Elle s'appelait Kity. (Fafa)
J'ai écrit un chat mais en fait c'était une chatte. C'était une très belle chatte tricolore, blanc, gris et roux, avec plusieurs nuances de gris qui formaient une sorte de tigrure sur ces flancs.
Nous faisions de grandes balades ensemble, de plusieurs kilomètres parfois mais quand je n'étais pas chez moi elle ne s'éloignait guère plus d'une centaine de mètres de chez elle. Elle guettait le bruit du moteur de ma voiture ou celui aussi unique à ces oreilles si fines de mes clefs de maison quand je les sortais de ma poche et elle accourait.
D'aucuns vous diront que j'aimais cet animal parce que c'est la femme avec qui je vivais à cette époque qui me l'avait donné mais c'est faux et j'en veux pour preuve que lorsque cette dernière m'a quitté, mon amour pour ce petit félin ne s'est pas le moins du monde estompé, au contraire, il n'a cessé de grandir jusqu'à son dernier souffle.
Car il en va de même pour tous ces animaux dits de compagnie, un jour ils vous quittent.
Mes deux premiers chats n'étaient simplement plus rentrés un jour, la dernière, car il n'y en aura plus d'autres, je l'ai porté un jour dans mes bras jusque chez la vétérinaire, les yeux gonflés, rougis et brillants pour qu'elle abrège ce que j'imaginais être ses souffrances alors qu'une tumeur la dévorait.
On n'imagine pas la force incroyable de ces petites boules de poils, l'énergie vitale intense qui brûle en eux jusqu'au dernier moment, à moins que la mienne n'ait été particulièrement attachée à la vie, ce que laissa entendre la vétérinaire lorsqu'elle fut obligée de lui faire une deuxième injection léthale pour réussir à arrêter son coeur.
- Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi m'as-tu emmené ici toi qui jurait tes grands dieux que jamais tu ne dépenserais un sou chez un vétérinaire pour un animal de compagnie ?
- Je suis désolé, je te demande pardon.
- J'ai encore la force de m'occuper de toi, j'ai encore la force de t'aimer.
- Je ne peux pas te laisser comme ça avec cette saloperie qui t'a déjà à moitié bouffé.
- La douleur n'est rien comparée à l'idée d'être séparée de toi. Je sens un grand froid qui me gagne rien que d'y penser.
- Tu seras toujours à côté de moi, je ne t'oublierai jamais. Pardon.
- Laisse moi t'aimer...
- Pardon.
Elle avait quinze ans, j'en avais quarante et la vétérinaire n'a pas pu retenir ses larmes devant cet homme d'âge mûr qui pleurait comme un gamin de dix ans la mort de sa chatte qu'il aimait au delà de toute raison.
Chapitre 9 (Epilogue) - Défi n°113, Où vont ces enfants... suite et fin.
Jules et Juliette se couchèrent tôt ce soir là. Pas qu'ils aient eu à l'esprit, comme ils l'avaient envisagés le matin sur le chemin du retour, de favoriser une nuit plus longue pour finir leur rêve respectif, mais tout simplement parce qu'ils n'en pouvaient plus. Leurs jambes ne les portaient plus et leurs yeux piquaient comme s'ils étaient pleins de savon.
Ils firent leur toilette, embrassèrent leurs parents avec toute l'énergie qui leur restait et allèrent se coucher à huit heures sans demander leur reste. Le marchand de sable ne fut pas long à passer et lorsque leur père alla les border environ une demi-heure plus tard, c'est une respiration lourde et profonde qui l'accueillit dans chacune des deux chambres contiguës.
Il ferma les deux portes et descendit l'escalier en silence pour aller rejoindre sa femme dans la cuisine dont il ferma la porte derrière lui. La soirée était chaude en cette fin du mois d'août et il n'était nul besoin de laisser monter dans les chambres la chaleur de la cuisinière, bien au contraire, il ouvrit même la petite fenêtre pour créer un léger courant d'air.
- Tu as vu comme leurs yeux pétillaient quand ils parlaient de leur week-end !
- Oui.
- Je n'ai pas put un placer une depuis que je suis rentré tellement ils parlaient sans arrêt.
- Et encore tu n'es arrivé qu'à sept heures, imagines moi, toute la journée avec eux, et la tyrolienne par ci et le feu de camp par là, pas une minute de répit.
- On va peut-être devoir manger des patates gralées pendant une semaine pour passer la rentrée mais ça vaut largement le coup quand on les voit aussi heureux tu ne crois pas ?
- C'est sûr. Et puis ça ne changera pas beaucoup de toute façon.
Ils éclatèrent de rire ensemble et la chienne se mit à aboyer de concert.
A peine endormis, les deux enfants sombrèrent dans un sommeil profond, aussitôt envahi par les rêves. C'est Jules qui le premier fut emporté par les bras de Morphée...
Le lieutenant Roste arriva au commissariat avec une mine dépitée et les traits creusés. Il avait passé la nuit dans sa voiture devant le siège de la BNG à surveiller d'éventuels allers et venues jusqu'à six heures, jusqu'à ce qu'une deuxième équipe de policiers en civil viennent le relever. La nuit avait été longue, pas un mouvement à signaler, pas une voiture n'était entrée ni sortie du parking et aucun piéton n'avait franchit les grandes portes vitrées automatique de l'immeuble. Le gardien avait fait ses rondes habituelles sans que rien ne vienne le perturber, un vrai métronome s'était dit le lieutenant.
- Bonjour Durand.
- Bonjour Lieutenant, bien dormi ?
- Très drôle Durand, t'as fait l'école du rire en plus de celle de gardien de la paix ?
- Oh vous fâchez pas Lieutenant, c'était pas méchant, un café ? Il y en a du tout frais !
- Excuses moi Durand, la nuit a été courte et il ne s'est rien passé, juste une sensation bizarre. Je veux bien ouais.
- J'vous amène ça.
Le lieutenant s'installa à son bureau, consulta rapidement les notes d'appels manqués et appela la patrouille en planque devant la BNG. Rien, toujours rien. Il était un peu plus de huit heures, les premiers occupants de l'immeuble n'arriveraient pas avant une heure.
- C'est ça les bureaucrates, se lamenta-t-il.
- Voilà vôt' café Lieutenant.
- Merci Durand.
- Vous avez parlé d'un truc bizarre tout à l'heure, c'était quoi ?
- Il ne s'est absolument rien passé cette nuit, que dalle, du coup j'ai pas arrêté de cogiter et plus je pensais à cette affaire plus j'avais la sensation de connaître notre ex disparue.
- Comment ça ? On sait son nom maintenant, soit vous la connaissez, soit vous la connaissez pas.
- Je sais Durand, je t'ai dit que c'était bizarre. Par moment c'était comme si... c'est difficile à expliquer.
Le lieutenant sembla se perdre dans ses pensées, Durand le laissa seul.
Juliette se retourna dans son lit, tira la petite couverture rose sur son oreille et ne bougea plus.
Max Eloie avait fini par passer la nuit chez son psy. Celui-ci refusait catégoriquement de la laisser rentrer seule dans son appartement, trop dangereux d'après lui. Il avait réussi à la convaincre de rester dîner et dormir chez lui en lui faisant miroiter un carpaccio de thon, des linguine del mare et un tiramisu au pain d'épices, le tout accompagné d'un merveilleux Chianti d’après lui, sans oublier la promesse de l'aider dès le lendemain matin à confondre ses employeurs.
- Vous avez bien dormi ?
- Très bien je vous remercie. C’est vraiment très gentil à vous de m’avoir hébergé cette nuit, en plus de l’excellent dîner. C’était la première fois que je dormais sur un futon, c’est remarquablement confortable et les estampes aux murs sont très comment dire... « gay ». Le psychothérapeute rougit légèrement.
