20 janvier 2018

Train-Parc (Thérèse)


Tu avais trouvé un travail dans une entreprise de bâtiment qui œuvrait pour la SNCF. Mais il fallait pour cela sacrifier ta vie (notre vie) de famille, te déplaçant à travers toute la France, puisqu'il s'agissait de restaurer les voies de chemin de fer ou d'en établir de nouvelles pour le passage du TGV.

Tu ne revenais chez nous qu'une fois par semaine et la solitude te pesait. Il t'est même arrivé de passer trois semaines entières sans pouvoir revenir, quand tu étais à Miramas, au fin fond de la France.

Tu logeais dans un wagon aménagé, avec l'un de tes collègues. Mais une fois le travail terminé, celui-ci partait se distraire au dehors jusqu'à des heures avancées, tandis que tu restais seul à broyer du noir. Quand tu me téléphonais pour prendre des nouvelles des enfants et de la famille, inévitablement tu finissais toujours par pleurer ton immense solitude qui te bouffait le moral.

Le ballast, tu connaissais par cœur, la pose des rails, tu savais faire, travail de jour ou travail de nuit, tu t'en moquais, mais tu ne supportais pas cet éloignement forcé. De plus, tu dormais mal à cause des trains qui continuaient de passer, la nuit comme le jour.

Nous avions pris l'habitude de nous retrouver pour les vacances scolaires. Alors tu revenais nous chercher, les enfants et moi, et on partait ensemble jusqu'à ton repaire, ce train-parc établi en logements de fortune.
Chaque wagon était dédié à deux ouvriers. Composé de deux chambres, d'une cuisine équipée, d'une cabine de douche et d'un w.c à la turque, l'aménagement était spartiate.
Dès que tu revenais du travail, nous partions ensemble à la découverte de la ville proche. C'est ainsi que nous avons rencontré Vercingétorix à Alise Sainte Reine et le cyclope de Dôle, visité l'Hôtel-Dieu de Beaune et gravi les marches de la Citadelle de Besançon, marché sur les bords de la Marne et de la Valserine.
De Loon-Plage à Salon de Provence, j'ai accumulé quelques mauvaises photos de rivières et de fortifications que je revisite parfois, nostalgique.

Aujourd'hui encore, j'ai le cœur qui se serre quand, aux abords des gares, je regarde les voies ferrées qui se perdent dans le lointain.

 

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18 novembre 2017

Balade nocturne (Thérèse)

 

Des jours comme ça où tout implose, où tout explose,
Des soirs comme ça de solitude et de silence,
Des nuits comme ça où rien n'a de consistance
que les brumes qui s'emmêlent dans mon cerveau en déroute.
Des murs, des barrières, des portes, des maisons…
et des ombres, qui se cachent derrière,
caressent les briques une à une,
jouent avec la lumière des lampadaires,
courent, se coulent, se faufilent, subreptices,
sœurs intimes de fantômes aïeux.
Devant mes yeux écarquillés de surprise,
halos tout ronds, tout orange, striés de fins rayons,
encerclent chacun des éclairages au-dessus des trottoirs.
Je marche au milieu de la route déserte,
je marche dans les rues de mon âme,
le cœur oppressé d'être aussi inutile
avec le poids de cette peur en bandoulière.
Des rues vides où résonnent mes pas.
Même les chiens se sont tus dans la ville fantôme.
Des nuits comme ça où tout n'est qu'incohérence
Des soirs comme ça qui éclairent l'indifférence
Des jours comme ça écrasés de solitude
où tout explose, où tout implose…

 

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11 novembre 2017

Maléfices (Thérèse)

 
Lune ronde et large s’étale dessus l’horizon

Méfie-toi de la lune ronde
quand elle brille à nouveau sur le monde.

Lune inconsciente s’égratigne accrochée dans les branches

Méfie-toi de l'astre moqueur
quand il joue à t'induire en erreur.

Lune sanguinole sur le bord de la route

Détourne-toi de sa froide lueur
sa lumière ne te réchauffera pas le cœur.

Lune s’écarlate et puis soudain s’élève, mauvaise conseillère

Elle te fera prendre des chemins détournés
qui te perdront dans des voiles d'obscurité.

Lune maudite exacerbe nos sens

Mystérieuse,
malicieuse,
méfie-toi de ses maléfices
quand elle baigne dans un halo de tranquillité.

