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Le défi du samedi

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21 août 2021

Participation de Clio101

 
Qu'est-ce que je fais ici  ? songeait l'enfant.

Dans moins de dix minutes un coup de gong retentirait et elle s'élancerait seule sur l'estrade du temple pour honorer la Déesse.
Elle avait répété la chorégraphie toute la journée d'hier sous l'œil vigilant de la prêtresse en charge des novices. A la moindre erreur sur un pas ou la position d'un doigt elle avait dû tout recommencer. Quand les répétitions avaient pris fin, juste avant que ne retentisse la cloche pour le repas du soir, la prêtresse l'avait rassurée : elle maîtrisait parfaitement le rituel.

Mais aujourd'hui, habillée du traditionnel costume à losanges multicolores, une collerette de tulle rouge autour du visage, une couronne ornée de perles sur la tête, le visage maquillé de courbes et d'arabesques et d'un losange au milieu du front, signe de son lien avec la Déesse, elle sentait le trac monter.


Bientôt les pans du rideau s'écarteraient et elle serait seule.

Personne pour la guider ou rattraper un faux pas.

Face à elle, derrière le lourd tissu de velours, la statue de la Déesse.

Devant elle le village entier et ses parents, juste au premier rang.

Derrière elle les prêtresse et les autres danseuses, prêtes à la rejoindre dès que la première partie du rituel serait achevée.

Tous à l'affût.

 

Aujourd'hui on célébrait le jour où la Déesse avait appris l'art de l'agriculture aux hommes. Si le rituel la satisfaisait elle offrait des récoltes abondantes, la bonne santé des bêtes et la fécondité des femmes. Dans le cas contraire, stérilité, tempêtes et sécheresses s'abattaient sur le village. Et pour elle, première danseuse, la réprobation de tout le village et de ses parents, son exclusion du temple et la perte de toute possibilité d'intégrer la caste des prêtresses.


Le moindre faux pas et tout serait terminé.

 

L'enfant se débattait encore dans ces sombres pensées quand les clochettes qui annonçaient l'ouverture du temple aux villageois retentirent. Ce son fluet chassa, comme si elle n'était jamais venue, sa bouffée de pessimisme.
Son regard, jusqu'ici craintif, se para d'une farouche détermination.
            Les pas qu'elle devait réaliser constituaient la réalisation de son rêve, la première étape d'une carrière désirée dès l'enfance et l'aboutissement de plusieurs années de travail acharné.

Hors de question de tout gâcher par des pensées négatives qui la paralyseraient et l'empêcheraient de donner le meilleur d'elle-même.

Elle se concentra, orienta son énergie vers le rideau et l'estrade et se visualisa en train de réaliser les premiers pas du rituel.

Le gong retentit, le rideau s'ouvrit et elle s'élança, toute peur et toute crainte envolées.
 

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21 août 2021

Dertienavond (Adrienne)

 
Dans la ville de l'Adrienne, chacun est très fier du folklore local et une de ses premières manifestations a lieu début janvier: c'est le carnaval.

S'il a lieu si tôt dans le calendrier, c'est parce qu'il n'a rien à voir avec le Carême ni le mardi gras, mais qu'il repose entièrement sur la tradition du "dertienavond", le treizième jour après Noël - et avant la christianisation de notre contrée, c'était le "dertienavond" après le solstice d'hiver.
Bref, c'est un des tous premiers carnavals du pays, et le but n'est pas de défiler avec un beau déguisement, mais de "faire la fête aux fous", de se rendre méconnaissable pour faire des blagues aux gens sans qu'ils puissent deviner à qui ils ont affaire.
Pour leur premier "dertienavond" - qui fut aussi le dernier, mais ça c'est une autre histoire - les parents de mini-Adrienne, à l'époque de leurs fiançailles, ont fait appel aux talents de couturière de la grand-mère, qui leur a confectionné une tenue de danseurs de flamenco. Du travail de pro, avec des sequins cousus main, un à un, sur le boléro. 
Vous comprenez donc que ces précieuses reliques se trouvent dans une boîte, dans le grenier de l'Adrienne... une boîte dont elles ne sont pas sorties depuis plus d'un demi-siècle.
Merci, Walrus, de permettre de les ressortir symboliquement ce samedi!
 
21 août 2021

2021, L'Odyssée estivale continue, persiste, perdure, se macère, s'arrête, se boudine et s'attriste (joye)

J’entends déjà l'indignation d’ici - soupirs !

Jamais je ne comprendrai les Terrien·ne·s.

On dirait qu’il haïssent la nature.

À part tuer les arbres, les animaux, les insectes, et leur planète entière, ils trouvent que c’est chouette de se défigurer avec des tatouages, des maquillages et des piercings. Il y a même des gens qui s’injectent du poison et du plastique. 

Ma prof de Bizarreries de l’univers nous a même expliqué en classe aujourd’hui qu’il y a des Terrien·ne·s qui font de telles choses inouïes à leurs chiens et à leurs chats, les habillant dans des costumes et leur coupant les oreilles et les queues !  

Nous ne voulions pas la croire, même quand elle nous a montré ses preuves : une tof d’une adorable petite Terrienne. Quelqu’un de tordu avait tracé des voies célestes sur son petit visage ! Après, le malfrat anonyme a visiblement essayé de l’étouffer dans un grand costume de clown !

Je sais. Affreux !

Cette petite bambine était superbe sans tout ce qu’elle devait porter sur son visage et son corps. Même sans la peau bleue prisée par nous les Estivalien·ne·s, sa beauté unique était gâchée par cet excès.