- C’est bien normal et ce n’était vraiment pas grand-chose.
- Je ne crois malheureusement pas que tout le monde pense comme vous Jean François.
- Thé, toasts, marmelade ?
- S’il vous plaît, ce sera parfait.
Pendant qu’il préparait le thé et les toasts, la jeune femme ne dit pas un mot, des bribes du rêve qu’elle avait fait cette nuit lui revenaient.
- Voilà, lait, sucre ?
- S’il vous plaît, oui.
- Vous sembliez bien loin.
- Oui, je repensais au rêve que j’ai fait cette nuit, très étrange.
- Racontez moi ça, j’adore interpréter les rêves !
- Je ne m’en souviens pas vraiment, mais dans les grandes lignes, j’étais allé voir la police et je suis tombé sur quelqu’un que je croyais connaître et cette impression persiste. Je n’arrive pas à voir son visage mais il me semble que nous avons une histoire commune. Pourtant je ne connais personne dans la police j’en suis sûre.
- Nous verrons ça plus tard. Quel est le programme pour ce matin ?
- Moi je vais à la BNG reprendre mon boulot comme si rien ne s’était passé et surtout sans faire allusion à VOYELLE, je fouille dans l’ordinateur et je les laisse venir. Vous, vous vous occupez de vos patients qui ont bien de la chance de vous avoir comme psy.
- Au moindre pépin vous m’appelez et ce soir je veux un rapport circonstancié dés que vous rentrez, c’est bien compris ?
- Chef ! Oui ! Chef !
- Très drôle... promettez le moi.
- Promis.
- Dans le dressing de votre chambre vous trouverez quelques vêtements qui devraient vous aller, ce sont comment dire, des déguisements... Il rougit à nouveau.
Ils finirent leur petit déjeuner en parlant de tout et de rien. Maxime trouva effectivement de très beau vêtements de femme, à peu près à sa taille. Après avoir chaleureusement embrassé son hôte, elle chercha une entrée de métro, s’y engouffra et quelques minutes plus tard, elle était debout, face à l’immeuble de la BNG.
La porte automatique, un rapide bonjour au gardien, l’ascenseur, la porte vitrée et la voix si naturelle et pourtant si artificielle.
- Docteur Eloie ? Veuillez regardez l’objectif en face de vous pour l’identification rétinienne s’il vous plaît.
- ...
- Un instant je vous prie Docteur Eloie.
- Un problème Saxo ?
- Pas du tout Docteur mais n’ayant pas été informé de la date exacte de votre retour, il me faut quelques minutes pour réactiver vos accès. Veuillez m’en excuser Docteur.
- Cela ne fait rien Saxo, je ne suis pas si pressé de reprendre, on finit par prendre goût aux vacances en fait, quand on en prend.
Quelques minutes passèrent effectivement avant que Saxo n’ouvre le sas. Le docteur Eloie soupçonna fortement l’intelligence artificielle d’avoir profité de ce laps de temps pour avertir les membres du conseil d’administration et surtout son cher patron.
Lorsqu’elle entra dans son labo elle ne remarqua quasiment aucun changement. Il ne faisait pas de doute que si elle n’avait pas recouvré la mémoire la veille, rien ne l’aurait choqué en revenant travailler. Tout ce qui pouvait de près ou de loin permettre de faire un lien avec une quelconque méthode pour produire de l’électricité avait disparu.
Elle alluma son ordinateur. Tous les répertoires ayant trait à Uwe Schröder ou aux bactéries qu’il avait étudié avait été supprimés, ne restaient que la partie traitement des déchets. Elle se demanda si VOYELLE se trouvait toujours dans le parking, mais impossible d’aller voir sans attirer immédiatement l’attention.
La porte s’ouvrit sans avertissement préalable. Il n’y avait pas cinquante personnes que Saxo aurait laissé entrer sans demander d’abord la permission au titulaire du labo, une seule en fait, Philippe Estrosi.
- Max ! Ma chérie. Tu aurais dû m’appeler, je serais passé te prendre ou j’aurais envoyé mon chauffeur. Comment te sens-tu ? Je vais appeler le docteur Thibaud, c’est lui qui s’est occupé de toi après ton malaise, je te conduirai à son cabinet dès qu’il m’aura fixé un rendez-vous. Il vaudrait mieux que tu rentres en attendant.
- Non, ça va, j’ai besoin de travailler, tourner en rond dans mon appartement ça me met les nerfs en pelote, tu me connais...
- Bien sûr, je comprends. Je passerai te prendre plus tard. Il déposa un baiser sur la joue de la jeune femme qui retint de justesse un frisson.
Le Président de la BNG sortit.
Elle passa le reste de la matinée à chercher les traces des autres immeubles que la fondation pouvait posséder ou d'anciennes recherches qui auraient été étouffées. Elle naviguait de répertoire en répertoire, de programme en programme, d'identifiants en mot de passe quand la voix de Saxo retentit dans le labo.
- Désolé Docteur Eloie, vous n'avez pas accès à cette partie de ma mémoire.
- Qui y a accès Saxo ?
- Désolé Docteur Eloie, je ne suis pas autorisée à vous communiquez cette information.
- Peux-tu me dire qui travaille ou a travaillé sur les nano-technologies alors ?
- Désolé Docteur Eloie mais ces informations ne sont pas en rapport avec vos recherches actuelles, je ne suis pas autorisée à vous les communiquer. Vous devez en faire la demande auprès du conseil d'administration.
La jeune femme sentait bien que des barrières avaient été établies pour garantir l'accès à tout ce qui pouvait raviver sa mémoire. Malgré ses connaissances en informatiques elle était certaine de ne pas pouvoir les franchir. Elle tenta le tout pour le tout.
- Et les oiseaux de nuit Saxo, cela te dit quelque chose ?
- ...
- Tu m'entends Saxo ?
- Les oiseaux de nuit font référence à un tableau de Edward Hopper Docteur Eloie, ainsi qu'à un épisode de la série télévisée Dead like me, le numéro douze pour être précise. Ces renseignements vous aident-ils Docteur ?
- C'est parfait Saxo, je te remercie.
Il y avait certainement un système d'alerte sur certains accès ou mots clés, elle n'allait pas tarder à voir débarquer son cher et tendre ou un de ses sbires. Il était temps de prévenir la police pour assurer ses arrières. Elle téléphona à Jean François pour lui demander de venir la chercher pour l'accompagner au commissariat. Elle avait besoin d'un soutien pour raconter son histoire et éviter qu'on ne la prenne immédiatement pour une folle, ce qui risquait malgré tout d'arriver faute d'éléments avérés.
Moins d'une demi-heure plus tard la porte de son labo s'ouvrait à nouveau sans préambule...
Le sommeil de Jules était plus agité, il se tournait et se retournait dans son lit en marmonnant des phrases inintelligibles.
Le lieutenant Roste était maintenant dans sa voiture à l'angle d'une rue qui le laissait dissimulé mais lui permettait de voir l'entrée du parking souterrain de l'immeuble de la BNG. Il était certain que si quelque chose se passait, c'est forcément par là que des personnes cherchant la discrétion passeraient. Il avait malgré tout laissé la deuxième équipe en planque devant la porte principale.
Quelques heures plus tôt, les deux policiers en civil, dissimulés dans une fourgonnette banalisée devant la BNG l'avaient appelé pour lui signalé que Estrosi venait d'arriver dans une grande voiture noire. C'était peut-être le début de la panique tant attendue dans la fourmilière. Il avait alors ordonné à l'un des deux hommes de se mettre en faction devant l'accès au parking. Celui-ci venait de l'appeler pour lui signaler le retour de Estrosi, accompagné de son chauffeur et d'un inconnu "musclé".
Juliette eut un sursaut dans son lit.
- Qu'on ne nous dérange pas Saxo.
