Défi de Miss-Ter
Thème : Elle écrit tôt
Genre : Poème de forme libre
Ce matin, elle écrit tôt...
Cryptonyme, c’est dans l’ombre...
On bredouille tout autour...
Au tournant on l’attend !
Attention, plume opale...
Au pas le défi du samedi...
Ça me dit vaguement...
Gueux, mendigots, tout un convoi
Qu’ont voyageurs des blogs !
Débloque tes souvenirs,
Venir ici le sourire léger,
Les généreux moments à partager.
A gémir ? Non, plutôt rire des délires,
De lire des lignes couleur d’ambre,
D’embrasser ses amis qu’on a - un peu - abandonnés !
Donner aujourd’hui, une brusque envie.
En visite, mais elle s’y attache...
Sa tâche est pourtant finie... Elle a fait face !
Facilement ! Mais il manque le ciel ....
Si elle peut, elle reviendra demain...
Deux mains pour taper quelques lignes dans le vent ....
Aux poètes.... ! (Miss Ter)
Thème : La bouteille avait du culot
Genre : Sonnet
Minuit vingt cinq... La bouteille avait du culot.
Se laisser tenir ainsi par son creux intime,
Sans pouvoir justifier d’un quelconque millésime,
Et offrir le liquide d’un indécent goulot....
Alors, les têtes tournent autour du piccolo...
Qui vaut pas tripette, c’est peu dire pour cinq centimes...
Faire autant d’esbroufe et si peu de jolies rimes,
Cette soirée n’avait rien de bien rigolo....
Puis, la bouteille eut le cul haut et se vida
Dans un pétillement étrange, comme un soda...
et chut pour se fracasser en mille morceaux...
D’un sonnet, ne reste que des éclats de vers,
Pourtant, je savais qu’il fallait être bien sot :
Relever un défi sans prendre un petit verre....
Un chèvre et une fourme (Miss ter)
Un chèvre vit une fourme
bien coulante et bien à point,
lui qui ressemblait à un loukoum,
tout sec et enroulé de foin.
Il la trouvait si mimolette
qu’il lui tailla une bavette :
« Eh ! Bonjour, Dame Vachée,
que vous êtes bien persillée ;
sans vers et sans sentir aussi fort,
j’aimerais beaucoup vous ressembler,
à vous ou à un bon roquefort,
pour m’installer à une tablée ».
« Oh ! Vade retro, tu vas m’porter l’époisse.
Asticots ? y en a point dans not’paroisse ;
t’es rien qu’un ptit crottin,
qu’on sort jamais dans les festins ».
« Oui, Tu feta ta maline,
mais moi j’suis pas un bleu...
Ai point d’pénicilline,
dans un croûton douteux ;
tu viens de quel Comté,
pour ramener ta poire sur le Pavé ? ».
A peine eut-il terminé
qu’un coutelas fend l’air,
la fourme faicelle qui n’a rien remarqué,
invoque saint Nectaire,
mais elle a beaufort muler
des vœux à tous les « Bourre Saints »
elle se retrouve, affolée,
dans un estomac assassin.
Et la morale ? Est que tout frometon,
qu’il soit de vache ou de brebis,
carré, en bûche ou bien tout rond,
fait pas long feu dans un frichti...
Souvenir (Miss-ter)
Un édifice en granit gris, posé sur un socle rectangulaire ; il est entouré de grilles. C’est une croix en relief dont le pied est enserré par une barque incurvée. Symboles sculptés dans la pierre, monument perdu sur les hauteurs de la côte, dans la solitude de la baie, fouetté de vents et d’embruns, en plein air et en plein ciel. Un mélange de rudesse et d’élégance, de noblesse et de bonhomie, aux confins indécis de la fantaisie et du pathétique, du truculent et du grandiose. Un calvaire à croisillons qui déploie sa silhouette complexe, suspendu entre ciel et terre. Il touche l’âme des rares visiteurs qui viennent humer l’air iodé, celui qui cingle le sang et hâle la peau....
Un jour funeste d’octobre 1943. Un bateau torpillé. Une lettre confiée à un marin rescapé et remise à la veuve du capitaine disparu. Quelques lignes pleines d’amour et une dernière volonté. En Bretagne, les paroles prononcées au seuil de la mort sont considérées comme des paroles sacrées ; la veuve passera plus de quarante années à se battre pour ces derniers mots. Disperser les cendres de son mari défunt depuis cette Croix des Marins, ce monument édifié au pied d’une mer qu’il aimait tant. Faute d’avoir retrouvé son corps, elle voulait inscrire son nom dans le granit. Il était déjà sur le monument aux morts face à l’église. Que de démarches et d’efforts en vain.
Un matin de décembre 1980. Cinq jeunes adultes, de la même lignée, accompagnés d’un ami graveur. Dans un gris pluvieux qui avait toute la tristesse d’un crépuscule, ils prirent en silence le chemin des douaniers. Ce que les Bretons appellent un « voyage de Purgatoire » à cause, sans doute, de l’aspect fantomal que prennent les lointains sous les ciels bas et troubles noyés d’eau. C’était un de ces jours où le vent hurle dans les branches décharnées, quand résonne dans le ciel chahuté le cri éperdu d’une mouette malmenée. Des embruns qui caressent les joues de leurs baisers salés et piquants. Et, par une échancrure des dunes, la Croix, dressée vers le ciel, comme un appel à l’éternel. Les cinq cousins, aussi entêtés que leur grand-mère, et leur ami, gravèrent dans la pierre la mémoire de leur aïeul. Une inscription que personne n’osa effacer.
