Participation de Sable du temps
Points
Parler de point, moi, ah bon ?
Vous voulez dire, mettre un point sur les i, une virgule au point, ou quelque suspension pour aller à la ligne ?
Je m’exclame !
Mais de quelle façon ? Timide en pointillé, brodeuse au point compté de tige et de croix, écolière en bon point, musicienne en contrepoint ou, en point d'orgue, sensuelle, ah ! le point G !
Permettez, je m’interroge.
Vous insistez ? Bien !
Alors faisons le point, et reprenons le sujet point par point, tout simplement.
J'attire cependant votre attention sur un point crucial ; j'affirme : l'essentiel est de mettre un point d’honneur à arriver toujours à point nommé mais, naturellement, sans atteindre le point de non retour.
L’exercice est difficile et pointilleux je l'avoue, mais bon, sur ce thème, chacun son point de vue, un point c’est tout !
Point trop n'en faut, n'est-ce pas ?
A l’heure où j’écris ces quelques mots, le soleil pointe son nez au point cardinal d'Orient et moi, je me sauve sur la pointe des pieds, pour le point … final.
...
Le merle et la mulotte (Sable du temps)
Beau Merle, siffleur pas moqueur, et Souricette, œil vif pelage doux, se rencontraient chaque jour, sous la ramure.
Ils se connaissaient depuis longtemps.
Elle écoutait avec ravissement les sifflotements de ce célèbre virtuose de la gent ailée, enchanter l'alentour. - “ Siffle Beau Brun, ton plumage est-il semblable à ton ramage ?
“- ( Souricette taquinait ses classiques ! )
Il aimait l'entendre raconter des histoires fabuleuses, réciter les comptines rigolotes, qui faisaient la joie des familles de “ trotte menu “ et autres rats des campagnes alentour.
Ainsi passaient, sagement, les jours et les saisons.
Par un bel après-midi d'automne, la brise venue des collines avait, dans un souffle, chantonné : “ un petit poisson, un petit oiseau s'aimait d'amour tendre … “
Ce fut la révélation.
Tout était possible, Oh! l'heureux présage, l'invite au plaisir intense et complice, à l'instant mille fois rêvé, mille fois désiré.
Premiers regards, premiers émois.
Souricette, troublée, avait permis le frôlement soyeux.
Beau Merle, conquérant timide, avait osé la caresse et murmuré : - “ Ah ! te prendre sous mon aile “.
Heure exquise, à l'indicible volupté, folle passion, douce fourrure et belles plumes, corps et âmes mêlés.
Puis, impatient, l'implacable sablier, avait bousculé le temps.
Beau Merle, siffleur pas moqueur, le cœur lourd mais les yeux plein d'étoiles, s'était envolé dans la lumière du jour finissant. et Souricette, œil vif pelage doux, s'en était allée se perdre dans les chemins creux, en rêvant que demain, oui demain, peut-être … à tire d'aile …
...
Au feu ! (Sable du temps)
Il avait ouvert le journal, la tribune de Genève.
La nouvelle s'étalait, là, sous ses yeux, en toutes lettres.
En voyant la photo qui illustrait ce terrible drame, il s'était exclamé:
- " De dieu de dieu ! Depuis le temps que je l'disais qu'il y aurait un malheur, ça devait bien arriver un jour !
Si c'est pas Dieu possible, des badauds inconscients jouer avec les allumettes, où allons-nous ?
C'est affreux, oui affreux ! Je n'aurais jamais cru voir ça de toute ma vie. Quel désastre ! Que va-t-il se passer désormais ? "
Sous le coup de l'émotion, il avait appelé sa femme:
- " Viens vite, viens vite voir, c'est terrible, un vrai cauchemar ! "
- " J'arrive ! "
- " Allez, dépêche-toi … tu dors ou bien ? ! "
- " Oui, j'arrive j'te dis, y a pas l' feu au lac tout de même ! "
- " Eh ben … justement ... si !!! "
...
Maux de tête ? (Sable du temps)
Elle marchait, à pas lents, harassée de fatigue, son grand sac sur l'épaule et une carte IGN à la main.