Non, vraiment,  jamais je ne comprendrai les Terrien·ne·s. Sauf peut-être ceux·celles qui pensent comme moi.

get well

Fin de transmission

21 août 2021

Étranges rêves de Marcel P. Chapitre 10, Centon vénitien (Joe Krapov)

VeniseA Venise, ville exquise, j’arrivai pour le carnaval, accompagné de mon ami Reynaldo H., de MAMAN et du livre de John Ruskin, «Pierres de Venise» dont j’espérais bien qu’il me servirait de guide touristique dans la cité des doges puisque Gaston Gallimard n’avait pas encore lancé les beaux objets bibliophiliques de sa collection «Découverte».

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître puisque c’était en 1900, une année un peu folle où Bruxelles Bruxellait, où Venise Venisait et où le carnaval promettait d’être plus joyeux encore qu’à l’habitude car le tournant du siècle ne s’était pas accompagné de la fin du monde prédite par un grand couturier de Paris qui donc continuait de Pariser tandis que dans son coin Buda pestait… presque autant que moi.

vittore-carpaccio-arrivee-des-ambassadeurs-venise- T’as voulu voir Venise et on a vu Venise ! me reprocha MAMAN toute l’année qui suivit ce voyage mais c’était bien à tort qu’elle s’en prenait à moi qui ne m’intéressais alors qu’à ce joli manteau sur le tableau de Carpaccio à la galerie de l’Accademia et qui n’avais même pas voulu l’accompagner à ce bal masqué sur la place Saint-Marc d’où elle et Reynaldo avaient ramené la petite fille, adorable au demeurant, dont ils avaient hérité là-bas.

Au bal masqué ohé ohé, il s’était déroulé un incident regrettable, une farandole tragique. L’Arlequin qui menait la sarabande avait enlevé, par jeu, à une famille française leur petite fille déguisée de la même façon que lui et l’avait intégrée à la chaîne humaine des danseurs allumés qui tournaient autour du campanile puis partaient vers la tour de l’horloge et c’était tout juste s’ils n’entraient pas dans la basilique pour profaner de leur transe vivaldienne le sol de mosaïque – heureusement, le bâtiment religieux avait été fermé – mais au moment où la musique s’est arrêtée Arlequin dans sa boutique chanstiquée a rendu la petite fille… à MAMAN !


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- Laisse les gondoles à Venise ! La prochaine fois on ira voir le printemps sur la Tamise ou te chercher une promise à Vesoul ou Vierzon… ou Aurillac !

Ce fut là le leitmotiv de toute l’année 1900 car MAMAN m’en voulait énormément de cette mésaventure : on n’avait jamais retrouvé les parents de la gamine qui disait se prénommer Céleste «mais je sais pas mon nom de famille sauf que papa s’appelle Ginette et qu’on habite à Aurillac» et les carabinieri qui étaient tout sauf polyglottes haussaient les épaules, écartaient les bras et les laissaient retomber pour bien signifier qu’ils ne pouvaient rien faire de plus et que le mieux était de voir avec le consulat de France : «Franchement, depuis 1515 et même avant, vous ne faites rien qu’à nous embêter, vous, les Francese, que si ça continue vous allez nous rendre Venise invivable à force d’y venir si nombreux vous livrer à vos fredaines homosexuelles comme ce Georgio Sand et cet Alfred de Musset qui ont fait tant de scandale à l’hôtel Danieli…» mais on n’a pas entendu la suite de la diatribe parce que MAMAN excédée a fichu un coup de parapluie sur la tête du brigadier Tarchinini, ce qui n’avait en rien amélioré le climat – climax ? - de la discussion qui avait fini au poste et tout s’était terminé par un retour à quatre à Paris puisque on ne pouvait pas, décemment, laisser à la rue, dans une ville étrangère, notre jeune compatriote au si mignon minois.

***

- Tu me fais tourner la tête ! Mon manège à moi, c’est toi ! Je suis toujours à la fête quand je te prends dans mes bras ! ». Voilà comment je lui déclarais mon amour à Céleste ! Pendant cette année de ma vie au cours de laquelle j’ai fêté mes vingt-neuf ans, j’ai eu une petite sœur de neuf ans, une petite fille, une petite mère et c’est sans doute de cette gamine anodine qui apporta tant de bonheur dans mon existence que MAMAN est tombée gravement, maladivement et méchamment jalouse.

- Je suis malade ! Complètement malade de ce que nous coûte cette peste ! se plaignait-elle à tout bout de champ. Déjà ce voyage d’une semaine à Aurillac où elle dit qu’elle habite mais où personne ne l’a jamais vue et où elle-même ne reconnaît rien et maintenant ces bouquins de la Comtesse de Ségur, ces robes, ces tabliers de bonniche qu’on lui achète pour qu’elle aide en cuisine et serve à table mais va te faire lanlère, avec la gangrène socialiste qui s’annonce bientôt on ne pourra même plus faire travailler des enfants de cinq ans dans les mines ! Pourquoi pas leur offrir des congés payés tant qu’on y est ?

***

Aujourd’hui MAMAN est morte. MAMAN est morte de rire ! Nous somme le 24 janvier 1901. Elle a dit à papa qu’elle avait eu l’idée du siècle et qu’elle s’absenterait quelques jours en février mais que Céleste et Félicie aussi s’occuperaient de la maison en son absence. Papa a à peine levé les yeux de son journal et fait « Moui, si tu veux ». Moi je n’ai rien vu venir.