Le président de la BNG venait d'entrée dans le laboratoire de Maxime Eloie, accompagné d'un homme grand, à l'allure très sportive, vêtu d'un costume sombre et dont le visage n'exprimait aucune émotion.
- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ce matin Max ?
- A quel sujet Philippe ?
- Arrêtes ce jeu stupide Max, c'est puéril et insultant pour toi comme pour moi. Tu savais très bien que Saxo me transmettrait tes requêtes sur des sujets protégés. De quoi te souviens-tu ? Quand est-ce que ta mémoire est revenue ? A qui as-tu parlé, est-ce que tu as appelé la police ?
- Holà doucement... C'est vrai, mais je n'avais pas le choix, il me fallait quelques éléments avant d'aller voir la police, sinon ils m'auraient pris pour une folle bipolaire ou je ne sais quoi d'autre. Non, je n'ai encore parlé à personne.
- Comment ta mémoire est-elle revenue ?
- Je ne sais pas, peut-être que tes larbins ont mal fait leur boulot, peut-être que mon cerveau torturé à mieux résisté au lavage que d'autres. Il paraît que les cerveaux des chercheurs sont un peu comme ceux des fous, vous avez peut-être mal visé ! J'ai commencé à avoir des bribes de souvenir qui revenaient, puis j'ai consulté un psy parce que j'avais l'impression de devenir folle avec ces souvenirs en double et au fur et à mesure que je comprenais que je n'étais pas folle, les souvenirs fabriqués disparaissaient.
- C'est qui ce psy ? Son nom ?
- Ne t'inquiètes pas, il m'a juste aidé à ne pas sombrer dans la schizophrénie, il ne sait rien de ce qui m'est arrivé.
- On verra... Suis-moi sans faire d'histoire s'il te plaît et il ne t'arrivera rien.
- Non, vous allez juste me lobotomiser.
- Ne soit pas ridicule, tu sais très bien que je ne te ferai jamais de mal, ils vont juste remettre de l'ordre et ta vie, notre vie, recommencera sans plus aucun soucis.
Jules s'agita de plus belle.
La limousine aux vitres teintées venait de sortir au pas du parking, bien trop lentement, comme si le chauffeur faisait tout pour ne surtout pas attirer l'attention.
Au même moment Jean François sortait en courant de l'immeuble. Les deux agents en civil l'interceptèrent, ils l'avaient vu se garer en catastrophe sur une place pour handicapés, sortir de sa voiture et se précipiter dans l'immeuble et maintenant ça, un bien étrange comportement surtout dans les circonstances actuelles.
- Police nationale Monsieur, vos papiers s'il vous plaît. Le policier venait de sortir sa carte tricolore et la tenait à hauteur des yeux du psy.
- On a enlevé mon amie ! Il faut absolument que vous lanciez un appel !
- Calmez-vous Monsieur, qui a été enlevé ?
- Maxime Eloie, elle travaille ici pour la BNG et ils l'ont enlevé !
- Qui l'a enlevé ?
- Son patron ! Elle vient de m'appeler pour que je vienne la chercher pour aller au commissariat, elle savait qu'ils allaient venir. Vite s'il vous plaît il faut prévenir vos collègues, qu'ils la recherchent, ils vont la tuer !
- Suivez nous je vous prie.
L'agent sortit son téléphone et appela le lieutenant Roste.
- Lieutenant c'est Martin. On a quelqu'un qui sort de l'immeuble et qui dit que Madame Eloie vient d'être enlevée.
- Embarquez le et venez me rejoindre, je suis derrière la bagnole de son boss. Je roule sur l'avenue de la République... je prends la rue Weurt en direction du boulevard du Massacre. Attendez nous au rond point de la Légion, je demande des renforts.
- Compris, on arrive. Fais le grimper Roland on décolle !
La camionnette s'intercala entre la limousine et la voiture du lieutenant comme prévu au rond point de la Légion. Pendant presque une demi-heure les deux véhicules qui filaient la limousine inversèrent leurs positions pour ne pas éveiller les soupçons du chauffeur. Ils passèrent devant un café au style un peu vieillot, chez Phillies et enfin la limousine entra dans le parking d'un immeuble vieux et délabré qui semblait n'attendre que la démolition.
Le lieutenant et ses deux collègues allèrent se garer dans des rues perpendiculaires.
- Lieutenant Roste à Central, je demande du renfort pour une prise d'otage supposée. Je suis au cent douze de la rue Barbe, j'ai déjà les agents Martin et Arthur avec moi.
- Central, je transmets votre demande.
- ...
- Central, un groupe du GIPN va être envoyé sur place.
- OK bien reçu, nous allons essayer de récupérer des infos sur les lieux. Terminé.
- Central, bien compris, je transmets. Terminé.
- Martin ?
- Non c'est Arthur Lieutenant.
- Les renforts vont arriver, une équipe du GIPN. En attendant il faudrait récupérer des infos sur l'immeuble. Que l'un de vous deux aille faire le tour des commerces, des cafés.
- Entendu Lieutenant.
Juliette émit un gémissement puis un long soupir.
Une fois garés au sous-sol de l'immeuble, on conduisit Maxime Eloie jusqu'à l'ascenseur dont elle avait un vague souvenir. La porte s'ouvrit sur un pallier totalement délabré qui donnait l'impression que plus personne n'habitait là depuis au moins cinquante ans. Une petite dizaine de portes étaient toutes fermées. Ils se dirigèrent vers la plus crasseuse, jamais la jeune femme n'aurait osé toucher la poignée pour l'ouvrir mais personne n'eut à le faire, trois rayons laser rouges effectuèrent un balayage complet de leurs quatre personnes et la porte s'ouvrit automatiquement.
- Analyse biométrique de masse !
- Cette technologie devrait bientôt être fournie aux militaires pour la surveillance du territoire, les aéroports notamment. Comme tu le vois nous ne gardons pas tout pour nous.
- J'imagine qu'une startup est entrain de finaliser un produit basé sur la même technique et vous allez prendre le marché et la couler en même temps.
- ...
- Vous êtes vraiment des salops.
La porte se referma derrière eux. Ils se retrouvaient dans un sas. Aussitôt, des jets de gaz entrèrent en action. Une odeur âcre leur piqua les narines mais le temps de s'en rendre compte, un souffle d'air puissant les balaya de haut en bas pendant que le gaz était aspiré dans des grilles situées au ras du sol et qui n'étaient pas présentes à leur entrée. La porte devant eux s'ouvrit sur une sorte d'openspace. Une sorte car il s'agissait d'une grande pièce, en fait cela devait même être tout l'étage et peut être même les autres, ou chacun pouvait voir ce que faisaient les autres, mais au travers d'épaisses cloisons en une matière qui ressemblait au verre mais que la chercheuse imaginait plutôt comme devant être un polymère ultra résistant et totalement étanche au bruit, aux gaz et sans doute même la lumière était-elle filtrée.
Ils traversèrent tout l'étage pour arriver devant la seule pièce dont l'intérieur était dissimulé. Quand la porte s'ouvrit elle reconnut le fauteuil des oiseaux de nuit. Elle se débattit pour la forme mais la poigne du chauffeur et de l'athlète ne lui laissait guère d'espoir. Ils la plaquèrent contre le coussin, elle gémit, puis ils la sanglèrent et elle laissa échapper un long soupir...
Jules respirait maintenant très doucement, il avait les sourcils froncés.
L'équipe du GIPN était arrivée, six hommes avec du matériel digne de Mission Impossible. Accompagnés du lieutenant ils avançaient lentement vers l'immeuble, les deux agents de police restant à l'extérieur pour garder le psy et surveiller le parking.
Le lieutenant avait briefé le chef de groupe.
- Ces gars là font dans la haute technologie, il se pourrait bien que l'endroit soit truffé de caméras, de micros et de détecteurs en tous genres.