La vie devenait de plus en plus dure. La crise, les progrès de la médecine, les sacro-saints principes de précaution et ce monde de craintifs et de frileux l'avaient contrainte à envisager le boulot différemment, à savoir, diversification, partage des tâches et des compétences !
Pour survivre, elle s'était associée avec le Docteur mais l'aventure avec lui n'était pas toujours de tout repos, un vrai casse-tête !
Elle s'occupait du volet commercial de l'affaire, recrutait de nouveaux adeptes, au feeling, à la tête du client. L'entretien du matériel était aussi à sa charge, sa longue expérience dans le milieu étant une référence et un gage d'excellente qualité.
A elle l'intendance, à lui la technique. Il fallait bien l'admettre il exerçait ses talents avec un art consommé et une aisance décoiffante que lui enviaient ses confrères, jaloux de sa notoriété grandissante. Son ingéniosité faisait merveille.
Mais au fil du temps, grisé par sa renommée nationale et son succès foudroyant, Monsieur avait pris la grosse tête. Il exigeait désormais les honneurs et le service à domicile.
Elle suivait donc le plan, minutieusement, s'arrêtait, levait la tête, repartait, s'arrêtait à nouveau. Mais où peut-il bien loger ? Se paierait-il ma tête !
Intrigué par son comportement, un passant s'était inquiété: - " Besoin d'aide ? Vous cherchez quelqu'un ? " -
" oui, la demeure du Doct ... oooh ! Je crois que j'ai trouvé, oui oui, merci, je suis arrivée ! "
" Mais bien sûr que c'est ici ! Où ai-je donc la mienne ... de tête ! "
Elle avait sonné à l'interphone:
- " Bonjour cher ami! " - " Pas le temps ! " - " Ne raccroch'... " - " Occup'... " - " Nooon ! ne coupez pas ! C'est moi, la Faucheuse !
Je vous rapporte vos lames, bien aiguisées et affûtées comme vous les aimez. Vous vérifierez par vous-même, à tête reposée.
Allez, je ne vous dérange pas plus longtemps.
Bonne journée et à bientôt, Monsieur Guillotin ! "
...
Concert (Sable du temps)
"La jeune fille s'était levée pour saluer sous les bravos et les vivats.. Le concert était fini. Debout, les auditeurs applaudissaient à tout rompre, criaient "bis", "encore", et refusaient de partir ...
Standing ovation. Proche de l'extase, la salle en délire pleurait d'émotion et vibrait à l'unisson sous les applaudissements et les vivats délirants ...
... quand tout à coup une voix résonna dans la salle :
- " Coupez ! " -
Et quelques instants plus tard :
- " On la refait ! Tout le monde en place ! Silence ! Clap : - le concert applaus treizième – Action ! " -
La pianiste reprit sa place, sous les huées du public.
Dans un brouhaha indescriptible, nn spectateur du premier rang arracha le mégaphone des mains d'un grouillot de passage et prit la parole :
- " Ecoute-moi bien bonhomme, si tu tiens à ta santé !
Quatre heures que nous la refaisons ta bon sang de malheur de scène de concert de crotte !
À huit cents pèlerins dans une salle minable qui peut en contenir quatre cents à tout casser - sous couvert que l'Odéon est au-dessus de tes moyens - engoncés dans ces vêtements ridicules de valet de cour et maquillés comme des sapins de Noël un soir de réveillon, on crève de chaud, de soif, de tout en fait, peut-être même de l'envie de t'arranger le portrait.
Rien bu, ni mangé, depuis midi, ras la perruque tu piges ?
Et sans oublier, cerise sur le gâteau, le mal aux mains à force d'applaudir l'autre nunuche, là et son crincrin.
Oh le boulet, le pompon ! bonjour la trouvaille ! les castings c'est plus vraiment le top, pas vrai ? C'est pas possible, l'a jamais vu un piano de sa vie, elle joue comme une patate ; la surdité de Beethoven, c'est elle, c'est sûr ! P't'être lui dire que la lettre à Elise c'est pas une pub pour la Poste et que piano, d'accord, c'est aussi pour la cuisine mais ... pas que !
