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Le défi du samedi
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22 février 2014

LA PORTE DE LA FORET (Lorraine)

Elle habitait à la porte de la forêt et ne rencontrait jamais personne. Qui aurait l’idée, à part elle, de s’enfoncer sous les arbres seulement pour le plaisir des sens ? Elle écoutait les paroles du vent et le chant des oiseaux ; elle sentait l’odeur frissonnante du printemps quand une pluie douce pénétrait l’humus et libérait d’impondérables parfums ; elle connaissait le goût de l’averse d’été, parfumée comme une fruit d’Orient ; elle effleurait de ses paumes ouvertes les jeunes rameaux comme les branches centenaires ; et elle voyait défiler les saisons en leurs différents habits pour le plus grand bonheur de ses yeux.

Nul ne passait. Elle allait parfois à la ville en sa carriole à capote, qu’elle relevait ou abaissait selon le temps. Elle était heureuse.

Du moins, elle le croyait. Jusqu’au jour où, sur la place du marché, elle le vit. Lui, un inconnu, choisissant d’un œil connaisseur sur l’étal d’été les cerises et les framboises, qu’il déposait avec précaution dans les mains de la commerçante . Ses cheveux blonds encadraient un visage à la fois viril et doux. Il ne la vit pas ; elle s’était arrêtée, saisie, près de la fontaine, étonnée d’être soudain si faible. Il partait dans l’autre sens ses achats dans un panier et prit place dans une carriole assez semblable à la sienne. Puis disparut.

Dès lors, elle se languit. La forêt chantait moins, hurlait davantage. Les nuits d’orage craquaient derrière les volets, et soufflaient un vent pernicieux.  Les branches drues écorchaient ses doigts fins.. Elle sortit moins, elle rêva plus. L’automne était doré et par la porte ouverte un matin d’octobre s’engouffrèrent les premières feuilles rousses.  Elle quittait sa chaise pour la refermer quand un bruit decarriole l’arrêta : qui se hasardait jusqu’en ce lieu perdu ?

-         Je me suis égaré, Mademoiselle, sans doute devrais-je faire demi-tour…
-          

Ils se regardèrent ; elle le reconnut ,il la découvrit. Ils sourirent en même temps.

 Peut-être ne me croirez-vous pas. . Peut-être direz-vous que j’invente. Il ne fallait pas m’emmener à la porte de la forêt ! C’est un endroit où tout peut arriver : le murmure du printemps, la berceuse des nuits fraîches, l’envol d’un oiseau bleu, le chantonnement d’une abeille, une source, un petit pont, une maison isolée. Et l’amour, bien entendu…

 

LORRAINE

*

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1 février 2014

CONTE A DORMIR DEBOUT (Lorraine)

Je ne sais pas où je suis, personne ne m’a appelée et pourtant, j’y vais. Un sentiment m’oppresse, j’ai peur mais personne n’en saura rien, Je suis de celles qui crânent, quitte à s’effondrer ensuite. Un homme tient une pomme dans ce vieux jardin dont je viens de pousser la grille rouillée. C’est qui ? Adam ? Il me regarde, perplexe, nous nous regardons tous les deux, nous ne sourions pas, nous ne voyons pas Eve qui a déjà mangé son quartier et s’en moque. A tout hasard, je dis : « Bonjour » puis je vois ce serpent vert qui ondoie à mes pieds et je hurle.

-  Pourquoi ? dit Eve, il est joli, ce serpent. Vert. Du vert comme j’en mets à mes yeux quand je vais séduire les messieurs de l’autre côté du parc. Là d’où vous venez, d’ailleurs.

Je ne viens de nulle part, je me suis éveillée ce matin dans la prairie comme si j’y avais toujours vécu, et j’ai fait quelques pas juste assez pour arriver ici.  Je ne savais pas qu’il y avait des hommes qui aiment les yeux verts. Eve me tend son poudrier et je vois que mes yeux à moi sont aussi verts, mais d’un vert naturel, sans maquillage.

-  Venez, dit-elle, je vais vous farder. Nous irons ensemble. Voulez-vous un morceau de pomme ?

