Olivier commençait à trouver le temps un peu
long : figé devant ce tableau, il ne savait trop où donner de la tête,
qu’est-ce qu’il avait bien voulu dire cet artiste avec tous ces
couvre-chefs ?
En règle générale, il avait plutôt la tête
près du bonnet ; Olivier, mais là, vraiment, il avait beau creuser, il
n’arrivait pas àtrouver un sens commun
à tout ça. Il avait pas le melon, il finissait par en avoir sa claque de tous
ces galurins. Et l’autre là, avec son chapeau breton placé au bon endroit, il
manquait pas d’air !
Et puis après tout, est -ce que c’était si
important que ça de savoir ce qu’il avait voulu dire, l’artiste ?
Olivier décida d’arrêter de se mettre la rate
au court-bouillon et de passer la main. Il reviendrait demain ou… plus tard.
Nous rentrions d’une promenade en mer,
promenade qui nous avait menés vers une île lointaine, sous des latitudes
hospitalières.
Il avait fait, toute la journée, une chaleur
épaisse et nous avions apprécié les
quelques heures passées à lézarder sur la plage.
Il avait bien fallu, cependant, se résoudre à
rentrer, d’autant plus que, brusquement, le vent s’était levé, les vagues
étaient devenues un peu plus fortes et l’eau avait pris une teinte verdâtre peu
rassurante.
Nous avions donc regagné le bateau, (ou devrais-je
dire le rafiot au moteur assourdissant et nauséabond ?), qui nous avait
déposés sur l’île le matin même.
A peine au large, les vagues avaient commencé
à heurter bruyamment la coque et les premières gouttes de pluie– larges comme des flaques- nous
fouettèrent le visage et les bras. Le ciel était couleur de cendre, le soleil
s’était noyé à l’horizon comme un gros poussah malade. Des nuages sombres
couraient au –dessus de nos têtes ; la bâche qui recouvrait le bateau
s’avéra très vite bien inefficace et nous fûmes bientôt bien en peine de
trouver un endroit sec où s’asseoir …
Je m’étais réfugiée dans une petite
encoignure, tapie dans mon imper dans
lequel je transpirais allègrement. Je regardais avec crainte, et en même temps
une sorte d’ébahissement émerveillé, le déchaînement des éléments. J’observai
au passage que notre pilote avait bien du mal à maintenir le cap. Je sentis
alors une main chercher la mienne, s’y accrocher comme à une bouée, une main
potelée et moite, moite de pluie et d’angoisse- je percevais un léger
tremblement- une main qui enserra mes doigts et ne bougea plus…
Madame Suzanne n'avait jamais commandé çà; elle n'avait rien commandé, d'ailleurs. Cependant, elle venait de signer le bon de réception du livreur et avait décidé de garder la paquet qu'il venait de lui présenter, paquet dont elle ignorait complètement la teneur.
Oui, mais voilà, Madame Suzanne ne sait pas résister à l'ouverture d'un paquet, ni à celui là, ni à aucun autre; peu importe ce qu'il contient
Maintenant qu'elle l'a réceptionné, que le livreur est reparti,elle essaie quand même de deviner ce qu'il peut bien contenir, elle le tourne, le retourne, le secoue délicatement, Il n'émet aucun bruit et ...c'est bien son nom et son adresse qui figurent sur l'étiquette jaune pisseux qui occupe une bonne partie de la face supérieure du paquet.
Il n'est pas lourd, non plus, elle le manipule toujours doucement, ne se décidant toujours pas à l'ouvrir, elle ne détecte rien de suspect...
Elle s'empare de ses ciseaux et commence à décortiquer les bandes de scotch qui l'entoure complètement.Elle prend le temps de défaire l'emballage sans le déchirer. Apparaît alors une boîte ordinaire, en carton marron, sans signe distinctif. Elle défait délicatement le rabat du dessus et elle aperçoit des petits sacs plastique oblongs, aux coloris bruns, ocres : des petits sacs de sable!
