27 octobre 2012

N’est pas mycologue qui veut ! (SklabeZ)

Papa adore les champignons, malheureusement, il ne s’y connaît pas trop. L’année dernière pourtant, il avait trouvé une méthode infaillible. On lui avait dit qu’il fallait mettre une cuillère en argent dans la poêle pendant la cuisson. Si elle ne change pas de couleur, on peut y aller sans crainte paraît-il... tu parles ! Nous avons tous été malades comme des chiens.

La plaisanterie nous a bien secoués, mais qu’importe, papa n’est pas du genre à renoncer comme ça. Il a passé toutes ses soirées d’hiver à potasser les planches du grand dictionnaire. Maintenant il les connaît par cœur, les comestibles, les vénéneux… et bolets et cèpes n’ont plus de secret pour lui. On allait voir ce qu’on allait voir !

Cette année, retour dans notre forêt préférée. Papa, maman et les enfants ont chacun leur petit panier. J’en ai trouvé un beau ! s’écrie le petit frère. Fais voir ! Bravo, dit papa, et prenant son air savant, c’est un Xerocomus communis, un bolet commun, quoi !

Ici il y en a un encore plus beau, crie la petite sœur, il a de jolies couleurs ! Ne touche pas à ça ! crie papa, c’est un poison !

La cueillette se poursuit sous la supervision du père. Il a l’air sûr de lui, comme ça, mais là, il vient d’en rejeter un qui est la copie conforme du premier validé. Moi j’ai l’impression qu’il est en train de tout mélanger mais il ne veut pas perdre la face. Maman l’a bien vu aussi. Au retour, dans la voiture elle lui dit : « on devrait s’arrêter chez l’épicière, son mari est un expert, il pourra nous donner son avis éclairé»

- Chez ce brigand ! Jamais de la vie, il va nous arnaquer !

- Allez mon Papounet, sois gentil, fais un effort, ça ne sert à rien de prendre des risques.

- mmmm !

En bougonnant, il met sa flèche de direction et gare la Peugeot 203 devant la petite épicerie de Madame Tamic.

Nous sortons tous les paniers du coffre et le père Tamic commence l’inspection détaillée de notre cueillette. Le premier n’est pas bon, « vénéneux ! » dit-il en le jetant dans son panier à lui. Le deuxième n’est pas mieux, vénéneux ! et ainsi de suite… Presque tous y passent, vénéneux ! vénéneux ! vénéneux !

- Ah non ! Pas celui-là quand-même, c'est un très beau cèpe l'interrompt mon père.

- Malheureux ! Ça un cèpe ? Mais vous allez vous empoisonner avec ça ! répondit le père Tamic en faisant un clin d'œil complice à sa femme.

Sur les quatre pleins paniers ramenés, nous n’avons récupéré que trois malheureux champignons tout rabougris. Le père Tamic a daigné nous les laisser en les qualifiant de comestibles. Avec ceux-là vous ne risquez rien dit-il à mon père d’un air goguenard.

Tu parles !

C’est vrai que c’est un sacré filou le père Tamic !

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20 octobre 2012

Fantochina et Polichinelle (SklabeZ)

Préambule: Une fois de plus je n'ai pas trouvé le temps de préparer un texte pour ce défi. Je vous adresse néanmoins celui-ci, que j'avais préparé et déjà publié sur Un mot. Une image. Une citation.

Image de chez icanhascheezeburger.com
Le rideau vient de tomber.
 
Portant dans ses bras la croix de bois et les fils qui l’ont toujours maintenue et animée, Fantochina la marionnette, s’assoit et détend ses jambes. Le spectacle vient de se terminer et elle essaye, à grand-peine de reprendre sa respiration.
 
Cela fait maintenant près de vingt ans qu’elle se donne en spectacle et les représentations sont de plus en plus éprouvantes. Malgré la fatigue, Fantochina est triste. Elle vient d’apprendre que c’est son dernier tomber de rideau et qu’on lui retire son costume de scène. Elle est triste et la perspective de finir au fond d’une cave, couverte de poussière, abandonnée sur une vieille étagère, l’incommode au plus haut point.
 