Je me tourne vers Adam et je m’aperçois qu’il est nu.  Il est en train de croquer l’autre moitié de pomme tandis qu’Eve enfile des  petits souliers à talons pointus tout à fait à la mode.  Elle porte une robe rose à volants et ressemble à une fée. Le serpent batifole à mes pieds , tourne, roule, s’enroule autour d’un baton, se dresse, mais non, mais non, il ne va pas monter jusqu’à moi, jusqu’à ma bouche, jusqu’à mes yeux, redescendre,  devenir un bracelet, ramper le long de mon bras, m’entourer la jambe, siffler de colère, m’insuffler son venin…  Au secours ! …Non !  Non !...

     Ouf, ce n’était qu’un conte à dormir debout et s’il faut tout vous dire, je l’ai écrit en écriture automatique, ne sachant ni ce que j’écrivais, ni où j’allais, sans m’inquiéter du sens, afin qu’il soit vraiment,  mais là vraiment, un conte à dormir debout…

 

18 janvier 2014

J’AI LE BRAS LONG (Lorraine)

                J’ai le bras long. Vous ne l’aviez pas remarqué? Normal, je suis discrète, je n’en parle pas,je n’en fais pas étalage, je me comporte comme tout le monde.  Enfin, presque!.  Quelquefois, je me prends par la taille, ma main gauche glisse derrière mon dos  et se pose coquettement sur ma hanche droite. Je fais quelques pas, comme si nous étion deux.

                Cela surprend un peu, je vous l’accorde.   Mais pas plus que lorsque je ramasse sans me pencher la balle de mon chat  et la lance vigoureusement  si loin dans la prairie qu’elle disparaît.

                J’avoue qu’avoir le bras long est parfois très agréable. Je fais mes courses sans fatigue, mon bras droit pousse paisiblement le chariot tandis que le gauche saisit prestement  les denrées en haut, en bas, devant l’acheteuse un peu hésitante (pardon, Madame),,  ou même dans le rayon d’en face.

                Seul ennui: il a la tête près du bonnet!  Ainsi, l’autre jour, il a flanqué une gifle bien appliquée au vendeur qui ravitaillait les consoles, sous prétexte qu’il était trop pressant envers moi!  Il a fallu que je le reprenne en mains. Je l’ai donc plis en trois et l’ai revêtu de sa housse; ainsi il a l’air d’un parapluie très innocent.

                J’allais oublier de vous le dire: c’est un bras long très affectueux. Sans me demander mon avis, un jour que nous étions coincés dans la file devant le cinéma, il a étroiteùent serré mon voisin contre moi, qui a paru ravi. C’est ainsi que nousnous sommes mariés...

 

4 janvier 2014

Participation de Lorraine

BONNE ANNEE


Je n’ai pas la plume inspirée pour écrire des voeux, j’en ai dit et redit tant  de fois dans la vie que mon coeur est usé. Usé mais non indifférent. Il manque de vivacité, d’imagination, de punch, il ne sait plus tourner les phrases, mais il peut dire MERCI.

Merci à MAP, à Walrus, à tous les autres de nous ouvrir la farandole hebdomadaire qui nous entraîne dans des mondes inattendus; merci pour votre bonne humeur, votre présence, votre inlassable lecture. Merci de lancer des consignes inattendues, des idées folles, des sujets perlexes, et de les lire...Et de les publier.

Voilà. Je voulais dire Merci. Un merci tout simple mais sincère. Et du même élan, je vous souhaite le bonheur de nous lire...Et le bonheur tout court, à vous qui le méritez tant.

BONNE ANNEE!
Lorraine

14 décembre 2013

RYTHME (Lorraine)


1925

Un corsage plat de garçonne
La cigarette, un sautoir
C’est pour elle qu’il abandonne
La fiancée aux beaux yeux noirs

Assise sur le tabouret
Genoux croisés, l’œil qui charbonne
Dans le fastueux cabaret
Où la musique charlestonne

La femme fatale en cloqué
Lamé d’argent et jupe courte
Tape des mains, croise les pieds
Tourne en corolle et le déroute

Peut-on parler d’amour ou non
De désir ou de maléfice ?
Il ne connaît que son prénom
Mais il est possédé, l’artiste !

Les jambes longues qui cadencent
Le rythme endiablé de la piste
L’entraînent à jamais dans la danse
De cette année contorsionniste...

