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2 mars 2013

Le targui des étoiles (Joe Krapov)

1
Ma cabane au Sahara
Est devenue aérostat
Nacelle de la montgolfière
Qu’est la Terre

Petit prince abandonné
Me voici à piloter
Sous le toit
De ma cabane au Sahara

Elle s’en va
Légère dans les étoiles
Le simoun
Gonfle ses jolies voiles

2
Ma cabane au Sahara
C'est mon Led Zeppelin à moi
La vie libre qui me plait
Balloté

Les richesses de la planète
Tout autour de moi volètent
Il suffit
Que je tende mon épuisette

Mais je rêve d'y emmener
Celle qui voudra me suivre
Viens avec moi si tu veux vivre
D’aventurières destinées

3
Jusqu’au bout de l’univers
On ira se mettre au vert
Sur le toit de ma cabane
Au Sahara

Sur les anneaux de Saturne
Nous f’rons danser nos cothurnes
Au grand bal
Des rigolos d’Aldébaran

Je te dirai
Le nom des nébuleuses
Je t'apprendrai
Des chants de Bételgeuse

4
Ma cabane au Sahara
Tant que tu y resteras
Ce sera le paradis
Ma chérie

A quoi bon chercher ailleurs
Je sais bien que le bonheur
Il est là
Dans ma cabane au Sahara.

  

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23 février 2013

Un ami d'autrefois (Joe Krapov)

Très longtemps la musique a été mon issue de secours. Oh bien sûr, il n’y avait pas le feu à l’hôtel, non. Juste le besoin, comme pour tout adolescent, de s’ouvrir au monde. Et c’est justement à ce moment-là que j’ai découvert « Kevin Ayers and the Whole world », un voisin d’Angleterre avec une voix grave et des musiques sucrées.

Le premier album de lui que j’ai écouté est en fait le deuxième de ses opera (je savais le latin à l’époque : un opus, des opera !). Il s’intitule « Shooting at the moon ». C’est peut-être important pour la suite. Il contient le rigolo « May i ? » aux paroles chantées en français :


« J’étais perdu dans la rue
Fatigué et mal au cul
J’ai vu un petit café avec une fille dedans
Et je lui disai [sic] (c’est ainsi, je savais toujours le latin !) :
Puis-je
M’asseoir auprès de toi, te regarder ?
J’aimerais bien la compagnie de ton sourire ».

 

DDS 234 kevin-ayers-joy-of-a-toy retouchée

Kevin Ayers a été le premier bassiste du groupe Soft Machine. Le premier de ses albums solo a pour nom « Joy of a toy ». Maintenant que je suis devenu un peu le « toy of a Joye » (LOL ! LOL Coxhill, même !) ce titre me fait bien rire, tout comme certaines de ses chansons : « Oleh Oleh Bandu Bandong » « Stop this train» et les très jolies « The lady Rachel » et « Girl on a swing ».

Si l’escalier de secours de MAP peut être utilisé en tant que piédestal, on y positionnera bien volontiers l’imperturbable guitariste Mike Oldfield qui, avant de pondre son célèbre « Tubular bells », fit ses débuts au sein du Whole world. On entend sur le troisième album de Kevin, « Whatevershebringswesing » un très beau solo de guitare sur le titre homonyme. D’autres n’ont pas démérité par la suite : Steve Hillage et Ollie Halsall n'étaient pas rien non plus !

Enfin nous arrivons au chef-d’œuvre de l’homme, là où l’escalier mène au ciel (comme les monte-en-l’air, j’ai tendance à emprunter les issues de secours à l’envers !). Le 4e album est sorti en 1973 et s’intitule « Bananamour » !

 

DDS 234 Kevin Ayers bananamour grand

 

Rien que la photo à l’intérieur de la pochette vaut le déplacement et certaines des paroles de ces hymnes m’accompagnent toujours : extrayons par exemple ceci de « Shouting in a bucket blues » :

"Lovers come and lovers go
but friends are hard to find
Yes I can count all mine
on one finger"

« Les amours vont, les amours viennent
Mais pour trouver l’ami on a bien plus de peine
Moi je peux compter les miens
Sur un seul doigt de ma main »

et cela de "Interview" : 


DDS234

"I have been called a down
Yes you may write that down
And for a little money
I am extremely funny.

You ask me how I do my act
This is my reply
I climb up on a ladder
And announce that I will fly."

"On dit de moi qu’je suis un clown
C’est vrai qu’pour épater Poupoune
Et gagner des comm’s sympathiques
Je suis extrêmement comique

Vous m’demandez de vous dire quelle
Est ma r’cette pour faire rigoler ?
C’est simple : je grimpe sur une échelle
Et j’annonce que j’vais m’envoler !"

La traduction est un peu stupé-samedidé-fiante mais l’image est bien vue. Moi aussi chaque semaine je monte sur l’échelle et… j’en redescends tout de suite à cause de mon acrophobie !
Si « je m’voyais déjà en haut de l’affiche : en dix fois plus gros que n’importe qui mon nom s’étalerait », ben c’est raté ! C'est moi qui m'étale ! Escabeauté le désir de gloriole !

Pour terminer, et pour revenir à « tirer dans la lune » révélons la véritable nature de cet escalier de secours : c’est en fait un observatoire pour admirer, depuis la région de Nancy, « la lune des Caraïbes qui brille toute la nuit » !

Merci à toi, Kevin Ayers, qui nous as soutenus et nous accompagnes encore pendant que l’hôtel brûle. Yes, we have no mañanas mais… Vive la banane !

 

16 février 2013

Invitation au voyage (Joe Krapov)

 

 

DDS 233 Invitation au voyage emplie

 

9 février 2013

Le rapport du détective (Joe Krapov)

Si la photo est ratée
C’est la faute à Erato :

Zeus est protégé par elle
Et j’n’ai pas l’bon appareil ;

J’ai juste une antiquité
Un Olympus tout mité !

Transformiste de génie
Il s’est fait mite au logis ;

 

DDS 232 pluie

 

Pour séduire une pucelle
Le voilà pluie d’étincelles.

Au juge des délits flagrants
Ca n’paraîtra pas probant :

Avec mon vieux sténopé,
Sûr, ma photo est loupée !

Pour coincer cet adultère
Il n’y a pas de mystère ;

C’qu’il nous faudrait, dame Héra,
Ben, c’est une caméra !

 

DDS 232 détective

2 février 2013

Voleurs d'enfance ! (Joe Krapov)

