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Le défi du samedi
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31 janvier 2009

ma vie, ma race (Tiphaine et Armel)

caïn,
viens masser mes seins avec amour, suis à cran.
ève

maman,
moi aussi suis accro.
caïn

caïn, mon amour, sois cru avec moi !
ève

mère,
avec mon aîné nous venons caresser ces nénés si rares en ce coin, voire même, nous mixerons nos excroissances...
caïn

mmmmmm...
ève

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25 janvier 2009

Exercice of style (Tiphaine)

« La formule Etsi Deus non daretur (comme si Dieu n'existait pas) est devenue comme un slogan de vie qui assied une certaine arrogance de la raison, qui est pourtant l'œuvre aimée de Dieu. Cette forme de raison, qui se considère suffisante à elle-même, se ferme à la contemplation et à la recherche d'une Vérité qui la dépasse. » Benoît XVI

Je suis in my car, with my flingue,
Lingots, gold. Diamants et bang dingue
Dingue mon cerveau so alone
« Allo ? Please, don’t cut the phone »

Why don’t you répondre Julien ?
Lien fatal, Julien The Perse,
Persécuteur au blanc chemin,
Blanches… Mains, hand, and pluie à verres,

Vers toi je run. De tout mon cœur,
Oncques heure more cruelle,
Ruelle, platane, douleur…
Heure de vérité au ciel :

Si elle meurt, que faire ? Enfin,
Fin de partie, where is Godot ,
Au boulot ! My ange gardien,
Dis un seul mot à ton Godot !

Dis un seul mot and I’ll be guérie
Et rit… Godot, et rigodon,
On est fun au sky, on est… Free,
Frivole, avide de Stilton,

Is there a better place ? Mon angel,
J’ai le temps de mourir, help me !
Miséréré, ouïs my appel,
Pèlerine je serai si,

Si Godot… Me give la vie,
Vive as Vatanen je boirai,
Ressuscitée ! The vin qui
Illumine les mortels gais;

Guérie je suis ! Grâce au vin,
Vin divin : Paasilinna,
Nafé de mon âme ! Je reviens,
Viens my Julien, I am just là,

Las ! Pourquoi revivre ces doutes,
Où te hide tu my can I ?
I know you’re born le douze in août
Outre 1949… Aïe,

I sais quand you will die, voyou,
You ask ? Ask questions aux champions,
Pion parmi les pions, pauvre fou…
Foule de questions, no champion,

On attend Godot, on attend.
Temps de pluie, hostile eau,
Au stylo plume Il écrit. Mots
Monts Blancs qui inventent le vent…

17 janvier 2009

Défi de Tiphaine

Salut les amis nistrateur !  :-) LOL
J’é jamé eu de comm sur mon blog  :-[ LOL
alors si tu peux y allé ça me feré plez tu vois.  :-D LOL
Ben voilà.  :-D LOL
Lâche tes comm est fais toi plez toi aussi.  :-) LOL
Llum :-*
Ah ouais, ptêt tu sé pas, fo que tu clik sur le lien endsou, avec la souri hein  :-P LOL
http://motsmenthe.canalblog.com/

27 décembre 2008

L’homme de l’ombre (Tiphaine)

Pol Onbreuz est un nom qui ne vous dit rien. C’est normal. Vous ne le connaissez pas. C’est un homme de l’ombre.

C’est l’ombre que vous croisez sans y prendre garde au soleil de midi, c’est le vent de la nuit, la rosée du matin et le sifflement du train ce soir dans le lointain…

Pol Onbreuz a un autre nom, un autre métier. C’est un homme seul, divorcé, deux enfants grands déjà. Vous l’avez peut-être croisé déjà, peut-être l’avez-vous déjà appelé au cœur d’une nuit fébrile. Vous avez lu sur sa petite carte professionnelle un autre nom et il vous a suffi. Peu importe le nom, que l’enfant guérisse c’est tout ce qui comptait. Vous avez observé ses gestes, noté la douceur de son regard et remercié le ciel qu’il y ait encore des médecins de garde dans notre si beau pays. Vous avez pris l’ordonnance, serré la main tendue et ce n’est que quand les phares de sa voiture ont disparu au bout de la route que vous avez ajouté : « ils ne se font pas chier quand même, nous faire payer le tarif de nuit pour un rhume… ». Et vous êtes retourné vous coucher, rassuré.

Pol Onbreuz est un nom qui ne vous dit rien. C’est normal. Vous ne le connaissez pas. C’est un homme de l’ombre.

C’est la voix qui apaise, la main posée sur le ventre noué, les pieds trempés, le dos courbé parfois aussi…

Pol Onbreuz a un autre nom, un autre âge. Vous avez lu sur sa carte qu’il était né en 46, vous en avez logiquement conclu qu’il a 52 ans. Il n’a pas 52 ans. Il n’a pas d’âge. Il a eu celui d’être enfant, celui d’aimer et celui d’enfanter, celui des illusions et des désillusions, celui de la raison plutôt que la folie. L’âge du consultant d’habitudes, l’âge de raison… C’est ce que vous croyez sans même avoir eu à le formuler. Mais un homme de l’ombre ne peut pas avoir d’âge, on croit le tenir entre ses doigts, il n’est déjà plus là.

Pol Onbreuz est un nom qui ne vous dit rien. C’est normal. Vous ne le connaissez pas. C’est un homme de l’ombre.

C’est le téléphone soudain muet, la lettre retournée à son expéditeur, la plaque déboulonnée et l’écho qui ne revient pas.

Pol Onbreuz a un autre nom, un autre visage. Vous croyez vous souvenir qu’il porte des lunettes et des vêtements sombres, des cheveux bruns, peut-être quelques cheveux blancs. Quelle est la couleur de ses yeux ? Vous ne le savez pas. Il porte des lunettes, il a l’air sérieux. C’est tout ce qui vous importe.