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30 novembre 2013

LES FEUILLES D’AUTOMNE (Lorraine)

Les feuilles d’automne ? Non, il m’est impossible d’en parler ! Nous nous connaissons trop bien, ensemble nous avons couru dans les allées du parc ; j’aimais sous mes petons de fillette sentir craqueler leur tapis que le vent en rafale éparpillait soudain.

Cette sensation, ce bonheur, je l’ai écrit dans mes rédactions à l’école, d’année en année, sous des titres divers. Plus tard, émue par leur ciselé, le mordoré de leurs ors ou le vermillon de tout un feuillage, je les ai mises en poèmes. Poèmes d’automne qu’enivre le parfum si particulier des feuilles sous la pluie ou chanson à lèvres closes quand le vent les fait tourbillonner comme autant de petites ailes éperdues.

Et nos promenades ! Comment vous décrire ces fugues soudaines qui me jetaient dans les bras de l’automne comme on va à un rendez-vous d’amour ! Les feuilles ensorcelantes galopaient à ma rencontre, un chat enivré se roulait avec elles dans le chemin et c’était bien.

J’ai tout donné aux feuilles d’automne, mon enfance, ma jeunesse, mes amours.

Aujourd’hui j’ai le cœur et les mains vides. Alors, je suis sûre que vous me comprenez : il m’est vraiment, mais là vraiment impossible de parler des feuilles d’automne…

2 novembre 2013

BALADE DANS LE DICTIONNAIRE (Lorraine)

Ce ne fut qu’une escarmouche sans importance, mais cette fois elle prit la poudre d’escampette et s’esquiva : à elle la liberté. Leur couple n’allait plus que sur un pied, mieux valait rompre.

Non, ce n’était pas un fêtard, mais un faible, assez falot , à qui elle s’était distraitement attachée après un souper assez tardif qui lui laissait un souvenir diffus.

Elle aimait ses mains fuselées et sa légendaire douceur et n’ignorait pas que renoncer à lui c’était déjà céder au déraisonnable Didier. Hélas ! lassée ou séduite, téméraire ou repentante, tentée en tous cas, elle enfila son casaquin et, n’étant pas une quinqua, caracola vers le bonheur. Un bonheur résolument empathique, que dire de plus ? Plus-que-parfait et festif , typhon d’amour, amour torride, débacle , cle des songes ?...

Vous dites ? Incompréhensible, mon texte ? Ma référence, c’est pourtant le dictionnaire … est-ce ma faute s’il radote ?

 

21 septembre 2013

UN REVE (Lorraine)

        C’est là-bas. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que je  marche vers le Palais de Justice, monumental, écrasant, gigantesque.  D’un pas hasardeux, il faut le reconnaître car, je ne sais pourquoi,  les pavés gondolent .  Et quand j’avance, ils  s’entrechoquent, deviennent des marches inégales, branlantes, qui m’obligent à m’arc-bouter,  à me retenir même des deux mains pour ne pas tomber de la hauteur d’une falaise.

 

         Car à mesure que je progresse, les obstacles se disproportionnent, se quadruplent, me hissent sur un sommet de je ne sais quel monument, me redescendent soudain face à l’entrée béante du Palais de Justice où je pénètre enfin, soulagé.  Pas longtemps.  Les poternes se succèdent,  une enfilade d’accès s’ouvre devant moi,  j’en franchis un, il en surgit un second.  Je pousse le battant, derrière moi un autre se referme.  Je voudrais sortir, je ne peux.  D’autres personnes me croisent, sereines, ouvrant une seule porte et se retrouvant à l’air libre. Comment ?  Pourquoi ? Mystère !

 

         Moi seule fais du sur place.  Et quand enfin la dernière porte consent à me libérer,  je me retrouve d’où je suis partie, sur la place rocailleuse, devant le Palais de Justice monumental, écrasant, gigantesque !

 

7 septembre 2013

ATELIER DE PEINTRE (Lorraine)

Aujourd’hui j’enfile la gaine

Qui me dessine un corps de fée

Je ne cours pas la prétentaine

Voyons, qu’alliez-vous donc penser ?

 

Vous me préférez en dentelle ?

