Enfièvrement (Thétis)
Thème : 40°5
Genre :2 alexandrins
« Enfièvrement troublant qui brûle mes pensées,
Cesse d’embraser mon corps, reprends tes degrés ! »
Mais où es-tu parti ? (Thetis)
Mon amour,
Mais où es-tu parti ?
Tous les jours, je scrute l’horizon brumeux de ma fenêtre triste et espère en vain ton retour… Mais rien ! La mer reste vide de toute vie.
Le phare se dresse pourtant, serein, te montrant le chemin du retour. Ne vois-tu pas son faisceau rassurant éclairer ton naufrage… ?
De mon foyer douillet mais stérile, je ne vois plus qu’une barque esseulée qui attend, comme moi, qu’une belle âme vienne partager sa vie…
O mon amour, voilà trois jours, trois semaines, trois ans déjà que tu as disparu. Mais je ne t’oublie pas. Tu as quitté ma vie un matin pour une simple promenade. Et depuis, je suis devenue une de ces femmes de marin qui erre sans but, dans l’espoir vain de ne pas avoir perdu l’être aimé.
Ce matin, quelques fleurs ensoleillées me cachent l’horizon. Est-ce le signe d’un renouveau ? D’un printemps plus heureux ? D’une renaissance pour moi ? Pour toi ? Pour nous ? Je n’ose espérer. Mon cœur se soulève, toujours prompt à lire des signes d’un destin plus …
Mais au loin, une épave surgit, traînée par une remorque rouillée qui rentre au port. Je reconnais au premier coup d’œil la proue de ton navire disloqué et m’écroule face à cette vérité si longtemps repoussée.
Si renaissance il doit y avoir, ce sera sans toi, malgré toi…
Alors je t’écris cette dernière lettre pour sceller un adieu qui patiente depuis trop longtemps. Adieu, mon amour. Nos routes se séparent à jamais dans les profondeurs de ton océan. Adieu… Tu es parti, je le sais maintenant, mais pour des cieux où je ne pourrai te rejoindre… Pas si tôt… Adieu mon amour…
Regard (Thetis)
Je te vois, cachée dans les hautes herbes de ma vallée.
Je sais que tu es là, tigresse meurtrie à la crinière
affadie,
Tu me guettes, blessée, apeurée, solitaire…
Tes doux yeux s’embrument et se resserrent,
Témoins malgré toi de ta douleur vive…
Ne t’enfuis pas mon Amazone infidèle !
Tes griffes acérées caresseront ma peau
Et je succomberai à tes charmes
Quand ,toi, tu cèderas au monde que tu hais…
Viens à moi, ma belle !
Je regrette ma fougue, trop humain…
Mais espère, malgré tout, ton contact apaisant
Pour une union improbable au comble du désir…
Oh et puis non… attends…
Ne crains plus mon regard, Artémis farouche !
Je ferme mes yeux et te lâche….
Tu es libre, enfant capricieuse,
De fuir ton désir ou d’affronter ta peur…
Je reste là, immobile,
Et attends dans mon sommeil
Ta décision fragile…
Ephemeres metaphores - Thetis
Ma chère, ma tendre, ma belle Colombine,
Je suis loin de toi et te regrette, mutine,
Obligé à rêver, plutôt que de toucher,
Ton doux corps dans mes bras lové.
Mais lorsque mes yeux sont fermés,
Mille images s’entrouvrent
Et mes sens exacerbés,
Hardis, te redécouvrent.
Je t’aperçois astre fuyant
Aux doux regards scintillants
Qui éblouissent les êtres perdus
Dans l’obscurité attendue…
Je te devine vallée chaleureuse
Bombée de collines aventureuses
Où se perdent les promeneurs infidèles
Et se damnent les frêles pucelles…
Je te soupçonne ruisseau fabuleux
Dont la souplesse infinie
Entraîne les bateaux soumis
Jusque dans des océans houleux…
Mais, troublé, je reconnais soudain
Dans les racines ancrées au creux de mes mains
L’arbre serein qui me tient dressé
Vers un ciel pour deux, étroitement enlacés…
Fin du defi de Joye (Thétis)
Je ne pouvais pas laisser Sally dans une si mauvaise passe… mais je ne
pouvais pas non plus laisser le monde dominé par autant de violence ! Alors
je me suis bien amusée ! Désolée Joye ! J J J
Diamond Sally se releva du
plancher poussiéreux, les empreintes des doigts de Lefty LeTordu encore roses
sur sa joue soyeuse. Vingt paires d’yeux l’examinaient, luisants de mépris.