***

Que c’est triste Venise au temps des amours mortes ! De quelles trahisons ne sont-elles pas capables puis coupables, les femmes et les mères ? Rétrospectivement je crois que j’ai eu raison, lorsque j’avais vingt ans, de lui casser son beau vase de Sèvres le jour où elle m’a acheté des gants gris à la place des gants beurre frais que je lui avais demandés et où, après avoir pleuré et encaissé sa très déplaisante réflexion, j’étais quand même allé voir cette actrice de théâtre très ouverte dans l’espoir qu’elle me dépucèle et où j’étais tombé sur des huissiers en train d’emporter les meubles de son appartement, excusez-moi si je ne suis pas très clair mais je le sais aussi bien que vous qu’un jour mon amour des longues phrases me perdra et d’ailleurs, c’est fait, je suis perdu, trahi, blessé jusques au fond du cœur d’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle : MAMAN est retournée à «Veueueunise», comme elle dit maintenant avec ironie, en emmenant Céleste avec le costume d’Arlequin qu’elle portait quand on l’a trouvée-recueillie-adoptée.

***

ob_d04a15_par-tullio-pericoli- Derrière chez moi, savez-vous quoi qu’y gn’a ? chantait le campanile sur un air de tarentelle. Il y a la place Saint-Marc, le corso, le carnaval, la farandole et… Arlequin qui, toujours aussi con voire peut-être encore plus que l’année précédente, emmène la petite Céleste dans la ronde folle tandis que MAMAN, contente de son coup, s’éclipse comme la Lune, hilare, soulagée et ayant même peut-être la conscience tranquille en pensant que la famille de Céleste sera peut-être revenue ici elle aussi dans l’espoir de retrouver sa progéniture ou dans l’idée d’un pèlerinage annuel pour faire son deuil mais peut-on effacer tous ces temps de bonheurs perdus ? L’écriture permet-elle de les retrouver vraiment ? MAMAN s’en fout, MAMAN revient retrouver son FIFILS à elle toute seule mais quelque chose est cassé chez FIFILS qui n’aime plus sa vilaine MAMAN.

***

Ce 20 mars 1913 à quinze heures, dès que Marcel P. se réveille et sort de ce cauchemar-là, une fois ingurgités son café noyé de lait chaud et son croissant, il décroche le téléphone et, comme il l’avait noté sur un des cartons à fumigation ce matin en se couchant, il appelle Odilon A., son chauffeur attitré à la compagnie de taxis Gessette-Koulé, pour le cuisiner. Le jeune homme lui a annoncé récemment son indisponibilité à venir pour cause de mariage : il s’en retourne dans la province pour épouser une jeune fille qu’il a connue en Lozère. Marcel a besoin de détails car il souhaite lui envoyer, le jour des noces, un télégramme de félicitations.

- Allô, écoute ! Pardon, écoutez ! Odilon, c’est Monsieur P. Est-ce que vous pouvez me dire où aura lieu la cérémonie de votre mariage le 27 mars prochain ?

- Bien sûr Monsieur Marcel ! Pas de problème ! C’est à Auxillac !

- Aurillac ?

- Non, Auxillac avec un x. C’est en Lozère. Aurillac c’est dans le Cantal.

- Et, dites-moi, Odilon… Serait-ce indiscret de vous demander le prénom de l’heureuse élue.

- Je n’ai pas de secrets pour vous, Monsieur P. Elle s’appelle Céleste. Céleste Gineste.

Bon sang, mais c’est bien sûr ! Marcel se souvient, d’un coup, de la phrase qui le faisait tant rire il y a douze ans : « Mon papa s’appelle Ginette ».

- Monsieur P. ? Vous êtes encore là ?

Odilon entend le déclic de l’appareil qu’on raccroche et il a l’impression bizarre que… le téléphone pleure !

Mais c’est peut-être de bonheur ?
 

21 août 2021

Paysage(s) de carnaval (Laura)

  

Mêmes si les annulations vont se succéder

Même si mes élèves ne savent plus ce que c'est

Même si les beignets sont vendus trop tôt

 

Je garde au fond de moi assez

De paysages de Carnaval

Qui vont masquer les relents des confinés

 

Il y a quelques années

Nous avons suivi les enfants

Des écoles de la ville grimés

 

Un monde fou au Carnaval de Dunkerque

Où les gens du Nord brûlent tous leurs vaisseaux

Et accueillent comme seuls, ils savent le faire

 

Je n'étais pas  une femme mariée

Lorsque j'ai bu de la blanquette

Dans sa ville,Limoux, un jour de Carnaval

 

Même si le char du deuil a obscurci mon paysage d’âme

J’ose la couleur en pensant à nos paysages de carême

Qui ne touchaient pas nos faces

 

Même si je plains les familles des morts du virus,

Les malades, les soignants et ceux qui perdent de l’argent

Ou leur travail, je n’ai pas peur d’un confinement

 

Car la culture n’est pas que cinéma et autres paysages

Elle est dans mes livres et mon âme

Qui danse sur des musiques de carnaval

 

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21 août 2021

La petite arlequine (Lecrilibriste)

 

Engoncée dans sa fraise d’organdi

Ornée de sequins et de perles dorées

Elle n’ose plus bouger la petite arlequine

De belles arabesques, on lui a dessiné

sur les joues et jusqu’au bout du nez

du rouge, du blanc, du vert en volutes étudiées

Attention ! dit maman, Il ne faut pas toucher !

Mais ça gratte … ça gratte Maman !

Chérie, il faut souffrir pour être belle, tiens regarde !