Voilà mon jupon délacé

Je pose pour votre aquarelle

Menu, menu, le slip ourlé

 

Autour du cou l’écharpe rouge

Des talons pour mon joli pied

Ne craignez donc pas que je bouge

Il fait froid dans votre grenier !

 

Du feu vous avivez la flamme

Je prendrais bien un peu de thé

Je vous le jure sur mon âme

Ce long manteau m’a réchauffée

 

Il est très beau et je vous jure

Que poser ainsi attifée

Donne au tableau, je vous l’assure

Un ton hivernal très huppé

 

Vous hésitez ? C’est l’évidence

Mais ce bibi très parisien

Achèvera avec prestance

Ce beau portrait. Voilà. C’est bien…

17 août 2013

MONSIEUR ARNAUD (Lorraine)

 

        Monsieur Arnaud, je l’aime bien. Il est toujours habillé en noir et comme c’est l’été, il porte un beau panama sur ses cheveux blancs. Il habite le haut de la rue où les maisons ont des balcons et des poignées de porte en fer forgé. Nous, on habite en bas, juste à côté de la menuiserie et je joue sur le trottoir avec ma grande poupée Muguette.

        Dans sa promenade, Monsieur Arnaud s’arrête quelquefois. Il m’offre un bonbon mais je dis non, maman m’a appris à ne jamais rien accepter d’un inconnu. J’ai 5 ans. Ce jour-là, il demande:

        - Tu as d’autres poupées que Muguette?

        - Oui, des toutes petites, pour jouer dans ma maison de poupées.

        - Eh bien moi, j’en ai une dans ma poche. Tu veux la prendre?

        Et comment! Je glisse ma main; ce que je sens c’est une drôle de chose molle et tiède sur laquelle je tire un peu, perplexe.

        - Viens avec moi, dit vivement Monsieur Arnaud, des poupées j’en ai plein à la maison.

        Je tiens toujours dans mes bras la grande poupée Muguette. Qui dira comment naissent soudain la méfiance, le sang-froid, la ruse? Et je m’entends dire tout de go:

        - Monsieur Arnaud, je vais déposer Muguette et je reviens....

        Il a un sourire compréhensif et rêveur et moi une frousse rétrospective qui me donne des ailes. Je n’oublierai jamais le visage de maman quand j’ai crié:

        - Maman, il y a un méchant monsieur en bas et il m’attend...

        Elle decend aussi vite que je suis montée, moi sur ses talons et il est là, en effet, surpris, puis inquiet, tandis que maman hurle:

        - Espèce de saligaud (tiens, d’habitude elle me défend de dire ce mot!), Attendez que j’appelle la police, sale type...

        Le carrefour est juste en face, l’agent fait la circulation, il dit qu’il ne peut pas quitter son poste, il conseille à maman d’aller au bureau de polce déposer plainte. Nous y allons. Monsieur Arnaud s’est éclipsé depuis longtemps.

        On n’a rien retenu contre lui. La police est venue à la maison, on m’a posé des questions, pourquoi j’avais dit que Monsieur Arnaud était un méchant monsieur alors que je le trouvais gentil? Un déclic soudain, sans doute, le brusque souvenir de mes parents qui me mettaient en garde depuis longtemps contre ces “méchants monsieur” qui aiment bien les petites filles. Et sans doute le sentiment brutal d’une anomalie...

        Les mois s’écoulèrent. Monsieur Arnaud ne passait plus devant la maison. Et l’hiver revint.

        Un soir, Georgette qui était dans ma classe ne rentra pas de l’école. Ses parents avertirent la police qui débarqua en trombe chez Monsieur Arnaud. Georgette était dans la cave. Nue. Morte. Et à côté d’elle, Monsieur Arnaud pleurait.

 

13 juillet 2013

VACANCES (Lorraine)

Je ne partirai pas vers d’autres horizons
La solitude étreint mon coeur
J’aime le ciel du soir effleurant la maison
Le silence n’est que douceur

Je resterai ici sans besoin d’aventure
Mes rêves sont tissés d’or fin
Les chevaux dans le pré avancent sans voilure
Leurs yeux ont l’éclat du matin

Partir pour aller loin est une belle histoire
Mais mon bonheur est là, tout près,
A l’ombre des  noyers, au fil de ma mémoire
Sur le chemin près du cyprès

Je ne m’embarquerai vers aucun paysage
Je lis dans le jardin d’été
Le temps s’enfuit au loin, j’ai posé mon bagage
La nuit arrive à pas comptés

18 mai 2013

ATTENTION A LA TÊTE ! (Lorraine)

Je fais attention à ma tête depuis toujours. D’abord, parce que je suis migraineuse. Les nausées, les visions troubles, le toc-toc qui bat comme le pic-vert, les rideaux fermés, le masque pour cacher la lumière, les cachets (ah! les cachets) divers et inefficaces jusqu’au jour où on trouva le bon !...