Professionnelle jusqu’au bout des ongles, elle avait pourtant, comme à chaque fois, répété son spectacle. Pour chasser ce trac encore et toujours présent, malgré les années, elle avait aussi fait le vide dans sa tête pour habiter et incarner son personnage… Mais tout a une fin, et pour elle, c’est la dernière fois.
 
 
Si on me remplace, qui pour prendre la suite ? Qui reprendra le flambeau pour assurer le spectacle, amuser et réconforter notre jeune auditoire ?N’ayant pas la réponse, elle décide d’interroger son marionnettiste. Ils font équipe depuis si longtemps et ils se connaissent parfaitement.
 
« Écoute-moi, mon ami. Depuis de nombreuses années, nous jouons avec succès, et sans relâche notre petite comédie bouffonne. Jamais nous ne pourrons supporter le désœuvrement et l’ennui. Retapons notre vieille roulotte et reprenons la route comme à nos débuts.
 
- Ne rêve pas, ma pauvre ! De nos jours les routes ne sont plus sûres et nos bambins n’ont plus envie de mettre le moindre sou dans notre spectacle. De plus, tu es rongée par la vermine, tes articulations sont rouillées et couinent désagréablement, tes jambes sont vermoulues, tes vêtements sont mités, ton teint défraîchi… » La critique est hostile.
 
Plus la critique est hostile, plus l'artiste devrait être encouragé.  Loin de se démonter, elle s’enferme dans sa loge et cogite. Elle se souvient d’une histoire extraordinaire que lui avait confiée la poupée de chiffon d’une habilleuse, rencontrée il y a longtemps, dans un théâtre quelconque.
 
Elle rassemble les bribes de sa mémoire et commence la confection d’un masque et d’un costume de scène. Elle y consacre toute sa nuit.


Au petit matin, elle réveille son marionnettiste et lui dit : « Je ne suis peut-être plus en état de me produire, certes ! Mais  toi ? N’est-ce pas toi qui, en tirant les ficelles est le seul et véritable acteur de mon rôle ? Eh bien ! À ton tour de monter sur les planches, tu seras Polichinelle ! »
 
Et c’est ainsi que, Fantochina convainquit son possesseur de porter le masque qu’elle lui avait confectionné pour jouer le premier rôle.
 
 
 

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06 octobre 2012

Putain de Brouillard (SklabeZ)

 

Dans une atmosphère déjà très enfumée, l'autoradio K7 Philips crachote "Laisse-moi t'aimer", une rengaine de Mike Brant.

Au volant, une gitane au bec, Vévé est concentré sur le faisceau des phares éclairant la route. 

À la place du mort, Bruno, complètement affalé dans son siège, les pieds sur le tableau de bord... il s'en fout, c'est pas sa caisse. 

Entre les deux, juste au-dessus du frein à main, Mado est en position très inconfortable, une fesse sur le bord du siège chauffeur et l'autre sur le siège passager. Pour ne pas gêner Vévé dans sa conduite, elle s'est penchée et appuyée sur Bruno. Bien appuyée, même. Elle aime bien titiller et exciter les garçons, Mado est une rapide. D'habitude, il démarre au quart de tour, le Bruno, mais là, il ne réagit même pas, encéphalogramme plat… il cuve ! Faut dire qu'ils ont un peu picolé.
 
Sur la petite banquette arrière, Lucette et sa belle jupe blanche, Jacky, au milieu, avec son éternelle bière à la main et Marie-Lou en extase, écoutant la musique et buvant les paroles de son chanteur préféré, c'est elle qui a apporté les cassettes.
 
Les retours de bringue sont parfois difficiles, il doit bien être deux ou trois plombes du mat' et il leur reste encore un bout de route à faire. Dans cette campagne légumière toute argentée par la pâle lueur de la pleine lune, la petite Fiat taille la route… façon de parler. Avalant les côtes avec difficulté et reprenant un peu de vitesse dans les descentes, elle se traîne sur la départementale.
 
