Disparue (J-F)
Un jour, il y a de cela dix ans environ, elle s’est
cachée derrière une feuille de canabis, pas l’herbe sèche prête à être roulée,
non, mais une vraie feuille, bien verte aux lobes finement dessinés qu’elle a
sorti de son cartable un soir par provocation.
Elle n’a pas sombré dans cette fumée d’illusion
faussement apaisante -Dieu merci- mais masquée par cette feuille, son image, petit
à petit, s’est brouillée pour finalement disparaître. Comme le Phénix qui renaît
de ses cendres, une nouvelle image a fait place à l’ancienne. Elle lui
ressemble mais ce n’est pas, ce n’est plus elle. C’est une sœur jumelle… en
négatif.
Cette sœur a vêtue ses bras et ses cuisses de lignes de
sang rouge vif.
Elle l’a muré dans les ténèbres d’une souffrance insoutenable.
Elle l’a armée de rébellion, de rejet et de haine, de
peur et d’angoisse infinie.
Elle a maquillé ses yeux de noir, blanchi sa peau et
rongé son corps jusqu’à l’hôpital.
Elle l’a étouffé.
Elle lui a volé son âme, son sourire d’enfant, ses yeux
rieurs, sa joie de vivre et tout ce qui faisait que c’était elle.
Ils n’ont pu qu’assister en témoins impuissants à cette
transmutation infernale sans comprendre ce qui avait mis en branle ce processus
diabolique.
Tout leur amour de parents, tous leurs soins attentifs
n’ont pu la sauver.
Il leur a fallu apprendre à vivre avec cette inconnue,
cette étrangère, ce reflet d’un passé révolu, cette image d’un présent
insupportable.
Il paraît que ce n’est pas irréversible. Il paraît que
tout au fond ce cette jumelle, l‘autre, leur fille, est encore présente.
Mots-pestes show (J-F)
« Comment ça!
Ecrire un texte en cent mots!
Pourquoi pas un texte sans mot tant qu'on y est!
Et sans motif!
A consommer sans modération qu'ils disent…
Les administrateurs s’en moquent des auteurs.
Ils sont sans morale.
Sans moquerie aucune, je voudrais bien les y voir.
ça sent mauvais tout ça.
Sans maugréer contre eux, si je m'en tire sans maux de tête et sans maudire
personne ce sera un miracle.
Sans modèle, comment faire?
Je cherche vainement sans mollir.
Pourtant je ne suis pas sans motivation!
Mais, je n'y arrive pas. »
Miroir (par JF)
Je suis seul quand arrive le soir.
Je suis seul, face à mon grand miroir
Qui ne réfléchit par habitude,
Qu'un triste tableau de solitude.
Avant, j'espérais à chaque fois
T'y contempler blottie près de moi
Dans un abandon plein de tendresse,
Vision douce comme une caresse.
Aujourd'hui, je reste face à moi.
Les espoirs que je portais en moi
Sont morts, fracassés par ce refus
Qui lentement, sûrement me tue.
LA VALISE EN TOILE GRISE (J-F)
D'une vieille valise
En grosse toile grise usée,
J'ai ressorti
Un tas de photos jaunies :
Un copain d'un jour ;
Un copain de beuverie ;
Une amie de toujours ;
Un ami pour la vie ;
Des amis perdus de vue ;
Un petit coeur d'un soir
Rencontrée au hasard ;
Le flirt d'un été trop court
Un peu vite oublié ;
Un impossible Amour,
Sacrifié, sanctifié
- Regret pour l'éternité ;
Une fiancée d'un temps :
« Elle s'appelait comment déjà ? »
Une femme adorée
Qu'un jour,
Malmené par l'existence,
Malgré son amour sans faille,
De vie lasse,
J'ai cessé d'aimer ;
Des nourrissons devenus des enfants,
Des enfants déjà adolescents,
Des adolescents presque adultes ;
Que le temps passe vite !
Des parents disparus,
Trop mal connus.
Aujourd’hui
Enfin tout ce qui a fait ma vie,
Avec ses bons et ses mauvais côtés
Ses grandeurs et ses bassesses.
J'ai replacé les photos jaunies
Dans la vieille valise
De grosse toile grise usée
Et je l'ai refermé avec soin.
En septembre, j'ai acheté
Une nouvelle valise
De grosse toile grise,
Toute neuve,
Pour la remplir
Au fur et à mesure
De notre vie,
Des souvenirs
De notre Amour
Devenu possible.
Meurtre en quelques lignes - J-F
Madame Venin, la mauvaise langue du quartier, a été retrouvée morte chez elle, dans d’étranges et atroces circonstances ; elle git, les yeux révulsés, le teint bleu, dans une mare de sang avec un poignard dans le dos. Le Commissaire Flick à peine arrivé sur les lieux, déclara après avoir examiné soigneusement lieus et victime :
-Mon vieux Chaprot, ce n’est pas un meurtre !
- ?????
-Regarde bien l’intérieur de sa bouche et tu vas comprendre. Il ya une blessure bien nette sur la langue Observe la bien elle a la forme d’une indentation. C’est un suicide, elle s’est mordue la langue et elle s’est empoisonnée. Cela explique la coloration bleue de son visage.
-Mais le couteau dans le dos ?
-Il n’est là que pour nous induire en erreur. Il a du être planté par son fils Bernard.
-Pourquoi ?
-Tout simplement pour toucher l’assurance vie : en cas de suicide, pas de versement de la prime ! Il a quand même pris de sacré risque.