14 décembre 2013

Elle danse (Hime Chan)

(écrit sous l'influence de Pony Pony Run Run / 2ème album)

Le rythme s'infiltre dans sa tête, dans son corps, dans son âme. Plus rien n'existe que ces basses qui pulsent dans sa poitrine comme les battements d'un second cœur. Les notes, la mélodie, tout dans cette musique lui hurle de se lever et de bouger son corps comme jamais. Inconsciemment, elle remue la tête, laissant libre cours à ce qu'elle est au fond d'elle. Plus d'anticipation, de réflexion, elle danse. Et rien ne semble pouvoir la satisfaire plus que la musique...

Lui, il la regarde. Ce déhanché gracieux, cette façon de se mouvoir, si étrange, fragile et forte à la fois. Il apprécie cette silhouette d'un œil expert. Il en a vu, des filles qui tentaient de séduire en se dandinant vulgairement. Mais celle-ci ne danse que pour elle-même. Elle n'en est que plus désirable. Malgré lui, il sent que ces mouvements sensuels et involontaires lui plaisent. Elle lui plaît. Alors il s'approche et commence à accompagner ses bras, son buste, dans leurs saccades harmonieuses. La musique a changé, tant mieux. Il flotte dans la brume des sons électroniques. Elle ne l'a même pas remarqué.

Elle n'en a rien à faire. Rien ne compte à part les paroles qu'elle hurle à pleins poumons en dodelinant le crâne. La foule s'est écartée de cette folle qui se déchaîne. Un peu effrayée mais surtout ébahie devant sa chorégraphie aléatoire. « Don't Stop » résonne maintenant dans la salle.

Il se colle à elle sensuellement. Elle ne sursaute même pas. Se contente de rester indifférente. Continue de danser. Il murmure à son oreille :

« Don't stop, oh oh oh,

Keep on moving !

You can't stop, oh oh oh,

Now she's living ! »

Il ne sait même pas si elle a entendu dans les tribulations de la musique. Il est heureux. Elle est heureuse. Chacun dans sa bulle, et pourtant ensemble. Si proches et si éloignés.

« Don't stop, oh oh oh,

You can't stop, oh oh oh... »

Clac. Fin de la soirée. Cela fait une heure qu'ils dansent ensemble, ils sont les derniers. Le videur les presse de sortir. Ils obéissent, encore enlacés. Finalement, pas si inaccessible... Complètement ivres de sons et de bruits, ils s'engouffrent dans l'air frais de la nuit. Il tente de lui voler un baiser sur le trottoir, mais elle s'échappe avec un rire :

« J'ai passé une très bonne soirée, merci... »

Il tend la main vers elle. Elle le repousse tendrement.

« Moi aussi. Est ce que... on pourrait se revoir ? » glisse-t-il avec un air presque coupable.

Son cœur bat vite. Trop vite. Un rythme fou qui s'affole dans ses veines. Mais elle baisse les yeux. La douleur pulse. Il veut la faire céder. Il la voit proche de la limite.

« Non, tranche-t-elle catégoriquement.

- Pourquoi ?

- J'ai... déjà quelqu'un... »

Une fine souffrance dans la poitrine, comme une minuscule déchirure. Pas de fissure, ni de crevasse profonde. Pas pour si peu. Elle s'éloigne, courbée. Ses pas sont chancelants. Elle zigzague un peu. Pas vraiment sûre d'elle. Une hésitation dans sa marche. Un espoir fou. Elle se retourne et reviens vers lui. Lentement. Trop lentement. Ses pieds qui se posent l'un après l'autre sur le sol. Apaisement. Elle revient. Dépose ses lèvres contre sa joue...

… et s'enfuit dans la nuit. Il la regarde. Pas de larmes. Se détourne. Rentre chez lui. Une étrange mélodie dans le cœur. Un rythme étrange.