Pol Onbreuz est un nom qui ne vous dit rien. C’est normal. Vous ne le connaissez pas. C’est un homme de l’ombre.

C’est le soupir des anémones,  le doux parfum sans nom, les empreintes de l’écureuil dans la neige et la tendresse des pierres précieuses.

Pol Onbreuz a un autre nom, un ailleurs. Il n’a pas de maison, pas de village, pas de ville, pas de pays. Un ailleurs qu’il ne sait pas toujours retrouver. Des kilomètres avalés, de la musique dans une auto, la terrasse d’un café et le souvenir des pavés. Vous avez sans doute lu une adresse dans l’annuaire et vous vous en êtes contenté. Il ne s’en contente pas. Pour seul véritable bagage une photo scotchée sur un mur. Un homme qui joue du piano…

Un danseur de paso-doble dans un monde de karaoke.

Pol Onbreuz est un nom qui ne vous dit rien. C’est normal. Vous ne le connaissez pas. C’est un homme de l’ombre.

C’est une heure figée au cadran de votre horloge. 23 h 59.

Vous avez appelé, il vous a dit qu’il arrivait, il viendra. Vous pensez que peut-être il était avec des amis, lui aussi faisait le compte à rebours, lui aussi attendait la nouvelle année. Mais vous vous trompez.

Vous ne le connaissez pas.

Vos mains sont glacées, vous avez du mal à respirer et ce cœur qui s’emballe… Ce serait trop con de partir avant d’avoir connu au moins une fois le goût de la vie. Elle repasse devant vos yeux, ce cadran comme bloqué, cette minute qui vous semble durer une éternité… Mais que fait-il ce connard de médecin ?

Vous guettez chaque bruit mais vous n’entendez plus que votre cœur qui n’en fait qu’à sa tête. Un cœur peut-il avoir une tête ? Vous délirez sans doute, jamais vous ne vous êtes posé ce genre de questions idiotes…

Vous vous allongez, vous ne pouvez plus tenir debout. Vous sentez chaque détail du lit comme si vous étiez vous-même ce lit. Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que c’est peut-être votre lit de mort. Vous avez peur.

Vous avez été prudent toute votre vie et vous commencez à douter. Une vie courte et courageuse vaut-elle plus qu’une vie longue et prudente ? Et qu’est-ce que c’est d’abord que le courage ? écoute ton cœur dit une petite voix dans votre tête folle…

Un cœur peut-il avoir une voix ? Vous délirez sans doute, jamais vous ne vous êtes posé ce genre de questions idiotes…

23H59.

L’homme de l’ombre arrive enfin.

Une nouvelle année pointe le bout de son nez. Une nouvelle année peut-elle avoir un nez ? Vous vous sentez ridicule avec vos questions stupides. Vous fermez les yeux.

L’homme de l’ombre fait les gestes qui sauvent. Vous ne le connaissez toujours pas.

Juste après son départ, vous avez presque l’intention de courir après pour lui dire que c’est un brave homme mais tout de même, vous pensez qu’il aurait pu arriver plus tôt. Vous n’avez même pas eu le temps de le remercier. Ce n’est pas si grave, après tout, c’est pour ça qu’il est payé. Et plutôt bien, même…

De toutes façons, il s’est sauvé.

N’arrête pas qui veut le vent de la nuit, la rosée du matin, le sifflement du train ce soir dans le lointain…

…et les feuilles qui se détachent tendrement de l’arbre.

6 décembre 2008

Règlement de comptes (Tiphaine)



06 heures 00. La porte à double battants est déverrouillée.
06 heures 01. La télévision de la chambre 35 entre en marche.
06 heures 02. Je voudrais me rendormir sans entendre la une ni la deux ni aucune de ces chaînes.
07 heures 00. L’infirmière n° 1 me demande si j’ai bien  dormi.
07 heures 30.  Sur le pas de la porte, j’avale sous l’œil aguerri de l’infirmière mes 75 milligrammes d’effexor.
08 heures 00. Un petit pain ou deux petits pains ?
08 heures 30. Contre 90 centimes, la machine me délivre un café.
08 heures 35.  Première Fine 120, dans la cour.
08 heures 40. Trois tours de parc, toujours dans le sens des aiguilles d’une montre, comme tous les autres.
09 heures 30. Un nouveau psychiatre, une nouvelle ordonnance, une nouvelle histoire.
10 heures 15. Deuxième Fine 120, sur un banc rouillé.
10 heures 30. 120 pages tournées.
11 heures 30. Sur le pas de la porte, l’infirmière n° 2, les médicaments…
11 heures 45. Cinq tranches de tomates, trois boulettes de viande, 134 petits pois, quatre morceaux de carottes, un sachet de vinaigrette, un morceau de fromage, un petit pain, un verre d’eau et un beignet fourré au chocolat.
12 heures 15. La fenêtre peut s’ouvrir sur huit centimètres. 32 camions, 3 motos, 67 voitures dont 45 blanches par minute défilent sur la quatre voies.
12 heures 25. Contre 90 centimes, la machine me délivre un café.
12 heures 30. Troisième et quatrième Fine 120, dans la cour.
13 heures 00. Il est 13 heures…
14 heures 00. Sur la une, les feux de l’amour chassent les chiffres pendant 45 minutes.
14 heures 45. L’aide soignante n° 1 vient faire la chambre.
14 heures 46. 20 mètres de couloir, quatre ailes, quatre étages. Le même jeune homme qu’hier vient me taxer 50 centimes qu’il promet de me rembourser demain. Comme hier…
15 heures 00. Le téléphone de la chambre 37 sonne 12 fois avant que son occupant ne décroche.
15 heures 30. Vingt mille mots, cinquante photos.
16 heures 00. Contre 90 centimes, la machine me délivre un café.
16 heures 05. Cinquième Fine 120, dans la cour. 18 fumeurs répartis en groupes de 2, 3 ou 4.
16 heures 10. Deux enfants dans le parc, insouciants. Mes enfants…
17 heures 00. Sixième Fine 120, dans la cour.
17 heures 30. 24 images par seconde.
18 heures 00. Sur le pas de la porte, l’infirmière n° 3, les médicaments…
18 heures 15. Un bol de soupe, 254 grains de riz, une tomate farcie, une portion de fromage aux noix, à la noix, un petit pain, une poire pas mure.
18 heures 45. Contre 90 centimes, la machine me délivre un café.
18 heures 50. Septième puis huitième Fine 120 dans la cour avec les autres drogués.
19 heures 00. Fermeture des deux portes qui mènent à la cour et au parc. L’espace se réduit. 200 mètres carrés.
19 heures 05. Je voudrais pouvoir compter les étoiles mais je ne les vois pas.
19 heures 10.  Combien de caresses, combien de baisers, combien de battements de cœur, est-ce que l’amour se mesure ?
19 heures 19. Combien de secrets, combien de peurs, combien de refus, est-ce que l’amour peut survivre à l’ordre social ?
19 heures 30. Fermeture de la cafétéria. L’espace se réduit d’avantage. 100 mètres carrés.
20 heures 00. Journal de 20 heures dans toutes les télés du couloir.
21 heures 00. Heure des tranquillisants et des somnifères. Chacun tend  la main.
21 heures 30. Fermeture de la porte à double battants du couloir. L’espace est confiné. Trente mètres carrés.
22 heures 30. Extinction des feux et des télévisions.
23 heures 00. Quelqu’un n’arrive pas à dormir.
23 heures 30. Quelqu’un pleure.
00 heure 00. Première visite de l’infirmier de nuit. Il vérifie que je dors. Ou pas.
00 heure 30. Quelqu’un parle.
01 heure 01. Passage du train de 1 heure 1.
03 heures 30. Deuxième visite de l’infirmier de nuit. Je fais semblant de dormir.
05 heures 00. Troisième visite de l’infirmier de nuit. Je fais semblant de dormir.
06 heures 00. La porte à double battants est déverrouillée.
06 heures 01. La télévision de la chambre 35 entre en marche.
06 heures 02. Je voudrais me rendormir sans entendre la une ni la deux ni aucune de ces chaînes.
07 heures 00. L’infirmière n° 1 me demande si j’ai bien  dormi.