- Vu que je suis né la même année que François Fillon, le plus rigolo des clowns blancs de la Sarthe, j’ai grandi dans les années 60. Le jour où on n’allait pas à l’école était le jeudi. La veille au soir mes condisciples s’étaient fait peur en regardant « Belphégor » à la télé. Les postes diffusaient en noir et blanc. Il n’y avait peut-être bien qu’une seule chaîne. Le soir gros Nounours souhaitait bonne nuit à Nicolas et Pimprenelle. Quand il n’y avait pas assez de programmes, on voyait le petit train Interlude avec ses rébus. Le dimanche après-midi Steve MacQueen interprétait Josh Randall dans « Au nom de la loi ». Sur le coup de 19 heures 30 il y avait Thierry La Fronde avec ses compagnons dont je sais les prénoms par cœur : Jehan, Pierre, Judas, Bertrand, Martin, Boucicault et Isabelle. A la maison on lisait « Vaillant le journal de Pif » mais les enfants du boulanger étaient eux abonnés au « Journal de Mickey ». D’autres feuilletaient « Tintin » ou « Spirou ». Les voitures en plastique étaient de marque Norev, celles en métal étaient des Dinky toys. J’ai eu un circuit de voitures de courses Jouef (je l’ai toujours). D’autres, plus fortunés, jouaient les Michel Vaillant sur Circuit 24 ou sur Scalextric. J’ai mangé des pommes, des poires et tressé les premiers scoubidous avec Sacha Distel. J’ai connu l’explosion des yéyés : Johnny Hallyday, Sheila, Sylvie Vartan, Françoise Hardy mais j’aimais plutôt les marrants : Jacques Dutronc, Antoine, les Charlots, Michel Polnareff et j’ai même été fan de Claude François. J’ai honte quand j’y pense… et puis j’oublie. Au cinéma mes parents nous emmenaient voir les films avec Jerry Lewis et Dean Martin. Sinon c’était Darry Cowl, Bourvil, De Funès, Belmondo dans « Les Tribulations d’un Chinois en Chine »et puis la grande claque de Mary Poppins. J’ai eu une collection de porte-clés quand cela a été la mode. J’ai vu sortir en librairie les premiers albums d’Astérix et lu chez le fils du coiffeur les aventures de Tintin. La trouille avec Rascar Capac ! On avait le choix aussi entre Michel, Langelot, Alice, les Trois Mousquetaires, le Club des cinq, les Six compagnons et le Clan des sept ! A la radio on écoutait « La famille Duraton », « L’homme à la voiture rouge » « Quitte ou double ». Fernand Raynaud appelait le 22 à Asnières. Raymond Devos démontait la mer à Caen et Jacques Baudoin donnait des leçons d’anglais à Philibert. Henri Tisot imitait le général de Gaulle et Anquetil et Poulidor animaient le Tour de France. Puis sont arrivés James Bond, les Beatles, Bob Morane, Le Prisonnier et mai 68. Bref j’ai grandi dans les années 60, Joe Krapov.


- Tout ça ne me dit pas grand-chose, P’pa ! Pourquoi me parles-tu de cette époque révolue ?

- Parce que j’ai de plus en plus l’impression, vu le mal que j’ai maintenant à aller gagner ma vie dans ce monde de malhonnêtes, que ce sera mieux hier. Et depuis que mon hébergeur a fait disparaître dans les limbes les commentaires de mon blog, je sens que tout un pan de mon passé n’existe plus que dans ma seule mémoire plus très vive. En gros, j’ai envie de crier comme Harpagon : Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon passé. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête ! On m’a volé mon enfance, Joe Krapov !


- Une chose est sûre, P’pa ! Ce n’est pas moi qui ai fait le coup ! Moi je suis né en 1989, j’ai joué à Zelda sur une Game boy, j’ai commencé l’informatique sur un Amstrad CPC 464... Bref, j’ai grandi dans les années 90 ! Et ce que je peux te dire aussi c’est que ta surconsigne du jour, si tu ne l’as pas volée à Kyan Khojandi, je veux bien être pape !


- Volée, volée ! Tout de suite les grands mots ! Disons que c’est un hommage ou à la limite un plagiat !


- Ok alors chantons : Vamos à la plagiat oh oh oh oh oh Vamos à la plagiat…

  

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26 janvier 2013

Le culte de Paros (-Guirec !) (Joe Krapov)

Département de Seine-Maritime
Ville de Vascoeuil
Service de police municipale
N° 67/2012

Le 14 juillet 2012

Rapport d'intervention

Le brigadier-chef Gadoon
A Monsieur le Maire
Sous couvert de la voie hiérarchique

Objet : Arrestation de trois jeunes mineures pour attentat à la pudeur

Le 13 juillet, exécutant notre ronde de surveillance de la localité afin d'empêcher les débordements liés à la célébration de la prise de la Bastille et de quelques libations subséquentes, l'agent Gweltaz de Santrèze et moi-même le brigadier-chef Brice Gadoon avons interpellé trois gamines court-vêtues. Très courts-vêtues. A vrai dire il y avait même attentat à la pudeur vu que lesdites demoiselles étaient toutes nues.

Les avons sommées de nous présenter leurs papiers. Elles n'en possédaient pas présentement. Leur avons demandé de décliner leur identité, rogntudju.

L'aînée des trois a dit s'appeler Euphrozyne Kharitès, être la fille de Mathurin-Joséphin Zeus et d'Eurynomée-Aude Issava.

La seconde des sœurs, car il s'agit de sœurs a dit que pas du tout, leur papa s'appelait Hélios Iliaque et leur maman Eglé-Eglé Hellèdénôutre. Elle-même s'appelait Thalie et accusait son aînée de cacher son vrai prénom Charis.


La troisième a prétendu que les deux autres avaient bu et fumé et racontaient n'importe quoi. Leur père était Archibald Dyonisos et leur mère Coronis Corona, que c'était pas de la petite bière et qu'elle-même s'appelait Aglagla Aglaé.

- Pas du tout, à rétorqué l'aînée. Tu t'appelles Pasithée et tu es promise en mariage à Hypnos, l'opticien du village.
- Et toi , par Pausanias, tu t'appelles Cléta et je ne dirai pas les bruits qui courent sur toi, comme quoi tu es la spécialiste de la la sexualité en dehors du mariage !
- Arrête, Auxo, a dit la seconde. Si tu crois qu'on t'a attendue pour croquer la pomme et mener la danse !

Hégémone les a interrompues.

- En tant qu'aînée, si vous ne cessez pas de proférer des insanités, je vais faire appel à Antéros, Pothos et Thémis
- Parce qu'à titre grâcieux et avec constance mademoiselle joue les Bonacieux pour ces trois mousquetaires ? Laisse-moi rire, Phaenna !

L'agent de Santrèze et moi-même avons-mis fin à la diatribe des hétaïres en leur passant les menottes et en les poussant dans le fourgon où elles ont continué à raconter leurs salades.

Les avons mises en cellule de dégrisement puis avons tapé ce compte-rendu. Comme elles en étaient rendues à protester bruyamment et à nous dire d'aller nous faire voir chez les Grecs pour un motif que nous avons oublié, nous sommes allés ensuite terminer de surveiller la fête nationale qui est bien sympa aussi chez les Normands. Le Calvados vaut le détour et les gisquettes sont bien girondes.

Nos respects à vous-même et bien le bonjour à votre dame, Monsieur le maire !

***

- Bonjour. Ce serait pour déposer une plainte.
- Bien sûr, Monsieur. De quoi s'agit-il ?
- Je suis Monsieur Carzou, le conservateur du château-musée de Vascoeuil. Des individus malveillants ont profité de la fête nationale pour dérober dans le parc un groupe sculpté représentant les Trois Grâces.
- Les trois Grâces ? Vous savez leur nom ?
- Eh bien... A vrai dire, non.
- Nous non plus mais je pense que mes hommes les ont coffrées hier. Venez-voir.

Il entraîne le visiteur vers la cellule.

DDS 230 vascoeuil

- Ce sont elles ? Vous reconnaissez les faits ? Euh, les fesses ?
- Miracle ! Dieu soit loué ! En me présentant ces fesses, vous me tirez une belle épine du pied !
- C'est à mon corps défendant. Je vous prie d'accepter mes excuses au nom de mes troupes. On a arrosé un départ en retraite hier soir. Je pense qu'ils se sont livrés ensuite, un peu imbibés, à un enlèvement de statue. Ca arrive souvent à Rennes aux statues des baigneuses de la place de Bretagne.
- Mais... nous ne sommes pas en Bretagne ?
- Nous non mais Brice Gadoon et Gwen.. Gwerlt... l'agent de Santrèze viennent d'être mutés ici par sanction disciplinaire. Le chouchen tape dur là-bas, plus que le soleil dans le ciel et je ne sais pas si c'est une bonne idée, pour leur reconversion, de les avoir envoyés en Normandie. Je vous ferai livrer la statue au château cet après-midi par ces deux idiots, ça leur fera les pieds.
- Merci infiniment à vous commissaire. Commissaire... ?
- Gérard Mancinque !
- Mille grâces à vous, commissaire Mancinque !