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [33] - Permalien [#]
Tags : ,


30 novembre 2013

Les feuilles d'Hime Chan

     Écrire. Pour tout faire sortir. Écrire. Comme un besoin vital, comme un échappatoire miraculeux. Pour me tirer de ce blues intense où je suis chaque automne. Le monde part en vrille, et moi je suis là, perdue avec les feuilles d'automne, mes feuilles d'automne à moi. Des pages et des pages remplies de lignes serrées, remplies de mots et d'images, remplie de sons et d'émotions. Ma rébellion à moi, c'est ma plume. Lorsque tout se couvre d'or et de rubis, lorsque seules les épines font face au froid qui arrive, lorsque les arbres chevauchent les vents, l'univers est sombre et glacé. Mais vaillamment, ou peut être lâchement, mon cœur résiste. Il se gorge de la beauté des gens et de la saison qui l'entoure. Il essaye de rester là. Parfois il s'en va un peu vers d'autres contrées, mais toujours il revient, et toujours il se tient près au combat. Crayon ou clavier en main, je sais comment m'en sortir. Mais si l'on m'ôtait ma flamme ?

 

     Le blues est blanc, quand le cœur broie du noir... Voilà ce qu'il chuchote près de mon âme. À quoi ressemblaient donc ses feuilles d'automne, lui qui comprend si bien ma détresse ? Comment exprimer ce que je ressens si le cri ne s'échappe jamais de ma poitrine ? Je voudrais pouvoir partir, m'envoler, mais la déprime est là, comme un poids qui m'attire vers le fond... Alors je ne sais pas si je me noie dans la lucidité ou si ce sont mes illusions qui me brouille la vue et m'étouffent de leur impossible rêve. Écrire. Juste pour oublier que tout est laid en moi et que je ne suis pas ce que j'aimerais être. S'inventer un nouveau monde pour se perdre en chemin, dans les méandres de la musique et des mots. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle... et les miennes tombent à mes pieds lorsque je hurle.

 

     Ma litanie est sans fin, rien ne pourra plus m'arrêter... Car l'amertume est là. Car je suis là. Comme un enfant qui découvre la vie, qui emmêle son corps et tombe. Je ne suis qu'un nœud de pensées confuses et désordonnées, enroulées autour de leur propre détresse. Je ne suis qu'un espoir et une douleur, une flamme tremblotante qui menace de s'éteindre. Je ne suis qu'une mélodie douce et triste qui se cherche en elle-même. Je ne suis qu'une poignée de poussière s'envolant dans le désert de sa fascination. Je suis deux yeux innocents qui se posent sur le monde et s'effraient de ce qu'ils y voient. Je ne suis qu'un tas de feuilles désespérément vivantes.

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [29] - Permalien [#]
Tags :

21 septembre 2013

Troubles de la réalité (Hime Chan)

« C'est moi, je suis rentré ! »

Laura, 5 ans, se précipite dans mes bras.

« Coucou mon papounet ! »

Ses jolies couettes brunes dansent sur son crâne. Eva passe la tête depuis la porte de la cuisine.

« Bonsoir, Chris, passé une bonne journée ? »

Je l'embrasse :

« Épuisante... Tu as fait à manger ? je demande, un peu étonné vu que ma femme n'est pas exactement une fée du logis...

  • Oui, il y avait des restes dans le frigo et je suis rentrée tôt du boulot.

  • C'est super, parce que là j'ai vraiment pas la force de cuisiner... tiens, Camille, tu es là ! Ça s'est bien passé à l'école aujourd'hui ?

  • Comme d'habitude... Nathan a pas arrêté de se moquer de moi. »

Ma petite Camille... Beaucoup trop sérieuse pour ses 7 ans et demi. Du coup, les autres enfants ne la laissent pas tranquille, et elle n'arrive pas à s'intégrer dans sa classe. Les enseignants envisagent de lui faire sauter une classe mais je ne pense pas que ça arrangera les choses.

« Léa ne t'a pas défendue ?

  • Non, elle a pas eu besoin.

  • Pourquoi ?

  • J'ai fait un croche patte à Nathan et il est tombé dans le couloir. Tout le monde a rigolé et il a arrêté. »

Je souris discrètement. Au moins, elle sait se défendre ! Mais je ne peux pas l'encourager...

« Tu sais, c'est pas très gentil les croches pattes.

  • Je sais.

  • Tu ne le referas pas, d'accord ?

  • Moui... »

Pas sûr qu'elle m'obéisse... Enfin bon, le sujet est clos. Je vide le lave-vaisselle pendant que mes deux filles adorées mettent la table. Puis nous nous installons tous ensemble et lorsque Eva pose la casserole sur le dessous de plat, Laura s'écrie :

« Miam, c'est prêt ! »

Mais elle déchante bien vite :

« Oh non, maman, encore des haricots verts ! » gémit-elle.