- Pas de problème, nous aussi on fait dans le hightech, on a des jouets sympatoches pour les repérer. Vous avez récupéré des infos sur l'immeuble ?
- Rien, tout le monde dans le quartier l'a toujours connu dans cet état avec toutes les ouvertures... fermées.
- Nous sommes en liaison avec le QG, au fur et à mesure que l'on progressera ils feront une reconstruction en trois D grâce aux scanners qui équipent nos casques. Ils pourront rapidement se faire une idée de la topologie et nous guider.
Un des commandos ausculta le hall derrière la lourde porte, RAS. Un autre aspergea copieusement les gonds avec ce qui ressemblait à du dégrippant pendant qu'un troisième crochetait la serrure. La porte s'ouvrit sans résistance et sans un bruit. Le hall était désert. Devant les sept hommes, une vieille cage d'escalier et une porte d'ascenseur.
Ils se mirent en file indienne et gravirent en silence les marches en marbre du premier niveau. A l'aide d'une longue perche télescopique, ils s'assurèrent du pallier du premier étage, RAS. Ils procédèrent ainsi, étage par étage, pallier par pallier, jusqu'au sixième. Là leur équipement détecta de l'électronique.
Au bout de quelques minutes, le QG leur envoya un plan virtuel de l'étage et du pallier avec une solution d'approche de La porte sans normalement entrer dans le champ de détection repéré.
Le chef de groupe indiqua rapidement au lieutenant sur un mini écran plat incrusté dans sa manche le chemin à suivre. Il lui montra également le plan supposé de l'étage, les personnes que les scanners radio avaient reconnu et la salle "aveugle". C'est notre objectif avait-il écrit sur son écran tactile. Le lieutenant acquiesça d'un hochement de tête, arma son Sig Sauer et se tint prêt.
Le front de Juliette perlait de sueur, sa respiration était haletante, sa tête balançait à droite puis à gauche.
Une silhouette blanche sans visage venait d’entrer dans la petite pièce. Tous les autres étaient sortis. L’inconnu s’activait au dessus d’un plateau recouvert d’un champ opératoire sur lequel se trouvait une petite boîte métallique, des cartouches d’air comprimé comme celles que l’on utilise dans les syphons en cuisine, une pince et une sorte de seringue munie d’une poignée.
Une des cartouches trouva sa place dans la crosse de la seringue, puis la silhouette ouvrit la boîte, saisit un flacon transparent et operculé qui trouva également sa place dans ce qui était maintenant un pistolet hypodermique à air comprimé.
Max tentait de toutes ses forces de se défaire des sangles mais rien n’y faisait, elle ne parvenait qu’à se blesser à cause du frottement avec le cuir.
Jules cria dans son sommeil.
Un des hommes du GIPN venait de terminer la pause de charges d’explosif sur la porte. Ils reculèrent tous dans un angle mort du souffle de l’explosion.
Le chef de groupe décompta de cinq à zéro sur les doigts de sa main gauche. Le plastique fit voler la porte en éclat ainsi que le sas armé qu’elle dissimulait.
- GO ! GO ! GO !
Tout le groupe entra en se criant des infos sur ce qu’ils voyaient. La plupart des occupants du laboratoire se couchèrent après la déflagration, d’autres restèrent debout et mirent les mains en l’air.
Le chauffeur et le garde du corps qui montaient la garde devant la salle des oiseaux de nuit sortirent leurs armes et commencèrent à tirer sur les policiers. Deux rafales sifflèrent dans leur direction et ils s’écroulèrent.
Un message d’alerte retentit dans le casque des hommes du GIPN mais avant que l’un d’eux n’ait eu le temps de se tourner dans la direction indiquée, Estrosi qui venait d’apparaître fit feu à plusieurs reprises en direction du petit groupe.
Le lieutenant, sans casque sur les oreilles, qui avait entendu du bruit, s’était retourné plus vite, mais pas assez. Une des balles d’Estrosi atteignit un commando sous le bras et Roste à l’épaule avant que ce dernier n’est pressé la détente de son automatique ce qu’il fit malgré tout, vidant quasiment son chargeur de quinze balles dans la direction du tireur. Trois finirent par l’atteindre mortellement.
La respiration de Juliette était redevenue calme, elle semblait enfin reposée. Celle de Jules était hoquetante, à la limite de l’apnée.
Le lieutenant Roste se réveilla dans une chambre d’hôpital. Il était nauséeux, une vive douleur le lançait au niveau de l’épaule et il sentait une aiguille dans son bras gauche.
Il sentait une présence mais ne distinguait personne autour de lui, sa vision était encore trouble. Il entendait une respiration maintenant venant de la gauche. Il tourna doucement la tête et aperçut une femme allongée sur le lit à côté du sien.
- Ca y est, tu te réveilles enfin.
- Excusez-moi, on se connaît ?
- Un peu qu’on s’connaît, c’est mon sang qui coule dans tes veines.
- Pardon ?
- Je m’appelle Maxime Eloie.
Le lieutenant essaya de faire la mise au point sur ce visage mais ses yeux refusaient toujours de lui donner autre chose qu’un flou artistique.
- Vous allez bien ?
- Très bien, vous êtes arrivés juste à temps, cinq minutes de plus et je me retrouvais avec le QI d’une salamandre. Elle se mit à rire de bon cœur. T’imagines ça, une frangine amphibienne ?
- J’ai un peu de mal à vous suivre, désolé.
- Tu t’es fait tirer dessus par l’autre pourrit de Estrosi. Les gars du GIPN ont appelé une ambulance et m’ont sortit du bocal. J’ai été amené ici en même temps que toi, tu perdais beaucoup de sang. En arrivant à l’hôpital ils t’ont emmené tout de suite au bloc pour retirer la balle mais tu continuais à perdre du sang. Les chirurgiens ont continué l’opération et ont finit par arrêter l’hémorragie mais tu étais vraiment faible, du plasma ça fait pas tout.
- Pourquoi ne pas m’avoir transfusé avec du sang ?
- T’as pas le pot comme on dit, tu es AB négatif et ouais, il y a pas une personne sur cent qui peut te filer son sang.
- Qu’est-ce qu’on m’a fait alors ?
- Il se trouve que moi aussi je suis AB négatif et moi je le sais alors quand je les ai entendu en parler je leur ai dit et ils m’ont fait un prélèvement pour contrôler la compatibilité.
- Je comprends, nous sommes frères de sang alors. Doucement sa vue s’éclaircissait.
- Tu crois pas si bien dire frérot. Les analyses ont montré des caractéristiques étonnamment proches. Alors je leur ai parlé de mon rêve bizarre et ton collègue du commissariat...
- Durand ? Durand est venu me voir ?
- Oui c’est ça, Durand, gentil comme garçon. Eh bien il a parlé d’un truc étrange, que tu lui avais dit que tu me connaissais alors que tu ne m’avais jamais vu. Du coup ils ont fait des analyses un peu plus poussées et devines quoi ?
- Avec mon bol on a la même maladie orpheline ?
- Non mais tu chauffes. T’es orphelin ?
- Oui ?
- J’ai appelé mes parents et ils m’ont avoué que lorsque ma mère avait dix sept ans, elle est tombée enceinte, mais ils étaient trop jeunes pour assurer les besoins d’un enfant alors elle a accouché sous X...
Il voyait clairement le visage de la femme allongée sur le lit à côté du sien maintenant et ce qu’il voyait le stupéfiait, il aurait put être devant son miroir, les yeux, le nez, le menton, les tâches de rousseur, tout lui rappelait ses propres traits...
- Tu veux dire qu’on est frère et sœur ?
- Affirmatif frangin.
- C’est incroyable. C’est un rêve et je vais me réveiller.