***

Après le départ de l'homme de l'art, le commissaire se replonge dans la lecture de « C'est un métier d'homme » et il pense :
- C'est bizarre que plus personne ne connaisse les noms des trois Grâces. Il me semble que DeMonac, Amazing et Gunther, c'est pourtant facile à retenir, non ? »

 

 

19 janvier 2013

Meilleurs vieux ! (Joe Krapov)

Tap tap tap Chers défoants Tap tap tap du samedo Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap Je vius présente tap tap tap Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap mes meolleurs vieux ! * Smac ! Smac ! Smac ! Schpong Vroum Vroum Cling

 

Jeanne et Paul

 

Tap tap tap Ah ! Ah ! Ah ! Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap Binne année 2013 à vius ! Schpong Vroum Vroum Cling

 

Underwood

 


P.S.

Tap tap tap Je ne saos pas ce qu’elle a Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap cette voeolle machone à écrore Underwiid. Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap M’est avos qu’elle cinfind deux lettres. Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap Je pense qu’ol va fallior que j’onvestosse Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap dans une plus miderne Schpong Vroum Vroum Cling

Tap tap tap viore, carrément, dans un irdonateur !
Gasp !


*Mes meolleurs vœux, c’est quand ols étaoent jeunes !

Pas vrao, M’man ? Bosius ! Smac ! Smac ! Smac !

 

12 janvier 2013

Après le mariage de Charlotte et Capucine à Audrix (24) (Joe Krapov)

Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer. Il l’avait installée là, dans la chambre de l’hôtel, en attendant l’heure de la cérémonie et il ne se souvenait même plus, tant il était bourré au retour de la fête, de l’avoir rallumée. Pour écouter quoi, du reste ?

Deux types causaient dans le poste :

- Pourquoi est-ce qu’on a un problème avec le pluriel de pet-de-nonne alors que personne ne se pose de question sur celui de prout de mammouth ?
- Y’en a plus des mammouths !
- Et des nonnes, plus beaucoup non plus.
(Rires)

Il étendit le bras pour éteindre mais n’eut pas la force d’atteindre le bouton.

- Le curé mordille le bas de la religieuse. Ca ne pose de problème à personne !
- Ben quoi, il faut bien prendre des forces avant d’aller à la manif contre le mariage pour tous !
(Rires)

C’était quoi, ce talk show débile ? Il roula, étendit à nouveau le bras et éteignit. Pas la peine qu’on lui prenne la tête, il avait déjà une migraine carabinée. Trop bu, trop mangé. Un beau mariage bien arrosé. Trop !

- Aucun problème non plus si l’évêque se tape des cuisses de grenouilles !
- Du moment qu’elles ne sont pas de bénitier !
(Rires)

Allons bon ! La radio éteinte, ça continuait. Etait-ce dans sa tête ?

- Deux escargots de Bourgogne qui vont à l’enterrement d’une feuille morte au pays du kouign-amann, ils ne sont pas rendus, crois-moi !
- Eh, je le connais ce poème-là, c’est de Prévert ! Je ne suis pas Douarnenez de la dernière pluie, tout de même !
(Rires)

Ou alors, il rêvait déjà et dans son rêve il assistait à l’enregistrement de l’émission de radio.

- Faire le coup de la panne aux frangines, autrefois, c’était royal.
- Aujourd’hui ce sont elles qui tirent les rois et vous barbouillent de frangipane !
(Rires)

Etait-ce parce qu’il avait repris deux fois des quenelles de sabre à la sauce aux lardons que ces deux idiots n’arrêtaient pas de parler de bouffe ?

- Quand on est fondu de bœuf bourguignon il faut veiller à ne pas se laisser embrocher !
- En effet, l’huile est déjà chaude et les anthropophages sont affamés !
(Rires)
- Tu connais le bruit que font les cloches de l’abbaye de Westminster ?
- Non ? Dis voir ?
- Plum pudding puddong ! Plum pudding puddong !
(Rires)

Il avait maintenant les yeux grands ouverts. Ce n’était pas un rêve. C’était dans la chambre d’à côté.

- Quand Charlotte ramène sa fraise certains trouvent qu’elle est chou, d’autres trouvent qu’elle est tarte. Mais tous la dévorent des yeux car elle est mignonne à croquer.
- Même avec sa fraise qui la fait ressembler, à n’importe quelle heure du jour, à Marie de midi six.
(Rires)

Mais combien ils sont dans la chambre voisine ? Les deux qui causent déjà et combien qui rient ? Tout tangue autour de lui, la pièce tourne, il est à deux doigts de perdre connaissance.

- A la maison, on ne faisait jamais de pissaladière. Rien que le nom du plat nous coupait l’appétit ! Du coup on mangeait des tartes à l’oignon.
- C’est pas plus appétissant si tu vas par là !
(Rires gras)
- Dans la Forêt noire, le voyageur qui est égaré depuis huit jours, s’il est vraiment en manque, il n’a rien contre le boudin blanc.
(Rires encore plus gras)

Il n’en peut plus il se lève.

- Mille feuilles dans la Pléiade, si elles sont signées Proust ou Houellebecq, je les ramène à la pâtisserie et je me fais rembourser sous prétexte que c’est avarié.

Il allume dans la salle de bains, se penche sur la cuvette et vomit. Quand c’est calmé, il reconnaît le canard à l’orange et sa mousse de carottes, la tarte aux noix de pécan et cerises amarena et le trop plein de champagne absorbé. Il tire la chasse d’eau, boit encore un grand verre de flotte au robinet et va se recoucher.

On n’entend plus rien dans la chambre d’à côté. Il s’endort comme une merde.

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Le lendemain, il se réveille tôt, aussi dégagé que le ciel. Il prend une douche, s’habille et descend prendre le petit déjeuner.

Outre le serveur il y a déjà deux types assis à une table. Il remplit son plateau de croissants, de pain, beurre et confiture, d’un grand bol de café chaud et va s’asseoir à une des tables.

Il arrache une corne à son croissant, la trempe dans le café, la porte à sa bouche et à ce moment-là il entend le premier type dire à l’autre :

- Dans la voiture-bar du Paris-Bordeaux, ils ne vendent pas de Saint-Emilion, Loreille !
- C’est comme dans le Paris-Brest. On n’en trouve pas non plus, Lardu.
- Du Saint-Emilion ?
- Non, des Paris-Brest !

Il reconnaît les voix. Ce sont ses voisins de chambre. De chambrée, presque.

- Ce que j’aime par-dessus tout c’est enfiler mes pieds dans des charentaises et grignoter des chaussons aux pommes !
- Dans le Poitou, ils préfèrent faire l’inverse !

Puis les deux types se lèvent et sortent. Loreille et Lardu !

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Un peu plus tard dans la matinée, il règle sa note à la réception.
- Les deux types, dans la chambre à côté de la mienne, ils font de la radio ?
- Oui, monsieur. Ce sont Loreille et Lardu, les animateurs de l’émission culinaire de notre radio libre locale « Radio Marmiton Périgord ».
- Une radio libre ? En 2016 ? Ca existe encore ?
- Plus que jamais. Ils viennent ici pour enregistrer en direct live. En morte saison, on rentabilise les chambres de l’hôtel comme on peut. Vous n’allez pas vous plaindre du manque d’épaisseur des murs ? Les rires enregistrés ne vous ont pas empêché de dormir ?
- Non, pas du tout.
- Si vous l’aviez fait, je vous aurais répondu qu’au prix où vous avez payé la chambre il ne fallait quand même pas vous attendre au Carlton de Lille !
- Jacques Sternberg n’aurait pas coupé plus court.
- Jacques qui ?
- Laissez tomber, je ne me suis plaint de rien, Charlotte et Capucine sont mariées, la vie est belle et c’est tant mieux. Vous ferez mes amitiés à Loreille et Lardu !

Il sort au grand soleil, met la valise dans le coffre de la voiture, admire le ciel bleu, écoute les oiseaux et se prend à penser :
« Quand elle n’est pas signée de Stravinsky, la musique du Périgord est vraiment agréable ! ».