Lune sournoise exaspère nos nerfs et bouscule notre perception

Prends garde à elle quand ses yeux te regardent
elle te fera perdre la tête si tu n'y prends garde.

Lune méchante embrouille notre esprit

Un peu sirène, un peu sorcière,
complice attentive du poète
qui lui adresse ses prières.

Lune ricane, triomphante, se moque de nos bévues et des cœurs chamboulés

Eblouissante, fascinante, Lune
se rit de notre infortune.
Aussi sournoise que belle,
elle est perfide et cruelle.

Lune satisfaite se dore dans sa poussière d’étoiles.

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04 novembre 2017

Cheval, Rêve d'enfance (Thérèse)


Ta puissance n'a d'égal que ta beauté sauvage.
Respecté par les indiens d'Amérique,
utilisé par d'autres à de multiples besognes,
toujours tu as été aux côtés des humains.
Fidèle compagnon d'armes,
tu as gagné des batailles sous le joug des guerriers.
Sous la coupe de l'homme, tu fus bête de somme,
travaillant la terre au temps des durs labours.
Dans un autre siècle,
Tu promenais les dames dans de belles calèches.
Tour à tour impassible ou piaffant d'impatience,
tu fais briller de joie les yeux des jeunes enfants
car tu sais si bien comprendre leur innocence.
Permets aujourd'hui que je te rende grâce
en hommages sincères à tes lointains ancêtres
qui vivaient fiers et libres dans les vastes prairies.
Qui n'a posé sa main sur le velours de tes naseaux
ne connaît pas cette émotion,
ne sait pas cette communion,
symbiose de deux âmes qui se reconnaissent.
Crinière qui vole au vent,
tes sabots qui m'emportent,
tu as conquis nos cœurs.
Et si mes yeux transpirent une furtive rosée
c'est qu'un songe à nouveau me transporte.
Rêve d'enfance…

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28 octobre 2017

Couchant (Thérèse)

 

Tel un magistral chef d'orchestre,

un peintre fou a badigeonné le bleu céleste à grands coups de pinceaux.

Il a mélangé l'or et le charbon, le souffre et l'argent,

il a dilué le vert et le bleu, le rouge et l'orangé, le rose et le violet,

nuages de fumée propulsés par un vent chahuteur,

poussière de nuages dans le coeur du couchant...

 

Tel un peintre de génie,

il a explosé sa palette de peintures dans un feu d'artifice,

il a soufflé des cristaux de diamant dans les nuages de suie.

Et la lumière joue dans l'océan du ciel,

et des vagues de nuages s'affrontent en combats de titans,

et le réel tutoie le fantastique...

Combattants conquérants,

nuages écartelés découvrent le bleu d'un ciel

tellement insoupçonné qu'il en est reposant.

Extase du temps présent...

 

Tel un prestigieux chirurgien,

il a colmaté les blessures du soleil

en tissant des fils d'or et d'argent

à travers ses larges plaies béantes.

 

Telle une tendre mère aimante,

il a effleuré de ses doigts le ciel,

il a fermé les paupières du jour

pour que s'ouvrent les yeux de la nuit.

 

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26 août 2017

Papa (Thérèse)


À sa sortie de l'hôpital, il avait été décidé pour Papa qu'une aide serait nécessaire pour son retour à la maison. C'est ainsi que chaque matin, quelqu'un venait pour l'aider à faire sa toilette.
Malgré tout, je continuais à y aller régulièrement, n'hésitant pas à dormir là-bas certaines nuits pour veiller sur mes parents.
Bon an, mal an, les années continuaient à passer et j'aidais du mieux que je pouvais Maman qui commençait à fatiguer. Papa m'appelait très souvent dans la journée quand il avait des soucis ; il savait qu'il pouvait compter sur moi et il me faisait entièrement confiance : je l'aidais alors à se changer quand il avait ces accidents récurrents. Parfois il se mettait à pleurer en me disant "Je ne suis plus bon à rien" : il ne supportait plus cet état de dépendance. Il m'expliquait aussi des choses intimes qu'il n'aurait pas dit à Maman : il savait qu'elle se mettrait en colère pour une raison ou pour une autre. Le soir, il fallait l'aider à enfiler son pyjama et à se coucher. Et chaque fois il me disait merci, des larmes dans la voix.