- Alors réveilles toi tout de suite.
- Allez debout ! Debout fainéant c’est l’heure !
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Allez Jules, petit déjeuner !
- Oh arrêtes de me secouer comme ça Juliette...
Chapitre 8 - Défi n°113, Où vont ces enfants... (Fafa)
Les deux enfants marchaient en silence depuis presque une heure. La traversée du grand bois de Hunt les impressionnait toujours autant, surtout juste à la tombée de la nuit ou à la levée du jour comme ce matin. Mais l'approche de la petite clairière toute illuminée où les fleurs multicolores, épargnées par les rayons du soleil ardent de l'été par la frondaison des plus grands arbres, les accueilleraient bientôt, leur redonnait l'hardiesse de leur jeune âge.
- Ouf, je suis bien content qu'on en sorte enfin, déclara le plus grand, sans pour autant lâcher la main de sa petite soeur.
- Moi aussi, c'est pas trop tôt, lui répondit sa cadette.
- C'était vraiment chouette ce week-end en camp !
- Oui, super !
A l'évocation de ces deux jours et trois nuits passés au centre aéré du Grand Chêne, leurs yeux se mirent à pétiller et leurs pieds battirent le sol qui devenait de plus en plus dur et sec à mesure qu'ils approchaient de la Cour des Fées à un rythme plus soutenu.
Leurs parents les avaient conduit avec leur vieille R8 jusqu'à l'entrée de la l'allée qui menait au centre de vacances. Pas plus loin pour ne pas infliger une honte toute juvénile aux deux bambins.
- Amusez-vous bien mes chéris, renifla une dernière fois leur mère en les pressant jusqu'à les étouffer.
- Soyez sages surtout, leur lança leur père, et pour vos sacs, ne vous en occupez pas pour le retour, je passerai les prendre en rentrant de l'usine lundi soir.
La petite voiture avait redémarré alors que le frère et la soeur s'avançaient sans se retourner sur les graviers blancs qui menaient à l'ancien manoir reconvertit.
- Regardes les comme ils sont fiers ! Tu crois que tout se passera bien, ils sont assez grands ?
- Ne t'inquiètes pas, Jules veillera sur sa soeur, tu peux lui faire confiance. Et puis tes parents sont juste à côté et nous habitons de l'autre côté de la forêt...
La Cour des Fées n'était plus qu'à quelques foulées, la lumière se faisait plus forte et une légère brume commençait à s'élever des mousses qui couvraient les bords du sentier.
- J'ai adoré l'escalade dans les grands arbres avec les cordes, les ponts de singes, les passerelles et la tyrolienne. Il y en a qui ont eu peur mais pas moi, j'ai l'habitude de grimper !
- Moi ce que j'ai trouvé le plus amusant c'est le bal de samedi soir avec les costumes que nous avions fabriqué l'après-midi, surtout les jolis masques en papier mâché !
- Oui, c'est vrai que ça aussi c'était bien, mais surtout pour les filles.
- C'est ça, tu crois que je t'ai pas vu danser avec Marinette !
- Et alors, j'ai dansé avec d'autres filles aussi !
- Oui mais avec les autres t'étais pas tout rouge !
- Ca suffit, je te préviens t'as pas intérêt à le répéter.
- Sinon quoi ?
- Sinon rien, tu ne le raconteras pas et c'est tout.
- Bien sûr que non, tu le sais bien.
Enfin ils pénétrèrent dans la clairière, les grands chênes centenaires aux forment et aux ombres étranges, les feuilles mortes et sèches qui bruissent au passage du moindre petit animal, les cris d'animaux sauvages au loin, les buissons qui semblent vous suivre, toutes ces choses menaçantes étaient maintenant derrière eux. Les rais de soleil et l'air plus riche finirent de les ragaillardir complètement.
- On a bien mangé aussi.
- Oui ça peut aller...
- T'es toujours difficile de toute façon.
- C'est pas vrai !
- Si c'est vrai, la preuve, ce matin le petit déjeuner te plaisait t'en as repris.
- Et alors ?
- Alors rien, t'as eu bien raison et j'ai fait pareil d'ailleurs.
- J'ai bien dormi aussi, à part cette nuit.
- Moi pareil ! J'ai fait un rêve bizarre.
- Moi c'était pas bizarre mais c'était excitant.
- Je crois que c'est à cause de l'histoire à dormir debout que les monos nous ont raconté hier soir, elle faisait peur !
- Ouais, elle était trop bien, surtout la fin, j'ai fait un de ces bons quand ils ont crié tous ensemble !
- Moi aussi, j'avais encore le coeur qui battait quand je me suis couchée. C'était quoi ton rêve ?
Ils avaient presque fini de traverser le cercle quasi vierge de végétation, quelques mètres encore puis ce serait le bosquet de châtaigniers où ils allaient cueillir des girolles et couper des bâtons de marche ou des arcs et des flèches.
- J'étais un policier, un vrai hein, avec un pistolet, des menottes et tout et tout ! J'essayais d'attraper des méchants qui avaient enlevé quelqu'un à cause d'une voiture. Et toi ?
- Moi ça faisait un peu peur, j'avais oublié qui j'étais et j'essayais de m'en souvenir mais j'étais très jolie et intelligente.
- Et ça s'est fini comment, tu t'es souvenu ?
- J'en sais rien, je me suis réveillé en sursaut quand la sonnerie du réveil a retentit, l'histoire était pas finie.
- Moi pareil ! Je commençais à me rapprocher des méchants et vlan, le réveil, quel poisse. Peut-être qu'on va les refaire cette nuit et qu'on saura la fin...
- Ouais peut-être, faudra se coucher plus tôt pour avoir le temps d'aller jusqu'au bout...
Ils sortaient du bosquet, la petite maison de briques rouges, réplique exacte, à l'exception du jardinet potager, aux deux maisons mitoyennes et à toutes les autres de la rue sentait bon la soupe entrain de mijoter sur la cuisinières à charbon qui faisait office de chauffage centrale. Leur chien Hercule les vit et vint les accueillir en aboyant. Leur mère apparut sur le perron de la porte de la cuisine.
- Mes chéris !
- Regarde Juliette, c'est Maman, j'ai hâte de tout lui raconter !
- Maman ! Moi aussi, preum's !
Ils partirent tous les deux d'un grand éclat de rire en courant dans les bras de leur mère qui pleurait de joie.
Voilà donc où allaient ces deux minots se dit Walrus qui les avait vu sortir du bois et les voyait maintenant enjamber la vieille palissade du fond de leur jardin.
Chapitre 7 - Défi n°59, Les oiseaux de nuit... (Fafa)
- Bonjour Mademoiselle, je voudrais parler au juge Hais s’il vous plaît.
- De la part de qui je vous prie ?
- Lieutenant Roste.
- Un instant.
- ...
- Je vous le passe.
- Merci.
- Lieutenant Roste !
- Monsieur l’juge.
- Quel bon vent vous amène ?
- ...
- Je plaisante, votre mandat de perquisition pour la BNG c’est ça.
- Absolument. Sauf votre respect je commençais à trouver le temps un peu long.
- Je comprends. Ecoutez je suis désolé mais je ne peux pas vous le donner. Vous n’avez aucun élément pour appuyer votre demande.
- Monsieur l’juge, vous me connaissez, vous savez que je ne vous dérange pas pour rien. Si je vous demande un mandat c’est qu’il y a quelque chose de pas clair, je l’sens et vous savez très bien que j’ai le nez le creux pour les trucs louches !
- Il n’empêche Lieutenant que je n’ai rien pour étayer cette demande.
- Qu’est-ce qui se passe Monsieur l’juge ? Ce n’est pas la première fois que je vous demande quelque chose avec les mains vides et qu’au final je vous ramène une belle affaire !
- Je sais, mais là je ne peux rien faire.