5 janvier 2013

Une vie de - bâton de - chaise (Joe Krapov)

Aujourd’hui, j’ai passé une bonne nuit. Le petit cabinet que l’on m’a octroyé dans l’aile gauche du château est décoré d’estampes représentant des scènes de chasse. La fenêtre donne sur la cour et le doux clapotis de l’eau dans les bassins a bercé mon sommeil de sa musique régulière.

Mais le soleil est arrivé et il va falloir que j’aille au travail. Ou plutôt qu’on m’emmène au travail. On n’a pas encore l’habitude par ici d’équiper tout un chacun de roulettes. Le skateboard et le patin en ligne attendront quelques siècles encore.

On me prend donc par les bras et l’on m’emporte avec aisance car je suis assez légère vers le lieu de spectacle où je vais faire mon office. Ma participation au show est à vrai dire assez minime car je suis du genre statique.

C’est l’autre emperlousé qui fait tout avec le petit Chose et les deux orphelines. A peine a-t-il paru que l’on se presse autour de lui, qu’on s’empresse de savoir s’il a bien dormi, si les bijoux de la famille sont toujours bien conservés, s’il va bien.

Ca, pour aller, il va. Il y a même des jours où il va tellement bien que j’ai envie de crier pouce. Et quand il ne va pas, ce sont ses coaches qui crient "pouce" mais avec deux esses. A la fin du spectacle tout le monde l’applaudit. Il n’y a pas de cérémonie de remise des prix. Ma participation au show me vaut une médaille de bronze mais j’aimerais bien qu’on me la remette avec un peu plus de respect.

Je ne demande pas la Lune, quand même ! Je l’ai déjà. Simplement, comme Diogène en son tonneau, je rêve que les plus grands s’ôtent de mon soleil. Vouloir s’élever, dans la vie, vouloir aspirer à la pureté des cîmes, à la grandeur des pins des Landes plutôt qu'à celle des rupins de Versailles, ça n’est pas un crime d'alèse-Majesté ? Si ? Le quotidien est parfois si ennuyeux et trivial pour les magistrates du siège ! La poule au pot tous les dimanches, ça c’est un programme qui m’aurait plu, bien davantage que ce « les tas, c’est moi » auquel je suis condamnée, percée jusques au fond du cœur d’une atteinte imprévue aussi bien que mortellement pestilentielle.

DDS 227 Louis XIV

 

22 décembre 2012

Lettre à Monsieur le Directeur du Musée du Louvre à Lens (Joe Krapov)

Cher Monsieur

 

DDS 225 Bertin par Ingres

Mon épouse et moi-même avons été très déçus par la visite de votre institution. Nous avons trouvé que « le portrait de Monsieur Bertin, mineur silicosé » par Jean-Dominique Ingres manquait un peu trop de vraisemblance. On voit là un bourgeois quelque peu enveloppé, à la limite de l’apoplexie d’avoir trop mangé de carbonade flamande, et c’est peint avec un style très réaliste sauf que ce monsieur a plus une tête de professeur en retraite que de prolétaire à l’article de la mort. Mais bon, je vous l’accorde, Germinal est loin derrière nous, tous les puits de mine ont fermé et des anciennes "gueules noires" ne restent que les veuves. Mettons aussi à part le fait que monsieur Ingres était tellement miraud que toute sa vie il a cru qu’il jouait du violon alors qu’il faisait de la peinture. Comme Beethoven mais dans l’autre sens.

Ce qui nous a vraiment déçus, c’est ce qui n’était pas là, et donc, essentiellement, la Vénus de Milo à qui nous vouons une passion sans bornes, un amour superbe et généreux. Voyez-vous, nous avions beaucoup à offrir à cette brave dame. Elle s’est élevée jusqu’à la célébrité à la force du poignet, elle n’a jamais ménagé ses efforts pour satisfaire tout le monde bien qu’elle n’eût pas quatre bras et elle a fait tant et si bien des pieds et des mains qu’elle est devenue l’attraction n°1, avec Madame la Joconde, bien sûr, de votre antenne parisienne.

 

DDS 225 Venus_de_Milo_Louvre_Ma399

Mon épouse et moi sommes de fervents admirateurs de cette top-model des temps antiques et pas en toc. Nous avions eu l’idée, en remerciement de votre implantation dans notre région, en plus des dix euros que je joins à ce courrier pour vos oeuvres, d’essayer de réparer les outrages des ans. En effet, en tant qu’anciens commerçants de la place d’Hénin-Liétard, nous tenions le magasin de vêtements « Au mineur-campeur ». A la retraite bien sûr, nous avons fermé boutique mais nous avons conservé une partie de notre stock et notamment les mannequins que nous exposions dans la vitrine. Je pense que dans toute cette équipe de bras cassés nous aurions pu trouver quelques membres encore actifs pour rendre à la Vénus son intégrité corporelle. La pauvre a bien mérité elle aussi une petite séance de chirurgie esthétique et ici, dans le Nord, comme on a dans le cœur le soleil qu’on n’a pas dehors, on était prêts à vous céder gratuitement ces rallonges.

Si notre proposition vous intéresse, vous pouvez passer chez nous à l’heure du café dimanche prochain. On passera la wassingue exprès, on vous offrira la bistouille pour discuter de cela et aussi des œuvres picturales d’Isidore Ducasse que notre voisin, M. Pivoine, ancien tenancier de manèges, pense avoir dé(mar)gottées à la dernière braderie de Lille.

 Nous habitons toujours au-dessus de notre magasin, place Fernand Darchicourt (comme les bras de la Vénus !) au n° 3 à Hénin-Beaumont. Dans l’attente de votre visite, nous vous souhaitons, cher Monsieur le Directeur, bonne installation en pays minier et bienvenue chez les Ch’tis.

                                     Louis et Marie-Anne Grosquinquin

N.B. Si ce type de courrier vous plaît, chères et chers Défiant(e)s, je vous recommande la lecture de « Moi et la reine d’Angleterre » de Patrice Minet qui a consacré tout un livre à sa correspondance rigolote avec des personnalités diverses et variées.

15 décembre 2012

Végétarien(ne)s s'abstenir (Joe Krapov)

Végétariens, végétariennes, s’abstenir ! A midi, il y aura du cadavre d’animal dans les assiettes ! Mais avant cela il me faut attendre dans la queue, parmi des mamies à caddies (et pas des mamies d’Acadie chères à Michel Fugain) et des retraités heureux : il leur est resté des dents.

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Heureusement le bestiau crevé ne sent rien ! Sa viande est suspendue aux esses. L’usage de ce substantif ne vise pas à faire la preuve que l’auteur a des lettres mais qu’il a pratiqué jadis le cruciverbisme, le scrabble et l’anagramme ! Le quartier entier vient ici acheter l’élément central du repas de midi, ces quartiers d’animaux que l’artisan divise en suivant les desiderata que ses clients émettent. Derrière chaque demande il y a ce cri ancestral : « Pas de quartier !». Une devise de sauvage qui traverse le temps ! La vie est ainsi faite qu’elle est cruelle aux faibles. Ici, de la queue du taureau aux entrailles de la génisse, la chair de l’animal abattu est charcutée, parée, débitée dans une ambiance finalement assez gaie : les mecs en tablier et chemise bleu gris sifflent des airs de « La Vie parisienne » tandis qu’un peu de sang s’épand de ci de là cahin caha sur le marbre et le carrelage. Mais la sciure, c’est bien là qu’elle a de l’utilité !

Déjà, dans la vitrine du magasin, celle sur laquelle les passants zyeutent depuis la rue, un pauvre veau au regard éteint fait la tête, dans une indifférence généralisée, parce qu’il lui a été inséré dans chacune de ses narines un paquet bien vert de branches de persil. Quelle idée, franchement ! Il y a un chant ancien qui parle de cela, qui fait rire plus d’un pékin en disant l’absurdité de cette pratique, en la ramenant à l’humain.