Je ris. Incorrigible !

 

« J'ai bien mangé, moi ! Je murmure à Laura pendant que j'essuie les casseroles

  • Moi aussi mais il ne faut pas le dire à maman sinon elle va croire que j'aime les haricots » me répond-elle en fronçant les sourcils.

Eva a très bien entendu nos messes basses, mais elle ne relève pas.

« Allez les filles, lavage de dents illico presto ! »

Elles obéissent sans protester (pour une fois!). De mon côté, j'entre dans le salon. Je me pose dans le canapé et prends la télécommande. Camille et Laura vont se coucher, elles me font toutes les deux un câlin et je leur souhaite bonne nuit. Soudain, alors que la plus petite se frotte les paupières en baillant, l'aînée plante ses iris bleus dans les miens et m'annonce mécaniquement :

« Contrôle du rythme cardiaque. Tension normale. Régulation de l'activité cérébrale. »

Les yeux agrandis de stupeur, je la regarde partir dans le couloir. Je me tourne ensuite vers Eva. Elle semble parfaitement indifférente, crayon dans une main, carnet à dessins dans l'autre.

« Tu as entendu ? Je demande. Elle se moque de moi ou quoi ? Camille raconte des trucs bizarres...

  • Elle t'a juste dit bonne nuit, je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre ! » répond-elle en haussant les épaules.

Alors pourquoi est ce que j'ai entendu cette voix métallique et cette phrase sans queue ni tête ?

 

Après le film (complètement nul, d'ailleurs), je me suis couché. Je suis maintenant étendu sur le dos, fixant le plafond comme si j'allai y trouver des réponses. Je n'arrive pas à dormir. Je repense aux paroles de Camille. Je sais qu'elle est différente des autres petites filles et qu'elle a du mal à se mêler aux autres, mais irait-elle jusqu'à raconter n'importe quoi pour se faire remarquer ? Non, ça ne lui ressemble pas. Ou alors c'est moi qui divague. Le surmenage peut être. Oui, ça doit être ça. Enfin, je vais quand même pas ressasser ça toute la nuit. Allez, au dodo !

 

« Bip ! Bip ! Bip ! »

Tout est froid et glacé autour de moi. Un bruit singulier, un bourdonnement ininterrompu se répand dans mes oreilles. Où suis-je ? Une phrase tourne en boucle dans ma tête :

« Erreur de fonctionnement du matériel... Erreur de fonctionnement du matériel... Er... »

Je repose sur une surface métallique, et des aiguilles de givre s'enfoncent dans ma peau, dans mon corps, m'affaiblissent comme autant de sangsues. Je suis faible, si faible que je ne peux même pas ouvrir les yeux. Et ces mains, ces mains sans chaleur et sans douceur qui manipulent mes membres comme ceux d'une poupée. Au... secours... J'ai si... si peur... Au secours... Au secours... AU SECOURS !

 

« Chris, ça va ? Qu'est ce qu'il se passe ? Chris ! »

Le visage rassurant et inquiet d'Eva est penché vers moi.

« Tu as fait un cauchemar ?

  • Ou... oui... juste... juste un cauchemar. C'était juste un cauchemar. »

J'essuie mon front couvert de sueur, et Eva m'entoure de ses bras, me serrant contre son cœur. J'en ai encore le souffle coupé. Bon sang, mais c'était quoi ce cauchemar ?!

 

Voilà quelques jours déjà que j'ai fait ce rêve traumatisant. La vie a repris son cours, et pourtant je sens que quelque chose a radicalement changé. Je n'arrive pas à trouver exactement quoi... Les collègues me trouvent de plus en plus mal. Je ne sais pas ce que j'ai. Eva essaye de me soutenir, mais en ce moment elle est sur un énorme projet, et elle est souvent en déplacement. Laura réclame sa mère, et Camille se fait tabasser par un petit con de sa classe. Tout part en vrille. La mécanique parfaitement huilée de ma vie est en train de foutre le camp ! Comme si ce cauchemar était la base de tout... Je ne comprends vraiment plus rien. Hier soir, j'ai eu une très longue absence. Camille me racontait sa journée. Je l'entendais, mais c'est comme si ce qu'elle disait n'avait aucun sens. Comme si elle parlait une autre langue. Et puis je suis fatigué... fatigué... En ce moment je suis à mon bureau, devant mon ordinateur. Je tape sans y penser le compte rendu de ma dernière réunion. J'en peux plus... J'ai même plus la force d'appuyer sur les touches, bon sang ! L'épuisement est comme une immense chape de plomb qui s'abat sur mes épaules d'un seul coup. Ma tête dodeline, ma vue se trouble, et je m'écroule sur le clavier.