Puis vint ce funeste samedi matin... Il tomba sans un mot pour ne plus jamais se relever. Les pompiers appelés à la rescousse ne purent rien faire. Son dernier vœu était exaucé : il avait dit, la veille au soir, à maman "Quand est-ce que je vais m'en aller là-bas !?", ce qui avait d'ailleurs déclenché une dispute, maman ayant très mal réagi.
Tandis que ma sœur était venue de Paris pour assister notre mère à son tour, j'étais repartie chez moi car je devais me rendre au travail le lendemain matin.

Ce jour-là devait rester gravé dans ma mémoire. A 7h, je me réveillai en sursaut : j'avais entendu très distinctement la voix de papa qui m'appelait, comme à son habitude quand il avait un souci. Mais cette fois, c'était beaucoup plus fort, plus impérieux. Je me levai, complètement sonnée, et  partis au travail avec un sentiment de malaise profond. Malgré tout, ce fut plus fort que moi : j'envoyai un message à ma sœur pour lui expliquer mon réveil subit et cet appel qui résonnait encore à mes oreilles. C'est alors qu'elle m'expliqua ce qui s'était passé : Maman, ce matin-là, avait explosé de rage, de douleur. Son chagrin s'était transformé en colère. Désemparée, elle était entrée dans la pièce en furie, là où Papa reposait, et s'était mise à l'invectiver avec de grands cris. "Pourquoi tu es parti ? Pourquoi tu m'as abandonnée ? Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?" Ceci se passait à l'heure exacte de l'appel de Papa qui m'avait réveillé. C'est ensuite que Michèle s'est rendu compte qu'il avait bougé. Ses bras, auparavant croisés sur sa poitrine, s'étaient dénoués. Elle a cherché à les replacer mais sans succès probant.
Plus tard, l'après-midi s'acheva avec la mise en bière.

Papa, où que tu sois, j'espère que tu es bien et que tu as enfin trouvé la paix.

 

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19 août 2017

Un enfant (Thérèse)


Un enfant, c'est un morceau de soleil
qui vient réveiller tes jours gris
quand nostalgique tu sombrais.

Un enfant, c'est de grands yeux étonnés
de découvrir le monde,
à petits pas prudents.

Un enfant, c'est doux et chaud entre tes bras
quand, tout confiant, il s'abandonne
pour te livrer tous ses secrets.

Un enfant, c'est une partie de toi
qui déverse son innocence
et ravive tes souvenirs.

Un enfant, c'est un rire en plein cœur
qui reste en héritage
quand tu n'as plus que ta mémoire en partage.

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12 août 2017

L'heure bleue (Thérèse)

 

Posé sur la croix d'une tombe, un passereau s'ébouriffait.

C'était à l'heure bleue, cet espace entre jour et nuit.

Le soleil hésitait : tantôt il pâlissait sur la ligne d'horizon,

tantôt il reprenait vigueur, brillant de tous ses rayons.

Le ciel, doucement, s'assombrissait à travers des nuances

de bleus et de gris savamment orchestrés

qu'un peintre fou avait badigeonnés

à grands coups de pinceaux.

De blancs nuages échevelés,

dans l'azur, s'effilochaient.

Des piaillements résonnaient alentour,

des trilles se répondaient en échos,

des moineaux espiègles se pourchassaient

dans une ultime poursuite.

La terre exhalait des parfums d'herbe et d'humus.

Le temps était suspendu, l'air semblait immobile.

Il faisait bon entre ciel et terre.

C'était l'heure bleue où tout se pose,

où tout repose.

 

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29 juillet 2017

Participation de Thérèse


Brouillard s’étale dessus la terre tel un suaire
Obscurité s’éternise dans un demi-sommeil
Nuit engloutit mon esprit à l’infini.
Je me vautre dans la fange nauséabonde
de mes pensées doucereuses, douloureuses.
Lignes sirupeuses écrites au fil du temps
que je relis dans les coups de cafard.

J’ai acheté un bouquet de tulipes :
tu les avais toujours aimées.
Je les ai posées sur ta tombe :
elles sont là aujourd’hui encore si belles.
Imperturbables, elles résistent au vent et à la pluie,
comme un gage éternel de mon amour pour toi.
Flammes figées dans le gel de l'hiver,
elles dansent dans une explosion de lumière.

