Haïku du tord-boyaux (Kloelle)
Cerises rouge-envie
Enfants piaffants face à la cabane
Au fond du jardin.
Sans. ( Kloelle)
Sans mots. Les muscles de mon cou contractés, les images qui défilent sans jamais se fixer. Sans mots alors que tant d’émotion à dire. La pluie s’est arrêtée, les nuages remontent doucement dans le ciel. Sans mots, trop de maux. La tasse en porcelaine, le thé brulant, les rues encore mouillées. Sans. L’inanimé. Les mots absents, en vacances, perdus peut être. Un frisson dans le bas du dos, une trouée dans les nuages, un coin bleu, presque trop bleu. Sans mots peut être mais des sourires, des défis, des amis. A mi-mots. Amis mots. A vous Merci.
Et un bouquet de violettes… (Kloelle)
Défi 95
Adrien dépassa la station de taxi et chercha à nouveau le 50 bis de la rue des chapeliers. La soirée était très avancée et il avait hâte d’en finir avec cette livraison. Il n’aimait pas ce quartier, crasseux et rebutant, le « cœur historique » comme aimaient dire les guides touristiques, le ventre débordant aux chairs décrépies d’une ville vieillissante pensa t’il plutôt. Il immobilisa son scooter et fit quelques pas, le regard à hauteur de plaque de rue. Il arrivait quelquefois que les adresses ne correspondent à rien de réel, il lui fallait alors remplir une fiche, retourner dans les locaux de la société qui l’embauchait, perdre un temps infini à établir un rapport complet et à préparer le renvoi vers le destinataire. Il examina une nouvelle fois le colis : M René M, 50 bis rue des chapeliers. C’était un paquet volumineux mais léger, d’une forme assez particulière cependant, une sorte de grosse pipe dont la courbe s’épanouissait avec grâce. Le bruit d’une porte raclant lourdement le sol le fit soudain sursauter, quelqu’un titubait sur la contremarche d’une coursive qui s’enfonçait vers ce qui semblait être l’arrière cour du numéro 50. Une arrière-cour, bien sûr, pensa Adrien. L’homme devait avoir dans les 35 ans, le regard vitreux, le verbe fort, ivre sans aucun doute. « Olivier commençait à trouver le temps un peu long » répétait-il sans cesse. Pauvre gars. Adrien ramassa le chapeau du gaillard, un borsalino qui avait vécu, et le lui rendit avant de s’enfoncer dans l’étroit couloir.
Echoué dans une chaise en rotin un vieil homme prenait un bain de lune. La petite cour avait du charme. Des vêtements se balançaient sur une corde à linge tirée entre un lampadaire et un porte-manteau perroquet. Adrien esquissa un sourire. C’était une garde robe singulière, queues de pie et autres jaquettes à boutons dorés s’étalaient en alternance avec quelques lampions de couleur qui éloignaient la nuit.
- Vous êtes la nouvelle femme de chambre ? demanda le vieil homme soudainement tiré de sa rêverie.
- Le livreur, répondit Adrien.
- Il faut épousseter les hauts de forme en les exposant à la clarté de midi, lui ordonna t’il en lui épinglant à la boutonnière un petit bouquet de violettes.
Un doux-dingue pensa Adrien en rentrant dans la maisonnette pour y déposer le colis.
Le tableau fut la première chose qui attira son regard. Une somptueuse robe de taffetas blanche et cette femme sans visage qui semblait attirer à elle toute la lumière du monde. Puis le jeune-homme vit les chapeaux, des dizaines, des centaines, de tous les styles mais invariablement noirs.
Il s’approcha de la table pour poser son encombrant paquet et son regard fut à nouveau attiré par l’adresse. M René M, 50 bis rue des chapeliers fous…des chapeliers fous…un frisson d’angoisse l’empoigna et il se retourna pour bien vite repartir.
Repartir, repartir….voilà que ses jambes semblaient ne plus vouloir repartir. Et que faisait cette rangée de chapeaux melons en dessous de lui….et ses fanfreluches blanches soudainement apparues sur ses bras. La robe blanche, la robe blanche l’enlaçait, le ficelait, l’emprisonnait.