Jeune, j’étais une tête-de-linotte, une tête-en-l’air. il a fallu arranger ça. Garder la tête froide et devenir une tête-pensante. Pas nécessairement facile !

Il a fallu pas mal de tête-à-tête avec moi-même pour rectifier le tir ; attention, je n’ai pas la grosse tête, . Et pas non plus une tête d’enterrement. Je n’étais pas tout à fait une tête de classe, mais une bonne moyenne. Et si je choisissais toujours la tête du train pour voyager, je n’ai jamais été la tête d’un cortège de carnaval. Ni d’aucun autre d’ailleurs. Même si j’entamais toutes mes entreprises musique en tête.

Je n’aimais pas les garçons qui avaient une tête-à-claques, j’avais la tête près du bonnet et la main preste pour envoyer la gifle. Je ne me montais pas la tête ; quand j’ai rencontré l’amour, c’est le cœur qui était pris ! Je n’ai donc pas fait ma mauvaise tête, j’avais la tête qui tourne mais c’était de bonheur. J’ai donc vécu un long tête-à-tête heureux jusqu’au jour où la mort a tout brisé.

Depuis lors, je fais toujours attention à ma tête mais je me garde bien de donner des coups de tête pour enfoncer les portes fermées. Je fais simplement un détour…

4 mai 2013

MAGRITTE (Lorraine)

 

La mystification des choses, Magritte la saisit d’un regard.  Il voit un oeuf, il dessine une colombe. “Absurde?”. Et bien non. Le peintre a creusé la matière, s’est projeté dans le futur et a “vu” la tourterelle éclose, prête à l’envol. Un peu comme si le modèle du peintre lui faisait des signes, énigmatiques pour le commun des mortels.

Un don de double-vue? Surtout d’analyse intérieure. Quand il dessine une pipe, il prend soin d’ajouter au tableau: “Ceci nest pas une pipe”. Mais une illusion, puisquil est impossible de la fumer. C’est une reproduction de pipe, un fac simile, non un objet réel.  Curieux cheminement de l’esprit – et de l’art – à l’époque du surréalisme belge dont il est imprégné. Il a pu dire: “Mes yeux ont vu la pensée pour la premère fois” et il est vrai qu’il faut quelquefois “traduire” le message, tant le tableau peut être sybillin. Nous n’avons pas tous la capacité de percer les énigmes!

 

Pour la consigne, je voulais me laissser conduire par le ressenti. Ecrire un billet léger, printanier, plein de chants d’oiseaux...Et puis voila: soudain aride devant le sujet, j’ai été portée par mon ancien métier...et j’ai écrit un article explicatif!  Pardonnez-moi!

6 avril 2013

LA VALISE ENCHANTEE DE PATACHON (Lorraine)

            Patachon évoque irrésistiblement Doublepatte,  duo comique du cinéma muet. Ils se trimbalaient sur les écrans , inséparables et opposés.  Avaient-ils une valise? Je ne m’en souviens pas, mais peut-être était-elle invisible?  Ils y amassaient tant de choses!..

            Et avant tout, les rêves des petites filles sages et des garçonnets proprement vêtus. Et ceux des petites filles pas très riches et des garçons mal coiffés, qui s’engouffraient dans les salles “Enfants admis” pour la séance de l’après-midi.  Parfois, les fillettes portaient un béret marin,  et les gamins une grande casquette qu’il tiraient hardiment sur l’oeil Ni les uns, ni les autres, ne savaient que le monde évolue et que les rêves changent de couleur. 

            La grande valise invisible contenait aussi des pantins pour les jours de fête, des chansons à fredonner, chansons d’enfance mais déjà chansons d’amour. Il s’en échappait une, soudain, qui gagnait les rues et les ruelles, et que des couples de musiciens ambulants interprétaient aux coins de rue.