De sa main droite, Jacky tente une avancée prudente et effleure la cuisse de Marie-Lou. Bon, ça va ! Il n'a pas pris de baffe et pourtant elle a la main plutôt leste, Marie-Lou. Les yeux mi-clos, fredonnant les paroles, elle dodeline de la tête au rythme de la musique. Elle semble apprécier.
 
Comme s'il se doutait de quelque chose, Vévé lève régulièrement un œil suspicieux sur le rétro pour surveiller sa Marie-Lou, mais il ne voit rien. Ses yeux lui piquent... la fumée probablement. Il repose sa clope. Une odeur de caoutchouc brûlé envahit l'habitacle.
« Oh non, les gars, vous déconnez là ! Qui a foutu un préservatif dans le cendrier !? »
Vévé est énervé : « Ouais, c'est vrai quoi ! Un peu de respect ! On voit bien que c'est pas votre bagnole, vous n'avez plus qu'à dégueuler dedans tant qu'on y est ! À ce train-là, elle n'est pas près de me reprêter sa tire, ma frangine ! Tiens Mado, rallume-moi une gitane ! »
 
Derrière, tout le monde s'en fout. Marie-Lou continue de chantonner et Jacky nous a fait un truc incroyable, il s'est séparé de sa bibine ! Posée sur le plancher, il la maintient précieusement entre ses Clarks à semelle polyuréthane. S’il s’est débarrassé de sa canette, c’est pour une noble cause. La main droite, toujours occupée chez Marie-Lou, il entreprend maintenant, de sa main gauche toute poisseuse, une exploration en règle de la belle jupe blanche de Lucette.
 
Le brouillard a fait son apparition et Vévé écarquille les mirettes pour mieux voir.
« T’es sûr que ça va, Vévé ?  s’inquiète Mado. Je peux conduire si tu veux ! 
- Fais pas chier ! » dit-il en jetant sa gitane par la fenê…
Le con ! Il a oublié de baisser la vitre. Dans une gerbe de cendres incandescentes, la clope lui revient en pleine poire et tout s’enchaîne alors rapidement. La voiture fait deux petits tonneaux, se rétablit et se met à dévaler la descente…sur le toit. 

Dans un bruit métallique étourdissant elle n'en finit pas de glisser et, telle une comète, elle est suivie d'une longue traînée d'étincelles provoquée par le frottement de la tôle sur le bitume. La tête en bas, au ras de la route, Lucette ne perd pas une miette du spectacle son et lumière. Vévé s’écrie : « Putain ! la peinture ! la peinture du toit ! qu'est-ce qu'elle va dire ma frangine ! »
 
Après cette glissade qui semblait interminable, la voiture finit sa course dans un champ de choux-fleurs. Le bruit assourdissant a fait place à un grand calme. Les six occupants, la tête en bas et un peu sonnés, ne disent rien. On entend juste Mike Brant qui continue de chanter et le tic-tic-tic-criiiii du grincement d’une roue qui finit de tourner dans le vide. Le pare-brise et la lunette arrière ont été éjectés et des mottes de terre humide ainsi que des feuilles de chou ont été projetées partout dans l’habitacle, finissant de saloper la belle jupe blanche de Lucette.
 
Bruno ne s'étant même pas réveillé, il a fallu le secouer... ensuite, un par un, ils sortent à quatre pattes par la lunette arrière. Vision insolite sous le halo blafard de la lune, on aurait dit une troupe de marcassins sortant d'un taillis, à la queue leu leu.
 
Bruno s'est vite rendormi entre deux plants de choux et Marie-Lou, à genoux près de l'ouverture du pare-brise se contorsionne pour essayer de récupérer son Mike Brant dans l'autoradio qui marche encore. Debout dans la gadoue près de l'épave, avec la boue débordant de leurs orteils, Mado et Lucette, talons aiguilles à la main, essaient de calmer Jacky. Il est furax, il n'a pas retrouvé sa bibine.
 