Pendant l’attente dans la file, j’ai une pensée émue à l’égard du sieur J.-C. Averty en apercevant l’équivalent de ses bébés trucidés. Leur chair hachée pend tristement à la grille de la machine à décerveler. Celle-là eût plu à Ubu, le déjanté Sire né à Rennes. Ah la la qu’est-ce que Jarry, mais en silence quand même, des cheminements de ma culture qui va du télévisuel au théâtral en passant par le musical ! Qu’est-ce que je trimballe, décidément !

Au frais, derrière les vitres réfrigérées, des tas de victuailles attirent les regards des clients. Le cervelas ne se lasse pas de pulluler, l’araignée rêve de s’appeler Gipsy, la bavette demande à être taillée, l’aiguillette perd le fil de ce que jaspine la crépine, la macreuse aguiche la cliente à belles miches. Le faux-filet sait bien qu’il est destiné à finir emmené dans un vrai. La langue rêve-t-elle déjà de persillade ? Le veau a-t-il idée qu’une certaine Paulette sera décrétée par l'assemblée rassasiée reine des paupiettes ?

Vu que le maître de céans fait aussi charcutier-traiteur, il y a des chapelets de saucisses, des pâtés divers, des plats préparés à réchauffer, du hachis Parmentier, du museau vinaigrette, des pieds panés… D’aucuns, d’aucunes, par avance, se lèchent les babines. Simplement, ainsi que je le disais au début, végétariens s’abstenir !

Je n’ai qu’une autre certitude en ce lieu c’est que la brave dame assise dans sa caisse dégage une sensualité intense. Elle aussi est bien en chair et elle dégage autant de sex-appeal que la caissière du grand café chère à Fernandel. Le travail fini, le rideau de fer baissé, les carcasses rangées, à l’abri des regards mais si près de la rue, il s’en passe certainement de belles dans ce ménage ! J’aime à imaginer les étreintes enivrantes auxquelles les a menés leur désir exacerbé par l’inactivité, l’attente, le bruit du maniement des tranchelards, des lames et des instruments de métal qui s’abattent sur les carcasses, les pénètrent, les lacèrent, en extirpent le meilleur, les agitent, les emballent, et bibi, lui aussi, dans la file d’attente des tapas s’emballe : se peut-il que le charcutier manie avec la même vigueur sa mie que sa galantine ? Que la vue permanente sur ces cylindres durs, ces messieurs musclés qui s’agitent, à elle, lui fasse un effet… stimulant ? Qu’ils ahanent pendant le déduit, ici-même, sur l'étal, les pieds dans la sciure... ?

Mais il faut que je cesse de décrire ce lieu et d’énumérer mes fantasmes d’égrillard quasi Strauss-Kahnien, bien allumé, bien grillé, qui, bien avant que les Chrétiens ne célèbrent la naissance du Christ et que le vieux barbu qui passe par la cheminée n’entasse au pied du sapin les cadeaux des bambins, se farcirait bien la dinde aperçue là, qui ressemble un peu à Pétula Clark. Mrs, please, clarkez lui le beignet à l’Augustin !

- Qu’est-ce que ce sera ? demande le mari de la belle aguicheuse.

- 200 grammes de steack haché.
- Il y en a un peu plus. Je le laisse ? Et avec ça ?
- Une demi-épaule d’agneau.

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Je lui permets de me suggérer d’en faire un navarin - pas la peine de lui parler de cuisine indienne, à lui, byriani, il ne sait certainement pas ce que c'est ! - puis je vais à la caisse régler mes achats à Peggy. C’est ainsi que j’ai baptisé la femme du butcher, du blase de la peluche à grand cils des Muppets.

Je lui tends un billet de vingt, elle m’en rend un de cinq et des petites pièces et, je ne rêve pas, me glisse un petit papier manuscrit plié en quatre dans la main.

Je quitte l’établissement en saluant ces braves gens, je fais quelques pas dans la rue et m’arrête devant la pharmacie. Là je déplie le truc et je lis :

Cher Augustin
J’ai bien reçu ta lettre. Je ne savais pas que tu m’aimais autant. C’est d’autant plus curieux que tu ne m’as jamais fait d’aveux ni laissé paraître aucun signe de cela auparavant. Cependant – ne jette pas la pierre à la femme adultère ! - l’idée d’une aventure ensemble m’intéresse bien. En vue de se divertir Maxime va passer quelque temps, chaque mardi après le travail au club de bridge de l’avenue Trudaine. Le quartier est ainsi libre, si je puis dire. Viens vers 21 heures. Tape sur le rideau de fer, je serai derrière et te ferai entrer dans le magasin et peut-être dans ses dépendances si affinités. Je t’assure que tu ne seras pas déçu de la visite. Tendrement. Emmeline Sanzeau.

La lettre que j’avais perdue ! C’était ici, l’autre matin en achetant du lapin ! C’est elle qui l’a ramassée ! Une lettre destinée à Irma, l’assistante de la cantatrice. Dans quel pétrin me suis-je fichu ? En même temps, quand le rêve d’un instant devient réalité, faut-il cracher fâché sur le lama argenté ?

***

Pendant ce temps, au château, un énième appel mal aiguillé retentit, dérangeant le capitaine dans sa sieste.

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P.S. Les plus perspicaces des lecteurs et lectrices du Défi du samedi l'avaient deviné, bien entendu. Maintenant les autres savent quelle lettre a disparu dans ce texte qui aurait peut-être pu aussi s'appeler "une aventure inédite de Tintin" mais je ne veux pas d'ennuis avec Casterman !

 

1 décembre 2012

Le chant des optimistes (Joe Krapov)

Mais c’est rien, la fin du monde ! C’est rien du tout !

Et puis vous n’allez pas tout de même pas croire des charlatans qui n’ont même pas été fichus de prévoir l’écroulement des deux tours du World Trade Center ni le tsunami au Japon ni Tchernobyl ni Fukushima ni le Pen au deuxième tour en 2002 ni la défaite de Sarkozy en 2012 ni l’éclatement de l’UMP ni la chute du mur de Berlin ?

Quoi ? Vous continuez de porter du Paco Rabanne ? Vous non plus vous ne croyiez pas à l’efficacité de la ligne Maginot contre l’avancée des chars russes après l’élection de Mitterrand en 1981 ?
Puisque je vous dis que ce n’est rien, la fin du monde !

L’Empire romain s’est écroulé mais ça n’a pas empêché Mussolini ni Berlusconi de manger des macaronis entre deux séances de bunga-bunga ?
On a connu le sac de Rome mais Gucci en vend de très beaux et ceux d’Hermès ne sentent pas le pâté non plus ! (J’espère qu’ils vont me verser quelque chose pour leur avoir fait de la publicité par ici !).
Pompéi a disparu mais Pont-Péan  est toujours debout !

Tout le monde est rivé devant l’écran, fiché sur Facebook, abêti par la téléréalité et les journaux gratuits mais personne ne m’empêche de lire « Le Canard enchaîné », l’hilarante autobiographie de Neil Young, de chanter du Brassens et de déblatérer sur le Défi du samedi ! Alors ? Il ne va pas bien, le monde ? Il arrive à sa fin ? Il y aurait un terme à ce paradis ? Allons donc ! C’est comme si un stupide médecin voulait me faire croire que je ne suis pas immortel ! J’en ris d’avance !

La Bérézina ne fut pas une mince affaire et Waterloo a été une morne plaine mais même si tout empire chaque jour, vous buvez toujours autant de fine Napoléon qu’avant, non ? C’est la crise depuis 2008 mais le code civil est toujours debout et les institutions comme le mariage n’ont jamais fait autant florès, non ? C’est bien simple, le fait de se passer la corde au cou rend tout le monde gay ! Rions, mes frères, marions, mon maire, parions, mes pairs que le 21 décembre au soir mon cher oncle Walrus me maudira encore et toujours d’avoir posté si tard mon billet de tocard (je mériterais un sceptre !) pour le Défi du lendemain !