Devant le miroir, elle n’en revient pas

Mais est-ce bien elle, cette petite fille, là ?

Cette petite fille magnifique dans ses atours ?

Y en a un qui va rester baba, c’est Lucas

Se dit-elle en pensant tout bas

Tout à l’heure, elle sera haut perchée

Sur le char de Miss Carnaval

Elle sera à côté de la Reine du défilé

Et l’on ne verra qu’elle, toute colorée

Dans son bel habit de Turquie

Il sera ébloui, Lucas, son ami

Il sera déguisé en Robin des Bois

C’est du moins ce qu’il lui a dit

Elle jettera plein de confettis

A la foule déchainée par le corso

Et à Lucas avec Pipo en laisse

 quand elle les verra 

Elle en a réservé un plein seau

Même s’il mange sa barbapapa

C’est sûr qu’Il y aura droit !

Et ce soir quand elle ira dormir

Son bel habit fripé par la journée

Sa frimousse toute barbouillée

Car elle aura oublié l’interdit de gratter

Elle rêvera au prochain Carnaval !

Et à la tenue royale de belle Marianne l

que sa maman saura bien inventer

 

21 août 2021

La boule magique. (maryline18)

 

Pierre rentrait chez lui, déçu de son lot. Louis, assis sur le pas de sa porte, deux maisons plus loin, le héla :

-" Eh ! Bonjour Pierre ! Tu en fais une tête ! Pourquoi es-tu déjà de retour ? Tu devrais être en train de t'amuser à cette heure-ci !"

-"Ah, bonjour Monsieur Louis ! Oui... Je rentre. J'en ai assez. Je n'ai plus envie de jouer. J'ai dépenser tout mon argent de poche pour faire tomber les boites de conserves et regardez ! Je n'ai gagné rien d'autre que ça !"

-"Oh mais regardez moi cette jolie boule ! Je me demande quel peut bien être son secret à celle-là !"

-"Son secret ? Mais de quoi voulez-vous parler ? Ce n'est qu'une boule vidée de sa neige et remplie de paillètes de couleurs, rien d'autre !"

Le garçon, tout reniflant, profita de cette oreille attentive pour crier l'injustice qui le torturait :

-"Camille n'a abattu qu'une seule boite et Madame Hubert lui a donné le plus beau déguisement de carnaval que je n'ai jamais vu ! C'est normal, c'est la chouchoute de toutes les maîtresses !"

-"Mais Pierre, toutes les boules de ce genre renferment un secret voyons ! Celui-ci s'insinue en douce, en même temps que son nouveau contenu dans la sphère, et attend patiemment qu'un petit garçon l'emmène chez lui !"

Pierre essuya sa joue, un peu honteux de n'avoir pu retenir quelques larmes et tout en regardant son trophée d'un oeil tout neuf, prit place auprès du vieil homme qui connaîssait toutes les histoires qui consolent les enfants.

-"L'histoire que je vais te raconter se passait un jour de kermesse justement..."

-"Un jour de kermesse ? Un jour comme aujourd'hui alors ? Quelle coïncidence, vous ne trouvez pas, Monsieur Louis ?"

-"Oui, mon garçon, un jour comme aujourd'hui !"

Il sembla faire un effort de mémoire, le regard posé sur la ligne d'horizon, tout au bout du champ, les sourcils froncés et la main posée sur l'épaule tiède du gamin. Le soleil encore haut jetait de chauds rayons sur la boule de verre, devenue soudainement très mystérieuse. Pierre écoutait, assis sur la première marche de sa modeste maison.

"Ce jour de kermesse, donc, un paravent avait été installé dans un cagibi qui servait de loge aux petits danseurs . Tu comprends, les filles n'auraient pas aimé se déshabiller devant les garçons pour enfiler leurs tenues de scène !"

(Pierre étouffa un rire dans sa main...)

"Ce paravent ressemblait à un parterre de fleurs à s'y méprendre. Y étaient dessinées des fleurs si colorées, si belles, qu'un papillon, entré par l'une des portes du bout du long couloir, s'y cognait les ailes et s'essoufflait. Des enfants lui criaient : < viens, viens par là !> D'autres frappaient dans leurs mains, prêts à orienter sa fuite vers l'extérieur, mais rien n'y faisait. Il virevoltait de fleur en fleur, feignait d'en butiner le supposé nectar et puis remontait, redescendait, échappant ainsi aux mains qui essayaient en vain de s'en saisir pour le remettre dehors.

"Alors, que s'est-il passé ?"

"Et bien, la fête a suivi son cours, les enfants ont dansé, les parents étaient fiers, tu penses..."

"Et le papillon, Monsieur Louis ?"

Et bien, à la fin de la journée, il était toujours là, comme émanté à ce paravent. Je pense sincèrement qu'il avait fait son choix. Personne ne pouvait plus rien pour cette créature. Elle préférait mourir que de s'en éloigner. Les enfants se rabillèrent, un peu tristes bien sûr, et fermèrent, résignés, la porte de la salle. On raconte que le lendemain, quand la femme de ménage est venue tout nettoyer, un petit tas de pastilles aux couleurs du paravent reposait tout près de celui-ci. Elle trouva ces paillettes si jolies qu'elle alla dans la salle ou était rangé le matériel pour les travaux manuels choisir la plus belle boule de neige...

"Une boule de neige comme la mienne ?"

