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20 janvier 2018

Lauren Bancale (Vegas sur sarthe)

 

Source: Externe


"Le roi des trains, le train des rois" disait le dépliant en papier glacé de La Compagnie des Wagons-lits que Germaine me tendit d'une main tremblante.
Alors on l'a déplié comme on déplie une carte au trésor à Kho Lanta... Vienne, Bucarest, Istambul.
À la page des tarifs on a fait marche arrière pour revenir prudemment à la page Vienne.

Germaine se pâmait déjà, elle se voyait en peignoir brodé au sceau de la Compagnie, se glissant dans des draps de soie; moi je lorgnais sur les sanitaires en argent et les couverts en marbre ou le contraire...
Elle devait m'imaginer en Sean Connerie et moi je voyais Germaine en Lauren Bancale à cause du roulis et du tangage; elle aurait la nausée – comme d'habitude – peut-être irait-elle vômir son caviar après quoi on retournerait s'empiffrer une collation trois étoiles au Michelin.

Trois jours plus tard on était sur le quai avec notre petite valise devant la locomotive mais au XXIème siècle on doit dire motrice; les gens de La Compagnie en avaient mis deux, une à chaque bout sans doute pour sécuriser l'aller-retour.
Je n'ai pas vraiment réalisé lorsqu'un technicien nous a dit qu'une "motrice de TGV ça tire à 300 km/heure"...
À peine franchi le marchepied de notre wagon-lit j'ai dû me séparer de mes baskets et louer 150 euros une paire de souliers vernis trop petits pour moi; ici La Compagnie ne plaisante pas avec le "dressing code"... par contre le décolleté plongeant de Germaine ne semblait déranger personne.
C'est fou ce qu'il y a comme petit personnel dans ces train mythiques, et que des hommes!
Germaine avait bien vite investi notre cabine et s'était balancée sur le lit en déclamant "Ah... voir Vienne et mourir !"
"On dit Venise, ma bichette... pas Vienne" fis-je remarquer.
"L'Isère n'est quand même pas très loin de l'Italie" rétorqua t-elle avant que j'explique qu'on allait à Vienne en Autriche.
Elle parut sidérée... d'autant plus qu'un stewart nous apportait deux coupes de mousseux ou de champagne qu'on siffla en même temps que la loco... motrice.
L'Orient-Express s'ébranlait et moi aussi car le mouvement si sensuellement décrit par Agatha Christie me mit aussitôt des frénésies au creux des reins.
Comme j'allais me mettre en tenue adéquate à la salle de bains, Germaine poussa un cri terrible : "Y'a pas d'wifi ! "
Non, il n'y avait pas de wifi, pas d'internet, pas d'amis ni de followers, pas de copines à qui envoyer des selfies de nos ébats sur rail !
Je tentai de la calmer : "Tu devrais aller à la salle de bains, ma bichette... c'est que du marbre comme chez Leroy-Merlin et des robinets en or avec un lavabo encastré"
En effet Germaine s'encastra comme elle put entre le lavabo encastré et la porte qu'elle finit par refermer sur elle comme une huître.
"Une motrice de TGV ça tire à 300 km/heure..." avait dit le spécialiste locomoteur; c'est vrai qu'elle tirait vite, peut-être un peu trop à mon goût.

J'avais dû dormir longtemps et c'est le stewart qui me réveilla avec deux autres coupes de mousseux ou de champagne en m'annonçant que le service de restauration touchait à sa fin.
Je tambourinai à la porte du cabinet de toilettes.
"Je suis bientôt prête ! " bougonna Germaine que j'imaginais compactée, sandwichée dans l'étroit habitacle.
Soudain, dans un éclair je crus lire "Stuttgart" par la fenêtre ! Non, ce n'était possible, pas déjà.
La porte s'ouvrit... Germaine était effectivement comprimée mais dans ce fourreau en lamé qu'elle portait pour le mariage de mon oncle Hubert au siècle dernier.
Elle avait dressé ses cheveux en choucroute avec un petit air Lady Gaga plus que Lauren Bacall, bref elle était désirable comme on peut l'être quand le dîner vous est passé sous le nez et que le train file vers Vienne à la vitesse du son...
Je la poussais déjà sur le lit quand des haut-parleurs grésillèrent dans le couloir, un grésillement d'une époque révolue – inspiration Orient-Express – suivi d'une annonce des plus actuelles : "Mesdames, Messieurs, nous arrivons à destination dans quelques instants"
Germaine me claqua un gros baiser, me laissant déconfit sur le lit :" Et voilà, je suis fin prête pour aller danser !"
"Pour aller danser où çà ?"
"Et bien à Vienne... on est bien à Vienne, non ?"
J'ai pris la valise, récupéré mes baskets; j'allais avoir l'air malin à danser les valses viennoises en baskets !
"À nous, Beau Danube bleu" lança Germaine en descendant le marchepied.

Une heure plus tard nous franchissions majestueusement la porte des urgences de l'hôpital Semmelweis-Ignaz-Frauenklinik – recommandé par le Petit Futé – moi en baskets et Germaine à cloche pied.
Comme il est compliqué de danser la valse avec une double fracture tibia-péroné, nous avons été rapatriés le lendemain en avion sanitaire.
L'avion sanitaire c'est moins raffiné qu'un "sleeping" en Orient-Express mais au moins le plateau repas est assuré et le personnel est féminin...

 

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13 janvier 2018

Arbre à came et force centripète (Vegas sur sarthe)


J'emmenais Germaine en week-end à La Baule "for the first time" quand à peine sortis de La Garenne-Colombes j'ai entendu un bruit anormal sous le capot de ma Passat TDI Bluemotion de 1982.
J'ai levé le pied en demandant sans espérer une réponse de ma passagère : "Tu trouves pas qu'ça manque de couple ?"
Incrédule, Germaine m'a regardé et a quand même répondu : "J'sais pas... ça fait qu'une semaine qu'on est ensemble"
Visiblement ses notions de couple moteur se limitaient à des supputations conjugales aussi n'entrai-je pas dans les détails de la transformation du va-et-vient linéaire en mouvement rotatif qui nous auraient emmené sur un terrain scabreux peu productif dans l'instant présent... et susceptible de tacher ma banquette arrière en cuir à massage ventilé.
Puisqu'il y avait urgence j'ai stoppé sur la bande d'arrêt du même nom, celle qui vous garantit deux minutes trente de survie par temps clair.
"On va ménager l'arbre à came" dis-je en soupirant.
Germaine ouvrait des yeux ronds : "T'en as? J'osais pas te d'mander..."
J'ai répondu mécaniquement : "On fume pas dans ma voiture"
Cette fois c'est Germaine qui s'est mise à soupirer.
A quoi bon lui parler de l'utilité du système bielle-manivelle et de la force centripète ?
J'avais fini par parler tout haut malgré moi.
"La force centripète" a t-elle répété "c'est donc ça l'odeur ? J'osais pas te d'mander..."
Ca faisait deux fois en une semaine qu'elle n'osait pas me d'mander... et ça commençait à faire beaucoup.
Alors je me suis écrasé à propos de l'excentricité des manetons, de l'alésage des pistons et du poids des masselottes.
A quoi ça servait que le type de Passat y se décarcasse à faire une TDI Bluemotion ?
J'avais joué la sécurité en prenant un moteur en V avec une bielle "maîtresse" articulée sur le maneton, et une bielle "secondaire" articulée sur la bielle maîtresse.
Malencontreusement j'avais pensé à voix haute!
"C'est ça! T'as une maîtresse! J'aurais dû m'en douter" a t-elle explosé en labourant de ses griffes manucurées son siège en cuir à massage ventilé.

J'ai tenté de calmer le jeu : "J'ai parlé d'une bielle maîtresse, Bichette, pas d'une vieille maîtresse... et si je devais en avoir une, ça ne serait pas une vieille"
Je m'enfonçais lamentablement.
"Tu vois, t'avoues que t'as une maîtresse, mufle !" rugit-elle en attaquant l'airbag passager, la seule chose à ne pas attaquer sur une Passat TDI Bluemotion de 1982 !