Voilà, Cher Grand-Père inconnu,
Capitaine au long cours
Dont la vie fut si courte,
Ce monument est à toi.
En atteste cette épitaphe
Gravée dans le granit,
Un jour de tempête
Pour toujours face à ta mer....
Emploi du temps - Miss-Ter
Huit heures... Le marteau heurte les demi sphères moulées dans le métal et déchire le silence du petit matin...
A tâtons, ses doigts malhabiles, engourdis de sommeil, parviennent à stopper la sonnerie stridente. Sa masse osseuse jaillit du lit, enfile des charentaises et se dirige vers la cuisine... Il fait chanter le café noir sur le gaz et rince rapidement un bol qu’il extraie d’un amas de vaisselle grasse... Dix tasses et quelques sans filtres plus tard, il a enfin l’illusion de supporter le poids du monde.
Neuf heures. Il est revenu dans la chambre, a ouvert les fenêtres pour laisser l’air humide envahir son deux pièces. Les célibataires sont à la fois compositeurs, chefs d'orchestre et exécutants de symphonies méticuleuses : l’eau de la douche qui s’infiltre dans tous les recoins de sa personne, l'hésitation de la lame qui cherche un poil rebelle dans un repli du cou, le froissement soyeux du noeud de cravate, le frottement du chiffon sur le cuir usé des chaussures en rythment les cadences.
Dix heures, il boutonne son pardessus, ferme sa serviette en cuir noir, bistrée et culottée par des années de bons et loyaux services, et, en fermant à double tour la porte du palier, pose un cadenas sur l'intime. La cage d'escalier conserve la mémoire des ronflements et l'odeur rance des nuits de vieillards. Au rez-de-chaussée, la concierge catarrheuse grommelle en traînant deux poubelles vides sur un sol douteux. Il s'appuie sur le lourd battant de fer forgé et de verre dépoli.
Son véhicule l’attend fidèlement comme chaque matin. Au son de Beethoven, il se dirige avec languison vers son travail.
Onze heures, sa rêverie est brisée ; dans la densité poisseuse de la brume du jour, le bâtiment se dresse face à lui. Routinier, il gare sa berline sur un emplacement qu’il s’est réservé. Rapidement, il jette un coup d'œil aux panneaux d'information, prend son courrier et « blablatte » avec un collègue devant la machine à café. Ce matin, celle-ci ne sert que des cappucinos, une boisson « chimiricolorée » qui ne lui permet pas de sortir de sa léthargie.
Midi sonne.... dans la cohue, les cris et les rires, il tente de rejoindre son « antre » de travail : une pièce aux stores déchirés, une peinture d’un vieux jaune défraîchi, un bureau sur lequel s’entassent papiers et livres.... le vide se remplit d’une armée tumultueuse, bruyante et joyeuse. Les livres claquent sur le bois des tables de travail gravées par d'innombrables hiéroglyphes. Mais au fil des heures, les yeux sont ternes et les mines chiffonnées, tous sont transportés dans une torpeur nauséeuse. Deux heures passent (désolée Val... mais heure par heure, c’est long !....), interrompues par une cloche qui annonce l’heure du déjeuner....
Quatorze heures, il se dirige avec lenteur vers la salle de restaurant et s’installe au milieu de ses semblables. Il les écoute d’une oreille distraite et attend que la logorrhée se tarisse. Perdu dans ses pensées, il perçoit quelques sons, des ébauches de mots qu’il ne saurait déchiffrer. Le vacarme des discussions enveloppe son esprit, le cerne d’une enceinte de non-sens. Dans son assiette, la purée de pois chiches coagulée achève sa longue descente dans l'enfer de la fécule. Il sort respirer sous l'arcade, seule la braise de sa cigarette révèle sa présence.
Quinze heures, d’un pas lent, il entame les deux dernières heures (eh ! oui Val.... encore deux heures d’un coup !...) de sa journée. Des minutes qui s'émiettent, s'effritent dans un ennui implacable. Une journée agonisante comme les autres. Il est usé, lassé..... Les ans ne passent pas impunément…. Aujourd'hui pour lui, les marches sont plus hautes, les caractères d'imprimerie plus petits et son visage dans le regard des autres plus marqué. Sa voix tremble, le regard est perdu mais il continue à égrainer impassiblement son discours face à une assemblée apathique. Enfin, c’est terminé, il ramasse ses affaires et sa lassitude dans le tohubohu de la sortie.
Dix sept heures, il reprend le chemin du retour dans une brouillasse encore plus épaisse, retrouve le même emplacement qu’il avait quitté le matin. Avant de s’engouffrer dans l’immeuble qui sent le chou et le graillon, il remonte le boulevard englué dans la brume. Il se récite sa journée, une parenthèse de plus dans sa vie et les passants le considèrent de cet oeil goguenard que l'on jette aux débris urbains qui soliloquent et se donnent en spectacle. Encroûté dans ses habitudes, il entre chez son traiteur et choisit de la langue de veau qui croupit dans une sauce gribiche solidifiée...
Dix huit heures, il est de retour chez lui, pose sur la table de formica le plat préparé et mange sans véritable appétit. L’assiette sale est allée rejoindre ses semblables dans la cuvette débordante. Il s’installe dans l’unique fauteuil aussi craquelé que sa carapace, autour de lui, des livres et des journaux éparpillés, des couches de vêtements. Il sort des feuilles de sa sacoche, quelques niaiseries de plus qu’il va devoir lire.... Il se prend à rêver : encore quelques mois et ce sera fini.