"Oui, petit Pierre, comme la tienne, exactement ! Elle l'ouvra, la vida et y déposa délicatement les pétales desséchés, ensuite elle la rempli d'eau distillée, ajouta la glycérine et recolla soigneusement le couvercle. Lorsqu'elle retourna la boule, les pastilles emplirent tout son espace ! Le spectacle était magnifique !

"Et après ?"

"Elle fut tellement captivée par sa beauté qu'en retournant à son ouvrage, elle se prit les pieds dans ses balais. La boule tomba et se brisa, mais, à sa grande surprise des centaines de papillons s'envolèrent, les uns plus beaux que les autres. Ils volèrent jusqu'à Noiremoutier, jusqu'à "l'île aux papillons" et...ils y sont peut-être encore, à l'heure où je te parle. "

"L'île aux papillons ? Est-ce que c'est loin ? Je voudrais y aller pour y casser ma boule ! Vous croyez qu'elle est magique elle aussi ?"

"Tu es encore bien trop jeune pour entreprendre un tel voyage Pierre, plus tard peut-être...Mais en attendant, garde précieusement ta boule !"

14 août 2021

Défi #677

Binche010

14 août 2021

Ont traversé l'Atlantique entre les boudins d'un Zodiac

14 août 2021

Ne vous laissez pas abuser ! (Walrus)

 
Chacun prêchant pour son village, les habitants de Sagres (excellente pils si vous aimez ça, la Sagres) vous raconteront que le Cap Saint Vincent est le point le plus occidental de l'Europe continentale.

Ben tiens ! Et pourquoi pas la pointe de Corsen dans le Finistère, tant qu'on est à faire local, hein ?

Non, l'extrémité occidentale de notre continent (déjà appeler continent un appendice accolé à l'Asie, ça laisse à penser sur le nombrilisme des Européens) se trouve effectivement au Portugal : c'est le Cabo da Roca, sur le territoire de la commune de Colares, près de Sintra. Bon, y a jamais que 71 minutes de longitude entre les deux et, grosse désillusion, il n'y a pas de Nurembergeois marchand de saucisses grillées au Cabo da Roca.

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J'y suis allé en 1975 prendre un grand bol d'air après un repas dont je ne vous dis que ça dans un resto de Cascais (la plage "prout ma chère" de Lisbonne) en compagnie de mon collègue Rebello, le chef du labo de notre usine de Povoa de Santa Iria lors du démarrage de l'installation de fabrication d'eau oxygénée en joint venture avec Laporte Industries.

Cette association belgo-britannique m'avait valu quelques mois plus tôt de visiter le labo de ces braves Angliches à Widnes près de Liverpool, la patrie des Beatles, et leur usine de Warrington (patelin d'un club de jeu à XIII très performant). Et incidemment, grâce à l'IRA très active à l'époque, d'être fouillé trois fois lors de mon transit entre la zone internationale et la zone nationale de l'aéroport d'Heathrow, sont méfiants ces Angliches (bon, vous avez pas vu ma tronche de l'époque) !

Tant qu'à parler de Colares, je vous donnerais bien mon avis sur le vin local, rare et hors de prix, mais je veux rester en bons termes avec les Portugais, le peuple le plus gentil du monde.

14 août 2021

Une belle surprise par bongopinot

 

cabo de São Vicente

 

Et après un appel de ma fille

J'ai les yeux qui brillent

Elle a une semaine de vacances

C'est fou quand j'y pense

 

Deux ans sans se voir

A cause d'un virus bien noir

Elle part de Stuttgart

J'ai regardé sur une carte

 

On se rejoindra au Portugal

Une semaine au soleil, un régal

On n'a pas de temps à perdre

Hâte de la voir, de l'entendre

 

On se retrouvera au Cap Saint Vincent

Pressées de se voir, il était grand temps

Pas besoin de discours, on se prend dans les bras

Plus rien n'existe, envolés les soucis, les tracas

 

Nous sommes devant la baraque à saucisses

On en commande un minimum de six

Ensuite une belle randonnée il faut bien cela

Pour digérer ce généreux repas

 

14 août 2021

Les Étranges rêves de Marcel P. Chapitre 9, Dernière ligne droite ? (Joe Krapov)

2021-08-05 - 285 56Dernier tango à Paris avant la dernière valse que tu dois me garder : c’est qui cette fille dans la baignoire ? Pourquoi me traite-t-elle d’éteignoir ?

Dernier vol 714 pour Sydney : c’est là-bas qu’on chopera le variant delta et qu’on décédera.

Dernier rassemblement hideux de camping-caristes gras à la Pointe du Raz : demain on part en Normandie ! Ça nous en Odilon sur les congés payés : rien ne vaut le bonheur d’écrire au lit chez soi !

Dernier «Quand lama fâché lui toujours faire ça». Le capitaine vient de se venger en crachant de la flotte à la tête de l’animal.

Dernière station-service avant le sommet du mont Pilate : si t’es en panne des sens, lave-t-en les mains !

Dernières paroles du Christ avant de nous laisser dans le merdier des jours : « Tentation ».

Dernière lanterne rouge avant le bordel général.

Dernier coup de boule de Zinédine Zidane avant qu’il ne devienne entraîneur à cravate.