 

Encore ce froid intense qui me gèle de l'intérieur. Mes os sont lourds et douloureux. Les mêmes bruits de machines, les mêmes mains qui m'auscultent. A... Arrêtez-ça ! J'ai trop... trop mal... froid, trop froid...

« Tension faible. Température basse. »

Une voix, celle de Dieu ? Je crois en Dieu. En cette puissance qui nous guide tous. Sans qu'on le sache. Alors pourquoi cet être supérieur que je pensais bon me fait-il subir une telle torture ? Je vous en supplie... faites que ça s'arrête...

 

Je me réveille lentement, contrairement à la dernière fois. Mais je suis aussi traumatisé. Mon front couvert de sueur. Mes mains qui tremblent. Vacillant, je me lève et m'abats sur le matelas. Il est déjà 2 heures du matin. Voilà 3 heures que je dors sur mon clavier. Et je suis encore très fatigué. Mais je sais que le sommeil ne viendra pas cette nuit. J'ai trop peur. Les minutes défilent. Elles prennent tout leur temps, comme si c'était leur devoir de rallonger mon supplice. Je fixe l'étendue blanche de mon plafond. D'où peut bien venir ce rêve ? Qu'est ce qui l'a provoqué ? Et pourquoi revient-il ? Je n'ai jamais eu les mêmes cauchemars récurrents que ma femme. Alors pourquoi maintenant ? Qu'est ce que ce rêve a de spécial ? Je n'en ai strictement aucune idée. Tout ce que je sais, c'est qu'il reviendra.

 

Deux semaines. Deux semaines que je reste chez moi, au lit toute la journée, abattu de fatigue et de terreur. Deux semaines que je fais cette ignoble rêve toutes les nuits. Toutes les nuits. Eva est inquiète. Laura et Camille aussi. J'ai un congé maladie de trois semaines pour l'instant. Je me sens tellement mal... je ne suis plus un enfant qu'un mauvais songe empêche de dormir. Mais celui-ci est trop présent. Trop réaliste. Il est là. Je le sens dans ma tête mais aussi dans mes tripes. Il rôde à chaque fois que mes paupières faiblissent, et lorsque je ferme les yeux il me prend à la gorge. Au fur et à mesure, des éléments se sont rajoutés : l'odeur de l'éther, la sensation d'avoir un tube dans la gorge, une douleur au niveau de l'estomac, une perpétuelle envie de vomir. Mais jamais d'images. Je suis aveugle. Parfois, lorsque je fixe le mur en face de mon lit, ma vue se trouble et je distingue une sorte de vitre... Des visages flous et aux contours mal définis apparaissent de temps en temps dans mon champ de vision, et j'entends des suites de chiffres qui n'ont aucun sens pour moi : 75, 81, 64... Je suis exténué. J'essaye de ne pas dormir. Même les somnifères qui devraient me procurer un peu de sérénité sont inefficaces. Il me hante. Maupassant faisait-il le même genre de rêve ? La lecture de la nouvelle « Le Horla » m'a semblé une biographie de ce que je ressens. Peut-être vais-je devoir attendre qu'il se présente à moi comme au narrateur. Mais ma chambre n'a pas de fenêtres... je divague. Tout le temps. Je chantonne des airs sans queue ni tête. Et puis il y a Camille. Elle me parle encore de choses insensées. La dernière fois, c'était :

« Réparation des éléments informatiques en cours. »

Je suis désespéré. J'ai l'impression qu'il n'y a plus aucune issue. Ou plutôt qu'il n'y en a qu'une seule, que je n'emprunterai pas. Je suis trop lâche et trop courageux. La porte claque dans l'entrée. Tiens, Eva et les filles sont de retour.

 

Laura se précipite dans mes bras.