            “Ramona, j’ai fait un rêve merveilleux...” entonnait la femme à pleine voix, et son compagnon soutenait le refrain par le rythme de l’accordéon, qui attirait et retenait  les badauds. Des badauds qui rêvaient peut-être de Ramona, interprétée par Dolores del Rio dans le cinéma de quartier où le piano accompagnait le film muet.

            Cette valise! Elle a contenu le flonflon des kermesses, les aveux des couples d’un soir qui dansaient sur les places le 21 juillet, jour de Fête Nationale, les chagrins des séparés par la guerre de 40, les larmes des retrouvailles de 1945, les espoirs du développement économique et peut-être bien les désillusios d’aujourd’hui, la crise, le chômage, les formations à l’emploi, les banques, les faillites, et de nouveau, le chagrin.

            Je ne sais pas. Je ne l’ouvre plus depuis longtemps.  Parce que, la valise de Patachon, c’est un peu la mienne...

9 mars 2013

QUI DONC A SONNE ? (Lorraine)

Qui a tiré la sonnette ?

Ce n’est pas moi, dit Annette,

Je suis dans mon magasin

C’est peut-être le voisin ?

 

Non, ce n’est pas Pomponnettte

Elle est toute à sa toilette

Je vends des fleurs, des bonbons,

Du soleil et des crayons

 

Qui a tiré la sonnette ?

Entrez faire vos emplettes

C’est peut-être ce garçon

Qui joue de l’accordéon ?

 

Je vends aussi des gaufrettes

Et je n’ai pas de sonnette

Oui, j’entends « dreling-dreling »

C’est le vélo du voisin !

 

Qui a tiré la sonnette ?

Vous voulez que je répète ?

Je n’en sais rien et puis non !..

Ce n’est pas ce grand garçon…

 

Ce n’est pas une sonnette

Qu’on tire ainsi à tue-tête

C’est l’école du canton…

Je suis en retard ! Courons !

 

2 février 2013

AU VOLEUR (Lorraine)

Il s’est approché d’elle en ce matin d’été

Dans la douce maison où vécut leur romance

Il a pris dans sa main la vieille main fanée

L’amour ne vieillit pas, il change d’apparence

 

Il était beau et grand, son coeur il a volé

Il y a cinquante ans, il en a souvenance

Et ce soir ils iront sous le ciel étoilé

Se promener tous deux, comme à l‘adolecence

 

5 janvier 2013

LA BIBLIOTHEQUE (Lorraine)

Je suis une bonne vieille bibliothèque datant de 1920, j’habitais chez un médecin, mais à sa mort je me suis retrouvée dans une salle de vente. C’est là qu’elle m’a dénichée.  J’ai donc quitté le cabinet médical pour un salon-studio-chambre à coucher et me suis insérée dans le petit appartement de ces jeunes mariés un peu bohèmes. 

Ils m’ont aussitôt partagée en deux : en haut ses livres à lui, Voltaire, La Rochefoucauld, Dostoïevsky, Stendhal, Anatole France, Nietsche... Sur les planches du milieu, ses livres à elle Colette, encore Colette, toujours Colette....et plus bas des livres sur le féminisme, tout jaunis et dénichés dans une brocante, des romans anciens ou  récents, toutes les œuvres de John Le Carré (un fond commun qu’ils se partagent et dont, après, ils discutent).

Tout en bas, le tout venant. Un livre sur les vertus des plantes, un second sur les “Angoisses et phobies”, un troisième sur “Le yoga pour tous”, et chaque semaine ou presque un livre “social”: “L’enfant dans le placard”, “La révolte des infirmières”, “Entrer en maison de repos”,  “Bien veillir”, “L’éducation commence au berceau”,   arrivés plus tard, quand le journal où elle travaille lui a confié la rubrique de critique sociale. Lui sont alors passés dans les mains (et donc sur mes planches), presque toutes les misères du monde, la surdité, le handicap physique et mental, l’avortement, la contraception, la ménopause, l’homosexualité, le sida, Alzheimer, l’euthanasie, le cancer et j’en passe et j’en passe...