Vévé lui, est dépité ! Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir dire à sa frangine ? Sa frangine qui après lui avoir fait jurer qu'il en prendrait grand soin, avait consenti à lui prêter sa première voiture, sa Fiat 850 toute neuve, dans laquelle elle avait mis toutes ses économies.
 
Putain de brouillard !
 

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15 septembre 2012

Participation de SklabeZ

J’aime beaucoup les mots-valises et ceux que l’on peut découvrir en butinant sur le net sont très plaisants et tous plus recherchés les uns que les autres. En créer soi-même, est vraiment une autre paire de manches et l’exercice n’est pas facile du tout.

Allez, je me lance ! Actualité oblige, je commence par :

 

  • BLASTPHÈME : Injure ou parole déplacée servant de prétexte aux intégristes de tout poil pour commettre des AMBRASADES, qui se propagent comme une traînée de poudre.

 

  • BÉRIBÉRY : Maladie causée par un double déficit en vitamine B1 et en grammaire (que je nique direct !). Elle provoque des troubles de rhétorique du genre :
    • Le Touquet, une ville que j'aime bien venir.
    • Je pense qu’on espère qu’on va gagner.
    • On est des joueurs qu’on va vite avec le ballon même contre une équipe qui sont vraiment très forte

 

  • PRÉSERVHÂTIF : Capote pour éjaculateurs précoces (même pas le temps de l’enfiler, parfois !). À noter que les adeptes de L’OBSTINENCE n’en ont pas besoin, entêtés qu’ils sont dans leur refus d’avoir la moindre relation sexuelle.

 

  • FUNNYCULAIRE : Moyen de transport, bien différent du métro parisien, ici personne ne fait la gueule.

 

  • CARESSPONDANCE : Harmonie parfaite et très sensuelle entre deux êtres qui peuvent ensuite CARRESPONDRE dans une relation écrite assez torride.

 

  • MEUPHÉMISME : Figure de rhétorique, utilisée par les nanas et qui consiste à atténuer l'expression de leur pensée pour faire entendre le plus en disant le moins. Les meuphémismes sont très utilisés dans les annonces matrimoniales. Ainsi quand elles écrivent :
  • - la quarantaine, il faut lire plus de cinquante
  • - aime l’aventure => a eu plus de partenaires que vous ne pouvez l’imaginer
  • - romantique => moins laide à la lumière d’une bougie
  • Etc.

 

Je vais maintenant arrêter de dire du mal des nanas parce que je les aime bien. J’aime bien les filles, moi et je le dis ici haut et fort sur SAMEDIDÉFI, bien sûr que ça me dit des filles !

 

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21 juillet 2012

Ah si Psyché l’avait su ! (SklabeZ)

Ayant un programme très chargé, il se lève, ce matin-là, bien plus tôt que d’habitude. Au menu de la journée plusieurs rendez-vous qu’il a dû avancer à cause de cette fichue visite médicale annuelle.



Après une douche rapide, il revient dans la chambre à coucher. Sa compagne dort encore et il n’a vraiment pas le cœur à la réveiller. À tâtons dans le noir, évitant la grande psyché articulée sur son châssis Art déco, il se dirige silencieusement vers la commode et entrouvre lentement les tiroirs. Il en sort un slip et une paire de chaussettes légères. La fin de l’habillage se passera dans le couloir où il récupère, costard, chemise et cravate dans la grande penderie.



La matinée est maintenant bien avancée et c’est l’heure pour lui de rejoindre l’infirmerie, le staff médical l’attend.



Après s’être déshabillé dans la petite cabine, il se dirige, en slip et en chaussettes, vers la salle où l’attendent le médecin de l’entreprise et ses deux assistantes. Le « Bonjour Monsieur » des infirmières s’étouffe dans un étranglement. Elles se regardent, gênées alors que le doc sourit béatement.



Un rapide coup d’œil sur lui-même et il comprend subitement. Son sang se glace. Tain !!!  jure-t-il. Ma réputation est faite !