J'ai réalisé que dans le cycle admission, combustion/détente, compression, échappement on était plus près de la combustion et de l'échappement que de la détente... mais quand l'airbag lui a explosé dans la tronche, le silence est revenu.
Je devais dire quelque chose à tout prix : "ça doit v'nir du vilebrequin".
Elle était furax, bien comprimée mais furax : "Bien sûr, c'est toujours la faute des autres avec toi, c'est qui ce vil Brequin... ou plus surement cette vile Brequin ?"
Je lui ai tendu un kleenex: le sang séché sur du cuir lacéré ça coûte un bras.
Germaine pleurnichait doucement alors j'ai remis le moteur en route : "Tu veux pas sortir écouter le moteur , Bichette ?"
Pas facile de sortir avec une montgolfière qui s'est invitée entre le pare-brise et le siège, alors j'ai poussé... pas Germaine mais le moteur pour entendre rugir mon vieux tigre.

Finalement Germaine est sortie au moment où passait un gros routier sympa, les gros routiers sont souvent sympa, pas les chétifs bizarrement.
Celui-là a pris Germaine, enfin je crois puisque je ne l'ai pas retrouvée.
J'ai repris la route direction La Garenne-Colombes et l'atelier de mon garagiste Mr Lapin; oui je sais, un Lapin à La Garenne ça fait rire mais j'sais pas pourquoi.
Et le verdict est tombé en même temps que ma mâchoire : "C'est l'vibrequin, M'sieur Vegas" et il a ajouté "c'est l'problème sur les moteurs en V avec une bielle maîtresse articulée sur le maneton, et une bielle secondaire articulée sur la bielle maîtresse"
J'ai répondu machinalement : "Une vieille maîtresse ça doit être plus fiable, même avec des heures de route"
Mr Lapin a ouvert des yeux ronds : "Sans vilebrequin on avance moins vite"

J'avais pas compris que c'était de l'humour, j'ai osé demander : "Vous auriez pas une voiture sans vilebrequin, des fois ?"
Il se gratta la tête, les garagistes se grattent souvent la tête, allergie à la graisse sans doute : "Pour ça faudrait passer à l'électrique, M'sieur Vegas"
"A l'électrique? Vous en avez là pour voir ?" ai-je demandé.
Il m'a tapé sur l'épaule comme si on était potes alors qu'il était juste le docteur de ma vieille Passat malade du vilebrequin.
"Essayez Zoé, elle est libre" a t-il dit avec un clin d'oeil malicieux "elle est facile, pas exigeante et surtout silencieuse"
Je m'demandais si elle serait plus silencieuse et moins exigeante que Germaine.
J'ai dit bêtement : "D'accord, si elle veut bien..."
Mr Lapin m'a regardé bizarrement : "Elle est prête, elle est là sur le trottoir"
Je sais pas c'qu'y m'a pris, j'ai déguerpi... les putes c'est pas mon truc.

 

6 janvier 2018

Germaine et Germain (Vegas sur sarthe)


Quand j'ai rencontré Germaine, elle était au four et au moulin... j'aurais dû me douter que ça n'allait pas être de la tarte et qu'elle me roulerait dans la farine.
Elle m'avoua plus tard que ce jour-là – en cuniculicultrice chevronnée – elle courait deux lièvres à la fois et que j'avais été le plus lent des deux!
Moi, lent ? Y'avait pas plus chaud lapin dans le canton.
Fréquenter une cuniculicultrice... rien que ce mot me faisait saliver !
Comme un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, on s'est vite mariés à saint Pierre et à Miquelon. Je me serais bien passé de deux mariages surtout qu'à midi et à quatorze heures on se les gelait ferme, surtout moi.
D'ailleurs je n'ai rien vu, mais Germaine voyait pour deux, elle disait que c'était de l'ubiquité et qu'elle était tombée dedans toute petite à Pâques et à la Trinité... sur les deux îles à la fois!
J'ignore comment elle faisait, moi qui n'avais jamais su pisser dans Jacob et Delafon simultanément.
En plus de ça elle était atteinte de dédoublement de la personnalité; je m'en suis rendu compte quand une nuit elle m'a demandé de l'appeler Germain !
Dès le lendemain j'ai entamé une procédure de divorce, ou plutôt deux procédures de divorce pour être tout à fait sûr.
Parait qu'on ne peut pas divorcer deux fois en même temps... c'est ce que m'ont expliqué les deux cougars du guichet n°3 du bureau de l'état civil de La Garenne-Colombes.
Oui, on habite La Garenne-Colombes, c'est encore une trouvaille de Germaine : La Garenne pour moi le chaud lapin et Colombes pour mes colombes... enfin pour Germaine ma colombe et Germain mon pigeon.
Finalement je leur ai construit une volière, une volière de chez Casto, là où y'a tout c'qui faut...
J'espère juste une chose c'est qu'ils ne se reproduisent pas, la consanguinité et la schizophrénie ça ne doit pas donner grand chose de bon.
Aujourd'hui je me sens bien, je n'ai plus besoin de faire à la fois le Père Noël et le Père Fouettard pour plaire à Madame... juste une poignée de graines mélangées de chez Animalys chaque matin et le tour est joué.

 

30 décembre 2017

Liturgie macho (Vegas sur sarthe)


"Hé Cindy, t'as déjà secoué l'encensoir ?"
"J'ai plus cinq ans, j'suis pucelle que tu croives"
"J'te d'mande si t'as déjà manipulé un encensoir"
"Euh... c'est quoi c't'embrouille ?"
"C'est une boîte à fumée où c'est qu'on brûle de l'encens"
"Et c'est quoi l'an cent?"
"C'est comme la résine de canne à bisse mais c'est légal passeque c'est garanti par l'église, c'est un truc qui cocotte grave et qui fume et qu'on fait monter au ciel pour donner d'l'odeur aux prières"
"Passque tu fais des prières, maint'nant ?"
"Non... pas moi, moi j'fais juste le naviculaire"
"Le navi quoi ?"
"Tu f'ras l'thuriféraire pendant que j'f'rai l'naviculaire"
"J'comprends que dalle à c'que tu dis"
"C'est simple! Not' curé cherche deux volontaires pour la messe de minuit... c'est bien payé"
"C'est quoi un avis culaire ?"
"C'est çui qui porte la navette"
"La navette... comme la chevillette ou la bobinette du chap'ron rouge ?"
"Mais non! C'est une boîte à coucou où c'est qu'y a l'encens qu'on met dans l'encensoir pour le faire crâmer"
"Si j'comprends bien, j'vais secouer ce Jean-François qui fume et qui pue pendant qu'tu tiendras juste la p'tite boîte et on s'ra payé pareil ?"
"C'est l'geste qui compte ma vieille et pis c'est Noël"
"J'm'en balance de ton transplantoir!"
"Justement, c'est l'balancement qu'est essentiel"
"Et y faudra l'secouer combien d'fois ton assesseur ?"
"D'abord à la procession et pis avant les vangiles et pis à l'Offre-toi et pis à la consécrétion et pis c'est tout. Tu l'agites trois fois deux coups ou trois fois trois coups, ça dépend"
"Euh... ça dépend d'quoi ?"
"T'inquiète, le curé compte pas les coups, pourvu qu'y lui en reste un peu pour soigner son asthme"
"Passque l'curé est asthmatique en plus ?"
"Ouais, les curés sont pas à l'abri, tu vois..."
"En tout cas j'préfère faire le naviculaire si ça t'déranges pas"
"C'est pas qu'ça m'dérange mais ça va pas êt' possible, rapport au feu"
"Quel feu ?"
"Ben les allumettes pour allumer l'encens dans la navette"
"Et c'est quoi le problème avec les allumettes ?"
"Ben les allumettes, c'est une affaire d'homme"
"Tu sais pas... t'iras t'secouer l'ascenseur tout seul !!"

 

23 décembre 2017

Sus, lapsus et collapsus (Vegas sur sarthe)



"Hâtez-vous docteur" suppliait Firmin le majordome "notre bonne a ses vapeurs"
Encore essoufflé de sa course, le docteur Lapalisse se pencha sur le corps abandonné au sol pour déclarer : "Elle a perdu connaissance"
"Comment peut-elle perdre ce qu'elle possède si peu ?" fit remarquer Madame sur un ton sarcastique.
L'éminent docteur tenta de rassurer : "Si c'est une syncope vagale, cela ne devrait pas durer longtemps"
"J'y compte bien" rétorqua Madame "il est si difficile de nos jours de conserver son petit personnel"
"Sinon, il faudra chercher ailleurs" répondit l'homme de sciences.
Chercher ailleurs! On voit bien qu'il n'emploie pas de gens se dit Madame.
Comme la bonne restait sans connaissance – confirmant les dires de Madame – le docteur Lapalisse ajouta : "Il peut s'agir d'une hypoxie brutale... d'une apnée"
"Pourquoi aurait-elle fait une apnée ?" aboya Madame en s'adressant à Firmin "on n'est pas bien traité, céans ?"