Au fond du carton, juste ce petit mot: « Pour t'aider à paser l'hiver et pour ta collection, des échantillons de sable des plages de Tahiti. »
Madame Suzanne sait maintenant que ce paquet lui était bien destiné, c'est un joli clin d'oeil de son amie qui est partie travailler à Tahiti et qui, à sa façon, lui envoie un peu de soleil!
Qu'est -ce que je fais dans ma cuisine? Là, c'est une question qui me dérange, car je n'y fais plus grand chose depuis que nous ne vivons plus qu'à deux. Oh! j'ai aimé et j'y ai passé du temps quand ma maison ne désemplissait pas d'enfants, d'amis, d'amis d'amis... J'en ai préparés des plats plus ou moins élaborés, j'en ai testées des recettes qui n'ont jamais été brevetées! Maintenant, d'atelier, ma cuisine est passée au statut de pièce utilitaire où je séjourne de moins en moins. Nous consommons surtout les légumes du potager, cultivés dans la plus pure tradition bio, autant que faire se peut. Les préparations culinaires sont succinctes : après grattage à l'aide de scalpeurs adéquats, un rinçage à l'eau claire, un égouttage au friquet et il ne reste plus qu'à garnir une antique mazarine – avec, suivant l'humeur, une petite couche d'emmenthal râpé pour le gratin. Tout ça se retrouve dans le chemi-gril programmable et quelques minutes plus tard , nous pouvons passer à table !
L'étape suivante est la plus désagréable ; heureusement, mes esclaves fonctionnent bien, en heures creuses, et il suffit d'une petite pression sur le patouilleur pour que ma vaisselle soit nickel.
NB: les noms des appareils sont empruntés au vocabulaire terroir de mon arrière grand- mère : Friquet : passoire mazarine: plat en alu à deux oreilles qui sert aussi bien au four que sur plaque chauffante patouilleur: du nom patouille qui désignait l'ancêtre de la lavette. Chemi-gril : mi cheminée, mi gri...
Ce samedi
avait mal commencé. Il s'était disputé avec sa femme, au début pour un motif
futile dont il ne se souvenait même plus. Puis cela avait dégénéré. Elle
souhaitait aller faire des courses, lui assister à une rétrospective qu'il
attendait depuis longtemps au cinéma. Bien sûr, elle l'avait accusé de vouloir
en fait rejoindre "sa poule", non mais franchement ce terme ringard.
Il avait beau lui dire qu'il n'avait pas de "poule" rien à faire,
elle s'y accrochait. Il avait donc pris son manteau et avait filé direct au
cinéma. Cela faisait déjà un bon moment qu'il s'étalait voluptueusement dans
son fauteuil, la salle est quasiment pleine. Il restait encore une place près
de lui. Après s'être délecté de Dumbo, voilà Bambi qui commençait. Une
rétrospective Disney, c'était trop bon, ben oui même et surtout à 50 balais.
Bref, il s'apprêtait à fixer toute son attention sur l'écran, quand il y eut un
peu de remue-ménage à côté de lui, il entendit le doux froissement du nylon
quand la femme vint s'asseoir près de lui. Et puis, et puis … Au moment où la
maman de Bambi se fait tuer, comme d'habitude il ne put retenir une petite
larme et il sentit dans le même temps la femme près de lui basculer doucement
contre son épaule et un liquide chaud imprégner sa chemise. La pauvre,
pensa-t-il, comme elle est sensible. A la fois gêné et flatté il la laissa
s'alanguir contre lui. Puis le film se termina, la suite de la rétrospective
était prévue pour l'après-midi. La femme était toujours appuyée contre son
épaule, là il commença à se sentir un peu mal à l'aise quand même. Et quand, la
lumière se ralluma, les gens autour de lui se mirent à hurler. Il jeta un coup
d'œil à sa compagne, ce qu'il avait pris pour des larmes était en fait du sang.