L’histoire va courir comme une trainée de poudre dans toute la compagnie et ses collaborateurs, comme ses collègues des autres établissements vont pouvoir le chambrer.



Ce matin, en s’habillant dans le noir, il s’est trompé de tiroir. S’il avait pu se regarder dans le miroir comme il le fait habituellement ce ne serait certainement pas arrivé. Le slip qu’il a enfilé n’était pas le sien, il a pris une petite culotte affriolante, en tulle brodé et dentelle. La honte !

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26 mai 2012

MOISSON DE MER (SklabeZ)

 

Récolte du goémon

 

Le vent souffle sur cette lande bretonne, étendue désolée d’ajoncs et de bruyères. La nuit commence à tomber et l’on distingue à peine la cahute de pierre. C’est une construction sobre, trapue, couverte de chaume aux ouvertures rares et étroites. Isolée au milieu d’un dédale de haies de genêts et de talus, elle semble ancrée au sol, au sol de cet austère Léon en plein pays Pagan.
 
Dans une atmosphère légèrement enfumée, le maître des lieux, coudes sur la table, finit d’engloutir sa soupe au lard, sous le regard discret de sa femme. Debout dans la pénombre, elle attend et lui présentera ensuite une bouillie grossière d’orge et d’avoine.
 
Elle ne mangera qu’après son homme.
 
La journée fut éreintante pour elle aussi puisque, comme à l’accoutumée, elle participe pleinement aux travaux de la ferme. Aujourd’hui c’était la récolte du goémon. Toute la journée, nu-pieds sur les rochers glissants, armés de fourches et de râteaux ils ont ramassé le précieux varech qu’ils mettront à sécher sur la dune pour en faire de l’engrais.
 
Naufrage sur la côte bretonne Pierre-Émile Berthélémy, peintre normand (1818-1890)
Il est nerveux et se dépêche. Dehors, malgré la nuit tombée, le vent de noroît gémit et continue de forcir. Avec d’autres paganiz des hameaux environnants, ils se sont donné rendez-vous pour cette nuit, sur ce coin de côte hérissé de récifs.
 
S’essuyant la bouche d’un revers de manche, il se lève et se dirige vers l’étable attenante. Au passage il prendra aussi quelques fanaux.
 
Dans un rituel déjà bien éprouvé, ils accrocheront un flambeau à la corne des vaches pour tromper les vigies des bateaux de passage.
 
On les appelle Paganiz (païens), leur amour du pillage sans doute, mais ils ont un grand cœur. Ils laisseront la vie sauve aux naufragés, si tant est qu’ils les laissent piller leur embarcation.

Il se dit que cette terre bretonne du pays Pagan est l’épouse de l’océan. Un océan qui l’enlace tendrement, la caresse, lui souffle au visage son haleine tempérée et, à chaque marée, la pénètre intimement par les petits fleuves et les rias. Il la pénètre intimement et ne manque pas, lors de chaque tempête, de déposer sa dot sous forme de denrées, d’objets ou de trésors.
 
Luttant contre le vent en menant sa vache vers la grève, il rêve pour ses filles sauvages, d’une dot qui aurait l’apparence de dentelles, satins ou soieries de Chine

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31 mars 2012

« La routine, quoi ! » (SklabeZ)


Quoi de neuf ?

 
Rien de spécial ! La routine, quoi ! 
 
Ici, tout comme chez nos amis américains, les campagnes électorales mobilisent les attentions de chacun. Campagnes éclipsées, non sans répercussions, par deux tragédies, Toulouse chez nous et Trayvon Martin outre-Atlantique. Ces courses à la Présidence et ces deux « faits divers » étant suffisamment relayés par tous les média, je ne m’étendrai pas.
 
De l’actualité je retiens deux événements qui sont passés presque inaperçus.
 