La fin du monde ! Vous me faites rire !

Par contre, vous imaginez ? Si vous attrapiez « cette maladie infectieuse due à la bactérie Streptococcus pyogenes, un streptocoque du groupe A, grandes colonies » (et pas de vacances !) et que ça vous flanque plein de boutons sur la peau ?
Un truc « complètement toxinique, c'est-à-dire que les streptocoques sécrètent des toxines dites érythrogènes encore appelées exotoxines pyrogènes : A, B, C, D. » Qu’en plus « ces toxines sont immunogènes, elles sont responsables d'une vasodilatation, associée à un œdème dermique et à un infiltrat lymphocytaire. » Hein ? Vous voyez d’ici le tableau ? Vous vous imaginez avec « la coloration rouge-lilas caractéristique de la peau que confère cette affection, provoquée par les toxines érythrogènes secrétées par les streptocoques » (oui je sais je l’ai déjà écrit mais comme j’imite Houellebecq – une fin du monde à lui tout seul, ce mec-là ! - et que je recopie le descriptif de Wikipédia pour tirer à la ligne, ce n’est pas moi, ce sont eux qui se répètent !). Je vous entends gémir d’ici, le jour où vous aurez chopé la deuxième maladie ! (« Le nom « deuxième maladie » provient du fait qu'à l'époque où l'on a voulu établir une liste des maladies provoquant un exanthème infantile, elle a été la deuxième à être énumérée »).

Non, non, en vérité, je vous le dis, croyez en ma longue expérience, la fin du monde, ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine ! 

24 novembre 2012

Ronde des saisons ou saison des rondes ? (Joe Krapov)

1
Quand elles ont suivi régime
On peut parfois faire son deuil
De certaines dames accortes

A l’état de sac d’os réduites
Honorer ces côtes saillantes
Devient terrible sacerdoce

2
Quand l’automne a commis ses crimes
Il en est peu qui se recueillent
Devant toutes ces feuilles mortes

Quand vous étiez toutes petites
Vous ramassiez ces encombrantes
Et pensiez en faire négoce

3
Il est assez illégitime
De les fourrer en un cercueil
Ce serait trop d’émotions fortes

Certaines sont de vraies pépites
Leurs couleurs sont si éclatantes
Qu’on s’imaginerait à la noce

4
Pour son petit journal intime
L’adolescente émue en cueille
- Des marques pages en quelque sorte ! –

Dans ce feu tous les mots crépitent
Les confessions sont plus troublantes
Et la plume devient véloce

5
Ce que la saison froide abîme
Nous est un tel régal pour l’œil
Que sans cesse je prends la porte

Tant d’images que j’ingurgite
Loin du vieux confort des fauteuils
Avec un appétit féroce !

6
A la muse je paie ma dîme
Sous forme de photos charmantes
En espérant bien qu’il en sorte

Pour vos feuilles (*) un peu interdites
Des mélodies sérénisantes
Et des réminiscences gosses

7
Et pour vos yeux brillantissimes
Effarés des belles mourantes
Je souhaite que vous réconfortent

L’idée d’un printemps de redites
Et les chaleurs alanguissantes
D’un été toujours plus précoce !  

 

 (*) Feuilles signifie "oreilles" en argot. Beethoven avait tellement les feuilles mortes qu'il se prenait toujours des râteaux avec les filles alors que, tout le monde le sait, il suffit de leur fredonner l'air de la Sonate au clair de lune pour qu'on en arrive très vite au roulage de pelle. D'où l'expression bien connue : "les feuilles mortes se ramassent à la pelle". OK, je sors !

 

17 novembre 2012

Elle est bien bonne ... du curé (Joe Krapov)

- Est-ce que vous lisez les modes d'emploi ?

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- J'voudrais bien... mais j'peux point !

10 novembre 2012

Fable africaine (Joe Krapov)

En son for intérieur, quand le marabout
Bout, son épouse en boubou a les nerfs en pelote de ficelle.

Fi ! Celle de leurs deux filles qui connaît la grammaire
Amère à l'écurie va seller deux chevals (1).

Un pâle freux niais kényan, champion de course à pied
Sans papiers ni cale-pieds lui met la main aux fesses.

Elle le traite de cochon, de laid
Et lui de vache en s'enfuyant

- Cheval dire à ma mère ! » entend-il dans son dos
Car la bravache de ferme
Ouvrant sa grande boîte lui a rivé son clou.

Mais aciérie comme ça ! C'est l'heure, à la cuisine,
De préparer le riz pilaf pour l'affligeant
Père marabout qui bout
Et la mother aux nerfs en pelote de ficelle
Qui se met à gronder :

- J'en ai marre marabout bout de ficelle selle de cheval cheval de course course à pied pied de cochon cochon de lait lait de vache vache de ferme ferme ta boîte boîte à clous clous d'acier aciérie riz pilaf affligeant j'en ai marre marabout ! (2)

En son for intérieur, et même fort à l'extérieur

Quand la marabunta gronde
Il vaut mieux se sentir des fourmis dans les jambes
Et les prendre à son cou de revolver du starter
Pour aller voir ailleurs ou dans le pré du voisin si le bonheur y est
Ou si l'herbe est plus verte.

(1) : « L'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire pour savoir que chez Citroën on dit maintenant deux chevaux » - Henri Sarkoguaino

(2) :  Mon système D à moi s'appelle "l'Agenda du presque poète" de Bernard Friot. J'y ai trouvé la consigne d'écriture, que j'ai mal respectée mais c'est comme ça, du poème dont la première syllabe (ou le premier mot) est la même que la dernière du vers précédent.

3 novembre 2012

Le folklore armoricain (Joe Krapov)

Après l'exécution d'un morceau de Mozart, le silence qui suit est aussi de Mozart.

Tandis qu'après l'exécution d'un morceau par Joe Krapov, ce qu'on n'entend pas, c'est la petite voix intérieure qui lui demande :
"Mais quand donc feras-tu silence ? Tais-toi, donc !".


P.S. Pour respecter la consigne, je vous fais grâce des paroles qui figurent ci-dessous en blanc, tels une minute de silence : amis masochistes, c'est le moment d'utiliser votre clic droit !

Le folklore armoricain /
Joe Krapov-Sheila

1
Je ne sais pas si vous êtes comme moi
Mais chaque fois ça me met en joie
D'écouter jouer sur un crin-crin
Un vieil air du folklore armoricain

Aussitôt je cours je saute
Je danse l’an dro et la gavotte
Je prends par l’auriculaire
La grand-mère de Fanch Quéméner

Refrain
Woh………
Ring ding ding car j'aime bien
Le folklore armoricain
Ring ding ding car j'aime bien
Le folklore armoricain

2
L'Armorique ça me fait rêver
Mais faut que’j bosse et j’ai pas l’temps d’y aller
Pourtant j’ connais tous les refrains
Tous les airs du folklore armoricain

Et je sais qu'un jour prochain
Je visiterai les Briochins
Pour pouvoir écouter l’biniou
Du bagad de Pleumeur Bodou

3
Si un jour un garçon me plaît
Les premiers temps je lui demanderai
Si comme moi il aime bien
Les vieux airs du folklore armoricain

S'il dit oui c'est merveilleux
Nous pourrons danser tous les deux
Le plinn et la danse fizel
En écoutant Alan Stivell

4
Et plus tard si nous nous marions
C’n'est pas Venise que nous choisirons
Car les gondoles ça ne vaut rien
Pour les airs du folklore armoricain

Je voudrais tellement qu'il soit
Aussi écologiste que moi
A Bénodet ou Concarneau
Nous protègerons les bigorneaux

13 octobre 2012

Les petits quatre-quarts du bijoutier breton (Joe Krapov)

- Alors, Krapov, cette symétrie ? Horizontale ?

- ...

- Verticale ?

- Les deux, mon général !  