Gêné, Firmin balbutia: "Hum... quand je l'ai trouvée, Madame... elle avait encore en bouche le... comment vous dire... l'instrument de Monsieur"
Dans le boudoir attenant, Monsieur remettait à la hâte de l'ordre dans son habit.

"Vous viendrez me voir, cher ami" tonna Madame, le regard noir et les poings crispés.
Le docteur Lapalisse crut bon de couper court : "Il faudrait la ventiler"
"Ce sera aisé" dit Madame "elle est déjà amplement dépoitraillée!"
Finalement la bonne dépoitraillée sans connaissances bougea un peu et déjà son teint cireux virait au rose pâle.

Le docteur Lapalisse lui prit le pouls et colla son oreille sur un sein accueillant, s'y assoupit longuement puis se releva pour déclarer :"Il s'agit d'un collapsus, d'une diminution des forces avec baisse de la pression artérielle, autrement dit d'une pâmoison"
"Une horrible pâmoison" ricana Madame "elle aura sans doute trop astiqué l'argenterie... ou quelque bijou de famille ou bien elle aura chuté du haut de l'armoire"
La bonne pâmée sans connaissances reprenait petit à petit ses esprits, jetant des regards de droite et de gauche, évaluant la scène.
Comme elle faisait mine de se relever, Monsieur intervint pour l'aider mais un malencontreux croche-pied le projeta dans les bras du docteur Lapalisse.
"Docteur" minauda Madame "aidez Monsieur avant qu'il ne se pâme à son tour" puis elle se pencha vers la bonne tout à fait désyncopée "Ma fille, vous passerez à l'office pour vous défaire de votre tablier, ce qui doit être chose aisée pour vous !"
Monsieur avait pâli à son tour et d'une démarche syncopée il reprit la direction du boudoir et de son armoire aux alcools à la recherche d'un brandy ou d'un vieux marc...
Comme la porte claquait violemment il se retourna en chancelant; affichant son regard des mauvais jours Madame fonçait sur lui.
"Vous avez renvoyé cette gourgandine" osa t-il d'une voix blanche sur un ton faussement affirmatif.
"Avec un soufflet en sus, mon cher! En sus!" ricana Madame "nous nous passerons désormais de bonne en espérant que Firmin ne soit pas lui aussi sujet au collapsus"

 

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16 décembre 2017

C'est vous qui voyez (Vegas sur sarthe) (379)

 

v

 – Cette nuit, docteur... j'ai rêvé de rhododendron
 – De rhododendron?
 – Oui docteur, avec une hache et trois dés
 – Une 'h' et trois 'd', tout ça me parait orthographiquement normal
 – Et médicalement, ça vous parait comment, docteur?
 – C'est à dire que le rhododendron ne supporte pas le calcaire
 – Ah! Vous pensez que je devrais traiter mes canalisations?
 – Ça ne peut pas faire de mal mais pour l'enfouissement il faudrait prévoir un trou beaucoup plus grand avec de la terre de bruyère
 – Euh... je n'avais pas pensé à une mise en terre aussi rapide
 – Rien ne presse, monsieur... vous avez jusqu'à l'automne prochain pour creuser
 – ça me laisse peu de répit quand même. Et si je rêve d'un autre arbuste entre temps ?
 – C'est vous qui voyez, le rhododendron est particulièrement résistant aux maladies... enfin... c'est vous qui rêvez. Dans tous les cas il faudra soigner l'arrosage mais sans jamais laisser les pieds dans l'eau
 – Pour ce genre de cérémonie, dans ma famille on n'a jamais lésiné sur le champagne
 – C'est vous qui voyez, pourvu que vous enleviez tous les ans les parties fanées ou mortes
 – Je pensais qu'on fanait et qu'on mourrait d'un seul bloc, mais si vous dites qu'on peut choisir des parties...
 – On ne peut pas choisir monsieur, c'est la nature qui décide
 – Oui bien sûr
 – Au fait je ne vous ai pas demandé... il était de quelle couleur le rhododendron de votre rêve, si vous rêvez en couleur bien sûr ?
 – Rose saumon... et flammé de jaune orange
 – Alors c'est un Azor, monsieur. Vous auriez pu tomber plus mal
 – Euh... oui mais je n'ai aucun costume qui s'accorde avec du rose saumon
 – Dans votre cas le plus important pour l'harmonie des rêves c'est la couleur du pyjama
 – Euh... je dors nu, docteur
 – Je vois... il faudrait en discuter avec votre épouse
 – Oh vous savez... elle... les fleurs c'est le dernier de ses soucis
 – Le souci – sans vouloir vous alarmer – c'est froideur et cruauté
 – A qui le dites-vous docteur! Je préfère ne pas m'étendre et rester avec mes rhododendrons
 – C'est vous qui voyez
 – Bon et bien, ça va me coûter combien ?
 – Un Azor ordinaire c'est dans les 35 euros mais le rose saumon est plus...
 – Non docteur, je vous parlais du prix de la consultation
 – Je vais vous faire une fleur, aujourd'hui je ne vous demande rien
 – Euh... on va donc se revoir alors ?
 – C'est vous qui voyez
 – Vous m'avez rassuré !

 

 

9 décembre 2017

Les 15 jours de la Genèse 2.0 (Vegas sur sarthe) (378)

 

v


Après le grand chambardement et ayant recensé les dégâts, le Tout-Puissant décida de tout refaire en mieux et de prendre son temps: IL appela ça la Genèse 2.0
IL était loin d'imaginer qu'en cumulant deux jours du seigneur sans compter les RTT, IL allait gagner au change.


Jour 1: IL fit le jour clair et la nuit sombre mais avec une cinquantaine de nuances de gris pour les deux bipèdes qui attendaient le jour 6 avec impatience

Jour 2: IL fit le ciel bleu puisqu'IL avait déjà créé le Bleu ciel et que c'était bien; IL fit aussi la mer avec des golfs clairs et des moutons... Mêêê... y'a pas de mais qui tienne

Jour 3: IL fit l'herbe – humide pour les vaches qui ne péteraient plus et sèche pour le cannabis – des fruits sans pépins sauf la pomme et des légumes beaux (avant on disait biaux) à manger par 5 chaque jour

Jour 4: IL fit un soleil avec une grande place – la place au soleil – une lune avec du miel pas frelaté pour les amoureux et des étoiles pour les poètes

Jour 5: IL fit des zanimaux, des piafs qui volent sans chier partout, des hamburgers sur pattes et des canards sans foie ni l'oie, des pandas noir et blanc et aussi des blanc et noir – pareil pour les zèbres – des chauve-souris chevelues et puis des loup-bouquetins pour chausser son Eve du lendemain.

Jour 6: IL fit Adam en vert – avec un verre à dents – et Eve en tenue d'Eve mais en 86.60.86 pour faire bonne mesure; IL leur dit "Croissez et multipliez-vous mais en silence parce que je vais créer demain mon jour du Seigneur et j'aimerais bien être peinard"

Jour 7: IL ne fit rien mais créa quand même le hamac et la télé par lune (le satellite de la Terre) mais sans Hanouna et puis il créa les boules Qiès à cause des deux forniqueurs.

Jour 8: IL fit l'Enfer et son boucan, un endroit torride et enfumé pour boucaner et non pas un endroit frais et pur pour bouquiner, un endroit bruyant où les méchants seraient obligés d'écouter ad vitam eternam l'oeuvre complète de Renaud.

Jour 9: IL fit les Paradis fiscaux et on dirait fiscaux parce qu'il y avait plusieurs paradis fiscals, tout comme cheval mais pas chacal.

Jour 10: IL recréa sa prière le Notre Père en remplaçant "et ne nous soumets pas à la tentation" par "et ne nous laisse pas entrer en tentation"... après tout, c'était Sa prière bon Dieu !!