Depuis sept ans, Lily eut beau commander le respect total de toute la ville de
Gulchwood et ses environs, ce serait aujourd’hui le jour de son jugement.
Jamais plus une femme n’oserait s’établir régente d’une communauté dans ce coin
perdu du territoire Cheyenne, quelque sûre que soit sa main délicate sur ses
petits pistolets perlés, quelques belles que soient ses lèvres pulpeuses qui
crachaient par moments un juron élégant ou un mot de tendresse
convoitée. Ses alliés, Pete le petit barman, et Pancho le vieux Mexicain
qui lui servait de confident, avaient été dépêchés au bout des cordes
rugueuses, pendus par les sbires abrutis de Lefty. Leurs corps tournaient
encore sous le soleil cruel de ce midi fatal.
Avalant le sang qui coulait de sa bouche de nouveau déchirée par la violence des hommes, Sally fit appel aux dernières forces qui bouillonnaient en elle…
***
… pour se redresser, phénix entêté, et se saisir de la chaise qui traînait près d’elle. D’un mouvement emprunt d’une colère démesurée, elle la fit tournoyer au-dessus de sa tête et l’envoya sur le groupe d’affreux imbibés qui la regardait, repus de son spectacle. Tel un jeu de cartes brinquebalant, ils s‘effondrèrent dans un fracas effrayant et leur jacassement féroce laissa place à des plaintes lascives. Elle se jeta sur chacun d’entre eux, l’un après l’autre, dans un tourment indescriptible qui ne permit d’apercevoir que les éclats de sang qui giclèrent dans tous les recoins du saloon ennemi.
Alors que les blessures reçues commençaient à la faire trembler, elle aperçut Lily dans l’encoignure de la porte. Elle était ficelée sur une chaise et tentait en vain de se détacher. Lefty n’avait reculé devant rien pour prendre les rennes de Gulchwood. Quelle humiliation ! La ville entière avait cru à ses accusations mensongères de trahison. Pourtant la régente avait montré jusque-là sa très grande loyauté. Les hommes croyaient décidément ce qui les arrangeait, surtout lorsqu’il s’agissait de se débarrasser d’une femelle trop puissante. Il fallait rendre sa liberté à Lily et faire éclater la vérité ! Cet homme plein de cette soif de pouvoir insatiable devait disparaître.
Rassérénée par ses victoires improbables et son désir de faire triompher le bien, elle fit face à Lefty, plus impressionnante que jamais. Elle ne se laisserait pas piétiner par un tel scélérat. Puisque Pete et Pancho ne pouvaient plus lui venir en aide, il lui fallait sauver seule Lily du destin monstrueux qui la menaçait ? Eh bien, elle l’assumerait ! L’avenir de Gulchwood était entre ses mains.
Mais, alors qu’elle allait se jeter sur lui, au mépris du danger, elle reçut un terrible coup sur la tempe. Et sans l’arrivée miraculeuse de Lupita, la fille de Pancho, elle aurait sans doute eu là ses dernières pensées. Heureusement, celle-ci tint à distance à la force de son frêle fusil les olibrius insensibles qui cernaient Sally. La jeune fille avait été une des rares à ne pas se laisser berner. Et aujourd’hui, malgré la mort tragique de son père, elle rivalisait de pugnacité avec les hommes les plus violents de Lefty. La chef de file de la résistance put alors reprendre ses esprits et fondre d’un coup inattendu sur le chef inattentif qui injuriait ses sbires incompétents. Ils disparurent tous deux à terre dans un chevauchement des plus improbables et se lancèrent mutuellement des heurts impitoyables sans qu’aucun des deux n’avouât aucune douleur. Lupita laissa Sally seule au combat pour tenir tête aux autres hommes menaçants. Le saloon résonnait de la tension qui régnait. Mais le duel qui se déroulait sous les yeux de l’assemblée -sans respecter aucune règle communément admise- finit par les fasciner tous et suspendre l’explosion attendue.