« Coucou ! »

Elle babille joyeusement. Mais mon cerveau a décroché au troisième mot. Je me contente de sourire tout en ne comprenant rien du tout. Elle s'installe avec moi sur le lit, et discute ainsi pendant un quart d'heure. Quelle langue parle-t-elle ? On dirait... un mélange de français et d'espagnol... j'entends Eva qui s'active dans la cuisine. Puis c'est comme un bouchon qui saute dans mes oreilles, et la question de ma petite dernière m'interpelle.

« Papa, comment tu as rencontré Maman ? »

Je m'apprête à répondre posément lorsqu'un trouble se fait dans ma mémoire. Et je ne sais plus. Je ne sais plus rien. En fait, je ne me rappelle plus de rien avant la rentrée de cette année. C'est comme si mes souvenirs partent en fumée. Mais la vérité est bien plus horrible et, si elle m'était restée cachée tout ce temps, elle me heurte maintenant en plein poitrine avec la force d'un bulldozer. Ces événements que j'aurais dû vivre, ces moments incroyables... Ils n'ont jamais existé. La vie de Christopher Ariel commence le 3 septembre 2013. Camille se tiens très droite dans l'encadrure de la porte. Ses yeux me transpercent. Ses lèvres ne remuent même pas lorsque sa voix mécanique m'explose les tympans.

« Sujet défaillant. Arrêt de la procédure de rêve artificiel. »

La vie de Christopher Ariel commence le 3 septembre 2013... et s'achève ici.

 

Mes yeux s'ouvrent. Je suis allongé sur une surface de métal froide. Plusieurs machines clignotent autour de moi. Je détourne brusquement le regard. Je ne veux pas voir les tubes de plastique plantés dans mes veines. Des électrodes tiraillent la peau de mon crâne rasé. Un immonde câble sort de ma nuque. Je le sens sous mes doigts gourds. Alors... c'était ça, le rêve ? Toute ma vie ? Et ça... c'est la réalité ? Si je le pouvais, je pleurerais. Mais mes globes oculaires restent secs. Tout n'était qu'un immense songe, créé de toutes pièces par l'ordinateur qui analysent mes réactions à côté de moi. Oui, maintenant je me souviens de ces scientifiques qui sont venus chez moi. « C'est un expérience révolutionnaire, vous savez ! Vous serez le premier à découvrir la vie de vos rêves ! » me disaient-il. De mes rêves, c'est le cas de le dire ! Ça ne sera jamais rien de plus qu'une horrible fantasmagorie. Je ne comprends pas comment j'ai pu accepter un existence aussi fragile, qui peut disparaître au moindre doute, à la moindre défaillance électronique. Je tourne la tête et regarde à travers la paroi de plexiglas du cylindre dans lequel je suis emprisonné. Il y en a d'autres que moi, à l'infini... Alignés sur des tables de métal comme autant de rats de laboratoire. Ils m'avaient menti. Alors c'est cela, le futur de la race humaine ? Rêver sa vie, jusqu'à ce qu'elle se brise à cause d'un bug ? Pitoyables. Nous sommes tout simplement pitoyables. Trop lâches pour vivre pleinement, sans leurre, sans écran qui nous cache l'ultime vérité. Quelles drogues coulent dans nos veines à présent ? Quels produits hallucinogènes ? Sommes-nous si faibles et trop vulnérables face à la nature qu'il faut nous garder à l'abri dans des prisons stériles et désinfectés ? Sommes-nous si fragiles qu'ils nous enferment pour éviter le moindre choc ? Tout ça me dégoûte. Je voudrais pouvoir m'enfuir loin, très loin, trouver une autre vie avec une autre Eva, une autre Laura, une autre Camille... peut-on aimer une illusion ? Avant, j'aurais peut-être fermement répondu non. Maintenant je hurle OUI, à pleins poumons dans le silence de ma tête. Mais déjà deux blouses blanches s'approchent de ma cellule. Je referme les yeux.

« Il est éveillé, professeur. » dit l'un d'eux.

Sa voix, indifférente et froide, me donne des frissons. La réponse est tout aussi glacée.

« Son rêve n'a pas fonctionné ?