Jour 11: IL créa un Noël aux tisons et un Pâques au balcon parce qu'IL en avait soupé des anciens dictons à la mord-moi-le-noeud

Jour 12: IL fit la chicorée du Nord (avec le brun, un brin dérangé) et la chicorée du Sud (avec Leroux, un brin caféiné) pour ne pas les confondre

Jour 13: IL fit quatre saisons comme Vival dit: le printemps sur la Tamise, l'été mais pas meurtrier, l'automne sans les violons sanglotant et enfin l'hiver mais sans le singe ni Belmondo

Jour 14: Comme le jour 7 IL ne fit rien sauf déplacer son hamac, n'alluma pas la télé – même sans Hanouna – mais garda les boules Qiès toujours à cause des deux forniqueurs.

Jour 15: IL créa le Quinze et en vrac le SAMU, le département du Cantal au lait de vaches qui ne pètent pas et aussi l'âge de la majorité sexuelle même si Eve s'en foutait pas mal depuis le 6ième jour

Le Tout-Puissant poussa un soupir de satisfaction mêlé d'une pointe d'angoisse: sa Genèse 2.0 donnait à l'Humanité une nouvelle chance de prospérer, un souffle nouveau à peine perturbé par les beuglements des deux forniqueurs qui Caïn & Caha sublimaient déjà les premières graines d'une innombrable progéniture...

 

2 décembre 2017

Japoniaiseries (Vegas sur sarthe) (377)


Le bruissement soyeux, délicat et sensuel des tissus qu'on abandonne ayant cessé, je réalisai avec ravissement que le seul rempart qui me séparait à présent d'Albertine était ce frêle paravent de papier décoré de suggestives japoniaiseries faites de couples imbriqués, sexes béants et verges folles.
Le décorateur avait-il peint ces horreurs à dessein pour le supplicié qui souffre de ce côté de la frontière des rêves ?

Soudain j'ai eu chaud, très chaud, aussi ne gardai-je que mes caleçons molletonnés qui contenaient à grand peine une érection naissante.
Mais bizarrement les bruissements reprirent de plus belle, ponctués de plaintes sourdes et de râlements indéfinissables.
La demoiselle se pâmait-elle déjà? Se pouvait-il que par transparence elle jouisse des mêmes oeuvres libidineuses ?
J'osai un "Besoin d'aide, ma chère?" auquel répondit un gloussement de gorge à faire frémir le rempart ténu :"Non point mon ami... je serai bientôt prête"
Albertine allait être "prête" rien que pour moi, mais prête à tout ?
Dans mon excitation je heurtai le paravent du bout du pied et le maudit écran tomba... tout comme ma virilité au spectacle sidérant qui s'offrait à mes yeux.

Albertine poussa un cri d'effroi, les yeux écarquillés et croisant vainement les bras sur un étrange costume, un pantalon plissé équipé d'un dosseret qui ressemblait à un hakama de samouraï!
"Que faites-vous dans cet accoutrement?" s'étonna t-elle.
J'aurais pu lui retourner sa question.
Les hommes s'imaginent que les paravents sont les antichambres du plaisir alors qu'ils ne servent finalement qu'à changer d'apparence et à exacerber les sens; j'avais fantasmé sur des motifs suggestifs dignes du kama-sutra et voilà qu'une poupée en camisole annihilait toute libido.

Pris d'une rage inconnue j'entrepris sauvagement de dénouer les lanières avant croisées derrière la taille et revenant sous la ceinture puis les lanières arrières nouées sur l'avant et englobant les deux brins avant ainsi que l'avait conçu un fou furieux dans le lointain Empire du soleil levant.
J'arrachai les velcros avec de grands "scrrratch" qui couvraient à peine des cris effarés et je libérai enfin les sept plis du pantalon... sept plis liés à sept vertus qu'elle me récita à l'oreille à mesure que je les soulevais un à un.
Je découvris tour à tour la bienveillance, l'honneur, la courtoisie puis la sagesse et la sincérité... et puis vint la loyauté.
Ecartant toute loyauté d'un revers de main j'en terminai avec la piété au risque de me damner pour de bon.
Troussée au beau milieu de ses falbalas et fanfreluches, Albertine s'était pâmée, quant à moi – moulé dans mes caleçons d'un autre âge – je découvrais dans le reflet d'une psyché un type que je ne connaissais pas.

Ainsi donc le miracle du paravent – prétexte à tant de folies au théâtre de boulevard – n'avait pas opéré sur nous; la belle était dans les vapes et moi au trente sixième dessous...
Abandonnant Albertine à sa pâmoison je redressai le paravent – seule chose en passe d'être redressée en la circonstance – et m'y réfugiai pour me rhabiller à la hâte.
C'est alors qu'une voix rauque me cloua sur place, une voix que je ne lui connaissais pas et qui disait :"Qu'attendez-vous mon ami... ranimez-moi ou alors tuez-moi mais faites vite!"

 

25 novembre 2017

L'obélisque pour les Nuls (Vegas sur sarthe) (376)


Comme astérisque le mot obélisque est masculin à cause de sa forme, c'est pourquoi on parle d'érection lorsqu'on le dresse.
Erigé ou au repos, un obélisque est toujours rose grâce au granite rose de chez Assouan, un tailleur égyptien qui fit carrière dans le granite.
Les techniques d'érection restent méconnues à ce jour bien qu'on ait échafaudé de nombreuses théories comme celle du docteur Hypothalamus "Erection, mode d'empoi ou la Gaule du matin".
Par contre on sait que l'obélisque de Louqsor provient de Louqsor en Egypte où il gisait ; s'il était venu de Gizeh on l'aurait appelé l'obélisque de Gizeh ce qui eut été grotesque pour un obélisque en érection.
Il a été échangé aux égyptiens par Charles X contre une horloge en cuivre qui n'a jamais marché mais l'obélisque n'a jamais marché non plus bien qu'il serve aléatoirement de cadran solaire.

Mené en bateau durant un an au gré des crues du Nil puis de la Seine par Champollion – célèbre pour avoir déchiffré le mot barbare hiéroglyphe – l'obélisque est érigé en 1836 à Paris où il remplacera un monument autrefois érigé en l'honneur de Louis XVI qui fut décapité au même endroit.
Selon les époques, on décapite, on castre ou on érige et tout ça devient l'Histoire avec une grande H.
Louis-Philippe Ier finira par trancher lui aussi: ce sera la Place de la Concorde et nulle part ailleurs!   
On notera que Champollion portait un nom de lycée, le même nom que beaucoup d'établissements français comme Grenoble, Dijon ou Figeac (Source: Les Copains d'avant)

C'est ainsi que le 25 octobre à 14H30 et des poussières – beaucoup de poussière –  au moment de l'érection il y aura du monde au balcon, Louis-Philippe Ier – inventeur de la pièce de 20 francs – et sa famille recueillent l'ovation de la foule; il faut dire que ce jour-là il faisait beau... mais parlons technique:


L'obélisque comporte trois parties distinctes mais reliées entre elles: le pied des stalles, le fût et le pyramidion mais vu d'en bas on distingue surtout le pied à moins d'être en haut; c'est pourquoi on peut dresser un obélisque à l'envers, dans ce cas on dit planter et non pas ériger.
Le planter d'obélisque est développé en détail dans les brochures de Goscinnix et Uderzum.

Le pied des stalles:
Le pied des stalles d'origine de l'obélisque de Louqsor comportait seize statues de babouins surexcités et en érection comme l'obélisque mais il fut remplacé par un pied des stalles plus sobre pour ne pas choquer la société française prude du XIXème  (du XIXème siècle et non pas du XIXème arrondissement).
Notons à l'attention des voyeurs libidineux que le pied des stalles d'origine et ses babouins qui bandent tous les jours de 9H à 18H sauf le mardi est visible au pyramidion du Louvre.

Le fût:
Déjà douze siècles avant JC tous les fûts sortaient couverts, celui de Louqsor ne manque pas de caractères ; il est couvert de hiéroglyphes ou rébus à base d'oiseaux, de cafards, de trombones, de casseroles et de scoubidoubi-ou-ah qui racontent la vie de Ousirmaâtrê Setepenrê appelé plus amicalement Ramsès II (ou Rame 16-2).

Le pyramidion:
C'est une mini-maquette de pyramide placée au sommet du fût et pour couronner le tout celui de la pyramide de Louqsor est recouvert de feuilles d'or pour faire plus style Louis-Philippe.