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15 novembre 2008

Secret de polichinelles - Tiphaine

Sous l’épais feuillage

Souvenir de ceux qui furent

De petites armes

 

Dans les yeux tatoués

Trois enfants, trois gouttes d’eau

Trois petites larmes

1 novembre 2008

Dans l’aven d’Edgar Poe (Tiphaine)

Il progresse lentement, sa lampe à huile faiblit, il a peur. Il se dit qu’il aurait dû au moins informer quelqu’un, n’importe qui mais quelqu’un. S’il ne trouve pas le moyen de sortir de là, personne ne songera à le rechercher.

Il progresse lentement et sa vie se déroule devant ses yeux qui luttent contre le sommeil. Le sourire de sa mère avant que la tuberculose ne l’emporte se dessine dans le noir, la bouteille de son père trône sur la table en bois, le rire de Rosalie, un rire de démente, l’odeur du tabac de la maison de Liverpool, les salles de jeu enfumées, et toutes ces femmes qu’il a aimées, si mal aimées…

Il se souvient qu’il a aimé, il se souvient qu’il a vécu. Avant. Quand le jour était le jour. Avant la longue nuit.

Il ne sait plus depuis combien de temps il rampe ainsi dans le noir. Il aurait dû au moins prévenir, peut-être qu’il aurait manqué à quelqu’un, quelque part…

Il a quitté son misérable appartement, laissé les clefs à la concierge en lui disant adieu, un petit sac sur le dos. Il aurait dû lui dire qu’il reviendrait, peut-être qu’elle se serait inquiétée…

Il croit qu’il a quitté la ville, il sait qu’il a marché longtemps jusqu’au gouffre. La neige peut-être autour de lui, ses traces de pas qui s’effacent petit à petit. Il est descendu jusqu’à l’entrée du tunnel. Il faisait bon, le froid ne le mordait plus, il se sentait bien.

C’est là qu’il a commencé à ramper, il voulait savoir jusqu’où il pouvait aller.

Il ne sait plus depuis combien de temps il erre sous la terre mais il sait que sa vie lui revient à mesure qu’elle semble s’en aller. Il lit sur les parois autour de lui l’histoire d’un homme qui était peut-être bien lui, avant. Quand le jour était le jour. Avant la longue nuit.

Il entend soudain comme une voix. Comme un chuchotement.

Se peut-il qu’il ne soit plus seul enfin ?

Des mots à son oreille, comme une litanie.

« Par ici… Par ici… Par ici… »

Il s’approche, la vie enfin est là, il le sait, il le sent.

Un petit passage, juste assez large pour lui, une cheminée. Il glisse.

Il se retrouve dans une immense salle, autour de lui une forêt de pierres qui montent du sol et descendent du plafond dans un enfer de gouttes d’eau.

Il n’a jamais rien vu d’aussi beau.

Sur les parois, d’étranges animaux sont représentés. Un scarabée d’or, un corbeau, un canard avec un ballon et un chat noir qui semble lui sourire.

Sa lampe s’éteint.

Ses yeux s’ouvrent enfin.

Juste le temps d’un Eurêka, juste le temps de révéler son cœur.

Sur un trottoir de Baltimore, près de Light Street, on retrouve le corps d’Edgar.

Juste le corps.

 

25 octobre 2008

La machinadéfidusamedi (Tiphaine)

Approchez chers amis, approchez !

