16 mai 2009

Consigne 60 (titmuchou)

Ce matin, pour la première fois depuis longtemps, j’ai mis un pied devant l’autre, sans me poser de question.
Ce matin, pour la première fois, je suis sortie de la salle de bain, en jetant un coup d’œil furtif au reflet de mon image dans le miroir. Et j’ai pleuré. Pas des larmes de colère, ni de désespoir ! Non, des larmes de joie.
Ce matin, pour la première fois, je n’ai pas mis de foulard. Malgré le froid, j’avais envi de sentir à nouveau la caresse du vent sur ma peau… et puis je n’avais plus rien à cacher.
Ce matin, pour la première fois, j’ai préparé les petits-déjeuners sans inquiétude. Sans vérifier une énième fois si les bols étaient bien disposés comme tu le désirais. Sur les lignes qui se croisent, en partant de la 5ème après la grosse ligne noire qui vient juste après la petite rouge.
Ce matin, pour la première fois, quand j’ai débarrassé la table, J’ai osé porter à mes lèvres la rondelle de citron que tu mets toujours de coté, pour une éventuelle deuxième tasse de thé. L’aigreur du fruit acide m’a glacé le sang. D’un geste, j’ai chassé toutes les idées noires qui pourrissaient ma vie.

 

Ce matin pour la première fois, je me suis surprise à fredonner un air d’autrefois… cela à bien fait rire petit Pierre. Après avoir habillé les garçons, je les ai conduit à l’école sans porter d’horribles lunettes noires. J’ai regardé le monde avec mes yeux. Ceux que tu voulais garder, rien que pour toi « tant les étoiles qui se reflétaient sont lumineuses » disais-tu la 1ère fois que tu m’as abordée.

Ce matin, pour la première fois depuis que je te connais, je n’ai pas de bleu au cœur. Seule la couleur azurée de mon pull-over, tranche avec le gris du ciel. Dehors rien ne semble avoir changé, et pourtant ! Cela fait maintenant 8 heures et 43 minutes exactement, que la police est entrée dans l’appartement, alertée par des voisins qui n’en pouvaient plus des nuisances sonores de notre poste de télévision et de tes éclats de voix toujours plus forts, toujours plus violents.

 

Ce matin pour la première fois, je suis sereine, fini l’angoisse de tes pas dans le couloir.
Ce matin pour la première fois, je suis libre de penser, de parler, d'avoir des projets.
Ce matin pour la première fois, je sais que plus rien ne pourra me faire changer d’avis.
Ce matin pour la première fois, après avoir accompagné les enfants, je ne vais pas rentrer directement, comme tu me l’ordonnais toujours. Quand tu sortiras de la cellule de dégrisement je serai partie avec les gosses.
Ce matin, au commissariat, je vais signer ma déposition ….

Posté par Walrus à 12:00 - - Commentaires [40] - Permalien [#]
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