À suivre: La culture de l'agrégadolinium à travers les âges

18 novembre 2017

La Pomponette (Vegas sur sarthe)

 

Elle est là dans le vestibule, pâle comme un maccabée, chiffonnée de la tête aux pieds et chancelante comme un funambule de pacotille, les yeux battus et la choucroute de travers.
Alors je commence puisque je suis le plus valide de nous deux :"C'est à c't'heure-là qu'tu rentres? On avait dit pas tard, Germaine"
Je me doute de la réponse comme elle se doutait de la question et ça sort :"Il est pas tard... il est tôt, il est même très tôt. Qu'est-ce que tu fous déjà debout ?"
L'oiseau de nuit, déplumé et repu de gros son – ça tintinnabule encore dans sa tête – ressemble moins à une chouette qu'à une chatte rassasiée, on dirait la Pomponette de Pagnol.
Je me retiens de dire :"Assieds-toi là ma belle, tu dois avoir faim" mais elle n'est pas belle à cette heure matinale; Germaine est belle le soir mais jamais belle au matin, elle est du soir... du très soir.
Comme en préambule à l'habituelle empoignade elle ajoute pour se justifier :"J'y peux rien, j'suis somnambule"
Comme à chaque fois ce dialogue de sourd va ruiner mon petit-déjeuner du dimanche matin :"On ne dit pas somnambule mais noctambule"
Une grosse larme creuse lentement un sillon de rimmel ravageur :"J'y arrive pas"
Je repousse mon bol de café refroidi tout comme moi :"C'est pourtant facile, noc-tam-bu-le et som-nam-bu-le, c'est différent! Noctambule c'est quinze points au scrabble alors que..."
"C'est quoi le scrabeule?" demande t-elle.
Si les copains du club de scrabble l'entendaient, ils seraient sur le cul!
Germaine fourrage d'une main lasse dans sa choucroute dévastée; le sillon de rimmel finit sa course à la mandibule :"J'y arrive pas à rentrer moins tard parce que j'ai besoin de partir tard, sinon à quelle heure on ferait les after?"
Je pose ma tartine beurrée... Germaine l'est tout autant; j'ose la question :"C'est quoi un afteure?"
Si ses copines d'afteure m'entendaient, elles seraient sans doute effarées.
Elle s'explique les yeux fermés comme pour prolonger son plaisir "nocturne" :"C'est là où on va finir la nuit quand les boîtes ferment vers trois heures"
"Et on y fait quoi dans ces afteures?"
Une lueur incrédule éclaire son regard éteint :"Ben... on fait la même chose qu'en boîte, on boit, on grignote, on s'amuse quoi!"
C'est vachement bien organisé leur truc: quand les boîtes ferment, les afteures ouvrent.
Je réponds juste :"Tu grignotes après trois heures du mat? Va pas vomir dans mon bol"

Pomponette tangue dangereusement dans un slow approximatif et finit par s'affaler sur la chaise contre moi.
Un mélange de tabac froid et de Lancôme suranné déambule autour de ma fêtarde et me donne la nausée :"Tu fumes maintenant ?"
"Non, c'est les autres, alors fatalement j'en profite"
Comme si elle était fatalement contrainte d'aller en boîte chaque samedi et fatalement obligée de rentrer à sept heures.
Fêtard... c'est curieux ce mot qui finit par tard.
D'après le Larousse le mot fêtarde est très rare, mais il a fallu que j'en épouse une.
Moi je fais partie des couche-tôt et je n'ai pas envie de changer de rythme.
Ma fêtarde ronronne et commence sa nuit sur place, je pourrais lui dire façon Pagnol que je m'étais fait un sang d'encre toute la nuit, que j'avais tourné et viré dans tous les coins, plus malheureux qu'une pierre... mais en fait j'ai dormi et il faut que j'aille réchauffer mon bol de café :"Maintenant que tu en as bien profité, Pomponette tu peux aller te décontaminer sous la douche et filer au lit... il est encore chaud"

Je rêvais de conciliabules, d'enfantillages échangés sur l'oreiller dans la chaleur du lit conjugal mais voilà, j'ai épousé une noctambule.
"S'il est chaud j'en veux bien" bredouille t-elle.
J'ignore si elle parle du café ou du lit et je n'ai pas envie de savoir; pas envie de partager l'un comme l'autre: c'est mon café et c'est mon lit puisque j'y dors seul et que je le bois seul ou le contraire.
Dimanche prochain, je prendrai mon café au lit... ça résoudra la question.

 

11 novembre 2017

Mal et Fils (Vegas sur sarthe)

 

Depuis tout petit mon obsession c'était de déchiffrer en défrichant du défraîchi et c'est ce que je fis sans difficultés.L'enseigne était délabrée mais je pus lire aussitôt "Mal et Fils".
Je tirai la chevillette et comme l'avait prédit Perrault en son temps la bobinette pivota vers le bas et sortant de la gâche, finit par choir en libérant l'huis qui n'avait pas dû s'ouvrir depuis fort longtemps.
J'aurais pu simplement dire que j'avais ouvert cette porte mais j'ai ce souci du détail qui agace parfois et auquel je ne peux résister.
J'entrai et je dû m'habituer à la pénombre où un maigre lumignon qui tenait plus du quinquet que de la lampe tentait d'éclairer un guéridon encombré de grimoires et de bouquins.
L'un d'eux portait un titre énigmatique "Nonante nuances de noir"... pas franchement gai tout ça.
Sur un perchoir vermoulu un perroquet à croupion bleu passablement déplumé me regardait d'un oeil morne. "Vive le roi" lança t-il d'une voix rauque comme pour alerter de ma présence et sans présumer de mes origines modestes.
"C'est trop d'honneur" répondis-je "Monsieur Mal est-il là... ou son fils?"
"Vive la reine" rectifia le volatile qui semblait ne pas m'avoir bien calculé.

Signe d'un courant d'air venu de la pénombre, le lumignon se mit à flageoler puis le courant d'air ouvrit la bouche."C'est pour quoi?" grinça une voix fluette.
Le gnome – je dirai un petit gnome au risque de pléonasmer – source du courant d'air bondit sur le guéridon histoire de pouvoir parler de gnome à homme :"C'est pour quoi?" répéta t-il comme si je n'avais pas entendu.
"Monsieur Mal ?" m'enquis-je.
Il éructa une fois – ou flatula, la différence est ténue chez les petits gnomes – avant de dire :"Non c'est le fils, mon père n'est plus...là"
"Désolé" crus-je bon de répondre à l'orphelin.
"ça ne fait rien" dit-il "je remplace avantageusement ce vieil abruti qui est parti avec la marâtre de Blanche Neige et son foutu miroir!"
"Quel foutu miroir ?" osai-je demander.
Un gnome qui soupire n'est pas beau à voir, pas plus que quand il rote ou pète, aussi ne vous décrirai-je pas la scène en détail.
Il expliqua: "Cette marâtre possèdait un miroir maléfique, un smartfaune de chez La Pomme qui donne le temps qu'il fait, des nouvelles de ses sujets et des recettes de beauté comme ce masque de Cesare Frangipani à base de frangipane et de beurre en pot... mais pourquoi vous bassiner avec tout ça ? Allez plutôt chercher ces balivernes chez Vegas qui en remplit des grimoires entiers dans sa Sarthe!"
Pour un petit gnome il en avait visiblement gros sur la patate ce qui lui donnait l'air d'un culbuto ridicule.
J'évitai donc de le questionner plus avant sur son père, sa poufiasse et ce miroir empoisonné.

Ma quête était toute autre et quand j'eus exposé l'objet de ma visite, le petit gnome se transforma en deux ronds de flan.
Je cherchais en fait une sorte de décodeur magique, une poudre de perlimpinpin, un onguent ou même un lavement enfin quelque chose qui puisse me traduire des mots et des expressions nouvelles pour moi comme galimatias, chacun-et-chacune, celles-et-ceux, pique-boeuf, aggiornamento,totipotent, irrédentisme et tant d'autres calembredaines.
J'évitai certaines expressions comme In petto qui aurait pu l'inciter à flatuler de nouveau.
Le double rond de flan me regarda de l'air désolé du commerçant au bord du dépôt de bilan :"Je n'ai rien pour ça. J'ignore qui parle de la sorte et je n'aimerais pas être à votre place!"
"Je n'ai pas choisi ma place pas plus que je n'ai choisi la sienne" soupirai-je à mon tour "j'aimerais juste comprendre ce qu'il dit, moi qui n'ai pas mon pareil pour déchiffrer en défrichant du défraîchi"
Tout petit qu'il était ce gnome n'était pas dénué de jugement puisqu'il conclut en hochant sa tête de flan:"Il vaut peut-être mieux ne pas comprendre du tout..."
Je sentis que j'allais repartir bredouille et le gnome sentit ce que je ressentais.
Comme je repassais l'huis – j'adore repasser les huis – en le remerciant de rien, il me tendit la perche ou plutôt le perchoir.
Je repris alors ma route avec mon nouveau perroquet à croupion bleu passablement déplumé et à l'oeil morne.
"Vive le roi" me siffla t-il à l'oreille.
Finalement ce babillard commençait à me plaire.