- Vous ne POUVEZ ou vous ne VOULEZ rien faire ?
- Doucement lieutenant, dois-je vous rappeler à qui vous parlez !
- C’est si gros que ça la BNG ? Ou alors vous avez des actions chez eux !
- Dernières sommations Lieutenant, vous êtes à deux doigts de l’outrage.
- Je ne pensais pas que l’argent pouvait vous atteindre...
- Là vous avez dépassé les bornes lieutenant, personne ne m’a acheté et personne ne m’achètera jamais, il y a d’autres poissons dans la mer, celui-ci est trop gros pour vous et pour moi c’est tout ! Je vous conseille d’être revenu à plus de raison la prochaine fois que vous me demanderez quelque chose, sinon je ferai en sorte que vos supérieurs vous rappellent à l’ordre plus formellement. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Parfaitement... Au plaisir Monsieur Le Juge.
- Putain d’pognon ! Putain d’capitalisme de merde !
- ... ?!
- Durand, tu vas m’appeler la BNG et leur dire que le juge nous a filé un mandat pour fouiller tout leur siège et les labos !
- Mais Lieutenant le juge ne vient pas de vous le refuser ?
- Si, mais ils n’en savent rien. On va secouer un peu la fourmilière et voir ce qui en sort...
- Entendu Lieutenant.
***
- Un thé ?
- Volontiers merci.
Le psychothérapeute quitta son fauteuil Barcelona et se dirigea vers la porte d’entrée du bureau derrière laquelle Il disparut pour ne réapparaître que dix minutes plus tard, portant un plateau sur lequel se trouvait une théière Oïgen, deux tasses et quelques biscuits disposés sur une petite assiette en porcelaine d’Imari.
- Nous voilà fin prêt pour votre récit, dit-il en se rasseyant.
Il servit le thé, ne proposa ni sucre, ni lait, ni citron comme il se doit et attendit tranquillement que la jeune femme qui n’était plus allongée reprenne le cours de son histoire
- ...
- Je ne me souviens pas de grand-chose du parcours, j’étais endormie quasiment tout du long. Juste à un moment nous sommes passés sur un dos d’âne, j’ai ouvert les yeux et j’ai aperçu la vitrine d’un café qui faisait un angle de rue. Ensuite j’ai re-sombré.
- Vous vous souvenez du nom du bar ?
- Non je ne crois pas...
- Dommage, sous hypnose nous aurions peut-être put le faire remonter...
- Peut-être que le nom de ce café me reviendra plus tard...
- SOURIS !
- Qu’est-ce qui vous a pris de crier comme ça PHILLIES ?!
- Excusez-moi, mais je vous ai programmé lorsque vous étiez encore sous hypnose avec un mot clé, « souris » en l’occurrence, pour qu’à chaque fois que je le prononce, le souvenir qui vous échappe ressurgisse aussitôt mais il fallait pour bien faire que je fasse un peu jouer l’effet de surprise à la première utilisation. Je crois que ça marche, vous m’avez appelé Phillies.
- Phillies ? Oui maintenant ça me revient effectivement, un café assez vieillot avec une devanture en moulure et PHILLIES écrit en lettres dorées. Merci Docteur. Euh, Jean-François. Cela ne me dira malheureusement pas où ils m’ont emmené mais un indice au moins sur la direction prise...
Je commençais à me réveiller lorsque la voiture s’est arrêtée. Nous étions dans un parking souterrain totalement désert. La paire de bras inconnue et celle du chauffeur m’ont soutenu jusqu’à la porte d’un ascenseur et nous sommes montés au sixième et dernier étage.
J’avais la nausée et lorsque la cabine s’est immobilisée un peu vite j’ai vomi mon repas sur le pallier.
Là, sur le pallier, je me serais cru au labo, à la BNG, partout des sas, pas des portes. Ils m’ont emmené dans un box qui aurait pu être un cabinet de dentiste. J’ai été attaché par des sangles sur un fauteuil articulé qui a été mis en position table. Je leur demandais ce qu’ils allaitent faire, je suppliais de parler à Philippe...
- Philippe ?
- Oui, nous sommes, nous étions plutôt, comment dire... proches, il était un peu plus que mon patron ce pourri. C’est lui l’homme de la photo dans l’appartement. Quand je pense que cet enfoiré m’a...bref, vous voyez ce que je veux dire. J’avais confiance en lui, toutes les belles paroles, toutes ses belles promesses, une raclure qui marche pour les gros bonnets de la finance et un maquereau en plus ! Si je le coince je lui montrerai que moi aussi je sais faire des trucs avec des petites bêtes !
- Des petites bêtes ?
- Oui. Finalement Philippe est venu avant qu’on « m’opère », une fois que j’ai été bien attaché et qu’un bon calmant m’ait été administré, il m’a tout expliqué. Il m’a dit qu’il le faisait pour mon esprit de chercheur et que de toute façon, je ne risquais pas de le raconter après.
Vous voyez, la BNG a fait travailler énormément de chercheurs dans un tas de domaines très différents les uns des autres et comme pour moi, à chaque fois que les recherches aboutissaient, ils « volaient » les résultats qui tous risquaient d’aller à l’encontre des firmes qui se cachent derrière les bonnes intentions apparentes de la fondation.
Lorsqu’ils ont découvert l’état d’avancement de mon projet et surtout la partie production d’énergie que j’avais soigneusement caché jusque là, ils ont paniqué. Les firmes pétrolières, entre autres, ont vu leur avenir réduire comme peau de chagrin, toute la filière nucléaire itou, vous voyez la cata pour tous ces actionnaires. Ils ont décidé de faire appel aux oiseaux de nuit pour remodeler l’histoire à leur goût.
Il y a quelques années, un chercheur spécialisé dans les nano technologies a trouvé le moyen de créer de microscopiques robots, capables, après implantation dans la substance grise, d’aller détruire les plaques amyloïdes et d’autres, responsables de la maladie d’Alzheimer par exemple. Mais les laboratoires pharmaceutiques ont vu ça d’un très mauvais œil, leur ventes de soins palliatifs risquaient de chuter et leur dividendes par la même et comme ils comptent parmi les plus gros donateurs de la BNG, ils se sont arrangés pour « étouffer » l’histoire.
En lieu et place d’un remède miracle contre beaucoup de lésions cérébrales, ils ont mis au point le lavage de cerveau le plus efficace qui soit, jusqu’à votre intervention bien sûr ! Les nano robots isolent les neurones qui stockent les souvenirs à annihiler et empêchent ainsi le cerveau d’accéder à une partie de sa base de données. Mieux, ils sont capables d’implanter de nouveaux souvenirs, très simples, pour mieux faire passer la pilule à leurs patients. Ils appellent ça les oiseaux de nuit, ils passent sans plus de bruit qu’un froissement d’aile et après eux il ne reste qu’un trou noir comme la nuit.
C’est ce qu’ils ont fait avec moi. J’étais sensée me souvenir de mes recherches sur le traitement des déchets par les bactéries mais plus de l’application de production d’électricité.
- Incroyable !
- Je vous avais promis du lourd...
- Comment peut-on en arriver là pour quelques millions d’Euros ?
- Des milliards Jean-François, des dizaines de milliards d’Euros ! Certains sont prêts à tuer pour bien moins ! Mais grâce à vous nous allons pouvoir les stopper. Il faut que je réunisse quelques pièces à conviction et ensuite j’irai voir la police. En attendant je vais jouer leur jeu.
- Depuis combien de temps avez-vous « disparu » ? Quelqu’un a bien dû s’inquiéter de ne pas vous voir et prévenir la police.
- J’en doute. Vous savez, à part mon travail au labo, mes seuls moments de libre je les passais avec l’autre enflure. Mes parents, mes frères, ils n’ont pas reçu de mes nouvelles depuis belle lurette... Tout ça va changer.