Alors ta treizième, Coco, c'est la fois d'trop.
Un conseil : tu la gardes ta scène à la noix, sinon t'auras en direct live, une autre idée d'un concert ... genre Jéricho après les trompettes, si tu vois c'que j'veux dire ! Tu vois ? Tant mieux ! tu commences à tilter ? ça roule, on progresse !
Donc, voilà j't'explique le deal : on t'rend ces fringues minables de théâtre de boulevard, tu nous files le cacheton, vite fait bien fait, et pis c'est bonnard, ok ? " -
- " on ne refuse pas de partir, on s'casse ! et vive le cinéma ! " -
...
Participation de Sable du temps
Nous interrompons nos programmes, car nous sommes en direct de la chapelle Sixtine où nos correspondants spéciaux ont une déclaration importante à nous faire.
- A vous Rome, nous vous écoutons :
- Habemus papam ? Pas sûr !
La nouvelle nous parvient à l'instant. Le doyen du conclave nous communique le message officiel suivant. Je cite :
" Un arrêt de travail d'une certaine catégorie de personnel du Vatican, notamment celle chargée du ramonage des cheminées, menace sérieusement le déroulement de l'élection du futur pape.
Nous sommes, à l'heure actuelle, dans l'incapacité d'assurer correctement le bon fonctionnement du poêle destiné à émettre la célébrissime fumée, suite à un " incident technique " indépendant de notre volonté. Nous avons découvert la présence d'un corps étranger obstruant le conduit de la cheminée. Nous mettons tout en œuvre pour mettre fin au plus vite à cette regrettable affaire, car, comme chacun sait, seules les Voies du Seigneur sont impénétrables ". Fin de citation.
D'aucuns parlent " d'incident voyageur ". En effet, selon des sources proches de l'enquête et d'après les premières investigations, il s'agirait du corps du père Noël dont nous sommes sans nouvelles depuis la nuit du 24 au 25 décembre dernier.
Affaire à suivre.
Ici Rome, à vous les studios!
une bouteille à la mer (Sable du temps)
Non, il ne rêvait pas ! … devant lui, une bouteille à la mer, là, à quelque mètres du rivage !
Toutes les histoires qu'il avait lues et imaginées enfant, lui revinrent instantanément, en mémoire : naufrages, îles désertes, messages énigmatiques et plans secrets, trésors cachés à découvrir, coffres emplis de diamants, d'étoffes soyeuses, de pièces d'or par milliers ...
Ballottée par le ressac, la bouteille avait roulé jusqu'à ses pieds. Fébrile et tremblant d'excitation, il l'avait ramassée, portée un peu plus loin à l'abri des regards - c'était sa découverte, c'était lui l'explorateur, l'aventurier des temps modernes, sa vie en serait bouleversée à tout jamais, il en était sûr - !
A l'aide d'un galet, il avait brisé le goulot, retiré délicatement le précieux parchemin ... et lu le message ainsi libellé :
" Dommage !
la bouteille était consignée. "
...
La table (Sable du temps)
J'ai mal au coeur, beeeeurrrrk ! je vais vomir ...
Je suis plate, pourtant je tourne, ah ! Pour tourner, je tourne, à longueur de soirées. Et croyez-moi, le manège n'a rien d'enchanté, il me flanque le tournis !
Je n'en peux plus d'écouter ces malades, tristes et lugubres à faire peur, invoquer l'au-delà, à la lueur des bougies :
- " Oncle pierre, es-tu là ? réponds -nous ! "
- " tante Gertrude, tu vas bien, tu nous entends ? "
Tu parles qu'elle entend ! Trois cents ans qu'elle est morte et cette vieille bourrique a décidé de ne rien dire !
Résultat des courses : je tourne de plus en plus vite !
-" Esprit es-tu là ? "
Oui il est là, c'est eux qui ont perdu le leur et c'est bien mon drame ! J'en ai marre de jouer la toupie. Je crains toujours qu'au plus fort de l'aventure la force centrifuge m'expédie " manu militari " sur le mur du salon. Exit le standard téléphonique !!!