 

 

4 novembre 2017

Le lipizzan pour les Nuls (Vegas sur sarthe)


Certains essaieront de vous persuader que le lipizzan comme d'autres médicaments en zan (Guronzan, Parmezan, Anabolizan) permettent d'aller facilement à la selle... il n'en est rien.

Le lipizzan est un cheval singulier; au pluriel on dit chevaux car il y a plusieurs chevals comme sur la pièce slovène de vingt centimes d'euro.
On dit aussi que c'est un equus ferus caballus mais c'est plus chiant à dire.
L'appellation Lipizzan est apparue en 1860; auparavant on les appelait par le nom de Pferde der Karster Rasse Lippizaner Zucht mais ils ne répondaient pas et on le comprend.
D'origine autrichienne le lipizzan doit son nom au village de Lipizza qui n'est pas situé en Italie malgré son nom mais en Slovénie.
On le trouve donc dans les haras slovènes et aussi sur les pièces slovènes de vingt centimes d'euro.
On le trouve aussi en 1976 aux côtés de Paul Newman dans Buffalo Bill et les indiens mais pas sur le billet de un dollar.

Cheval de Haute Ecole il peut mesurer jusqu'à 1,65m sauf sur les pièces slovènes de vingt centimes d'euro.
Son ancêtre, étalon fondateur né en 1765 s'appelait Pluto et donnera des lignées de lipizzan et plus tard un chien – fidèle compagnon de Mickey – mais hors sujet.
C'est un cheval massif tout comme la pièce slovène de vingt centimes d'euro en alliage de cuivre.
Sa robe est grise – couleur préférée de la famille impériale autrichienne – et non pas blanche; méfiez-vous des contrefaçons.
Il est heureux pour le lipizzan que l'empereur n'ait pas préféré le mauve ou l'écossais.
Le lipizzan est énergique, endurant, intelligent, doux, patient, obéissant et plus si affinités.
Si affinités, le lipizzan mâle fait l'objet d'un contrat de saillie qui consiste à remplir la jument; dans ce cas, le lipizzan mâle est énergique, endurant, intelligent et tout le reste.
Pour être éduqué le lipizzan est scolarisé à l'Ecole espagnole de Vienne en Autriche dont la cour de récréation dispose d'un manège.
Le lipizzan apprend alors la Remontenschule, la Campagneschule et plein de trucs en schule comme la pirouetteschule ou la cabrioleschule.
En 1945 les lipizzan seront sauvés par les Américains avant que les soviétiques les prenant pour des chevaux à viande ne tentent de les bouffer.

On ne peut clore ce sujet sans évoquer la célèbre phrase de l'acte V scène 4 de Richard III "Un lipizzan! Un lipizzan! Mon Royaume pour un lipizzan!", une phrase qui fait toujours son petit effet dans les réunions mondaines lorsqu'on n'a pas grand chose à dire.

A suivre: La pétasse en Louboutin pour les Nuls

7 octobre 2017

Le poumon (Vegas sur sarthe)

 

Pharmacie Diafoirus et Fils depuis 1674

 

"Monsieur?"
"Argan"
"Argan comme l'huile d'Argan?"
"Non... enfin, comme c'est écrit sur mon Billet Vital"
"Pardon mais je disais ça à cause de votre hypercholestérolémie et surtout cette affection du foie"
"Euh... à quoi voyez-vous que j'ai un problème au foie? On m'avait parlé de la rate"
"Sans être médecin il suffit de voir comme le blanc de votre oeil est jaune, Monsieur Argan"
"Il est vrai que Je sens de temps en temps des douleurs de tête"
"Hum... ça c'est plutôt Le poumon"
"Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux"
"Le poumon
vous dis-je"
"Si je vous avoue aussi que J'ai quelquefois des maux de coeur"
"Le poumon,
Monsieur Argan! Comment faut-il vous le dire? En vers?"
"Ah ne me parlez pas de vers, ça me provoque des coliques frénétiques! Mais je n'ai encore jamais consulté pour ce... comment dites-vous... poumon... j'ignorais d'ailleurs que j'en avais un"
"Deux, Monsieur Argan, vous avez deux poumons... à ce jour"
"C'est bien ma veine! Deux consultations et deux occasions de plus d'être malade"
"Vous éprouvez parfois le besoin de faire la sieste après le journal de treize heures?"
"Oui, chaque jour vers quatorze heures"
"Les poumons, Monsieur Argan!"
"Alors je suis condamné ? C'est ça, hein ?"
"Savez-vous cependant que certains malades se font crever l'oeil pour ne plus l'avoir jaune?"
"Euh... il y a peut-être des alternatives? Une poudre de perlimpinpin? Un lavement? On ne peut pas laisser mourir les gens, borgnes et malades à la fois du foie"

"Si ça peut vous rassurer Monsieur Argan, et parce que je vois défiler puis disparaître les clients à l'officine je vous avouerai que presque tous les gens meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies"
"Vous êtes sûr de ça?"
"Demandez à ma femme Angélique. Elle vous dira combien de clients nous avons perdus depuis le début de l'année; c'est une hécatombe"
"Angélique... comme cette racine qui soigne mon asthénie?"
"Non Monsieur Argan, Angélique Apiacée, épouse Diafoirus.
Ma jeune femme est bouchère de formation et n'a pas son pareil pour les saignées"
"Hum... je me sens déjà moins mal et je vais prendre congé avant que mes douleurs de tête ne me reprennent"
"C'est vous qui voyez, Monsieur Argan... n'oubliez pas votre Billet Vital"

 

30 septembre 2017

E pericoloso sporgersi (Vegas sur sarthe)

 

En ce 2 juin 1896 dans le train qui le ramenait d'Angleterre vers son Italie natale, le jeune Guglielmo se sentait bien triste et incompris.
Si le gouvernement italien n'avait vu aucun intérêt à son invention, il espérait beaucoup des rosbifs mais ceux-ci lui avaient ri au nez après son expérience avortée... et un angliche qui vous rit au nez ça vaut bien une paire de calottes du père Marconi !
D'ailleurs, du haut de ses vingt deux ans il allait encore en prendre une.
Comment un italien émigré avait-il osé aller défier les scientifiques britanniques?
Il entendait déjà la voix de son maître et eut un sourire amer ; les frères Pathé venaient d'avoir plus de chance que lui avec leur gramophone – mélange d'essoreuse à salade et de cornet à frites – Nom d'un chien !
Sans compter Tesla et Edison, ces deux monstres qui se disputaient la vedette à coups d'inventions, défendant qui le courant continu qui le courant alternatif au point d'accoucher de cette monstrueuse chaise électrique... que n'imaginait-on pas au nom du progrès et de la science!
Comble de honte, un de ses compatriotes un certain Italo Marchiony venait de mettre au point l'affaire du siècle, le cône de crème glacée, alors qui allait se soucier d'un gamin qui tape du morse au bout d'un fil en priant Dieu qu'on le recoive à l'autre bout du fil ?

Après les « Buono a nulla» (Bon à rien) du vieux Giuseppe viendraient les « Oublie toutes ces bêtises » puis on lui dirait de trouver un vrai boulot, de fonder une famille et tutti quanti.
Il serait carabinier ou footballeur, épouserait une bolognaise nourrie aux spaghetti, lui ferait une floppée de marmots et la famille serait contente.
Et dire qu'un an plus tôt dans les Alpes suisses il avait réussi à transmettre sur un kilomètre et demi quelques ti-ti-ti-ta-ta-ta entre deux antennes grâce aux ondes de Monsieur Hertz, au cohéreur de Monsieur Branly et aux antennes de Monsieur Popov.
Le vieux Giuseppe s'était marré : « Branly et Popov ! On se croirait au cirque Fratellini!»

Guglielmo est abattu, lui qui s'imaginait riche et célèbre roulant à bord d'une Alfa Roméo et écoutant des programmes musicaux à distance; il appellerait ça... tiens... un autoradio.