Dans son tableau, Adrien allait trouver le temps un peu long…
La reine blanche (Kloelle)
La neige qui tombe, entre opacité confuse et blancheur aveuglante. La sans couleur lumineuse qui absorbe les ombres et altère notre perception des courbes du monde. Ninon aimerait tirer le rideau bleu et se pelotonner sous la lourde couverture de laine. Un jour sans clarté est un jour sans espoir, se dit-elle en préparant son cartable. La marque du froid sur les vitres du salon. Elle se dirige vers l’entrée et dans le tiroir le plus bas du semainier elle soulève et retourne, ses mains perdent patience. Une broche en émail sur cuivre dont elle ne se souvenait plus, le bric et le brac de sa vie désordonnée, des souvenirs à la dérive en attente d’une berge pour accoster, mais de gants de laine point. Plus le temps. Se détourner de l’odeur du thé au jasmin pour affronter la tourmente blanche.
Un pied devant l’autre, car espérer porter son regard plus loin serait tomber dans une autre nuit. Les traces de ceux, levés plus tôt, comme autant de signes rassurants. La morsure du vent tremblant. Ninon se recroqueville sous sa capeline. La voilà de glace et de silence, plus tout à fait certaine que ces pas sur le sol l’emmènent bien au centre du village et tout aussi incapable de dire depuis combien de temps elle marche. Elle n’a jamais aimé ces montagnes, ces chemins, le bruit oppressant que fait le vent dans les grands sapins.
Son visage est maintenant tout à fait insensible, le froid assiège les chairs. Elle pense à ce conte enfantin d’une fillette et de ses allumettes qu’elle a lu l’autre jour à ses élèves. La petite musique de la peur s’installe doucement en elle. Elle songe à retourner sur ses pas mais son corps lui échappe. Les murmures de la neige contre sa poitrine, le blanc qui mange et s’engouffre, se glisse sous les plis de sa cape. Elle pense à son père, il est debout, souriant au milieu de la plage. Elle n’est pas sur la photo mais se souvient du jour, des murs blancs écrasés de lumière, du sable qui glisse sur ses mains. Elle pourrait ouvrir une à une les fenêtres de son enfance, sentir la brise qui vient de la mer, laisser trainer ses pieds sur les galets brulants de la jetée du port. Elle pourrait… Le bout de ses doigts agrippe le sol glacé. Le cirque blanc, sans trêve. Ninon se relève et ferme les yeux. Mettre de l’ordre dans ses sensations et avancer vers l’ombre brune qui se détache plus haut, sur la droite.
Au village, la boulangerie doit déjà être ouverte. Elle ouvre avant l’école. Ninon grelotte. Le bourdonnement incessant de ces ouvrières blanches qui criblent ses joues, la musique étouffante de ses pas qui s’enfoncent et son manteau givré qui lui donne des airs de Reine des neiges. Elle a rejoint le reflet sombre. C’est un mur. Un mur de pierre contre lequel elle s’appuie, prête à pleurer. Que sont les larmes sans une main pour les essuyer ? Celle qui serre la sienne depuis quelques minutes déjà est chaude, si petite qu’elle niche en creux, cachée sous les doigts bleutés.
- « Tu viens maitresse ? »
La boîte (Kloelle)
<p><p>Elle passait chaque lundi matin à la même heure</p></p>
Elle passait chaque lundi matin à la même heure. La rue, déjà peu animée, était le plus souvent déserte et j’avais pris l’habitude d’oublier mes livres et mes tableaux pour l’observer. Le même imperméable bleu de Prusse soigneusement boutonné, des chaussures d’un autre temps ou d’une autre contrée et ce cabas fermement ramené contre la poitrine, improbable matrice à contenir tous les rêves du monde. Je me souviens qu’elle peinait à avancer, donnant à chacun de ses pas l’impression d’arriver au terme d’un long voyage. Le bout du monde dans une rue où les éclaboussures d’essence défiguraient chaque recoin…
C’est arrivé au numéro 24, devant les grilles d’une maison de longue date abandonnée, que les choses prenaient une tournure étrange dont je désespérais de découvrir jamais la signification. Du cabas, elle sortait une enveloppe, blanche, lisse, quelconque, une à ne rien vouloir accrocher des extravagances de notre monde. Elle la glissait alors avec le plus grand détachement dans la boite aux lettres et poursuivait son cheminement, sans se retourner.
On se damne à tirer les fils désordonné de sa curiosité. Qui était cette femme singulière, que contenaient ces lettres et par quel étrange processus, la boite, jamais surchargée, se trouvait prête à accueillir semaine après semaine ces ponctuelles missives.