Du sang qui maculait le visage de l'inconnue qui fixait l'écran d'un œil
maintenant vide. Plus tard, assis dans la salle d'interrogatoire du
commissariat, il cherchait à reprendre pied. Bien sûr, personne n'avait voulu
croire qu'il n'y était pour rien. Personne ne s'était levé, ni n'était parti
précipitamment pendant la projection de Bambi. Les voisins avaient dit à la
police qu'il n'arrêtait pas de se disputer avec sa femme et que celle-ci était
sûre qu'il la trompait, peut-être avec cette inconnue allez savoir. Et le pire,
on avait retrouvé l'épingle à chapeau acérée qui avait servi à percer le
cerveau de la femme (en passant par l'oreille) coincée sur son fauteuil à lui,
près de sa cuisse. Avec tout ça, comment voulez-vous que le flic de base le
croit innocent, c'est humain ! Par qui et comment le meurtre avait-il été
perpétré, et surtout pourquoi l'avoir désigné comme bouc émissaire ? C'était le
noir le plus complet pour lui.
****************
Après
un temps de pause de quelques minutes, l’interrogatoire avait repris. Le
commissaire Eric Raffin, réputé pour ses méthodes étranges mais efficaces,
avait sa tête des mauvais jours.
«
Depuis quand aviez –vous une liaison avec Madame Bausatin ?
-Mais, je m’évertue à vous
dire que je ne la connais pas, cette femme. Elle s’est assise à côté de moi
alors que la séance était déjà commencée,
j’étais captivé par ce qui se
passait sur l’écranet je n’ai pas fait
attention !
-Arrête de nous raconter des
sornettes ! Ta femme nous a dit que tu collectionnais les aventures, et
les voisins ont entendu une violente dispute avant que tu quittes le domicile
conjugal.
-Oui, ben, on s’engueule
d’aut’ fois avec ma femme ; elle est maladivement jalouse ; elle
m’invente tous les trois- quat’ matins des maîtresses que je n’ai pas,
hélas !
Et puis, pourquoi j’l’aurais tuée cette femme que j’connais même
pas ?
-Pourquoi, pourquoi ?
Parce que t ‘es un pauv’ malade qui s’nourrit d ‘sensations fortes et
qu’une rétrospective Disney ne peut, en aucun cas, suffire à assouvir !
-Ben, vous racontez n’importe
quoi, commissaire, j’ai jamais fait d’mal à une femme, j’les aime, moi, les
femmes, même que celle-là, elle sentait drôlement bon. Ça m’a un peu surpris
quand elle s’est approchée de moi, mais comme c’était au moment où Bambi était
tué, j’ai cru que c’était l’émotion !
-Et puis, en plus, tu t’fous
d’moi ! C’qu’ j’vois, moi, c’est qu’ l’épingle à chapeau qui t’a servi à
lui perforer le crâne était malencontreusement restée fichée dans ton fauteuil.
-Ben, justement, commissaire,
vous croyez qu’j’aurais été assez bête pour laisser l’arme du crime sur
place ? J’ vous répète que c’est pas moi.
C’est tout cequ’il peut
dire ; désarmé par les circonstances qui ont l’air d’être contre lui.
Le commissaire est bien obligé d’admettre qu’il n’y a pas l’ombre
d’une preuve contre lui. Il faudra attendre les résultats des tests ADN pour
clore l’enquête et ça, c’est une autre histoire !
Moi, j’ai bien une idée, mais je ne suis ni commissaire, ni même
inspecteur de police.
On était fin juin, la fête battait son plein au centre
culturel. Dans l’ancienne ferme qui servait maintenant de cadre aux activités
de la MJC, aux différents clubs de sport, aux ateliers musicaux et artistiques,
chacun s’était vu attribuer un emplacement pour présenter au visiteur un
échantillon de son travail de l’année.
Sous le chapiteau dressé dans l’ancien parc à moutons,
évoluaient les adeptes de la danse, des quatre- cinq ans aux danseurs de salon
d’un âge certain, en passant par les amoureux du modern jazz. En vis à
vis, sur un podium temporaire, les fans du hip-hop rivalisaient de figures
toutes plus élaborées les unes que les autres, au son d’accords propres à
mettre à mal les tympans les plus endurcis.