 

 

P.S. Les photos ont été prises à Rennes, Lille, Bruxelles et Mers-les-Bains. La musique est un traditionnel flamand intitulé  Stokkendans qu'on trouve, bien mieux interprété que par moi-même avec mes trois guitares, sur l'album « Schoon lief » du groupe 't Kliekske.

6 octobre 2012

Un petit Suisse des brouillards (Joe Krapov)

Bien que fort gracieuse, la guide touristique galopait gaillardement dans le brouillard épais de Garges-les-Gonesses et cela la faisait ressembler à une grande girafe quelque peu incongrue aux yeux des bradeurs matinaux. Dans son sillage elle entraînait six solides Suissesses qui sinuaient en silence parmi le bric-à-brac. Cette scène surréaliste était tout à fait contradictoire avec le proverbe qui insinuait ceci : « Quand une Suissesse rencontre une autre Suissesse, elles se racontent des histoires de petits suisses ».

Parmi les parapluies rouges, les crucifix rouillés, les tabourets vintage et les plaques émaillées vantant le Dubonnet, dans le grand vide-grenier de Garges les Gonesses, ces dames de l’Académie « Parce que je le Vaud bien », massées derrière la greluche en rose, cherchaient le Z. Il leur fallait mettre en effet, à leur dictionnaire du jeudi, un terme apothéosocratique. Par Zeus ! Il fallait voir comme elles retournaient la zibeline, malmenaient le zinzolin sur les étals, rêvaient de dénicher le baiser de Zézette, l'aspirateur de table de Zigmund, le boa de la grande Zoa et toisaient le zébu miniature qui avait orné autrefois le buffet d’un vieux zouave. La première d’entre elles, madame Colette, poussa soudain un cri qui les fit venir se masser autour d’elle.

 

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- Venez donc voir ce livre, mes amies !

Tout le monde s’agglutina autour d’une vieille valise en imitation de peau de crocodile. Le brocanteur s’y méprit et crut qu’on s’intéressait au contenant plutôt qu’au contenu.

- C’est une valise historique, leur dit-il. Elle a appartenu à un missionnaire de Cochinchine, le père Rothschild S.J Il était à bord du Titanic quand celui-ci a fait naufrage.
- Peu nous chaut ! répondirent les Suissesses-drôlesses.

Elles formaient un groupe si compact que maintenant, manifestement, la traversée de la braderie allait être houleuse. La trouvaille passa de mains en mains, atterrit dans celles de Marie-Madeleine Trainmusical qui avait fait du théâtre dans son jeune temps.

- C’est le livre des chansons de Zofingen !
- Tourne les pages, Marie-Madeleine !
- Ce sont des chants patriotiques suisses et d’autres fantaisies des montagnes. Ecoutez celle-ci !
- Ne la chante pas, s’il te plaît. Derrière le brouillard, le ciel est menaçant mais il ne pleut point encore !
- Ca ne risque pas, commenta Sophie Sirupeaux. J’ai dans mon sac à dos ma cape de pluie fluo qui pèse trois kilos. Chaque fois que je l’emporte, il ne pleut jamais !
- Et moi je ne risque pas de chanter, se justifia madame Colette. Je ne lis pas la musique. Dis-nous les paroles, Marie-Madeleine. Avec le ton, s’il te plaît.

Un petit Suisse des brouillards

1
Dans sa trente-cinquième année
Le nain du cirque Barnaboum
Se mit à grandir soudain’ment.
C’était un phénomène dément
Que chantèrent dans maints pantoums
Quelques poètes forcenés

Vivent les gens de Zofingen
Qui adorent le mirobolant !

2
Ca s’passa sur un quai de gare,
Un matin, près de Paddington,
Alors qu’il attendait le train.
Il sentit d’abord que ses mains
Dev’naient raquettes de badminton.
Il trouva ça un peu bizarre.

Vivent les gens de Zofingen
Qui sont tous des as du volant !

3
Ai-je dit qu’il s’appelait Georges ?
Sous ses grands pieds un peu clownesques
Il lui poussa des talonnettes
Et, au niveau de la braguette
Un manche à balai gigantesque
Qui aurait plu aux filles des Forges.

Vivent les gens de Zofingen
Qui vont toujours caracolant !

4
Il grandit, grandit et grimpa
Si haut qu’il gagna les nuages.
Alors, d’un coup, il s’envola.
Tout le monde fit la hola
Quand on vit le nain des Alpages
Devenir un soleil sympa.

Vivent les gens de Zofingen
Qui sont souvent désopilants !

5
Gloire à lui et gloire à sa cuisse !
Là-haut, quand le soir il se couche
On a tous le cœur grenadine
Mais de dessous sa gabardine
Coule un miel vert qui vient, nous douche
Et rend plus belle encore la Suisse !

Vivent les gens de Zofingen
Qui aiment le sanguinolent !

Très émues, les dames de l’Académie se turent. Madame Colette, qui avait été bibliothécaire autrefois, chercha la date d’édition de l’ouvrage et trouva « 9e édition augmentée de 28 nouveaux morceaux. - Lausanne : Georges Bridel et Cie éditeurs , 1901». Elle sortit son porte-monnaie et dit au marchand :

- Vous le vendez combien celui-ci, monsieur ? On va peut-être vous le prendre.

Elles furent très étonnées de la réponse du vendeur :

-C’était durant une nuit sombre
Et impétueuse.
Nous étions alignés en nombre
Et la tueuse
Surgie de sinistres décombres,
Talentueuse
Exécuta son œuvre d’ombre
Et nous faucha.
Cinq euros !

L’affaire fut conclue. A l’issue de cette matinée gratinée où elles avaient déniché sur ce champ de bataille du passé tout ce qu’elles cherchaient depuis toujours, ces dames s’en retournèrent en Suisse achever leur dictionnaire. Elles n’oublièrent pas de rémunérer leur guide gracieuse mais non désintéressée, Mlle Isaure Chassériau qui leur avait vendu ce « Parcours du vide-grenier magique ».

- Et encore, conclut-elle en les quittant, ici ce n’est rien par rapport à la braderie Saint-Martin à Rennes !".
-
Sacrée Isaure ! Elle disait vrai comme toujours. Moi qui, depuis quinze ans, ai mis mes pas dans les siens pour trouver de la fantaisie dans la vie, je puis vous l’avouer, mes ami(e)s : avec elle, je suis servi !

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Image de brouillard sur la Suisse... normande (!) prise à Clécy (Calvados) le 21 juillet 2012

 

29 septembre 2012

Témoignage de client n° 56 (Joe Krapov)

Ça me tracassait un peu de partir avec cette fille-là pour guide. Non pas qu’elle fût moche, qu’elle eût des seins flasques ou le nez ailleurs qu’au milieu de la figure. Au contraire, elle n’était pas mal du tout malgré son postérieur un peu large et des yeux quelque peu inexpressifs qu’elle cachait derrière des lunettes noires et rondes. Louchait-elle ? Voulait-elle se donner un genre ?

Non, ce qui me gênait le plus au départ, c’étaient les conditions de ce voyage. Ce n’était pas un problème de monnaie ; de l’argent, j’en avais plein le portefeuille à l’époque. Ce qui commençait à m’énerver un tantinet, c’était de ne pas savoir où on allait, de demeurer silencieux tout du long, sans pouvoir communiquer avec celle qui tenait pour moi le rôle d’Ariane mais se taisait. Mais bon, c’était bien là ce qu’on m’avait promis à l’agence de voyages.

- Oui, c’est cher mais c’est normal mon bon monsieur, on vous emmène au bout du monde, on vous sort du train-train quotidien sans vous envahir et en vous laissant libre d’agir à votre guise deux jours sur trois ! Le tout dans un silence total afin d’exacerber vos sensations ! ».

C’était difficile de résister à Isaure Chassériau ! Cette jeune entrepreneuse n’arrêtait pas de rire, se vantait de pouvoir vous vendre de l’inattendu et dans son « Agence de flânerie amoureuse de Rennes », située au milieu de la rue d’Antrain, le nom de la rue avait déteint sur l’humeur de ses habitant(e)s. Un enthousiasme communicatif.