Laissez-moi vous présenter l’invention qui va révolutionner les défis du samedi ! Rien moins que cela ! Mais laissez-moi tout d’abord vous démontrer les multiples avantages de ma machinadéfidusamedi. Nous sommes vendredi soir, il est très tard, vous êtes devant votre ordinateur ou devant votre page désespérément blanche. Vous vous demandez avec angoisse ce que vous pourriez bien sortir de votre délicat cerveau pour épater un peu la galerie. Mais non, Madame, je sais fort bien que vous n’êtes pas exhibitionniste mais, avouez-le sans pudeur, vous aimez être lue, et c’est bien normal. Ah, croyez-moi, je les ai bien étudiés mes petits écrivains, c’est parce que je les aime que j’ai conçu cette merveille !

Ma machinadéfidusamedi est la solution à tous vos problèmes de délais, mettez-la en marche à 23H58 et, moins d’une minute plus tard, elle accouchera d’un chef d’œuvre.

Mais je vois que vous semblez vous intéresser aux différentes options. Vous souhaitez sans doute, Mademoiselle, produire le récit sublime qui va faire pleurer dans les chaumières ? Vous préférez peut-être, Monsieur, que le plus fin des comiques passe pour un ringard à côté de votre prose ? Vous voudriez peut-être, Madame, proposer à vos lecteurs une touchante histoire d’amour ? Un poème hermétique ? Une aubade ? Un texte fantastique à vous glacer les sangs ? Rien de plus simple ! Ma machine a exactement 1919 options que vous pouvez toutes combiner et accumuler à l’infini. Le rêve de l’écrivain vous dis-je !

Son fonctionnement ? Rien de plus simple !

Allez-y, donnez moi trois mots. Je note : confiance, cerveau et merveille. Parfait ! Je sélectionne les options enthousiasme, argumentation et description louangeuse. On va même saupoudrer le tout d’un soupçon d’humour, ça fait toujours son petit effet !

Et, juste pour le plaisir, je vais ajouter une contrainte supplémentaire : le texte qui va sortir de ma machine contiendra en tout et pour tout 2000 caractères, espaces compris !

2000 caractères

18 octobre 2008

Elle rêve (Tiphaine)

"Les descriptions de femme ressemblent à des vitrines de bijoutier. On y voit des cheveux d'or, des yeux émeraude, des dents de perles, des lèvres de corail. Qu'est-ce, si l'on va plus loin dans l'intimité ! "
Elle est assise derrière la fenêtre.
Ses doigts fragiles frôlent les rideaux.
Elle cherche la lumière.
Quand elle est seule, elle redevient la femme qu’elle a toujours été. Elle baisse la garde enfin.
Ses petits pieds se balancent du haut de la chaise tandis que sa tête s’incline doucement…
Elle rêve.
Elle a dix ans et elle tourne dans sa jolie robe de fête.
Elle a vingt ans, elle ouvre le bal de son mariage au bras d’un époux à la moustache fière.
Elle a trente ans, elle rit dans les bras d’un amant qui lui fait croire que la vie est ailleurs.
Elle a quarante ans, elle regarde son reflet dans la glace et elle se trouve belle.
Elle a cinquante ans, elle remonte l’Amazone.
Elle a soixante ans, elle s’invente à nouveau.
Elle a soixante-dix ans, elle picore des morceaux de jouissance au cou d’un nouvel amant.
Elle rêve…
Elle baisse la garde enfin.
Elle redevient celle qu’elle a toujours été.
Une jeune fille.

11 octobre 2008

Fin du défi de MAP (Tiphaine)


- René, René, regarde cette photo ! Mais qu’est-ce qu’ils veulent enfin ! Pourquoi nous ont-ils pris notre Célestin ?

- Calme-toi Nina, ils finiront bien par nous le rendre !

- Que veulent-ils en échange ?

- Des sous …. beaucoup de sous !

- Oh René, paie-les … je ne veux pas qu’on me le tue !!!!!

mapmouton

***

René et Nina Lacaille n’en menaient pas large. Vraiment pas large…

Il était huit heures, la traite des vaches était achevée enfin et René buvait le petit café matinal que sa Nina lui avait préparé avec amour. Le facteur était passé et avait déposé sur la toile cirée de la table une enveloppe marron. Nina avait frémi en découvrant les affreuses lettres découpées dans un journal.

René avait voulu rassurer sa petite femme, il avait pris un air dégagé mais ses mains avaient tremblé en déchirant le papier. Le pire était à venir… Célestin… Leur Célestin… L’enfant qu’ils n’avaient pas pu avoir, le bonheur de leurs vieux jours, l’âme de la ferme, la joie de leur vie !

Nina lui demanda une nouvelle fois de relire l’horrible missive qui accompagnait la photo de leur bébé.

- « Dernier avertissement avant exécution, si vous ne nous livrez pas avant samedi midi une tonne de choux, vous pouvez dire adieu à votre boule de laine qui n’aime même pas les carottes ! ».

Nina se gratta la tête… Ce message était bien énigmatique, quelque chose la chiffonnait. Elle arracha vivement la feuille des mains de son mari et elle lut. Dix secondes plus tard, elle explosait :

- René ! Pourquoi m’as-tu dit que c’était des sous qu’ils voulaient ?! C’est des choux !

- Voyons ma petite série, répondit René, J’ai dit des sous pas des sous, tu serses la petite bête !