Soudain, dans ce corps à corps prolongé, la longue chevelure rousse de Sally s’échappa de sous son chapeau et laissa sa féminité s’exprimer. Jamais personne ne l’avait vue ainsi dans toute sa splendeur. En un instant, Lefty reconnut alors la jeune femme que, six ans plus tôt, il avait croisée un doux soir d’hiver, lors de la dernière fête de Gulchwood. Depuis, les tiraillements incessants de la régente entre les intérêts de la ville et les comportements mesquins de ces concitoyens masculins avaient mis fin à de telles pratiques et annihilé toute chance d’idylle entre hommes et femmes. Mais là… là… l’évidence était telle qu’il s’arrêta net de frapper. Son désir de pouvoir et sa haine des femmes s’évanouirent aussitôt et libérèrent son esprit adouci… Interloquée, Sally leva la tête vers son adversaire et réalisa elle aussi que le regard de Lefty avait changé. Derrière son visage sali, elle aperçut à son tour ce qu’ils avaient oublié. Leur tête à tête silencieux de l’époque lui revint en mémoire tel une douce musique du passé et métamorphosa immédiatement ses perceptions. Dire que jamais elle n’avait eu l’idée de porter un regard attentif sur ce noir personnage. Et pourtant il résolut tout.
Ebahis, tous les imbéciles estropiés de Lefty le virent se redresser lentement tout en posant délicatement sa main droite sur le bras de Sally. Celle-ci suivit le même mouvement et se retrouva debout, à quelques centimètres du visage de son ancien ennemi. Leur attirance mutuelle envahit l’atmosphère et mit fin en une seconde à l’omnipotence de la violence.
Les cow-boys, enchevêtrés dans leurs armes et leurs blessures, s’éloignèrent, laissant passer le couple étrangement assorti. Les longs doigts effilés de la belle joignirent les mains rustres du hors-la-loi et ensemble ils se rendirent jusqu’au fond de la pièce. Ils semblèrent échanger quelques mots, Lefty prit un air contrit puis hocha la tête d’un air d’assentiment. Sally releva la tête, soulagée et contentée. Puis, ils ouvrirent la cellule et libérèrent Lily.
En sortant, les trois personnages se retrouvèrent face à une foule dense massée devant la porte et arrêtée dans une attente fébrile d’un dénouement rapide. Lefty lança quelques mots à cette populace docile qui ouvrit un chemin inattendu jusqu’au milieu de la voie principale. En plein milieu de la rue, il leva vers le ciel le bras de la femme destituée qui récupéra en un instant l’hégémonie dont elle bénéficiait par le passé. Lui, discret, emmena sa promise sur son fameux destrier, abandonnant la ville à un destin apaisé auquel ils ne participeraient plus, appelés dorénavant vers d’autres horizons.
« We’re two fighting lovers ; We’ve long long way from Gulchwood… »
Thétis
Il faisait chaud, une chaleur moite, désagréable. Charlie était étendu sur le trottoir depuis trois heures déjà, évanoui. Peu à peu il émergea du brouillard où se trouvait son esprit, le corps en sueur et la tête lourde. Que s’était-il donc passé ? Il ne comprenait rien…
Ce dimanche matin, il avait trouvé une lettre sans timbre dans sa boîte aux lettres, enfin, une lettre… disons plutôt un gribouillage informe qui alignait les mots suivants :
« Retrouvez-moi à 13h au 2 bd Jasmin derrière le muret en briques. J’ai besoin d’aide, vous êtes mon dernier recours. Signé : Clémentine. »
« Clémentine ? Clémentine ? Mais je ne connais pas de Clémentine », se dit-il. Il cherchait dans ses voisins, sa famille, ses amis, ses collègues… Rien… Et puis soudain, ce fut le flash. Clé-men-tine ! Une élève de troisième qui avait quitté progressivement le collège l’année passée en décrochant de tout l’univers scolaire. Il ne voyait qu’elle. Mais c’était étonnant. Trois mois sans nouvelle et puis ce message venu de nulle part… Il avait été son prof de français pendant quelques mois et son professeur principal aussi, c’est vrai. Ils avaient discuté parfois de son avenir à elle, des discussions franches mais sans lendemain… Il en aurait le cœur net. Il irait, c’était décidé.