 

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- Vous partirez avec Nathalie. Vous pourrez lui raconter votre passé, lui chanter toutes chansons que vous voudrez, vous plaindre, lui casser les oreilles si le parcours ne vous plaît pas. Elle n’en prendra pas ombrage, ne se départira pas de son sourire distant, ne répondra pas : elle est sourde et muette. ».

Voilà. J’avais payé, reçu une photo de mon sherpa, noté le rendez-vous place de la Gare. Mon guide, vêtu de rouge des pieds à la tête, était à l’heure pour le départ le lendemain après-midi. On avait quitté Rennes en train, pris le métro entre la gare Montparnasse et la gare de Lyon. Là on était montés dans un train de nuit et au matin, surprise, le train avait été entouré d’eau des deux côtés puis s’était arrêté dans la gare de Santa Lucia. A Venezia ! Venise !

J’avais été stupéfait de voir toute cette circulation sur le grand canal, de découvrir que la ville, malgré toute cette eau dormante ne sentait pas si mauvais que ça. N’en déplaise à Thomas Mann et Lucino Visconti, ce ne devait pas être si détestable que cela de mourir à Venise !

A hôtel j’avais vidé ma valise, m’étais installé dans la chambre 28 de cette « Pensione Wildner » située sur la Riva degli Schiavoni, non loin de la place Saint-Marc. Nathalie était venue me retrouver, m’avait tendu une enveloppe. Voulais-je voir le bout du monde tout de suite ou préférais-je jouer au touriste paresseux et convenu avant de m’y aventurer ? J’ai choisi cette deuxième option.

Même sans ma cravate laissée à Rennes j’ai fait la vie pendant deux jours et je me suis habitué aux folies de la ville en fête et aux silences de la fille en rouge. On est allés boire au Harry’s bar, montrer nos binettes au Florian pour s’y emplir l’estomac et on a assisté aux bals et opéras donnés à la Fenice pour les fortunés de passage.

Le troisième jour au matin, à l’issue du petit-déjeuner, nous délaissâmes la vue magnifique sur l’île de San Giorgio maggiore et nous allâmes prendre le vaporetto en direction du Lido. A l’arrivée pas question d’aller voir les aristocratiques hôtels et les grandes plages de sable garnies de transats bien alignés. Pas question de se baigner non plus. Nathalie me gratifia d’un ticket et nous montâmes dans un bus archaïque.

C’était drôle de retrouver des voitures ici ! Le véhicule s’emplit de quelques autochtones puis le chauffeur démarra. On longea l’arrière des hôtels et puis bientôt ce fut un voyage dans le temps. Avec toujours la mer à notre gauche, on traversa des petits villages pas bien différents de celui où créchait-prêchait l’ineffable Don Camillo. Au bout de quelques kilomètres le bus stoppa. Alberoni ! Je voulus descendre avec un petit groupe de vieilles dames du coin mais Nathalie mit sa main sur ma cuisse. Pas encore l’heure d’user ses chaussures, il fallait attendre. Attendre, oui, mais quoi ? On était rendus au bout de l’île, face à la mer avec une autre île face à nous et bientôt, très surpris, je compris ! Pour aller de l’autre côté, sur ce territoire en pointillé le bus devait emprunter un bac ! Si tu veux aller au bout du monde, passe ton bac d’abord !

L’île suivante, toute en longueur également, était encore moins peuplée que le bout de la précédente. Une longue muraille triste faisait rempart contre les colères de l’Adriatique. Nous traversâmes un dernier petit village, Pellestrina, et le chauffeur nous dépota près d’un petit cimetière balayé par le vent. La lagune d’un côté, la mer de l’autre qui pénétrait devant nous en grosse vagues mélancoliques par cette passe vers la Sérénissime. Nous deux, seuls, sur une bande de cailloux qu’agrémentait, outre le vent et la tristesse, un embarcadère. En face, une troisième île. Nous attendîmes là une bonne demi-heure, sans que je comprenne le sens de ce paysage et de cette randonnée. Est-ce que je me trompais ? J’avais une impression de Styx et d’Achéron alors que d’ordinaire je suis plutôt volontaire pour Cythère que pour les mystères des Enfers. Qu’est-ce qu’on attendait là ? Une voiture qui nous ramènerait à la maison ? Où est-ce qu’on était ? Comment s’appelait ce lieu de désolation ?

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Nathalie était tournée face à la lagune. Je regardais ses longues jambes, son dos impassible, ses habits en harmonie de rouge et je songeai d’un coup à l’enseigne de ce magasin de mode, place Rallier Du Baty, à Rennes : Rouge Venise.

Au bout d’un long moment on entendit comme un bruit de caboteur, en fait le « pop pop pop » d’un vaporetto rustique. Se tordant les pieds sur les cailloux, Nathalie revint vers moi et me glissa sous les yeux un billet tapé à l’avance :
« Le bout du monde est ici. Nous pouvons y passer la journée à ne rien faire, ne rien voir, ne rien dire, savourer l’atmosphère… Si vous le préférez, le vaporetto nous emmène à Chioggia, un sympathique village de pêcheurs qui a gagné en célébrité depuis que Carlo Goldoni y a fait du barouf. Enfin, si vous avez des fourmis dans le pantalon, j’y connais un hôtel des plus discrets où nous pourrions lier plus ample connaissance. »

Que croyez-vous que j’aie fait ?

Nous sommes restés-là toute la journée. J’ai pris quelques photos, j’ai sorti un cahier, pris les notes qui m’ont servi à rédiger ce récit de voyage. Hè quoi, j’avais payé pour aller au bout du monde et j’y étais, non ?

***

Mais non, je galèje ! L’hôtel de Chioggia était très bien et la fille aussi. Bien que sourde et muette, elle n’était pas manchotte.

***
Les Rennais, on les emmène au bout du monde et au septième ciel en même temps, ca ne les rend pas plus heureux pour autant ! Quelques années plus tard, des clients moins délicats qui avaient découvert lors des ébats tarifés que Nathalie n’était pas plus muette que vous et moi et qu’on s’était un peu moqué d’eux portèrent plainte pour proxénétisme à l’encontre d’Isaure. Ceci explique peut-être que l’on ne trouve plus trace aujourd’hui à Rennes ni de cette « Agence de Flânerie amoureuse de Rennes » ni d’Isaure Chassériau elle-même. Elle a sans doute, à temps, avant la crise, changé d’époque ou de crèmerie, disparu sans laisser d’adresse ! C’est assez son genre, je dois dire !

P.S. Les photos qui illustrent ce texte ont été empruntées à Télérama et à Google images. Le témoignage de client n° 56 fait partie des archives de l'IFSIC (Institut Français de Supputations au sujet d'Isaure Chassériau) de l'Université de Rennes 3.

22 septembre 2012

Smoking - No smoking (Joe Krapov)

DDS 212 Babette

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ; 
elle avait entrouvert la porte d'entrée. 
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sanva-Tanguerre. »
- Ca alors ! Babette ! »

 

 

DDS 212 Beatles

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sticket-Toride. »
- Ca alors ! Sophie ! »

 

DDS 212 Donizetti

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sirdamour de Doni-Zetti. »
- Ca alors ! Angélique ! »

 

 

DDS 212 Joystick

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ; 
elle avait entrouvert la porte d'entrée. 
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Stick. »
- Ca alors ! Joy ! »
- Ah non, vous me confondez avec ma jumelle. Moi je suis Ella ! »

 

DDS 212 Gatsby

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sbylema-Nific. »
- Ca alors ! Agathe ! »

 

 

DDS 212 Corons

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sétélèque-Oron. »
- Ca alors ! Eléonore ! »



DDS 212 salsa

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sadudémon ! »
- Horreur ! Malheur ! Larissa ! »

 

 

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