Nina ne répondit pas. C’était la seconde fois que son homme était pris de ce soudain défaut d’élocution. La première fois, c’était dix ans auparavant, lors d’un terrible accident de chasse… René ne s’en était jamais vraiment remis… Il avait ce jour là fort malencontreusement, et par un pur hasard, tué un lapin, lui qui ratait toujours son coup. René aimait les bêtes, il chassait pour le plaisir de se promener dans la nature avec ses amis, jamais au grand jamais il n’avait visé le moindre animal, il tirait toujours en l’air et jouait les idiots pour se donner une contenance. Son doigt avait hélas dérapé sur la gâchette de son fusil, un lapin s’était retrouvé sur la trajectoire de la cartouche… Il était rentré à la maison dans un état pitoyable, Nina avait eu peine à le reconnaître, sa belle veste en cuir de mouton était recouverte de sang et sa casquette, qu’il mordait furieusement par pudeur pour ne pas qu’elle entende ses cris de douleur, sa casquette dont il était si fier était trempée de ses larmes. Il était inconsolable. Pendant une semaine, il ne parla plus. Puis, petit à petit, à force d’amour et de soins patients, Nina l’aida à retrouver la parole mais durant tout un mois, il fut incapable de prononcer le son « ch ». Le pire était qu’il ne s’en rendait même pas compte…

Oh ! Ils ont fait fort ces ravisseurs, voilà qu’ils me commotionnent mon René, pensait Nina. Mais elle n’en dit pas un mot. Elle savait par expérience que dans ces situations tragiques, il fallait garder la tête froide.

Un aboiement déchirant la détourna de ses souvenirs déchirants. Ils sont déjà au courant, se dit-elle immédiatement.

En effet, une foule dense d’animaux à poils et à plumes semblait s’être donné rendez-vous devant la porte des Lacaille pour manifester son soutien. Même le chien de la ferme, ce pauvre Rex, paraissait demander avec ardeur le retour du fils prodigue.

chienmouton

René se perdait dans la contemplation de son café, remuant de noires pensées, Nina quant à elle contemplait mélancoliquement le cortège de ses chères bêtes…

Ce fut pourtant elle qui finit par briser le silence.

- René ! On va faire venir la brigade Promoutons, je suis sûre qu’ils vont nous aider à retrouver notre Célestin !

Une lueur d’espoir s’alluma dans le regard du pauvre homme et il décrocha immédiatement le combiné du téléphone.

Vingt minutes plus tard, un homme en blanc sonnait à leur porte. Devant l’attitude farouche du couple, il montra son insigne :

brigade

- Inspecteur Klopchtok, de la brigade spéciale Promoutons !

Les Lacaille soupirèrent de soulagement. Ils étaient enfin entre de bonnes mains, ce Klopchtok n’était pas un rigolo, il avait déjà résolu des cas bien plus ardus, d’après la gazette du roundballeur, c’était même le meilleur des détectives fermiers.

Klopchtok relut la lettre avec attention. Son front se plissa sous l’effort tandis qu’il était observé par deux paire d’yeux fébriles.

Enfin, un sourire effleura ses lèvres.

- J’ai trouvé ! Affaire résolue ! dit-il simplement.

Nina et René n’en revenaient pas. Ce Kopchtock était-il devin ? Où donc était sa poule de cristal ? Ils l’assaillirent de questions : Est-ce que notre Célestin est toujours vivant ? Lui a-t-on fait du mal ? Qui pourrait bien en vouloir à cet animal si adorable ? Allons nous le retrouver ?

L’inspecteur eut un vague sourire de suffisance.

- Je vais tout vous expliquer, mais avant cela, il me faut une soupe, avec des lettres…

Nina ne discuta pas un seul instant et se précipita vers la cuisine.

Quelques minutes plus tard, elle en revenait avec un bol fumant.

- Parfait ! dit Klopchtok, nous allons commencer par répondre à votre première question.

 

Et l’inspecteur, sous le regard ébahi des Lacaille, se mit à remuer sa soupe d’un air concentré. Nina et René pouvaient voir la sueur perler de son front sous l’effet de son effort intense. A la grande surprise du couple de fermiers, 17 lettres apparurent soudain à la surface de la soupe. Elles composaient le message suivant :

moutonsoup

Nina s’agenouilla aussitôt et fit un signe de croix.

René, qui tenait à préserver sa dignité mais n’avait pas non plus envie de passer pour un mécréant, il s’était marié à l’église, queue diable !, se contenta d’un simple : « Jésus Marie Joseph ! ».

L’inspecteur Klopchtok jubilait à présent. Il eut la grâce de bien vouloir leur signifier les conclusions de son enquête :

- Je le reconnais, mes méthodes sont non conventionnelles, je suis en communion directe avec Sainte Moutonreviens, c’est elle qui guide mes pas, à chaque instant. Voici ce qu’elle vient de me révéler : votre Mouton Célestin va bien. Il a été enlevé par une famille de lapins vengeurs qui vous vouent une haine ancestrale terrible depuis que vous avez assassiné leur arrière-arrière-arrière grand père lors d’une chasse cruelle. Ils ont juré depuis ce jour de détruire ce qui vous tiendrait le plus à cœur : votre cher mouton. Ils se fichent pas mal de la tonne de choux, ce n’est qu’un prétexte grotesque pour donner du poids à leur enlèvement. Mais il n’est pas trop tard pour sauver votre animal, vous le trouverez enfermé dans la 4L verte qui est dans votre garage.

Les Lacaille soupirèrent de soulagement et se précipitèrent pour délivrer leur fils adoptif. La scène fut touchante mais la pudeur m’oblige hélas à la passer sous silence.

L’inspecteur Klopchtok finit tranquillement sa soupe, puis, avec la satisfaction du devoir accompli, il reprit sa route vers de nouvelles aventures.

Quant aux Lacaille et à leur petit Célestin, si vous n’entendez plus parler d’eux, ce n’est pas parce que le bonheur est muet, non, non, mais si vous voulez vraiment savoir ce qu’ils sont devenus, c’est à elle désormais qu’il faudra vous adresser :

saintemouton

4 octobre 2008

L'autre Augustin (Tiphaine)


Augustin Lehorla se tournait et se retournait dans son lit. Impossible de fermer les yeux. Il avait bien trop peur. Comme chaque nuit depuis huit nuits, à chaque fois qu’il plongeait enfin dans le sommeil, il se réveillait une minute plus tard en sueur et en panique. Un homme le regardait, juste derrière les rideaux de sa fenêtre. Augustin se levait, il allumait la lumière et il vérifiait avec minutie que personne ne se trouvait dans la pièce. Chaque recoin était inspecté méticuleusement. Ça lui rappelait son enfance, quand les cris de ses cauchemars incessants faisaient accourir sa mère et qu’elle prenait le temps de vérifier avec lui qu’aucun monstre ne s’était caché dans la petite chambre. Il la revoyait ouvrir la porte du placard en s’écriant joyeusement « tu vois Augustin, il n’y a personne dans ce placard ! ».