J'aurais aimé une autre vie, moi ... des dessous coquins offerts en secret, que jamais l'on ne montre, des chemins colorés aux broderies délicates ; et pourquoi pas, multiplier des chiffres ânonnés par des mômes, ou sentir les caresses d'une main d'architecte et bâtir des palais merveilleux, ou bien encore, ronde et belle, accueillir de preux chevaliers avides de gloire et de prestige.
Je table sur un avenir meilleur et je rêve :
Faire table rase de toutes leurs fadaises, oublier leurs diableries ridicules et, recouverte d'une nappe à carreaux rouges et blancs, humer les délicieux parfums de cuisine et entendre, dans un brouhaha joyeux, des convives affamés lancer un sonore :
- « à table ! ».
Champignons (Sable du temps)
Satoko la petite Japonaise
aime les champignons,
ceux du grand livre ouvert sur ses genoux.
Elle les connaît tous.
Le sourire aux lèvres
et les yeux fermés
elle récite
leurs noms étranges
aux senteurs de forêts.
Coulemelle morille blanche
pied bleu mousseron
rosé chanterelle
et autres bolets.
Sans oublier l'amanite
rouge et blanche.
ah non cruelle
pas toi dans mon panier d'osier !
Son esprit s'évade
vers ces contrées d'automne
aux prairies couvertes de rosée
aux sous-bois odorants.
Cueillette savoureuse
un jour peut-être ?
Satoko tout à son bonheur
rouvre le yeux
et regarde fascinée
le plus beau le plus extraordinaire
des champignons.
Il n'est pas dans le livre
elle s'en souviendrait.
Quelle merveille !
- « oooh j'ai chaud j'ai chaud qu'est-ce qui m'arriv...... » -
...
Hiroshima, 6 août 1945.
Plume (Sable du temps)
L'Ami Pierrot feuilletait tranquillement son journal lorsque, une photo, à la rubrique « Perdu- Trouvé », avait attiré son attention. Il avait bien cru reconnaître sa plume, perdue depuis si longtemps. Ah enfin ! finie la page blanche et le morne ennui. Il ouvrirait sa porte à nouveau et ses romances lui rendraient son ancienne célébrité!
Fou de joie il avait apostrophé Colombine :
- « Coco, fais les valises, on bouge, les affaires reprennent ! Regarde- moi cette photo, j'te dis qu'c'est ma plume, ma main à couper qu'c'est elle ! »
Colombine qui ne manquait pas de jugeote avait répondu :
- « Pour un écrivain, le choix d'un tel pari n'est pas des plus judicieux, j'dis ça, j'dis rien ! ».
Pierrot s'était repris :
- « Bon alors … j'te fiche mon billet ou j'te décroche la lune qu'c'est la bonne ».
Colombine qui ne manquait pas de sens pratique et songeait à la difficulté de faire bouillir la marmite avec un Pierrot déplumé qui n'écrivait plus rien s'était écrié :
- « à choisir, je préférerais un beau billet de cinq cents euros, à la lune dont je ne saurais pas franchement quoi faire, j'dis ça, j'dis rien ! »
Au bureau des plumes perdues il avait été reçu avec panache, mais l'oiseau de mauvaise augure de service ce jour-là avait rendu la sentence :
- « Non Monsieur, désolé de vous décevoir, cette plume n'est pas la vôtre, son heureuse propriétaire vient de la reconnaître. C'est la plume d'une autruche qui s'est fait plumer, elle s'en souvient, lors d'une soirée au Crazy Horse particulièrement arrosée ! ».
Pierrot, la mine triste et la larme à l'oeil, s'en était allé au clair de la lune.
Colombine qui ne manquait pas d'humour, s'était dit, en elle-même :
- « Voilà ! c'est reparti pour le coup de la panne ... d'écriture ! Et le Pierrot n'étant pas prêteur, exit le billet de cinq cents ! Reste la lune ... peut-être qu'avec un peu de chance, il m'apportera le croissant au p'tit déj', j'dis ça j'dis rien ! ».