dans un accumoncellement d'objets hétéroclites – fessupliants, contrepelletées et autres maltapropos – trônait un grammécanographe d'avant-guerre, mais de quelle guerre?

“Bienvenue à la fabrique de mots magiques” marmonna un cyborg balafré d'une funèbre cicatriste et préposé au susdit grammécanographe.

J'allais lui faire remarquer que “Bienvenue” eut amplement suffi puisque j'avais lu l'écriteau mais je n'ai pas pour habitude de parler aux cyborgs ou alors sous la torture.

“Que me vaut le plaisir de votre venue?” geignit-il dans un sanglot-long-de-l-automne comme seuls savent en exprimer les violons verlainiens.

“Je ne suis pas là par plaisir” avouai-je “mais j'ai été mis au défi de rapporter des mots magiques pour samedi prochain”.

 

Le grammécanographe se mit à cramouiller comme tous les machins en graphe d'avant-guerre jusqu'à ce que le cyborg le fasse taire d'un solide coup de poing.

Embarrassé, il s'enquit :”C'est qui Samedi?”

Visiblement, je n'étais pas sorti de l'officine...

A quoi bon m'évertuer à expliquer à ce cyborg que le samedi est le jour du Seigneur et le septième jour de la Genèse; j'étais juste là pour rapporter des mots magiques.

“Vous avez des mots magiques ou vous n'en avez pas?” tranchai-je.

J'ignore si vous avez déjà vu un cyborg tranché mais je peux dire que ça fait peine à voir, un être aussi sophistiqué et si fragile à la fois.

“J'avais préparé une liste qu'on m'a commandée en haut lieu pour le prochain Conseil des Sinistres” chuchotèrent les deux moitiés de cyborg “et je pourrais vous en faire quelques photocopines”.

J'acquiesçai d'un air entendu (où avais-je déjà entendu cet air?), je n'ai rien contre les photocopines bien au contraire si elles sont gracieuses.

Le grammécanographe avait expectoré une première photocopine dans un épais brouillard de posticrachats; je pus cependant déchiffrer ceci:

 

burkini

brexit

jungle

pré-campagne

 

“Alors?” interrogea le cyborg en se rafistolant.

“Alors” répondis-je, désappointé “c'est tout ce que vous avez à me proposer comme mots magiques?”

Vexé, le cyborg rafistolé s'était retranché derrière son grammécanographe qui cramouillait de plus belle :”Pourtant le Conseil des Sinistres ne s'est jamais plaint!”

 

Avec de tels mots magiques je comprenais maintenant pourquoi tout partait à vau-l'eau dans notre royaume.

Je n'attendis pas la photocopine suivante et sortis contrarié de l'officine.

Puisque c'était ainsi je les fabriquerais moi-même; d'ailleurs j'en tenais un qui me parut excellent – coquecigrue – et que j'enfouis prestement dans ma poche de peur qu'il ne s'échappe.

Je souris... certain que personne n'utiliserait jamais celui-là dans aucun hémicycle.

 

 

Coquecigrue (fém.) oiseau imaginaire, fabuleux.
À la venue des coquecigrues = à la Saint Glin-glin
Regarder voler des coquecigrues = se faire des illusions, s'occuper de choses chimériques.
Baliverne, sornette, sottise. Conter, débiter des coquecigrues



1 octobre 2016

Echappatoire (Vegas sur sarthe)


Quand j'ai découvert le thème: S'échapper, j'ai redouté le pire.

Rien ne sert de s'échapper: j'ai compris qu'avec un mot qui finit comme rattraper on n'a aucune chance... à moins d'avoir des gardiens éclopés ou handicapés.
Il valait mieux pour moi que je trouve rapidement des synonymes et j'en ai trouvé un juste en face de chez moi, sur la porte de ma voisine: Eva D.
Ne me demandez pas pourquoi son prénom est en entier et son nom limité à cette seule initiale alors qu'on a plutôt tendance à écrire le contraire.
Je suppose qu'elle désire rester anonyme comme tous les évadés de la terre.
Si j'étais indiscret j'irais taper à sa porte pour lui demander d'où elle a décampé... des camps P ?
Allez savoir si elle fuyait des camps, des guerres ? pire ?
Déguerpir. Voilà. C'est le mot qui convient même s'il finit en pire comme croupir ou vampire.
Ne vous moquez pas.
Choisir le bon mot quand on est prisonnier des mots comme moi, et qu'on n'ose les dire sans penser à la bombe à retardement qu'ils représentent, c'est un dilemme, un supplice.
Alors quand la douleur est trop forte, que le clavier me brûle les doigts comme maintenant, j'utilise la touche miracle, celle qui va me libérer du carcan.
“Libéré, délivré, c'est décidé je m'en vais”... qu'est-ce qu'elle peut me pomper celle-là!

Quand d'autres iraient attraper je ne sais quelle poudre d'escampette, moi je remercie le génial inventeur de cette échappatoire: la touche de fonction Echappe

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Le défi du samedi
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