Chapitre 6 - Défi n°53, Le divan... (Fafa)
Un vaste vestibule s’étirait sur quelques mètres derrière la porte par laquelle elle venait d’entrer. Un grand miroir faisait face à une console empire sur laquelle était placée un vase à la forme étrange, non sans rappeler un vase à libation mochica. Le sol était recouvert d’un tapis rococo et les murs couverts de nombreuses lithographies monochromes aux sujets évocateurs. Sur l’une des portes que desservait la longue pièce, un petit écriteau indiquait « SALLE D’ATTENTE ». Elle entra le plus silencieusement possible malgré la poignée antédiluvienne et les gonds grinçants. Cinq chaises empire étaient installées en cercle autour d’un guéridon du même style placé au centre d’un tapis persan. Sur les murs à nouveau des lithographies mais cette fois en couleurs et pour la plupart des Jules Chéret. Les goûts du propriétaire des lieux semblait des plus hétéroclites. Elle s’installa sur une chaise. Quelques minutes plus tard, la deuxième porte de la salle d’attente s’ouvrit, un petit personnage rabougrit la franchit, opina légèrement du chef en la voyant, traversa la pièce à petits pas rapides et disparut derrière la porte d’entrée. Elle mit un instant à remarquer la silhouette élancée appuyée contre le châssis de la porte encore ouverte. L’homme était grand, brun, sec comme un coup d’trique comme aurait dit sa mère, les sourcils fournis, de petites lunettes rondes, un nez aquilin, un menton carré, une bouche fine aux lèvres pâles et un petit trait de barbe sous la lèvre inférieure. Ses vêtements correspondaient à la décoration. - Bonjour. Nous avions rendez-vous ? - Non. - Je ne reçois que sur rendez-vous je suis désolé. Mais nous pouvons... Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, elle se mit à nouveau à pleurer. - Allons, allons, calmez-vous. Il venait de poser une main sur son épaule. Venez avec moi, je n’ai personne d’autre de prévu ce matin de toute façon, suivez-moi. - Merci. Elle se leva et le suivit dans la pièce suivante. Celle-ci tranchait complètement avec les deux premières. Les meubles étaient beaucoup plus récents, elle reconnut un fauteuil Egg de Arne Jacobsen derrière un bureau qui était en fait une table LC6 de Le Corbusier, une chaise longue LC4 également de Le Corbusier sur laquelle l’homme lui indiqua de s’installer et un fauteuil Barcelona de Mies van der Rohe dans lequel il se laissa aller après qu’elle se soit elle-même assise ou plutôt allongée. Les murs étaient blancs sans aucun cadre à l’exception du célèbre Guernica de Picaso accroché au dessus de la LC4 et le parquet avait été laqué en gris béton puis vitrifié. - Dîtes-moi ce qui vous arrive. La voix était posée, quasi sans intonation. - J’ai tout oublié, je ne sais plus qui je suis. - Où étiez-vous lorsque vous vous en êtes rendu compte ? - ?... - Bien oui, quand avez-vous réalisé que vous n’aviez plus de souvenir ? - Je ne sais pas, je me suis réveillée ce matin sans savoir qui je suis... - Vous n’avez donc pas de souvenir de la journée d’hier ? - Non, ni des jours avant, ni de cette nuit ! - Où étiez-vous ? - Dans un appartement. - Votre appartement ? - Mais j’n’en sais rien ! - Allons, y-a-t-il dans cet appartement vos vêtements, vos affaires de toilettes... - Il y a des vêtements qui me vont. - Et rien d’autre, des objets intimes, des photos de vous, avec des proches ? - Oui, il y a une photo de moi avec un homme devant une maison, je ne me souviens ni de l’un ni de l’autre. - Et bien, sauf à penser que quelqu’un veut vous jouer une mauvaise farce, on peut en conclure que cet appartement est le vôtre ou celui de cet homme dont vous seriez sans doute proche non ? - Sans doute. Son esprit cartésien recommençait à prendre le dessus. - Vous me paraissez cohérente, sans signes de désorientation mais également sans traces de traumatisme. - C’est aussi ce que je me suis dit. - Il y a des cas d’amnésie provoqués par des chocs émotionnels. Je ne me risquerai pas à un diagnostic catégorique, je ne suis pas praticien mais cette option me semble plausible qu’en pensez-vous ? - Oui, je crois que oui. Mais que faut-il que je fasse ? - J’ai dans l’idée que vous n’êtes pas entrée chez moi par hasard et que la mention sur la plaque à l’entrée vous a attiré, je me trompe ? - Non, sans doute que non, vous pensez que l’hypnose pourrait me rendre la mémoire ? - C’est mon fond de commerce chère Madame, si je ne le croyais pas je serai ni plus ni moins qu’un escroc... madame comment d’ailleurs ? - Max... - Vous vous appelez Max ? - Ca m’est venu comme ça. - Alors va pour Max, on progresse déjà c’est fantastique non !? - Oui, merci docteur. - Jean-François, Decker mais restons en à Jean-François s’il vous plaît. On y va ?! - On y va ! - Bien allongez-vous confortablement. L’homme expliqua alors le processus de la mise sous hypnose et commença dans la foulée. Moins de dix minutes plus tard sa patiente était paisiblement en état de sommeil paradoxal. - Bien, commençons par le commencement si vous le voulez bien Max, c’est bien votre nom n’est-ce pas ? - Oui, Maxime mais tout le monde m’appelle Max depuis toute petite. - Votre enfance justement, où êtes-vous née ? - A Saint Nazaire, là où il y a les chantiers navals. - Et que faisaient vos parents ? - Mon père était Capitaine d’un des bateaux pilote et ma mère gérante d’un magasin de meubles. - Vous avez des frères, des sœurs ? - Trois frères ! L’homme continua ainsi à remonter le temps depuis la tendre enfance de la jeune femme jusqu’à la semaine précédent sa supposée amnésie. - Vous touchez au but, vos recherches semblent concluantes et vous avez décidé de faire un essai grandeur réelle, en quoi cela doit-il consister ? - VOYELLE ! VOYELLE ! En une fraction de seconde tout venait de lui revenir. L’homme la ramena rapidement à l’état conscient, elle se souvenait maintenant de toute son histoire... - Calmez-vous. Votre mémoire est revenue ? Un hochement de tête. Complètement ? - Oui. - C’est VOYELLE qui vous a tout rappelé ? - Oui. VOYELLE c’est le nom du prototype qui doit servir a valider mes recherches. - Sur le retraitement des déchets ménagers. - Indirectement. Mes études portait effectivement sur des bactéries capables de « digérer » nos ordures mais ces bactéries ont une particularité, elles sont capables de produire un courant électrique. Jusqu’à présent toutes celles qui ont été découvertes produisait un courant d’une très faible intensité mais la variété que j’ai découverte est elle à même de générer un courant continu un million de fois plus puissant que tout ce qui a été mesuré jusqu’à présent à condition d’en réunir une certaine quantité qui correspond en fait à une colonie. Avec l’aide de biologistes j’ai réussi à faire vivre des colonies de bactéries pendant plusieurs mois en vase clos, des « cartouches » et à en produire de nouvelles d’une manière fiable et très peu onéreuse. Avec l’aide de physiciens, j’ai mis au point une sorte d’accélérateur de décomposition capable de récupérer l’électricité produite et de la transmettre en un flux permanent grâce à des onduleurs, des « réacteurs ». Avec ces deux systèmes couplés j’ai accès à une source quasi inépuisable et extrêmement bon marché d’énergie. Pour démontrer la viabilité du processus j’ai décidé d’en équiper un véhicule propulsé par un moteur électrique, VOYELLE, Voiture hYbride Electrique Low Emission. Un ingénieur a adapté l’ensemble dans une Bluecar que j’ai rebaptisé. J’avais déjà effectué plusieurs trajets sans problème et j’étais décidé à présenter le prototype au président de la fondation qui finance mes études... - Et que s’est-il passé ? - J’ai déjeuné avec mon « patron » et je lui ai tout raconté. Au début il a eu l’air abasourdi, forcément, et puis petit à petit son attitude à changer il est devenu... inquiet. J’ai bien vu que quelque chose n’allait pas mais je ne comprenais pas quoi. Ensuite il est redevenu très enjoué, il me disait que c’était formidable, que nous allions pouvoir régler les problèmes énergétiques de tous les pays du globe, et caetera. Nous avons fini de déjeuner rapidement, il était pressé de découvrir VOYELLE. Il s’est absenté quelques minutes pour régler l’addition, j’aurais du me méfier à ce moment là, il est connu dans tous les restaurants où il va déjeuner, il ne règle jamais directement l’addition lui-même, en fait il était partit téléphoner. Son chauffeur nous attendait à la porte. Lorsque je suis monté dans la limousine, j’ai senti des mains puissantes m’agripper, me plaquer contre le cuir de la banquette et une aiguille s’enfoncer dans mon bras et puis plus rien - Jusqu’à votre réveil ce matin ? - Non, je me suis réveillé plus tôt, ailleurs... - Et ?