Letzte Bratwurst vor Amerika (dernière "tranche de merde entre deux éponges" comme disait Patrick Font) : demain je deviens végétarien ! Devant la beauté de cet endroit et l’incongruité d’y trouver un "food truck" recensé dans Trip Advisor et qui doit, en ce lieu idyllique du cap Saint-Vincent au sud du Portugal, à l’endroit le plus occidental de l’Europe, devant un océan superbe, diffuser autant d’odeurs de graillon qu’il n’impose au regard de spectacle kitschissime avec ses deux humaines saucisses qui se font bronzer en souriant sur un bateau, devant cette échappée de Foire du Trône, d’Oktoberfest, de Luna-Park, de Fête à Neuneu ou de ducasse d’Hénin-Liétard, on n’a plus qu’une envie, c’est de croquer dans une feuille de salade sans assaisonnement ou d’aller déjeuner au Ritz mais ça sera difficile car de là d’où je viens, de 1922, je n’ai pas amené l’Ausweis qu’on réclame ces jours-ci et qui a pour nom "pass sanitaire".

DDS 676 letzte-bratwurst-vor


Dernier réveil, dernières questions de Marcel P. avant de se rendormir : Qui parle ? Qui me parle ? De quoi ça parle ? C’est faux de dire «Je pense» ; on devrait dire «On me pense». Je est un autre, un autre pyromane qui lance les derniers feux du langage classique incendié comme une forêt grecque avant de disparaître dans les sables d’Afrique. Le marchand sur son nuage a encore oublié de m’en jeter plein les yeux !

Dernier « C’est trop injuste ! » : Ronfle, Caliméro !


N.B. Le chapitre 8 sera publié lundi ici, dans le cadre du jeu 67 de Filigrane : https://filigrane1234.blogspot.com/

14 août 2021

2001, L'Odyssée estivale continue, persiste, perdure, se macère, s'arrête et puis se boudine

Le Windows Up-Date fout le bazar à mon ordi aujourd’hui

Comme tant de jeunes partout dans l'univers, je ne sais pas encore exactement ce que je veux faire de ma vie. 

Parfois, pour horrifier mes parent·e·s, je dis qu'un jour, je serai vendeuse quelque part sur une plage terrienne, et que je vendrai des bratwurst, une de ces étranges espèces de nourriture terrienne. Maman et Papa maintiennent tou·te·s les deux que ce n’est pas un aliment. Quand je leur demande ce que c’est, il·elle disent que c’est encore une sorte d’ordure qu’on trouve là-bas.

C’est vrai que la pauvre Terre a beaucoup de pollution, que ce soit ce qu’ils·elles mangent (comme ces saucisses), ce qu’ils·elles excrètent (comme ces saucisses lorsqu’elles sortent par l’autre bout - paraît que ca pue encore pire ! Si, si, si, je sais qu’on le croit impossible, mais c'est vrai !), ce qu’ils·elles créent (comme l’auteur Michel Houellebecq, par exemple, ou encore, le Front National) ou ce qu’ils·elles désirent (s’ils·elles désiraient moins ce serait mieux pour toute la population terrienne).

Comme quoi, peut-être qu’un jour, je me mettrai à résoudre leurs problèmes de pollution.

Mais ne le dites pas à mes parents, s’il vous plaît !

Je ne voudrais pas encore qu’il·elle soient soulagé·e·s à propos de mon avenir !

alles hatalles hat

Fin de transmission

14 août 2021

Dernier cliché avant l’horizon horizontal - Vanina


Dernière pluie avant l’éclaircie originelle
Dernière vague avant l’île de l’éveil
Dernière lumière avant l’indicible espoir
Dernier chemin creux avant le jardin secret
Dernière frustration avant la folle initiative
Dernier refuge avant la nuit d’émoi
Dernier doute avant la connaissance de soi
Dernier regard avant la veille pensive
Dernier bonheur avant le retour du passé
Dernier silence avant le bruit du heurtoir
Dernier coup de cœur avant le sursaut du réveil
Premier rire après les larmes d’aquarelle

14 août 2021

Horizon (TOKYO)

 

Derrière l’horizon un jour je vous dirai

 Ce que les indiens y ont caché.

 Les rêves enfouis, les couleurs oubliées.

Un jour derrière l’horizon je vous dirai

Ce qui nait de l’oubli.

 Le son de la guitare, la voix de Dire Straits

 Dans Brothers In Arms

Et chaque soir entre vos mains

 Comme un frisson d’orage

Mon cœur étrangement tissera patiemment des songes qui vous gardent

Vivant, comme un môme caché dans le corps d’un arbre.

Derrière l’horizon, un jour je vous dirai

Pourquoi les hiboux se perdent dans les greniers des arbres.

Alors vous m’apprendrez la patience,

Vous m’apprendrez la confiance

Vous m’apprendrez l’attente

 Un jour derrière l’horizon

Je vous rejoindrai, vous sentirez le souffle chaud de mes lèvres sur votre joue.

Je vous épouserai.

 

14 août 2021

Improvisation (Clio101)

 

Ou dernière station avant le désert.
Derrière habitudes et endroits familiers
Devant une page blanche.

Bilbon dirait que c'est dangereux car on ne sait pas ce qui s'y trouve.

Ou bien devant l'aventure
Oser sortir de sa zone de confort et se découvrir
Aller en avant pour construire de nouvelles habitudes.

Alors prenons notre bâton et allons !