15 avril 1912: Guglielmo épouse Carla Bronzi – un mannequin turinois et chanteuse à textes issue d'une famille de musiciens – sous les yeux ravis de son vieux tandis qu'un rafiot dénommé Titanic embrasse un iceberg dans le silence le plus total.
Morse avait pourtant imaginé le SOS … --- … mais pas le fil invisible qui aurait pu sauver les hommes.

Dix ans plus tard en 1922 nait la BBC – la Brown, Boveri et Cie – compagnie de matériel féroviaire où Guglielmo va se rendre célèbre en imaginant le célèbre message de sécurité “è pericoloso sporgersi” qui évitera tant de malencontreuses défenestrations.

1924: Emile Pathé – l'inventeur du gramophone qui avait tiré un sourire amer au jeune Guglielmo un 2 juin 1896 – prend sa retraite et cède ses intérêts à... personne.

13 ans plus tard, le 20 juillet le petit Guglielmo devenu vieux comme son vieux s'éteint à Rome, emportant avec lui son obsession de tous les instants: créer un monde sans “filo alla gamba” un monde sans fil à la patte!
Change de disque, Guglielmo.

Aujourd'hui je souris en écoutant les enfants jouer dehors avec le dernier jeu à la mode: une ficelle et deux couvercles de boîte à cirage.
Au grenier on a retrouvé un vieux machin – une boîte avec une manivelle et un pavillon de cor de chasse et aussi un tas de galettes en plastique – une cochonnerie qu'on a aussitôt balancée aux encombrants...

 

23 septembre 2017

Pince fesses (Vegas sur sarthe)


Je suis un malappris, j'enfume les grenouilles
on me dit chenapan, auteur de tours pendables
aux admonestations je suis imperméable
en un mot comme en cent je suis une fripouille

Je cherche le grabuge et la carabistouille
pinçant le cul des filles en dessous de la table
le regard au plafond, nigaud, irresponsable
ne vous y fiez pas je suis une fripouille

C'est pas ma faute à moi si quelque niguedouille
tombe dans le panneau et me prend pour un ange
si elle se fourbit c'est que ça la démange

Je crie à l'infamie, j'accuse son voisin
qui prend un coup de poing et pisse son raisin  
je suis fieffé coquin, je suis une fripouille

16 septembre 2017

Extase molle à tartiner (Vegas sur sarthe)


"Dis M'man, c'est quoi l'extase?"
"Et ben c'est un peu c'que tu ressens quand tu t'goinfres de Nutella"
"Moi, quand je mange du Nutella je ressens surtout l'angoisse d'arriver au fond du pot"
"Euh... envisager l'fond du pot c'est plutôt d'la frustration"
"Et dis M'man, c'est quoi l'orgasme?"
"C'est plutôt comme quand à défaut d'Nutella tu bouffes ton oreiller"
"Ah bon? Et un fantasme?"
"Pour les fantasmes, va plutôt d'mander à ton père"
...
"Dis P'pa, c'est quoi un fantasme?"
"Euh... c'est quand ta mère pense que les pots de Nutella n'ont pas de fond!"
"Alors M'man est tout le temps en extase?"
"Oui,enfin... tant que c'est moi qui achète le Nutella par cartons de dix"
"Et un cauchemar, c'est quoi un cauchemar?"
"Euh... c'est quand la fin du carton arrive avant la fin du mois"
"Mais P'pa, la différence entre la fin du mois et le début du mois suivant c'est juste un jour!"
"Oui mais ce jour-là... comment dire... c'est l'extase"
"C'est bien c'que M'man disait... après on n'a plus qu'à bouffer nos oreillers"
"Hein? Pourquoi tu manges ton oreiller?"
"Laisse tomber P'pa, c'est seulement quand j'ai un orgasme"
"Qui t'a parlé de ça?"
"C'est M'man... et une extravagance, c'est quoi une extravagance?"
"Justement, va demander à ta mère"

9 septembre 2017

Le doryphore pour les nuls (Vegas sur sarthe)


Le doryphore fait partie des zinsectes qui vivent sur la pomme de terre ou ptère en argot doryphore.
Ce zinsecte fait partie de la famille des collés aux ptères, alors que le zinsecte collé à la pomme de pin s'appelle une chenille-qui-redémarre tandis que le zinsecte épinglé à la pomme Granny Smith s'appelle une punaise.

Surnommé la bête du Colorado ou "la bibitte à patate" au Québec il est appelé sombre héro au Mexique où il est apparu en premier, tête basanée, thorax brun, pyjama rayé noir (10 rayures pour le mâle contrairement à la femelle qui en possède 10) et élytres jaunes.
Le doryphore mexicain a émigré aux Etats-Unis au XIXème siècle – pas folle la guêpe – avant la construction du mur Trump puis il est arrivé en cohortes en Europe avec la mode de la frite à la fin de la guerre de 14 contre des "doryphores" allemands beaucoup moins basanés.

Le doryphore est un insecte oligophage, c'est à dire très tâtillon côté gastronomie: ptère, aubergine, poivron et tomate, il lui faut le gratin du jardin puis des feuilles de tabac pour sa digestion.
Grand dévoreur de feuilles, le doryphore fait des trous, des p'tits trous et aussi des p'tits trous; on dit que le doryphore fore.
Son repas se compte en centimètres carrés tout comme ses excréments ce qui est une "suite logique des choses".

Le doryphore s'accouple dès que la température dépasse 15°C; on dit que le doryphore fornique.
C'est un excellent thermomètre, surtout la femelle qui fait la gueule en dessous de 15°C.
Le cri des doryphores se fait entendre lorsqu'ils sont très nombreux; on dit qu'ils pullulent. Le pullulement du doryphore s'entend de très loin; on dit qu'il a la patate.

Parmi les prédateurs du doryphore on trouve la punaise masquée ou punaise Zorro et le sabot de jardinier unisexe taille adulte.
Les traitements biologiques tels que le bacillus thuringiensis sont terriblement repoussants rien qu'en prononçant leur nom!
On a essayé le purin d'ortie au tabasco, la menthe-grenadine ou encore la discographie complète de Mylène Farmer mais sans succès; d'autres recherches sont en cours actuellement notamment un leurre à base de feuilles d'impôts fonciers.

2 septembre 2017

Cosaque-choc (Vegas sur sarthe)

 

Nos grand-pères croyaient avoir échappé au pire en revenant de la grande guerre sur leurs deux jambes, mais Pépé ignorait que cent ans plus tôt en 1814 les cosaques de la garde impériale russe - non contents d'avoir fait valser Napoléon - nous avaient laissé un cadeau empoisonné, le "cosaque-choc", un truc aussi compliqué à prononcer qu'à faire mais qui semblait amuser nos charmants envahisseurs et gratteurs de mandoline.
Si nos grand-pères avaient cru épouser leur mémé pour le meilleur, en ce qui concerne Pépé c'était sans compter sur cette folie qu'elle eut de vouloir lui apprendre à danser ce qu'on appelait selon Pépé le "
cosaque-choc" et selon d'autres kozachok, kazatchok ou encore Vertpeny Kozackok pour les plus érudits.
Le principe en était sournois pour ne pas dire peu orthodoxe pour l'époque puisque Mémé menait la danse tout en tapant des mains pour indiquer les changements de figure à l'homme qui tentait de l'imiter, en l'occurrence mon Pépé.

Si le mouvement paraissait aussi élémentaire et linéaire que marcher au pas, il n'en était pas moins rapide dès le départ et sur un tempo en constante accélération qui imitait - juste avant l'inévitable chute - le franchissement des tranchées et déclenchait chez le pauvre homme ce fameux cri: "
Tous aux abris". 
Après quelques atterrissages musclés Pépé courut bien vite chercher ses bandes molletières dont la mise en place lui garantissait une bonne demi-heure de répit avant ce qu'il nommait les grandes manoeuvres.
Il aurait bien ajouté le casque lourd si Mémé ne l'avait pas avantageusement recyclé en pot à géraniums.

Au fil des assauts quotidiens et à mesure que montait sa haine envers les ukrainiens, Pépé en venait à regretter que Napoléon n'ait pas fait la guerre aux argentins ou aux tahitiens, enfin à quelque peuple aux moeurs moins tordues.
Il disait que quand on possède une mer noire et qu'on pêche au harpon on ne peut pas être tout à fait normal...
Perfectionniste, Mémé multipliait les variantes, alternant le kuban-kazachok connu de quelques initiés russes du Sud et le ter-kazachok du Nord Caucase dont les différences selon l'expression de Pépé étaient 'frappantes'!