Industrie BESSON Mazak 20120328 2
 
Le premier concerne le Salon de l’Industrie, qui comme tous les ans à cette époque, se tient au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte. Contrairement au Salon de l’Agriculture, haut-lieu médiatique s'il en est, aucun des candidats à la présidentielle n’a daigné s’y rendre. Aucun candidat et aucun politique non plus ! 
J’exagère un peu en disant cela, puisque le ministre de l’Industrie y a certes fait son apparition et fréquenté quelques allées. Ce que je trouve désolant c’est qu’il a passé le plus clair de son temps sur le stand d’un grand constructeur de machines-outils japonais, ignorant du même coup ses concurrents nationaux. Désolant !
 
France ! Ton industrie et tes emplois foutent le camp ! Et, à droite, comme à gauche, tout le monde s’en fout !!!

 
Ce jeudi 29 mars, avait lieu au Sénat, sous les ors de la République, la cérémonie de remise des prix aux meilleurs apprentis de France. La médaille d’or de la catégorie « pressing » a été attribuée à une jeune Roumaine de 18 ans, Cristina Dimitru.

 
Cristina Sénat Meilleure apprentie 1Cristina est une sans-papiers. Arrivée à Nantes en 2005 avec sa famille Rom, elle a longtemps vécu dans une caravane, sans eau, ni électricité. Bien que travaillant régulièrement dans des entreprises de maraîchage, ses parents ont vu échouer toutes leurs demandes de régularisation. Ses conditions de vie étant très dures, Cristina a tout misé sur l'école, au lycée professionnel Léonard de Vinci de Nantes, où elle a obtenu, en juin 2011, son CAP. Lycée qui l’a ensuite présentée au concours des meilleurs apprentis de France : « C’était très dur au début, j’ai travaillé deux fois plus que les autres »  
Elle peut être fière du travail accompli puisqu’elle est maintenant Meilleure apprentie de France.
 
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Cristina a appris hier jeudi que la préfecture de Loire-Atlantique allait lui remettre un titre de séjour lui permettant de résider et travailler en France. « Je suis vraiment contente ! Mon avenir va être un peu plus rose », se réjouit-elle.

Réconfortant ! Mais tant reste encore à faire, ne perdons pas espoir.

Quoi d'autre ? Rien de spécial ! La routine quoi ! 

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17 mars 2012

Aux Greniers Saint-Jean (SklabeZ)

La sono est forte mais sans trop et l’acoustique exceptionnelle. Cet ancien établissement hospitalier du Moyen-âge transformé en salle des fêtes et de concerts fait le bonheur des associations universitaires de cette ville de province. Plusieurs fois dans l’année tout ce que la ville compte d’étudiants se donne rendez-vous ici, dans ce cadre extraordinaire pour une soirée mémorable.

 

Après un dernier jerk endiablé, la tension retombe d’un cran et la grande salle se calme. L’orchestre entame le tube du moment pour un dernier slow. Encore essoufflés de la danse précédente où nous venions tout juste de faire connaissance, nous nous interrogeons du regard et, tout naturellement, nous nous enlaçons.

 

Mes mains sur ses hanches, les siennes sur mes épaules, nous nous déplaçons en tournant lentement et voguons en cadence, au rythme de la musique. Les yeux fermés, je ressens du bout des doigts les ondes de sa peau qui frémit. Ses mains se crispent légèrement, j’ouvre les yeux, son regard plonge dans le mien. L’étreinte se resserre, nos souffles se mêlent. Le décor s’estompe et tout semble disparaître autour de nous. Nous sommes seuls, elle et moi enivrés et envoûtés par cette musique. Je la retiens dans mes bras, prisonnière consentante et je savoure ces instants…

 

De ce slow langoureux, un grand amour est né.

Plusieurs années plus tard, les circonstances de nos vies professionnelles on fait que nous sommes séparés… géographiquement, mais nous nous voyons régulièrement pour notre plus grand plaisir.

Et à chacune de nos rencontres, nous ne pouvons oublier celle qui fut la toute première, bercée par cette musique, ce tube planétaire du moment :

« Nights in white satin » des Moody blues

 

Nights in white satin,

Never reaching the end,

Letters I’ve written,

Never meaning to send...