La maison était inhabitée, j’en avais eu la confirmation. Il m’était bien sûr venu la tentation d’approcher, de tenter de d’ouvrir la boîte, de forcer ses secrets, mais j’étais resté à chaque fois immobile, les bras ballants, incapable de briser ce rythme qui semblait m’assujettir en dépit de tout.
Le premier lundi où elle ne vint pas, le vide prit place en moi toute la journée et je m’endormis avec le sentiment d’avoir été dépossédé, puis les jours passèrent et je finis par m’approcher de la boite. Curieusement elle ne me résista pas.
La déception s’engouffra si vite que j’eus la tentation de la refermer aussitôt : elle était vide.
Puis, mon regard fut
attiré vers quelques mots gravés à même le
bois, sur le fond : ICI MEURENT ET RENAISSENT LES RÊVES.
Les premières enveloppes qui arrivèrent dans ma boite aux lettres me surprirent à peine. Les rêves d’amour étaient souvent dans des enveloppes roses, les rêves de statut social dans des enveloppes plus sérieuses, les rêves d’enfant me plaisaient particulièrement. J’avais compris sans plus de complication qu’il me fallait les ouvrir et les mettre dans ces petites enveloppes blanches, uniformes, épurées. Tous les lundis, je traversais la ville pour me rendre dans cette ancienne rue piétonne aux si nombreux commerces désertés. C’est dans la boite très banale d’une ancienne mercerie, au rideau de fer baissé, que je glissais ma lettre.
Dire combien d’années je me suis acquitté de ma tâche, je ne sais pas exactement. Je pose des rêves, d’autres les emportent et tentent de les faire renaitre ailleurs. Je n’ai pendant toutes ces années jamais cherché à savoir qui venait, chaque semaine, prendre mon offrande blanche.
Depuis quelques temps, je me demande si quelqu’un détaille, derrière la fenêtre d’un des immeubles alentour, le vieux monsieur que je suis devenu. Je crois que le temps du passage est arrivé. L’autre matin, il y avait cette inscription sur ma boite aux lettres.
Prenez mes rêves et portez les loin.
Petite fleur (Kloelle)
Un souvenir heureux ?
Vous voulez que je vous raconte un souvenir heureux …
Les souvenirs heureux ont la couleur du lilas…Vous ne trouvez pas ?
L’arbre
était assez gros, planté juste à côté du petit jardinet, celui qui
était en toute saison envahi par les herbes folles. Je devrais me
souvenir de l’odeur de ses fleurs, mais non, je ne garde en mémoire que
la couleur de cette cascade de pétales mauves.
A peine arrivée dans
la cour de la petite ferme, c’est le premier endroit que je visitais.
Je courais de toutes mes forces vers ses branches chargées et je
m’allongeais dessous, comme une princesse endormie. L’herbe était
chaude, les fleurs avaient cette finesse, cette splendeur qui ne
s’offre qu’aux esprits élégants. Je me souviens de la clarté qui
crevait le feuillage et glissait lentement sur les perles violines.
Les
yeux plein de ces ornements, je rêvais de toilettes somptueuses, de
princes au discours policé. J’avais cinq ans, peut être six.
C’est
fragile vous savez un sommeil de princesse, aussi fragile que peut
l’être une fleur de lilas. Il suffisait de quelques mots pour tout
briser.
- Ne fais pas attendre tes grands-parents, lave-toi les mains, nous passons à table.
Kloelle
Thème : Rideaux pour fenêtres arrondies
Genre : Un poème de forme libre
La cloche est fêlée
Et le vent vient crier ses souvenirs
Pourquoi ce voyageur de l’ombre
Martyrise-t-il ainsi ta mémoire ?
Un ventre plein
Aux reflets ambrés.
Le ciel pour berceau…
La cloche est fêlée.
Des yeux d’opale qui ont trop pleuré
Tes mains vides qui accrochent des rideaux pour fenêtres arrondies.
Proverbe (Kloelle)
Thème : Les tripotages dans la politique
Genre : Proverbe inventé et rimé
Turlututu
Mandat perdu !
Orages (Kloelle)
Thème : Il y a de l’eau dans la cave
Genre : Haïku
Orages d'été
Odeur de terre lourde
Et caves inondées.
Tout ce qui dépasse sera raccourci - Kloelle
Theme: tout ce qui depasse sera raccourci
Genre: quatrain
Tout se qui dépasse
Sera raccourci
Le petit Ignace
Cache son zizi.