Mais la ténacité légendaire de Mémé allait donner un tournant particulier à l'apprentissage du "
cosaque-choc" lorsqu'elle décida de remiser le phonographe pour faire venir des musiciens plus couleur locale, des joueuses de cithare et de bandura.
Les "
Poupées cosaques du Vertep" ainsi nommées - traduction fidèle de kazatchok - étaient trois vraies blondes à la fois plantureuses et callipyges dont les attraits surdimensionnés eurent tôt fait de faire perdre la tête et les molletières à Pépé.
Après quelques vocalises, roucoulades, échanges d'oeillades complices et frémissements de moustache, Pépé fut sommé de retourner sur le champ "aux abris" c'est à dire au fond de son potager, les poupées retournèrent à leur Dniepr natal (si tant est qu'il le fut), Mémé à ses confitures de mirabelle et on n'entendit plus jamais parler du
cosaque-choc.

On était en 50 et depuis cet épisode le sempiternel entremets franco-russe qui ponctuait nos repas du dimanche n'eut plus jamais le même goût.

 

26 août 2017

Le gant Mapa (Vegas sur sarthe)


Pour mon 469ème défi j'avais décidé de rencontrer un revenant ou une revenante.
Je n'étais pas difficile et puis les revenants ont-ils vraiment un sexe? Ceux qui en ont approchés ont-ils eu la curiosité d'aller voir jusque là?
Tant qu'à en voir un, je préférais que ça en soit une alors j'ai fait les petites annonces et j'ai filé rancard à une dame blanche un samedi soir après 20 heures car elle bossait comme dame pipi à l'abbatiale Saint Paul de la Couture.

La dame blanche habitait dans le vieux Mans – si tant est qu'un revenant puisse habiter quelque part – dans la cité Plantagenêt là où un certain Geoffroy plantait du genêt dans sa coiffure pour aller à la chasse.
Dire que la cité aurait pu s'appeler Plantaforsythia... les manceaux l'ont échappé belle, bref.
La White Lady comme on lit dans les dépliants en angliche s'appelait en fait Reine – Reine Blanchard née Bérangère – comme gravé sur sa plaque à côté de celle d'un courtier en assurances, un dénommé Richard Queurdelion dont il me sembla avoir déjà entendu parler, bref.

Ma Reine avait des milliers d'heures de vol et cachait ses mains ridées sous des gants en plastique.
"Je terminais ma vaisselle" dit-elle en refermant la porte... parfaitement, ma revenante ouvrait et fermait les portes et faisait la vaisselle comme vous et moi, enfin comme vous pour la vaisselle.
Je la suivis dans une pièce étrange qu'on nomme cuisine.
C'est vrai qu'elle était blanche, pas la cuisine mais ma Reine – la légende ne disait pas que des bêtises – elle était même livide, cadavéreuse, déterrée, éteinte, enfin vous choisirez.
"Vous seriez pas malade?" osai-je en restant à distance respectable.
"Non" dit-elle d'une voix blanche "je suis toujours comme ça après 20 heures".
Alors elle se sentit obligée de me raconter sa vie, son enfance chez les Navarro – pas les indiens mais les basques de Pampelune –  une soeur qui s'appelait Blanche pour entretenir la confusion, puis une belle-doche autoritaire et par dessus le marché un mari aux amitiés particulières devenu courtier en assurances et qui n'avait même pas été capable de lui fabriquer un moutard.
"Vous avez dû voir sa plaque sur la porte, c'est tout ce qu'il en reste" dit-elle en tendant le bras.
J'avais reculé instinctivement, évitant le gant Mapa.
"Ca tache pas" dit-elle avec un sourire édenté "c'est du Paic citron... j'utilise que du Paic citron et du savon de Marseille pour la lessive... ça lave plus blanc"
J'allais lui faire remarquer que son Paic citron contient des tensioactifs, véritables saletés pour l'environnement mais je n'étais pas venu pour parler écologie.
Je tentai une question :"Et ça fait quoi de revenir quand on est partie depuis si longtemps?"
Elle parut étonnée :"Longtemps? C'est quoi longtemps? Mon queutard de mari n'est mort qu'en 1199"
Je bredouillai :"Excusez-moi madame... euh... Blanchard mais on est au XXIème siècle"
"Appelle-moi Reine" dit-elle en me forçant à m'asseoir contre elle.
Elle était froide, blanche et froide comme un roti de porc oublié au frigo avec une abominable odeur citronnée.
On était là tous les deux, loin des Navarre, des croisades à la con et d'Alienor sa belle-doche acariâtre qui aimait les troubadours et les angliches qui roulent à gauche.
"Le mariage, c'est une belle connerie" soupira t-elle en me prenant par l'épaule "c'était bien la peine de m'emmener à Chypre pour se faire dessouder 8 ans plus tard... "
Je profitai de ses points de suspension pour m'écarter tout à fait.
Elle soupira encore :"On vous fait si peur que ça, nous autres les revenants pour que vous vous écartiez toujours ainsi?"
Elle avait encore blanchi, elle était presque transparente au point que je ne voyais plus que ses gants à vaisselle.
Je ne sais pas pourquoi j'ai eu envie de lui serrer la main... elle était molle et collante et le gant m'est resté dans la main. On a beau faire attention, on a toujours peur de casser quelque chose en touchant un revenant.
Elle comprit que j'allais partir :"Reviens quand tu veux"
Je ne sus que répondre :"Euh... d'habitude c'est vous qui revenez"
Elle eut un pauvre sourire comme je repassais la porte, on avait dû lui faire la blague un peu trop souvent.
Dehors la plaque de Richard Queurdelion brillait de mille feux et je me sentais finalement assez fier de mon 469ème défi.
Vous y croyez vous, aux fantômes? Moi j'y crois. C'est pas donné à tout le monde de possèder un gant Mapa du 12ème siècle.

12 août 2017

Manque plus que la mayo (Vegas sur sarthe)


La môme Piaf :"Hé les moineaux, j'étais là avant vous!"
Barbara dite l'aigle noir :"Ouais... un beau jour ou peut-être une nuit"
La môme Piaf :"J'essuyais les verres au fond du café... j'peux pas être partout"
Théophanis dit Théo Saraporte:"Mais toi t'es le dernier, mais toi t'es le premier... à quoi ça sert tout ça?"
L'albatros dit Beau de l'air :"Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule"
Théophanis :"Tu t'es pas regardé!"
Barbara :"Méfiez-vous de la môme, elle met du vieux pain sur son balcon pour nous attirer"
L'albatros :"D'où tu sors ça?"
Barbara :"Tu peux pas comprendre... c'est du Goldman"
Théophanis :"Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte..."
La môme Piaf :" Tu radotes, Théo!"
L'albatros :"L'un agace son bec avec un brûle-gueule"
Barbara :"Ah, redis-le, redis-le moi"
L'albatros :"L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait"
La môme Piaf :"ça y est! J'les ai retrouvées mes trois cloches!"
Barbara :"Je hurle vengeance, je n'épargnerai rien, attends!"

Moi dit Le propriétaire de la chaise :"Germaine... quand est-ce qu'on bouffe?"
Germaine dite Germaine :"J'entends que dalle avec ce tapage"
Barbara dite l'aigle blacos :"Du tapage? Nous, on fait du tapage? Vous l'entendez la Germaine?"
Théophanis :"C'est vrai que Germaine elle est cruelle, j'lui avais apporté des bonbons passeque les fleurs c'est..."
La môme Piaf :" Tu débloques encore, Théo!"

Les admins des Défis Du Samedi :"Euh... on avait juste proposé quatre moineaux sur une chaise de jardin"
Germaine :"Dis donc biquet, tu pourrais mettre la table"
Le propriétaire de la chaise dit biquet dit Moi :"Attends un peu... je termine mon texte pour le 467ème défi!"
L'albatros dit Beau de l'air :"Et dire que j'aurais pu finir comme ça si j'avais pas imaginé mes Fleurs du mal"
Les admins des Défis Du Samedi :"Mais c'est quoi ce binz?"
Moi :"On est peut-être allés un peu loin... ou pas assez?"
Germaine :"En attendant, la mayo... qui va m'la faire la mayo?"
Théophanis :"Ne vous déplaise, en remuant la mayonnaise..."
La môme Piaf :" Tu débloques vraiment, Théo!"

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Le défi du samedi
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