Le signe du cormoran (Mariev)
Très tôt chaque matin elle fuit vers la belle eau,
Elle court à perdre haleine
pour jouir du sable blanc,
Bondit dans le crachin fin,
vif et gai des flots,
Boit le sel de sa peine et
sort en défaillant.
Ce matin, elle a ouï le cri
d'un cormoran.
Quand elle voit l'oiseau, il
est déjà trop tard,
La fiente a chu sans bruit
et git bien mollement
Sur son nez qu'elle a gros;
voyez le traquenard !
Pas le temps de dire
« ouf », surgit un beau gaillard,
Le cheveu dru et gris, la
jambe souple et forte.
« Est-ce donc de la
schnouffe? » s'enquiert-il goguenard.
« Oh, c'est drôle, je
ris ... », elle voudrait être morte.
Un fou rire plus tard, sa
main sur son poignet.
« Enchanté, moi c'est
Paul! », « Et moi c'est Virginie ».
« Tiens, comme c'est
bizarre ... » « … ah bon, vous y croyez ? »
Et sa main sur l'épaule …
elle est toute étourdie.
A l'aube chaque jour, ils
vont vers l'océan,
L'oeil vif et plein d'amour
nourrir l'oiseau farceur.
Ils rient de tout, de rien,
même de leurs tourments,
Parce qu'ils savent bien à
quoi tient leur bonheur.
BANCO ! (Mariev)
En 2018 les enfants courront-ils encore à travers bois, rieurs, effrayés, goguenards, s’assurer que le loup n’y est pas ?
En 2018, y aura-t’il encore au détour d’un chemin de ces recoins ombragés où des amoureux se tiennent la main ?
En 2018, le rêveur solitaire pourra-t’il s’inventer des histoires de vents traversant le temps pour rafraîchir ses pensées ?
En 2018, cet homme d’affaires et cette femme affairée, pressés, sauront-ils seulement s’asseoir dans ce parc, se parler, s’écouter ?
En 2018, l’herbe sera-t’elle toujours verte et l’ombre encore fraîche pour un déjeuner sur l’herbe en famille, poulet froid et tarte aux pêches ?
En 2018, qu’en sera-t’il de ces promeneurs britanniques traçant, d’un « bench » épitaphe à l’autre, des itinéraires oniriques ?
En 2018, les vieilles personnes voudront-elles se reposer, fourbues mais sereines, au bord des fleuves et mirer leur éternité ?
En 2018, les Hommes sauront-ils enfin accueillir leurs frères sur un « bangku », un « azika », un « zaseki » de bois ou de fer ?
J’ai utilisé le mot « banc » habillé à l’anglaise (bench), à la malaise (bangku), en arabe (azika ; probablement littéraire car mon ami marocain ne l’a pas reconnu) et en japonais (zaseki, sachant qu’il existe aussi le mot koshikake). Enfin, pour le titre, il s'agit à la fois de l'espagnol et du portugais.
J’ai trouvé certains de ces mots sur le Net, en espérant qu’ils soient tous valables !
Les P’tits Bonheurs (Mariev)
Je m’en vais faire un inventaire
De toutes ces choses qui m’donnent de l’air
J’vais vous montrer c’qui m’met en joie
Tous ces p’tits trucs qui m’donnent la foi
Y’a les p’tites boîtes tout en fer blanc
Que m’avait données ma mère grand
J’y ai mis dedans des bons fruits secs
Du chocolat et des bonbecs
Y’a c’vieux cahier dit « de brouillon »
Où j’fais courir tous mes crayons
J’dessine, j’gribouille, je mets en prose
Mes humeurs noires, ma vie en rose
Y’a c’grand piano qui coince ses notes
Y m’suit partout depuis petiote
L’est tout marqué de mes coups de pieds
J’m’amuse encore à l’chatouiller
Y’a ma valise en carton vert
Où c’est que j’range ma vie d’hier
Et puis y’a celle tout en plastique
Pleine d’belles images et d’mots magiques
V’nez écouter tous mes cd
M’ont tous toujours accompagnée
M’ont fait pleurer, m’ont fait sourire
M’ont fait danser, éviter l’pire
Et j’vous en prie, feuill’tez un livre
Mieux qu’un whisky m’ont rendue ivre
« Dune » et K.Dick, Garfield, Voltaire
Récits d’voyages et pi Colette
Le bigophone et l’répondeur
Sèment à toute heure des cris du cœur
Papa, Maman, les bons amis
Tout c’petit monde est bien en vie
Ah v’là les fraises du potager
Et des p’tits pois à écosser
C’est bien meilleur, disait Mamie
Celle au grand cœur, celle qu’est partie
En parlant d’ça, y faut qu’j’vous dise
Qu’en vrai je crois qu’il y a méprise
La vraie p’tite boîte, l’est dans ma tête
Mes p’tits bonheurs y font la fête