Comme il aurait été heureux de la voir débarquer à présent, mais de mère, il n’en avait plus, pas plus que de femme et encore moins d’amante…

Augustin Lehorla était un célibataire endurci, un homme sans cœur auraient sans doute dit ses collègues féminines. Il travaillait comme comptable dans un cabinet d’expert, sa vie était encore mieux réglée que du papier à musique, elle ne souffrait aucune improvisation.

Chaque matin, Augustin se levait à six heures trente précises, il n’avais pas besoin de réveil, son corps était programmé pour bondir hors du lit à cet instant précis. Il se douchait, se rasait, avalait un café accompagné d’une biscotte beurrée puis il prenait le temps de lire le journal qu’un livreur déposait derrière la porte de son appartement. A sept heures vingt-huit, il ouvrait cette dernière et se rendait à son travail à pieds. Invariablement, il s’enfermait dans son bureau, sortait de sa sacoche de cuir une calculatrice que Pascal lui-même aurait trouvée démodée et il alignait consciencieusement des chiffres jusqu’à ce que l’église voisine sonne les douze coups de midi. Il se levait alors et allait à la boulangerie la plus proche pour y acheter un sandwich jambon fromage, une tarte au citron et un Perrier. Il n’oubliait jamais la petite note qu’il rangeait méticuleusement dans la partie dépense du carnet qu’il avait toujours sur lui. La pause méridienne durait une heure, le temps de manger et de terminer la lecture de son journal sur un petit banc, toujours le même, du parc voisin. L’après-midi se déroulait de la même façon que la matinée. A dix-huit heures, Augustin nettoyait son bureau, rangeait ses affaires dans son petit cartable, déposait son journal en haut de la pile des journaux du mois, et saluait les éventuels retardataires. Dans les faits, cela ne se produisait jamais car Augustin était toujours le dernier à partir du cabinet de comptables, mais il y pensait, à chaque fois, juste avant de se rendre compte qu’une fois de plus il n’y avait plus personne à saluer.

La soirée d’Augustin obéissait elle aussi à des rituels immuables : les courses, la préparation du repas du soir qu’il prenait invariablement en regardant « questions pour un Champion » puis le classement et l’archivage des dépenses journalières ou en cours.

A vingt heures précises, Augustin éteignait la lumière de sa chambre.

A vingt heures une, il dormait.

Et, depuis maintenant sept jours, à vingt heures deux, il se réveillait en sursaut.

Augustin Lehorla se tournait et se retournait dans son lit. Impossible de fermer les yeux. L’autre était tapi dans l’ombre, il le savait… Il avait vu sa silhouette il y a quelques instants, ses mains blanches qui se détachaient dans la pénombre, ce costume rayé qui lui rappelait vaguement celui que portait son père sur sa photo de mariage… Augustin repensa au vieil album, il parcourut en souvenir la vie de ses parents et son enfance étalée en une dizaine de clichés jaunis. Il ferma les yeux, le sommeil était plus fort que sa raison… Une minute plus tard il les rouvrit en ayant la cruelle conviction que l’autre était à nouveau dans la pièce. D’un bond, il tira les rideaux et il poussa un cri d’effroi.

L’étrange personnage qui se tenait debout devant ses yeux médusés n’était autre que lui-même…

27 septembre 2008

Nej ! Jeg ønsker ikke at tage en tabel i mig! (Tiphaine)


Quand le directeur du musée de Seebüll est venu jusqu’à moi avec son beau sourire dentifrice pour m’annoncer dans un français impeccable que j’avais le droit d’emporter un tableau, j’ai cru qu’il plaisantait tout d’abord.

Mais non…

Un reporter de DR1 filmait la scène avec enthousiasme, j’allais passer aux infos du soir, l’événement était de taille…

Emporter un tableau de mon peintre préféré, j’avais l’embarras du choix…

Mais non…

J’ai répondu dans un danois que je croyais impeccable, histoire de lui montrer mon agacement dans un langage que des milliers de téléspectateurs seraient en mesure de comprendre : « Nej ! Jeg ønsker ikke at tage en tabel i mig! ». Non, je ne veux pas emporter de tableau chez moi…

Ils m’ont regardée, désappointés. Ils se faisaient déjà une joie de ma joie, ils l’avaient imaginé, eux, le beau tableau que cela ferait, la petite française qui repart de la fondation Nolde avec une œuvre sous le bras…

J’ai refusé.

Je suis repartie, mais j’ai eu le temps de prendre ça :

nolde



La photo est chez moi.

Le tableau continue de s’offrir à tous les regards.

PS : Si vous passez à Paris au grand palais entre le 25 septembre 2008 et le 19 janvier 2009 ou si vous patientez un peu et allez à Montpellier au musée Fabre du 7 février au 24 mai 2009, vous aussi vous aurez le bonheur de rencontrer le frère et la sœur mais aussi l’enfant et l’oiseau, la vie du christ, le soleil des tropiques, la femme en hiver, les deux diables, les nuages d’été

20 septembre 2008

Lorsque l’esprit… (Tiphaine)

Raymond s’ennuie. Ferme.