 

 

Nights in White Satin by The Moody Blues on Grooveshark','hspace':null,'vspace':null,'align':null,'bgcolor':null}">

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03 mars 2012

Attention ! Ça va déménager (SklabeZ)

Bien que largement ensoleillé, l’été s’éternisait et les derniers jours des grandes vacances n’en finissaient pas de passer.

Comme tous les ans, par tradition, toute la famille s’était donné rendez-vous dans la grande maison familiale, à deux pas du bord de mer. La demeure ancienne est suffisamment grande pour accueillir tout ce petit monde, enfants, conjoints, petits-enfants, et Papy et Mamy sont, comme à chaque fois, particulièrement heureux de ces retrouvailles. Leurs tranquilles habitudes sont néanmoins bouleversées et quoiqu’aidés par leurs grands enfants, l’intendance et la logistique restent un souci quotidien. Pas facile en effet de loger et alimenter toute cette bruyante marmaille.

Nous sommes au petit-déjeuner. Assis autour de la grande table et engloutissant leur petit-déjeuner, les enfants cherchent une occupation pour l’après-midi. Un tonton passionné de météorologie leur prédit que la journée sera encore plus chaude que la veille. Les plages bondées et leur enthousiasme pour les plaisirs de la mer commençant à s’émousser, ils veulent faire autre chose. L’aquarium ? Bof ! Ils l’ont tous déjà visité. Le zoo, bien trop loin à leur goût et la traditionnelle sortie vélo a déjà été faite deux fois cette année.

Un des petits suggère, le grenier de Papy ! Oui ! Génial !!! La proposition fait l’unanimité. Le problème c’est que Papy n’aime pas trop les visites dans cet endroit très mystérieux où sont entreposés tous les souvenirs de la famille.

Réclamée à cor et à cri, les adultes ne peuvent refuser aux enfants cette visite du grenier familial. Elle est donc programmée pour l’après-midi. Cris d’acclamation et hourras répétés, c’est le délire !

Les cris de joie des enfants résonnent encore dans ma tête quand une certaine peur panique m’envahit : et si le grenier de Papy n’était pas prêt à supporter cette troupe d’envahisseurs, cette horde turbulente, peu respectueuse des souvenirs !

Je grimpe immédiatement les marches encaustiquées et me retrouve au dernier étage devant l’escalier rancher, coiffé de la trappe d’accès au grenier.

À peine la trappe déverrouillée et poussée, je me retrouve dans une atmosphère calme, feutrée mais sans dessus dessous. Il y a là un capharnaüm indescriptible et tout ce bric-à-brac est couvert de poussière.

Beaucoup d’objets hétéroclites, certains brisés, tous recouverts de toiles d’araignée. Après m’être accoutumé à la pénombre, je parcours du regard ce vaste abri de souvenirs, toutes ces œuvres qui cohabitent, endormies...

Une statuette de Jeanne d’Arc en armure tenant son étendard déployé côtoie une enseigne militaire, l’aigle impériale des armées napoléoniennes. Dans leur vitrine, des soldats de plomb bigarrés montent la garde devant une porcelaine chinoise recouverte d’un émail craquelé. Quelques santons de plâtre essaient de se mirer dans une psyché au tain détérioré. Un vieux gramophone à manivelle repose tout le poids de son bras fatigué sur la pointe de l’aiguille, aiguille qu’il aurait pu emprunter à sa voisine, la fameuse machine à coudre Singer, compagne de plusieurs générations d’apprenties femmes au foyer. Étant petit, j’aimais m’accroupir et regarder le pédalage d’une de mes tantes pendant que les rideaux qu’elle cousait descendaient sur moi, me faisaient disparaître en me recouvrant progressivement.

Derrière le paravent, une écritoire bancale avec quelques vieilles photos sépia, un porte-plume ancien, planté et figé, dans un encrier de jade à la couleur blanc olivâtre. Sur une étagère, une vieille boîte à chaussures fermée d’un ruban. Je le dénoue et risque un œil. À l’intérieur une liasse de vieilles enveloppes, toutes les lettres d’amour de Papy à Mamy, avant leurs fiançailles, un trésor à la valeur sentimentale inestimable.