 

14 août 2021

Les sandwichs (Pascal)


Toulon. Passé vingt heures. Sur la place Monsenergue, à l’emploi du temps d’une autre bière dans un bar ou d’une hypothétique future séance de cinéma, avec d’autres tafs, je faisais la queue devant une des baraques à sandwichs. Nonobstant notre présence, d’une échoppe à l’autre, les deux préposées, occupées à leur ouvrage de pan bagnat et autre saucisson-beurre, se partageaient des réflexions amusées sur leur condition, un peu comme des timoniers quand ils s’envoient leurs messages par pavillons interposés.
Saupoudrés d’argot, moitié en provençal, moitié en français, les dialogues de Lucette et Jeannine, ils étaient, comment dire, épiques. Leurs commérages égrillards accéléraient le temps ; nous n’en voyions plus le fastidieux interlude d’attente. Aussi, encore tout neuf des us et coutumes dans la région, je ne comprenais pas tout, parce qu’elles parlaient trop vite, ou bien parce qu’elles rajoutaient des mots gaulois, ou bien encore, parce que leurs subtilités et leurs allusions épicées m’échappaient. Filles du port, sans nul embarras, elles avaient des réflexions plus crues que la salade qui tapissait le fond de leurs casse-croûtes…

(Accent provençal) « Ho, ma Lucette !... Ils ne sont pas beaux, ce soir, tous nos marins, à la queue leu leu, devant nos vitrines ?... », « Tu as raison, ma Nine !... J’en profite !... Je n’en fais pas attendre un, j’en fais attendre dix !... », « Et ben, tu en as des prétendants !... », « Ha !... Ha !... Je me rince l’oeil !... », « C’est vrai qu’ils sont tous beaux !... », « Tu cherches ton fiancé ?... », « Je prends n’importe lequel !... », « Ha, ha !... », « Si on était des p…, on aurait déjà fait fortune !... », « Ha, ha !... », « Nous, on vend de la viande, mais ce n’est pas la nôtre !... », « Ha, ha !... On n’est plus de la première fraîcheur !... », « Ha, ha… ».

De temps en temps, pour reprendre leur souffle, elles se retournaient vers nous et elles nous balançaient des sourires édentés de sirènes alanguies, à tous nous faire fuir ! Surtout moi !... Derrière leurs tabliers, on sentait bien que plus rien ne pouvait les étonner. Princesses de la rue et des saucisses grillées, du puceau au teigneux, de l’amiral au nécessiteux, en passant par le mec bourré et le pressé, d’un seul coup d’œil, elles savaient à qui elles avaient affaire. Sur leur estrade, occupées ici et là, elles étaient les marionnettes, les vedettes du moment de notre passage. Devant la baraque de Jeannine, je regardais mes godasses pour ne pas qu’elle m’embarque dans la mire de son regard et qu’elle me prenne à témoin pour toutes les bêtises qu’elle débitait. Je me disais : Tu vas voir !...  Elle va me proposer la botte !... J’étais tout au fond de mes petits souliers…  

Femme de labeur, sous les crépitements de la barbaque aux feux de la cuisson et dans l’opacité de la fumée graisseuse, la sueur au front et les auréoles sous les bras, elle retournait les steaks sur le grilloir, comme un joueur de poker quand il montre ses cartes, au moment où le bluff n’a plus cours. À la regarder de plus près puisque, inexorablement, approchait mon tour, je voyais bien qu’elle avait morflé et qu’elle était passée par les douze métiers et les treize desserts à pépins, pour en arriver cloîtrée, là, dans cet aquarium. Mais non, elle conjurait son sort avec une bonne humeur sans faille qu’elle voulait typique, touristique, sinon, contagieuse…

« Nine ?... Tu as la monnaie sur un billet de cent ?... », « Ben non !... Dis-lui qu’il aille la faire au bar !... On n’est pas la Banque de France !... », « Ma caille* ?... Il te reste des œufs durs ?... Les miens sont tout bleus !... », « Oui ! Viens en chercher !... », « Et qu’est-ce qu’il veut, mon chéri ?... », me dit-elle… De toute façon, on était tous « son chéri ». C’était sa façon de se tenir à notre bras et de se frotter contre notre uniforme. Nous, les tafs, malgré nos débordements nocturnes, elle nous avait à la bonne.
J’étais un peu gêné, pas habitué à tant de familiarité. Elle portait des lunettes aux verres foncés qui cachaient un fort strabisme ; capable de s’occuper de plusieurs clients en même temps, quand elle ne les portait pas, à cause de la sueur, on ne savait plus vraiment à qui elle s’adressait. Jeannine, remplie de bonhomie, comme elle tutoyait tout le monde, c’était encore plus difficile de se situer dans son environnement. Ça faisait partie du folklore local…

« Mayo, moutarde, ketchup ou harissa ?... », c’était l’épitaphe du steak à l’incinérateur, réclamé à mon prédécesseur. Elle oignit copieusement le sandwich avec ses desideratas, elle l’enroba d’un papier, elle lui tendit pendant qu’il laissait des pièces sur son comptoir. Elle se retourna encore : « Et mon chéri, il a décidé de ce qu’il voulait ?... » J’avais les yeux occupés à loucher sur le tableau de ses spécialités. Je me faisais l’effet d’un micheton en train de monnayer le prix de la passe, avec une sirène de trottoir…  

« Je voudrais un steak, s’il vous plaît !... », « Saignant, à point, grillé ?... », c’était sa réplique habituelle. « Grillé !... » Et elle repartait à son dur labeur de cuisinière. À la fois au four et au moulin, chacun de ses gestes était utile et précis ; avec le genou, elle refermait un buffet ; avec le pied, elle maintenait la porte du frigidaire ouverte ; avec le front, elle bloquait le battant d’un placard. En un tournemain, elle avait couché le pavé de viande sur le grill et découpé le pain qui allait le recevoir. Elle me faisait penser à un habile joueur de batterie qui tape juste, pour conserver le rythme effréné de son solo, à une patineuse, jouant la médaille d’or, sur son miroir de glace, à une maman-sacrifice qui fait tout son possible pour satisfaire son rejeton…