Ils ont déménagé huit fois, s’agrandissant peu à peu, changeant de meubles, de tentures, de tapis, mais moi ils m’ont gardée, même si je suis un peu vieillote mais toujours belle, disent-ils.

Il n’est plus,  une opération bénigne a mal touné. Erreur médicale..Elle a gardé les livres d’autrefois. Je croule vaillamment sous les nouveaux qui s’accumulent d’année en année.  Ils lui tiennent compagnie. Moi aussi.

15 décembre 2012

Les lettres vont en balade (Lorraine)

Les enfants, nous allons en promenade. Cessez de crier.  En rang. Trois par trois.  K viens ici, arrête de pincer Y , j’ai déjà dit: “On ne fait pas mal aux filles” .Ni à personne d’ailleurs, c’est clair? Bon. Je t’ai à l’oeil..

G, c’est bien, mets ton bonnet; pas comme ça, le pompom devant. Oui. Tu viens, Q? Je vous défends de rire, c’est son nom, on n’y  peut rien. Q , non, pas à côté de K, je vous connais. Approche, Z et toi aussi,J.  Là..là... Attendez que je compte:

K , Z et J au premier rang; c’est bien. G près de Q (Silence!..) et tiens, viens toi, la petite H. Voilà, vous êtes trois. Les autres maintenant.

R et S, je sais, vous êtes inséparables, d’accord. S donne bien la main à V; mais non, V, il ne serre pas trop fort. Ca va? Bon.

Les trois suivants: X (cessez de rire, personne n’a dit qu’il était personne!...) attache ton écharpe, mets tes gants, T, tu te mets à côté de lui et tu ne bouscules pas U, on n’est pas à la récréation, on va en promenade.

Regardez, mes enfants, comme W est gentil! Il met son doigt sur ses lèvres pour dire à A et B qu’on ne bavarde pas. Comme c’est bien! Quoi? Qui a dit que c’est un frotte-manche?.. C’est toi, C?... Viens ici, mon ami, et D ne rit pas bêtement tout bas! C’est une classe ou une crèche,  ici?...

Tais-toi, D,  tu n’as pas la parole, mets-toi en rang avec E  et I. Où est-elle encore passée, celle-là?

 Qu’est-ce que vous avez, les jumeaux? Vous rigolez dans mon dos? Vous osez? Vous... Quoi! Pas tous les deux ensemble, un à la fois,  parle, F. Pas toi, H. ..Comment ça, I est partie? Vous voulez me rendre folle! Partie? Où? Quand? Comment?...

Monsieur le Directeur, s’il vous plaît..oui, oui, un peu d’eau...I est partie par la porte du  jardin qui était restée ouverte...Toute seule?  Je ne sais pas... Avec un monsieur?  Qui a dit ça?...X l’a vue...Monsieur le directeur.....je crois que...que je m’évanouis...

 

1 décembre 2012

LA FIN DU MONDE (Lorraine)

              La fin du monde? Soit! Qu’elle vienne si c’est son heure. Que faire? Rien, Absolument rien. Elle nous emportera dans ses révulsions, ses hoquets, son ultime fureur.

            Si j’en ai le temps, je m’étendrai sur mon lit, mon chat dans les bras, pour qu’il n’ait pas peur.

            Il sera ma dernière douceur avant les dernières fulgurances. Je serai son dernier souffle.

            Et descendra sur nous la paix infinie des morts.

24 novembre 2012

FEUILLES MORTES (Lorraine)

Quand vous vous envoliez de vos branches lassées
Feuilles des grands jardins où nous nous promenions
Je serrais fort ta main, maman, et empressées
Nous marchions à pas vifs comme en un tourbillon

J’écoutais craqueler l’automne à petit bruit
Et m’emplissais les yeux de sa magnificence
Et si je me souviens du temps qui s’est enfui
C’est qu’il m’en reste au coeur comme une extravagance

Le vent tel un ludion arrondissait son souffle
Et les feuilles dansaient en un joyeux ballet
Puis allaient se poser du bout de leur pantoufle
Sur le banc, le chemin, l’étang et le chalet

Aujourd’hui je ressens une douceur frileuse
Quand je vois voleter derrière mon rideau
Comme un adieu furtif la feuille voyageuse
Rousse et  ensoleillée en son dernier cadeau

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