C’est pas que là haut ça manque de conversation mais il commence à en avoir fait le tour. Dédé Breton est toujours aussi intolérant, pas moyen de rigoler avec lui, faut toujours qu’il cause théorie… C’est vrai que la théorie, c’est ce qui reste quand on n’est plus qu’un pur esprit, mais quand même… c’est ennuyeux à la longue…

Le temps s’étire, le temps n’existe plus… Les temps mêlés, celui d’avant et celui qui dure, qui dure jusqu’à la Saint Glinglin… Et au-delà…

Raymond a causé avec Hegel aussi, quelques années, ça lui a rappelé ses études à la Sorbonne, parfois, il se tape une petite belote avec Jean-Sol, Boris et René qui pense donc il est. Ouais… Pas de quoi fouetter un chien avec les cordes de sa mandoline non plus, rien d’excitant, des conversations à n’en plus finir, et toujours cette foutue impression que le temps passe mais pour rien. Un dimanche de la mort.

Raymond s’emmerde. Ferme.

C’est pas que là haut ça manque de petites poulettes mais il commence à en avoir fait le tour. Janine bien sûr, sa Janine, mais aussi les Gala, les Odile, les Simone, les Sally et les Elsa, lalala… C’est bien beau l’amour platonique mais ça va cinq minutes. Pas plus. De toutes, façons, on est toujours trop bon avec les femmes… Quant on est un pur esprit, on regrette le temps où l’on avait un corps qui tiraillait peut-être avec les années mais qui savait tirer aussi… Et qu’est ce que c’était bon…

Raymond s’ennuie. Mortellement.

C’est pas que là haut ça manque de distractions pour un intellectuel en manque de vie. Il aurait pu lire ses cent mille milliards de sonnets, mais il n’en avait pas envie. En lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre ça lui prendrait deux cents millions d’années, l’avait tout son temps le Raymond… L’a fait sa psychanalyse avec tonton Sigmund, l’a partagé ses rêves avec Lacan, l’a joué aux dés avec Mallarmé pour voir si des fois il pourrait pas abolir le hasard, l’a même parié avec Pascal, si c’est pas du divertissement, ça…

Rien à faire.

Raymond s’emmerde. Mortellement.

C’est pas que là haut y’a pas d’ouvrage pour un bon gars qui voudrait rendre service. L’a débarrassé les champs de tout leur Chiendent, faut dire que c’est un spécialiste le Raymond, l’a fait avec méthode, l’a fendu les flots, l’a battu la campagne sans même lui faire mal, l’a fait pousser les fleurs bleues, l’a même retiré les enfants du limon, les enfants là-haut aussi, ils finissent par s’emmerder…

Raymond s’ennuie. Eternellement.

C’est pas que là-haut il ne peut pas écrire, l’en a écrit des romans, des pièces de théâtre, des poèmes merveilleux et des essais fabuleux. Mais à quoi bon ? Quand on est un pur esprit, on finit par comprendre que les mots n’ont pas de sens…

Et quand les mots n’ont plus de sens…

On s’emmerde… Eternellement.

13 septembre 2008

On m’a souvent demandé pourquoi je ne veux pas dormir (Tiphaine)


On me demande souvent si je suis insomniaque.

Un insomniaque est quelqu’un qui n’arrive pas à trouver le sommeil.

Il m’est très facile de trouver le sommeil. Il me suffit de m’allonger dans mon lit et de fermer les yeux.

Je ne suis pas insomniaque, c’est ce que je réponds.

On me demande souvent ensuite pourquoi je ne dors pas la nuit.

Je dors la nuit. Très peu. Mais je dors.

On me demande alors pourquoi je dors si peu.

Je dors peu parce que j’aime vivre.

On me demande si dormir ce n’est pas vivre aussi.

Je n’en suis pas sûre. C’est vivre, sans doute, mais de manière inconsciente. Et moi je veux croquer tous mes jours et toutes mes nuits à pleines dents, je veux les savourer tous et toutes jusqu’à l’épuisement.

On me demande ce que je fais de mes nuits.

Je fais de mes nuits ce que je ne peux faire de mes jours.

Je me retrouve.

On me demande si je suis capable de tenir le rythme toute ma vie, si je ne devrais pas plutôt me préserver, penser à ma santé, avoir un minimum d’hygiène de vie.

Je n’en sais rien.

Mais je sais que le jour ne me suffit pas.

Je préfère user ma vie en en profitant que regarder passer mes jours d’un œil morne.

On m’a souvent demandé ce que je veux dire.

Je ne veux rien dire.

Je dis.

2 août 2008

Le gardien de phare (Tiphaine)

Il n’avait encore jamais osé monter tout là-haut, il croyait qu’il n’en serait pas capable.

Peut-être bien qu’il aurait le vertige

Peut-être bien qu’il n’aurait pas la force

Peut-être bien que le voyage était trop long

Peut-être bien que tout est automatisé et que…

Entre le ciel et l’océan,

Le phare apparaît soudain.

Il descend du bateau et pose le pied sur le rocher.

Surtout, ne pas tomber.

Il s’agrippe au parapet.

Il se retourne, le bateau s’éloigne.

Tout petit point à l’horizon.

Puis plus rien.

Il ouvre la porte en fer.

C’est sombre.

C’est humide.

Peut-être bien que les vagues peuvent l’atteindre

Peut-être bien que le vent se lève

Peut-être bien que la tempête arrive…

Il monte l’escalier de pierres

Marche après marche

Le jour là haut l’attire

Il ne pense plus qu’à ça

Arriver tout en haut

Voir le ciel

Il monte l’escalier d’os

Os après Os

Il remonte la colonne vertébrale

Là haut, enfin, le sommet…

Il sort à l’air libre

Serait-ce déjà la nuit ?

L’obscurité partout…

Il allume le faisceau dans la lanterne

Et la lumière est

Et la lumière se fait dans son crâne

Il voit.

Devant lui, loin devant, une terre peuplée de chiffres et d’habitudes

Des hommes en costume, des immeubles géants et des arbres sans feuilles.