  • Non. Son cerveau a refusé le programme. Et ses pensées actuelles vont à l'encontre des règles de l'expérience. »

Je voudrais crier. Crier à m'en briser les cordes vocales. Parce que je sais parfaitement ce qui était marqué sur ce foutu contrat qu'ils m'ont fait signer.

« Il ne nous sera plus d'aucune utilité, alors. Bien. Entamez la procédure d'incinération. »

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [21] - Permalien [#]
Tags :

07 septembre 2013

La tunique verte (Hime Chan)

Il était donc une séance de théâtre. Il était donc un exercice où nous étions 6 personnes à parler. 3 personnes inventaient une histoire, et 3 autres relataient leur passé. J'étais... eh bien à vous de deviner ! Le but était de parler d'un souvenir de rentrée. Les autres, en face de nous, devait séparer le vrai du faux. Je me lançai donc, en deuxième position, enfin je crois.

« En fait, c'était pour ma rentrée en 5ème. J'étais allée faire des courses avec ma mère, on avait acheté tout un tas de vêtements, etc... Mais elle m'avait obligée à prendre une espèce de tunique verte, informe, avec des broderies bizarres dessus, que j'avais tout de suite détestée mais qu'elle adorait. J'ai quand même cédé. Du coup, pour la rentrée, je me suis retrouvée avec ça sur le dos. La honte de ma vie... Je pensais que tout le monde allait se moquer de moi ! En fait, personne ne s'intéressait à ma tunique, mais bon... J'étais quand même très énervée ! »

Voilà l'histoire. A la fin de l'exercice (où il était aussi question d'une salopette, mais dans un autre style), mes camarades ont donc tenté de deviner si je mentais ou pas. Eh bien, pour tout vous dire... je n'ai pas du tout l'intention de vous filer la réponse ! Donc à vous de deviner...

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [17] - Permalien [#]
Tags :

22 juin 2013

Magie... (Hime Chan)

Le fluide court dans mes membres. Je la sens, cette force, cette puissance qui grandit au creux de ma poitrine. Des rubans bleutés s'enroulent autour de mes bras, de mes poignets. Derrière mes paupières closes, mes yeux tressaillent. Chaque fois c'est le même sentiment d'invincibilité qui me rend euphorique. La vague de mon cœur monte, monte encore. Gonflée d'électricité, de paroles, de sortilèges. Une science millénaire dort dans ma tête et s'éveille de temps en temps. Mes mains fourmillent. J'ai mal, si mal ! Je brûle, chacune de mes veines est emplie d'un feu dévorant et atroce, chacune de mes cellules se brise en milliers de morceaux. La douleur est immense, si grande que je ne peux même plus bouger. Mes jambes sont lourdes, deux piliers de granit qui tiennent debout péniblement. Mais la pierre est froide, et ma peau est incandescente. Je suis une braise, je suis un feu follet, je suis une allumette, je suis un bûcher... Tous les rituels sont source de souffrance. Mais aussi de bien être. Car mon esprit est vide, incroyablement vide. Je n'ai jamais été aussi... détendu. Mon âme dérive dans un espace doux et miraculeusement lumineux. C'est une lumière agréable, à peine éblouissante, juste ce qu'il faut pour me faire voir des merveilles. Mes pupilles internes se régalent. Alors, une digue cède. Et la puissance contenue jusqu'à maintenant bouleverse tout. Le sort que j'ai jeté a donc réussi. Je regarde le paquet de cartes sur la table devant moi. Puis le public qui me fait face. Je m'écrie d'une voix chevrotante :

« Et la première carte est... un as de cœur ! »

Je la soulève. Un cri de surprise feinte retentit dans la salle. Je regarde la carte. C'est bien un as de cœur. Je salue sous de maigres applaudissements, sort dans les coulisses. Une fois là bas, je m'essuie le front, et soupire. Tant d'énergie pour un si petit sort ! Voilà pourquoi je ne suis qu'un minable prestidigitateur, et pas un grand magicien. Je vois s'avancer une femme sur la scène. Elle porte une robe moulante bleu nuit et sourit énigmatiquement. Sans rien dire, elle saisit un chapeau haut de forme. Le coup du lapin est dépassé depuis longtemps, le sait-elle ? Mais ses mains virevoltent au dessus de l'objet dans une danse envoûtante. Les spectateurs retiennent leur souffle. La jeune femme pose le chapeau et attend. Que compte-t-elle faire ? Je sens une vague de pouvoir à l'état brut me traverser de part en part. Et une immense lumière sort de l'ouverture qu'elle a créé entre deux mondes parallèles. Une porte ! Elle a ouvert une gigantesque porte ! Une petite fille s'extirpe du trou, puis un petit garçon. Ils dansent vivement une ronde, puis replonge dans la lumière. La salle est médusée. La magicienne pose le chapeau sur sa tête, et sort, sans même attendre les applaudissements. Elle passe devant moi.