Et la matinée s’était déroulée lentement, très lentement, jusqu’à ce qu’il soit enfin temps de se rendre au lieu du rendez-vous. Enfin !… Charlie avait imaginé ce qu’il pourrait lui dire, les questions à lui poser, la réserve à arborer pour ne pas effrayer la jeune fille…Cela ne l’empêchait pas de sentir son ventre se nouer. Lui, le prof, ne pouvait plus se cacher derrière son estrade ou son bureau. Il avançait là, seul dans la rue, et tourna bientôt à l’angle de la rue Jasmin. Sa montre indiquait 13h pile.
A peine avait-il traversé la rue pour atteindre le n°2 qu’une silhouette apparut derrière le muret. Oui c’était bien elle. Mais comme elle semblait amaigrie, le regard triste et le cheveu gras. Charlie avait du mal à la reconnaître. En l’approchant, il essaya de cerner davantage l’état dans lequel elle se trouvait et réalisa alors que ses bras étaient couverts d’hématomes. La jeune fille était loin de l’image de l’élève rebelle refusant de se soumettre au règlement intérieur de son établissement scolaire. On aurait dit un oisillon tombé de sa branche, dans toute l’étendue de sa fragilité.
« Que se passe-t-il Clémentine ? Dans quel état es-tu ? Pourquoi m’as-tu contacté ?... », s’exclama Charlie. Il avait du mal à retenir le flot de ses questions mais les mouvements trébuchants des lèvres de son élève l’obligèrent à se taire. « Je… Je… J’ai besoin de vous, bredouilla-t-elle. Je ne savais plus à qui demander. Je suis désolée de vous embêter. Je me suis fourrée dans une m… Euh pardon… Je ne peux plus rentrer chez moi, mon père va me … Mon mec est fou… Ma mère, je n’en parle même pas, de toute façon, elle a ses problèmes… » Charlie écoutait attentivement tous ces mots qui se déversaient hors de sa bouche, sorte de soubresauts d’autodéfense qui, elle l’espérait apparemment, allaient lui apporter une réponse salvatrice. Mais de phrase en phrase, il comprenait de moins en moins ce qu’elle attendait de lui. Il était question de drogue, de trafic, d’erreur commise. Au final, il l’interrompit et tenta un résumé de la situation : « Clémentine, tu as aidé ton copain et les choses ont mal tourné ? C’est çà ? » Un hochement de tête le poussa à poursuivre. « Tu n’as pas transmis la drogue à la bonne personne, tu n’as pas récupéré l’argent attendu et il t’en veut maintenant, enfin ils t’en veulent, c’est çà ? » Même hochement de tête silencieux.
Charlie sentait Clémentine honteuse de ses révélations. Lui-même ne se sentait pas très à l’aise mais il ne pouvait plus reculer, elle comptait sur lui. « Mais qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ? J’ai du mal à comprendre ce que moi je peux faire pour toi. - Mais, monsieur, je n’ai nulle part où aller. Ils vont me tuer. J’vous jure », articula-t-elle difficilement. Charlie n’en revenait pas. Comme la vie plongeait dans le sordide, qu’on était loin de sa vision du monde dans cette rue… Mais enfin ce n’était pas le moment de se laisser aller à une réflexion sur le monde, il fallait agir et prendre cet être blessé sous son aile. Elle s’était raccrochée à la dernière branche qui lui semblait exister, il ne pouvait pas la laisser tomber. « D’accord, suis-moi. Allons chez moi, on va essayer de régler le problèm… » Mais à peine avait-il fini sa phrase que Clémentine sursauta et fit virevolter ses regards tout autour d’elle. Un bruit l’avait alertée. Elle se mit à courir en pleine rue, affolée, et lui tenta de la suivre. Mais, le temps qu’il réagisse, quelqu’un s’était glissé derrière lui, il le sentait. Le dernier regard qu’il porta fut sur une pochette couleur châtaigne que Clémentine avait laissée tomber de sa poche en s’enfuyant ; elle dépassait à peine du caniveau.