Qu’est ce que c’est que…

Soudain, le mouvement de rotation s’enclenche

La petite fée jaillit

Et le flux lumineux danse autour de lui

La nuit s’éclaire, elle prend vie

Un monde inconnu apparaît soudain

Les enfants qui rient, le bruit d’une cascade, le bleu du ciel, les nuages, la brise de l'aube, les mouettes, une femme rêveuse, le chant des grillons et des cigales, des moustiques insolents, l'eau des torrents, le calme des lacs, le silence des églises, les ours, les baleines et les ptérodactyles…

Il pleure…

Il est là-haut, là où il n’avait jamais osé monter, là où il pensait que tout était automatisé…

Il pleure enfin.

Dans le ciel, les étoiles chantent

Il les écoute avec bonheur

Il sait que sa place est désormais là

Dans son monde plein d’essence

Dans son monde sans essence.

Le gardien de phare embrasse la petite fée

En un baiser lucide.

12 juillet 2008

Vingt ans, le bel âge (Tiphaine)

En 2018, j’avais tout juste vingt ans. Vingt ans, il paraît que c’est le bel âge…

En 2018, il avait lui aussi vingt ans. Vingt ans que nous vivions côte à côte.

Vingt ans sans pouvoir se toucher, vingt ans à se regarder, vingt ans à s’aimer en silence, vingt ans à espérer…

En 2018, ils sont arrivés par surprise avec des tronçonneuses.

En 2018, ils ont coupé les arbres, pour commencer.

Vingt ans à accueillir les soupirs des amants, vingt ans à entendre les confidences, vingt ans à dérouler la vie des anciens, vingt ans à se faire chatouiller par les petites mains des enfants…

En 2018, ils ont décidé que tout ce qui était inutile devait être jeté.

En 2018, ils ont fermé le parc.

Vingt ans, il paraît que c’est le bel âge, est-ce le bel âge pour mourir ?

En 2018, ils nous ont posés sans ménagement l’un sur l’autre et ils nous ont abandonnés.

En 2018, nous nous sommes enfin retrouvés.

Vingt ans que nous attendions ce moment-là.

En 2018, nous avons fait l’amour au milieu d’un terrain vague.

En 2018, personne n’a rien remarqué.

Vingt ans…

Le bel âge…

5 juillet 2008

De chair et de sang (Tiphaine)

Elle est de chair et de sang, ma boîte à bonheurs.

Là, juste au cœur de mon cœur.

Elle n’est jamais fermée à clefs, elle déborde toujours.

Je crois bien que je ne pourrai jamais faire son inventaire.

Si je prenais le temps de vous raconter chacun de mes bonheurs, je serais peut-être morte, et vous aussi, avant que je n’aie fini.

Avouez que ce serait dommage ! Je préfère vivre.

D’autres bonheurs m’attendent. Je ne voudrais pas les manquer.

De temps en temps, j’ouvre la boîte, et je souris en regardant ces bonheurs.

Le bonheur, comme l’amour, n’est pas fait pour rester prisonnier.

Alors, puisque vous insistez, mais c’est vraiment parce que c’est vous, j’en appelle un au hasard.

- Coucou les petits loulous ! Qui veut dire bonjour?

Ah ! C’est Léon qui a envie de causer aujourd’hui. Allez, racontez-nous, s’il vous plaît, racontez-nous une histoire de bonheur…

- Tu te souviens Tiphaine, c’était il y a presque dix ans, le jour où mes animaux se sont tus pour la première fois.

- Oh! Vous connaissez mon prénom! Je l’ignorais !

- Bien sûr que je connais ton prénom ! Tu sais, on cause pas mal dans la boîte, je me suis fait des amis, j’aime beaucoup tes autres bonheurs.

- Merci Léon ! Mais continuez, s’il vous plaît !

- C’était la fin de la matinée, moi, j’avais terminé de m’occuper des bêtes, alors je m’étais installé sous le figuier pour la regarder, cette éclipse. J’ai entendu les coqs soudain, puis les vaches, les moutons et jusqu’au chien qui hurlait. Le soleil était en train de se faire manger, tu aurais vu cette couleur extraordinaire qu’avait mon champ de tournesols, je me demandais s’ils allaient tourner en même temps que le soleil mais non, ils avaient du mal à suivre le rythme, ils essayaient quand même, c’était drôle de les regarder faire tous ces efforts.

Ils pouvaient pas savoir, les tournesols. Et puis, d’un seul coup, tous les animaux se sont tus. Plus un bruit. C’était la nuit en plein jour. C’était beau, Tiphaine, je te jure que j’ai jamais rien vu d’aussi beau mais je ne sais pas bien te le dire…

- Vous le dites très bien Léon, comme vous me l’avez dit quand je suis arrivée dans votre cour, le soir même. Je me souviens Léon, comme votre voix tremblait encore quand vous m’avez raconté, et vos mains qui montraient le ciel, et vos yeux qui souriaient…

La boîte à bonheurs.

Elle déborde, elle déborde…

Elle est de chair et de sang.

Là, juste au cœur de mon cœur :

Les pieds d’un funambule, un rayon de soleil, un nénuphar, un verre de vin, une étoile, un framboisier, trois petits cailloux, un bâton de cannelle, un bisou du soir, la place d’un village, une nuit d’été, des sourires, des soupirs, des caresses, des morceaux de tendresse…

Il n’y a pas de petits bonheurs au cœur de mon cœur.

Juste la vie en grand.

28 juin 2008

La vie quotidienne (Tiphaine)

Six heures trente, le réveil sonne.

Six heures trente, ma main s’abat sur lui.

Six heures trente-sept, le réveil sonne.

Six heures trente-sept, ma main lourde s’abat sur lui.

Six heures quarante-quatre, le réveil sonne.

Six heures quarante-quatre, ma main lourde s’abat rageusement sur lui.

Six heures cinquante et une, le réveil sonne.

Six heures cinquante et une, il est mort.

Trois coups auront suffi.

Plus personne ne m’empêchera désormais de rêver en paix.

Six heures cinquante-deux, j’éteins l’alarme du réveil.

Six heures cinquante-trois, je dors.

Seule.

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