« Ça, c'est de la magie, mon cher... »

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [15] - Permalien [#]
Tags :

15 juin 2013

Métier (Hime Chan)

Jess entra dans la petite pièce sombre. Elle s'assit en face de l'homme en costume gris dans un fauteuil de cuir usé. Un frisson parcourut son échine. Tout dans la pièce la mettait mal à l'aise, depuis le bureau tapissé de tâches suspectes jusqu'au murs humides, en passant par la cafetière qui sifflait devant elle. L'odeur dégoûtante vint lui chatouiller les narines. Elle ne supportait pas ce liquide nauséabond qui était, de plus, illégal. Il avait été interdit en 2034, à cause de sa fabrication trop coûteuse et de la dépendance qu'il créait. Le thé et le chocolat chaud avait eu aussi fait les frais de cette réforme destinée à réduire la crise. Ensuite étaient venu les fruits exotiques, et tout ce qui ne pouvait être produit en France avec un budget réduit. Elle se tourna donc vers son interlocuteur, et lança :

« Je croyais qu'il était interdit de boire du café, mister.

- Ce qui n'est pas pour vous déplaire, n'est ce pas, miss Jessica Watson... »

La jeune fille sursauta. Comment cet homme savait-il son nom ?

« Ne prenez pas cet air surpris, miss Watson. Je suis... disons... très bien informé. »

Il sortit une fiche rose d'un tiroir.

« Alors, voyons voir ça... Jessica Watson, 23 ans, blonde, yeux marrons, 1 mètre 64, 56 kilos, taches de rousseur sur le nez, dentition parfaite, visage harmonieux... »

Tandis que l'énigmatique personnage allongeait la liste des détails physiques de Jess, celle-ci sentit un sentiment de panique l'envahir. Elle venait postuler pour un emploi illégal, et en 2057, les sanctions qu'elle risquait était soit la prison pendant 10 ans, soit une amende qu'elle ne pourrait jamais payer, parfois même les deux. Mais la jeune femme était déterminée. Elle savait qu'elle avait les qualifications pour ce poste, et qu'elle gagnerait bien plus qu'en faisant n'importe quelle activité légale.

« Miss, je vais être très clair avec vous, reprit l'autre. Physiquement, vous correspondez parfaitement à nos critères : vous êtes jeune, jolie, bien proportionnée, si vous voulez bien me passer l'expression, et vous savez utilisez votre charme. Mais ce travail exige également une grande force morale. Nos clients ont besoin de se détendre dans ce monde contrôlé 24h/24. Nous leur proposons donc un service de relaxation... Nous leur vendons du rêve, miss Watson, nous leur offrons un moyen de s'échapper ! Pour cela, nous avons besoin que nos employées fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour que le client soit satisfait, et qu'il n'hésite pas à revenir ! Notre marché est de plus en plus grand, il s'étendra bientôt sur toute l'Europe ! Pour ce job, miss Watson, il vous faudra jouer de votre talent. Vos plusieurs années d'étude ne serviront à rien si vous n'osez pas tout pour satisfaire la clientèle. Aussi, je veux vous faire passer moi-même un test... »

Jessica le regarda droit dans les yeux.

« Aucun problème, mister... » souffla-t-elle.

 

« Eh bien vous êtes engagée. » dit-il en se passant la langue sur les lèvres.

La jeune fille hocha la tête. Elle allait s'investir à fond ! Son employeur posa une main sur son épaule.

« J'espère que cet emploi de préparatrice de chocolat chaud vous conviendra, miss Watson... »

Elle essuya ses mains pleines de cacao. Elle adorait préparer ce genre de boisson. Elle allait vraiment se plaire, dans cette société. Même si elle risquait sa peau...

Posté par Walrus à 00:01 - - Commentaires [25] - Permalien [#]
Tags :