Je poursuis ma visite en essayant de ranger au mieux et de préserver de la ruée et de la bousculade à venir, tous ces objets et vieilleries, témoins du passé.

Après une rapide rétrospective, je suis content de moi et soulagé. Le grenier de Papy est prêt à affronter la ruée. Moi je redescends avec un picotement au nez. J’ai attrapé un coryza.


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25 février 2012

Un si beau portique (SklabeZ)

C’est le bonheur parfait. Plongé dans une douce béatitude, il se laisse bercer. Ah ça oui ! Il peut être content de lui ! Il vient de terminer l’installation du portique au fond du jardin.  Un grand portique avec corde lisse, corde à nœuds, anneaux, échelle de corde et deux balançoires.

Pour le moment ses enfants sont encore petits, et pour les anneaux, on verra plus tard… seulement s’ils ont des dispositions pour la gymnastique.

Le portique, avec tous ses agrès, est magnifique. À peine terminé et les derniers réglages effectués, il s’installe sur une des balançoires, pour la tester.

C’est qu‘il s’est beaucoup investi dans ce projet, il y a consacré beaucoup de temps et d’argent, bien plus que ce que lui aurait coûté un ensemble tout fait dans une jardinerie ou une grande surface.

Le lent mouvement alternatif de son corps, de part et d’autre de son centre d'équilibre le plonge dans un calme paisible.

Les yeux mi-clos, il se remémore les différentes étapes du projet.  La patience pour la recherche et l’achat des tubes métalliques. La constance dans mes visites obligées chez le ferronnier du coin pour fabriquer les manchons destinés à réunir les montants du portique. Entre deux âges, cet artisan, une éternelle gitane maïs au coin du bec, avait toujours une histoire salace à raconter. Son auditoire était à son image et tous les désœuvrés du quartier se donnaient rendez-vous chez lui. Grosse et grasse rigolade assurée, son atelier ne désemplissait pas.

L’humiliation, quand s’attaquant à la fabrication des crochets en tire-bouchon pour fixer des agrès, ce grossier personnage, a cru bon d’amuser la galerie en lançant à la cantonade : « Et pour les queues de cochon ? On prend modèle sur la vôtre ? »

La douce oscillation a déjà évacué cet affront. Le balancement régulier le berce et des images apparaissent dans son esprit.

Il n’avait jamais fait de balançoire auparavant. En tout cas il ne s’en souvient pas et ce n’était pas son genre, un vrai truc de filles ! Ce n’était pas son genre, surtout pas, il avait même une certaine aversion pour ce jeu, aversion venue on ne sait d’où.  Pourtant il commence à entrevoir le va et vient d’un jeune garçon sur une escarpolette. L’image est floue mais se précise, ce jeune garçon lui ressemble étrangement. Il a ses propres traits. Mais c’est moi, se dit-il ! Près de lui un autre jeune garçon. Lui aussi voudrait bien faire de la balançoire et essaie de lui prendre sa place. Il est très coléreux et ne peux attendre. Alors de dépit, il lui cède le siège et commence à le pousser, assis sur la planchette et les mains accrochées aux cordes le petit frère est aux anges. Il commence à le pousser doucement d’abord, puis un peu plus fort, de plus en plus fort, et encore plus fort. Le vertige le gagne et son petit frère ne rit plus. La bouche ouverte, les yeux perdus, il est comme pétrifié.

Soudain il glisse de la planchette, ses petits bras ne sont pas assez vigoureux pour qu’il se rétablisse. La balançoire se vrille… les cordes l’enserrent dans un baiser mortel.
Plus rien ! Il se rappelle juste du pimpon, du clignotement bleu de la belle voiture des pompiers, ses parents en pleurs.

Il s’arrête tout net, saute de sa planche et entreprend immédiatement le démontage de son portique, de son beau portique.

 

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