Un peu plus loin, les différentes disciplines musicales étalaient
leurs savoir- faire : les plus jeunes saxophonistes offraient une panthère
rose se déplaçant sur des coussinets moelleux pendant que les flûtes faisaient
une balade avec Vivaldi, en automne. Juste à côté, les clarinettes accompagnaient
le chat de Pierre…
Pendant ce temps, les plus jeunes suivaient avec attention
les péripéties du "chat qui s’en va tout seul", relatées par une
vieille conteuse.
Au cours de la promenade, il était possible de découvrir
mosaïques, dentelles, différentes techniques picturales. L’assistance était
nombreuse, insouciante, déambulant sous les premiers rayons du soleil.
Même l’hôte habituel du domaine, Jacob,
le paon, était de la fête. Perché dans
l’énorme cèdre qui ombrage pratiquement toute la cour, il suivait d’un air
désabusé ce remue- ménage inhabituel. Discret jusqu’à ce que les choristes
aient entonné leur premier chant, à partir de cet instant, dès que le registre
montait d’un ton, il y allait de son
refrain : "Lé..on ! Lé..on ! », ce qui ne manqua pas
de perturber la chef de chœur qui eut
bien du mal à terminer sa prestation.
Vers dix-huit heures, alors que la fête touchait à son terme
et que les organisateurs satisfaits du franc succès de leur journée
s’apprêtaient à fêter ça comme il se doit autour du verre de l’amitié, il
fallut bien se rendre à l’évidence : l’une des animatrices, la jeune et
jolie Kathy avait disparu… Avant d’en arriver à cette inquiétante conclusion,
on avait procédé à toutes les investigations possibles, elle n’avait pas quitté
les lieux de son plein gré puisqu’elle avait encore confirmé à ses collègues
moins d’une heure plus tôt qu’elle serait là. Son portable sur lequel plusieurs
avaient essayé de la joindre affichait toujours le même message d’absence. La
conteuse était apparemment la dernière à l’avoir vue, vers dix-sept heures
cinquante ; elles avaient bavardé
quelques minutes puis s’étaient donné rendez-vous pour le fameux pot de
clôture. Juste avant de se séparer, Kathy avait pris la direction du chapiteau.
Etant donné les quelques mètres qui séparaient celui-ci du lieu de rencontre et
du fait de l’assistance nombreuse, on imaginait mal ce qui avait bien pu se
passer.
Quand je passe quelques jours à Paris, si j’ai un peu de
temps, j’aime beaucoup passer une après-midi au musée d’Orsay, musée pas trop
grand mais avec des œuvres qui me parlent.
C’est justement ce que j’ai fait la semaine dernière et il
m’est arrivé une aventure bien singulière ; lorsque j’ai pris mon billet,
au guichet, on m’a annoncé que j’avais beaucoup de chance ; j’étais la …ème visiteuse et, à cette occasion j’avais gagné
l’œuvre qui avait ma préférence. Revenue de ma surprise, je n’ai pas hésité longtemps ;
il y bien sûr plus d’un tableau qui me plaît à Orsay, mais sans conteste, celui
que j’aurais envie de rapporter chez moi, c’est "La Pie " de Claude
Monet.
Petit tableau à l’air insignifiant, me direz-vous. Il date
de 1868 et aurait vu le jour (en demi-teinte) à Etretat. Il n’a même pas été
sélectionné pour le salon de 1869, ce qui n’a pas contribué à améliorer les
finances (déjà désastreuses) du peintre.
Peut-être…
mais j’aime les teintes tout en douceur, le calme feutré qu’il communique, les jeux de lumière et je
connais un peu l’histoire de ce tableau qui est lié à une période un peu difficile de la vie de Monet et je reste
toujours très impressionnée par ce courant de peinture (oui, je sais, l’allusion
est facile !)
"La pie" 1869
89 x 130 cm - Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Aventure authentique : le pauvre pépé( un peu sénile quand même) avait été précédemment
heurté par un chariot, heurt qui lui
avait coûté une fracture du fémur. Depuis, dans les files d’attente, quand il
estimait être trop proche de quelqu’un, il se « défendait » à coup de
canne ; j’étais le 3ème agressée de la matinée !