Le temps de quelques volutes de fumée bleue, de quelques jurons épais, en couleur locale, de quelques grattages sur sa plaque de cuisson, elle me demanda : « Mayo, moutarde, ketchup ou harissa ?... », « Moutarde !... », aussitôt dit, aussitôt fait. Le tout emballé, en échange de mes pièces, elle me tendit son ouvrage. Tel un affamé de basse ville, je croquai dans mon steak, avec une grande vigueur. Je crois que ça l’amusait, notre boulimie ; nourrir la flotte et tous ses pioupious piailleurs : mère poule, elle se sentait utile à l’effort de sa guerre, au fond de sa guérite…

Quand le coup de fusil de la fringale était passé, elle sortait de sa boutique et allait fumer la clope devant l’échoppe de sa collègue ; ce qu’elles se racontaient de près, personne ne le savait, mais à leurs éclats de rire, c’était naturellement des histoires de galéjades…

14 août 2021

Les toutous, les touristes (Adrienne)

 

L'Adrienne a toujours entendu son père vitupérer contre ces touristes qui, alors qu'ils ont choisi une destination étrangère, parfois même exotique, désirent y boire et y manger exactement ce qu'ils mangent et boivent chez eux.

- Autant rester chez soi, alors! disait-il.

C'est donc à lui qu'elle a pensé en voyant la photo proposée par Walrus et en lisant ce passage chez Jonathan Coe, où Billy Wilder et ses invités sont attablés dans le meilleur restaurant bavarois et qu'Al Pacino veut une chose qui n'est pas au menu: un cheeseburger avec des frites et du coleslaw.

Ce qui fait bondir Billy Wilder exactement comme l'aurait fait le père de l'Adrienne:

"Un cheeseburger, vraiment? Vous vous croyez au McDonald's?

- Non, je sais qu'on n'est pas au McDonald's, répondit Pacino, mais j'ai envie d'un cheeseburger, c'est tout. Où est le problème? N'importe quel resto du monde peut vous servir un cheeseburger, non?

- Certes, mais ce restaurant n'est pas n'importe quel restaurant. Nous sommes dans la salle de restaurant du Bayerischer Hof. Le chef est le meilleur d'Allemagne. Et sa spécialité, c'est le Schweinshaxe.

- Eh bien, je suis ravi de l'apprendre. Mais ma spécialité à moi, ce sont les cheeseburgers. Et je compte sur lui pour m'en préparer un du tonnerre.

- Vous devriez peut-être commander un milkshake au chocolat avec. Ou un diabolo fraise. Cela s'accordera sans doute mieux avec votre plat qu'un riesling millésimé."

Bref, ça énerve tellement Billy Wilder qu'il conclut en disant au serveur :

"Dans ce cas, vous pourriez également apporter du ketchup et de la mayo, et enlever les couverts de monsieur Pacino pour qu'il puisse manger avec les doigts, et peut-être régler vos horloges sur l'heure d'été du Pacifique, pour qu'il ait toujours l'impression d'être chez lui, à Los Angeles."

Jonathan Coe, Billy Wilder et moi, éd. Gallimard 2021, p.152-153.

14 août 2021

Étape 7 : la Bohême (Kate)

 

Originaire de Gênes

Peut-être gênois

S'en est donné la peine

Pour convaincre les rois

 

Partir aux Indes

Ça coûtait une blinde

Et le roi du Portugal

Le laissa chanter son madrigal

 

Tellement déterminé

À trouver or et richesses

À remuer mer et montagne

Que le roi d'Espagne

Ému par tant de hardiesse

Dans l'aventure se trouva embarqué

 

Parti du port de Palos de la Frontera

Sur la Santa Maria

Après avoir pris tous les risques

Colomb découvrit

Sitôt qu'il la vit

La belle Amérique

 

Navigateur

Chevronné

Négociateur

Du Sud Ouest de l'Ibérie

C'est tout droit

L'aventure comme il se doit

Irrigua toute sa vie

0-1 2

0-4 2

0-2 2

J'ouvre une parenthèse.

(Quand on est suédoise et qu'on veut changer de vie, cultiver la vigne, être tranquille, pourquoi pas le Portugal ? Mais c'est la Bohême, sans doute plus proche qui s'est trouvée choisie.

0 2

Ravissante maison à retaper, charme de l'endroit, nouveau départ... mais les fantômes du passé sont là, fallait-il les débusquer ?

Un tourbillon qui nous fait découvrir une région chargée d'histoires... et d'histoire !)

Je ferme la parenthèse.

D'ailleurs, si au Portugal une saucisse fait un clin d'oeil en allemand à tous ceux qui n'ont jamais été aussi près de l'Amérique, à Royan, ville chargée d'histoire, des Américains ne rappellent-ils pas avec humour que New York, c'est en face !

0-3 2

Prochaine étape : l'Australie ? la Nouvelle Zélande ?

 

 

14 août 2021

Farniente Knacki (Lecrilibriste)

 

Sur le toit de l’estancot du marchand ambulant

Qui s’est converti pour subsister

pendant la Covid

à la restauration rapide

pour faire des frites  et des friands

 vite faits bien faits mais excellents

Une Knackie réjouie regarde les clients

Qui savourent cet en-cas de l’instant

Qui leur redonne la frite

Elle a la banane

Et voluptueusement se pavane

Sur le toit de la caravane

Sans se soucier de l’océan

 

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Le défi du samedi
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