Ombres chinoises sur un ciel doré
Comme une encre de chine sur papier doré
Les arbres pétrifiés dans le froid
Tendent leurs bras décharnés.
Des alignements de nuages
Comme un raz de marée déferlant.
La lune est tombée sur l’horizon
Boule dorée sur le noir de la nuit.

Tu me manques…

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20 mai 2017

Octobre 2007 (Thérèse)


En cet après-midi froid mais ensoleillé, j’ai voulu retrouver l’ancien chemin de terre, celui qu’on prenait jadis pour rejoindre le bois, celui qui longe la voie ferrée là-bas.

Partie avec mon chien, je retrouve le chemin. Bien herbicidé, sec, nu, ocre jaune, il longe des champs labourés. Sur un talus d’herbes mortes, herbicidées elles aussi, de hauts chardons rouillés espèrent encore renaître de leurs semences qui se balancent au gré du vent. Plus loin, un groupe d’arbustes, oubliés par les humains sans doute, agitent leurs feuilles encore vertes.

Le chemin rétrécit, se creuse d’ornières et, peu à peu, se couvre de cailloux, de gros cailloux tout neufs, genre ballast de chemin de fer. J’ai bien dû me tordre les pieds cinq ou six fois dans ce chemin suicidaire avant de suivre les pas de mon chien qui, lui, sait où marcher. Intelligente bête qui sait éviter les ornières profondes et les pierres qui roulent. Il me suffit de l’observer.

Soudain le chemin rétrécit encore, s’enfonce dans une sombre végétation. Les arbustes, de chaque côté, se courbent pour nous faire une haie d’honneur. Une odeur pénétrante, familière, qui me rappelle l’ancienne ferme près de chez mes parents, habite ce sentier qui est devenu boueux, glissant. Les ornières débordent d’eau saumâtre. Un troupeau de vaches a dû emprunter, depuis peu, cette voie.

Nous sortons enfin à la lumière sur un sol redevenu sec. J’aperçois tout près la voie ferrée qui longe le talus. Plus haut, de l’autre côté, deux humains qui bavardent, ceux-là sûrement qui ont conduit leurs bêtes.

Je cherchais le bois de jadis, je n’y trouve qu’une pépinière, arbres plantés trop droit, rectilignes comme des piquets. Plus loin des groupes d’arbres emprisonnés de barbelés et des panneaux révélateurs pour avertir les promeneurs qui pourraient avoir la bonne idée de chercher un bout de campagne. « Propriété privée – Défense d’entrer », « Attention Pièges », et plus loin encore « Attention tir à balles ». Il ne croit pas si bien dire, ce panneau ! Depuis déjà un moment on entend des coups de fusils qui tonnent. De loin en loin des salves vengeresses se répondent. Des chasseurs qui crient famine, peut-être, à courser une proie innocente !

Je sais à présent pourquoi ce silence pesant. Les oiseaux sont figés de peur dans leurs habits de verdure. Une boule de poils blancs roule en travers du chemin, derniers vestiges d’un lapin sans doute qui ne reverra pas sa famille. Peut-être vais-je, là, recevoir une de ces balles perdues. Mon chien, alors, saurait-il aller chercher de l’aide ou le prendrait-on aussi pour un sanglier !?

Je commence à fatiguer. Le chemin continue tout droit, plus haut. A droite pourtant un passage. Je crois le prendre pour raccourcir ma route mais il arrive en plein champ. Je continue, bravant les éteules de maïs, mais nous peinons tous les deux. Mon chien n’en peut plus. Je décide de faire demi-tour, de retourner par le même chemin. Sachs (c’est le nom de mon chien) a compris. Il accélère l’allure, pressé de rentrer chez nous.

Sur le chemin du retour, le calme est revenu. J’entends par là : le silence s’est tu, ce silence bavard rempli de peurs. Les oiseaux, timidement, dans les quelques arbustes disséminés reprennent leurs conversations. Peut-être parlent-ils du nombre des victimes, de la perte d’un voisin !
Sur la route, aux abords des maisons, une tondeuse ronronne au milieu d’une pelouse. Les gens se pressent, profitant des derniers sursauts du soleil.

Un jour prochain je retournerai dans ce chemin de terre. J’irai voir là-bas tout au bout où il m’emmènera. Peut-être qu’il existe encore ce bois ! Peut-être n’ai-je pas marché assez loin !

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