Chapître 5 - Défi n°32, L’invention... (Fafa)
Le lieutenant Roste faisait machinalement tourner son stylo autour de son pouce, régulièrement, consciencieusement. Ce petit geste répétitif qui ne laissait pas d’exaspérer ses voisins et ses professeurs avait accompagné toute sa scolarité depuis sa rentrée en sixième quand il avait vu pour la première fois un autre élève le faire le jour de la rentrée.
Même si son premier trimestre s’était considérablement ressenti de ses multiples tentatives pour maîtriser le mouvement, aujourd’hui la concentration et l’isolement malgré le vacarme incessant qui provenait des cellules de dégrisement qu’il lui procurait était des alliés précieux.
Cela faisait bien une heure qu’il était revenu au commissariat et il ne savait toujours pas par quel bout commencer son enquête. Il ne pouvait se résoudre à appeler le dernier nom mentionné dans l’agenda de la disparue, Monsieur Estrosi. Lui, un simple lieutenant, demander à être reçu par un ministre, il allait se faire bouler à coup sûr. Mais il ne voyait pas quelle autre piste creuser.
- Lieutenant ? Durand venait de se pencher à la porte du bureau de Roste.
- ... Oui, qu’est-ce qu’il y a Durand ?
- Il y a un Monsieur Estrauzi à l’accueil qui voudrait parler à l’officier qui enquête sur la voiture du parking, j’lui dis quoi ?
- Ben tu l’fais entrer triple buse, c’est l’Ministre de l’industrie !
- Ah bon ? Ben il a pas la même tête qu’à la télé, c’est à cause du maquillage sûrement... Alors j’vous l’amène ?
- Grouille imbécile !
Le lieutenant eut à peine le temps de se redresser dans son fauteuil et de mettre un peu d’ordre sur les papiers étalés sur son bureau que Durand était de retour avec son visiteur.
- Monsieur Estrosi, le Lieutenant Roste, c’est lui qui s’occupe de l’affaire. Respects !
Durand repartit vers le comptoir de l’accueil sans demander son reste. L’homme qui se tenait dans l’embrasure de la porte était grand, les cheveux gris coupés courts, un visage taillé à la cerpe, rien à voir avec le motodidacte élu de la République.
- Enchanté Lieutenant Roste !
- ...
- Je m’appelle Philippe Estrosi, rien à voir !
- Excusez-moi Monsieur Estrosi, bredouilla Roste en tendant la main à son visiteur, prenez un siège je vous en prie.
- Merci.
- Vous vouliez donc me voir à propos de...
- Je sais que vous avez enquêté au sujet d’un véhicule laissé au parking de l’immeuble où se trouve la BNG. Je suis le Président de la fondation qui finance les recherches de la BNG ainsi que plusieurs autres chercheurs.
- ...
- Comme vous pouvez vous en douter, dès que vous avez quitté nos locaux, j’ai été averti de ce qui se passait. J’ai immédiatement rassuré nos collaborateurs sur l’état de santé du docteur Eloie qui va très bien maintenant. Elle a effectivement été victime d’un léger malaise alors que nous venions de déjeuner et que je la raccompagnais à sa voiture qu’elle avait garé dans le parking souterrain de la BNG. Rien de grave, un malaise vagal lié au stress de la recherche, je suis médecin.
Mon chauffeur nous a conduit à son domicile et après lui avoir formellement interdit de revenir travailler avant une quinzaine je l’ai laissé se reposer en lui faisant promettre de me téléphoner tous les jours pour m’assurer qu’elle allait bien. Ce qu’elle a scrupuleusement respecté. Je puis donc vous assurer qu’elle va parfaitement bien et qu’il n’y a aucune raison de diligenter une enquête à son sujet.
Voilà, eh bien je ne vais pas vous importuner plus longtemps Lieutenant, votre temps est précieux. Merci et au plaisir.
- Un instant s’il vous plaît Monsieur Estrosi, excusez-moi mais nous ne pouvons plus clore cet incident sans un minimum de procédure. Ce n’est qu’une main courante mais l’intervention d’un officier rend obligatoire un rapport. Outre la paperasse, nous aurons également besoin que Madame Eloie nous rassure elle-même sur son état.
Mais cela va se régler très rapidement et simplement, comme vous êtes ici vous allez pouvoir me communiquer l’adresse et le téléphone de Madame Eloie.
- Bien sûr je comprends. Je ne connais pas ses coordonnées par cœur comme vous vous en doutez, je vais demander à ma secrétaire qu’elle vous les communique.
Le lieutenant le coupa dans son élan alors qu’il s’apprêtait à se lever.
- Dîtes m’en plus sur le travail de Madame Eloie s’il vous plaît. C’est en rapport avec le nucléaire, les armes, j’ai lu des références à un réacteur et des cartouches ? Je suis curieux comme tout policier qui se respecte.
Estrosi se renfonça dans son fauteuil comprenant que le lieutenant ne le lâcherait pas aussi vite qu’il l’avait espéré.
- Pas d’armes ni de nucléaire Lieutenant, Max effectue des recherches sur des bactéries capables de se nourrir de et de digérer nos déchets ménagers. Ses travaux sont particulièrement prometteurs, elle pourrait dans un avenir assez proche, du moins à l’échelle de la recherche, être capable de faire disparaître la production d’ordures d’une famille française moyenne par une colonie de ses microscopiques êtres vivants de un milliard d’individus environ ce qui proprement hallucinant !
Le réacteur est en fait un appareil qui permet de faire croître une colonie en lui offrant des conditions parfaites et la cartouche est le contenant qui permet de les transporter tout simplement.
Imaginez que nous serons peut-être capables d’ici dix ou quinze ans de fermer la plupart des décharges qui polluent les abords de nos villes et nos campagnes !
Le président semblait sincèrement emballé par cette perspective mais Roste ne pouvait s’empêcher d’être méfiant. Son flair l’avait rarement trahi jusqu’à présent, s’il sentait quelque chose de louche, c’est que ça l’était et il ne voyait pas bien cet administrateur tiré à quatre épingles, Submariner au poignet, mouiller sa liquette pour quelques enzymes gloutonnes qui lavaient plus blanc que blanc comme aurait dit Coluche. Non, cette histoire sentait mauvais et pas à cause des ordures ménagères.
- Qu’est-ce que ça rapportera à la BNG cette découverte ?
- Oh, rien du tout Lieutenant, la BNG est une société à but non lucratif soutenue par une fondation dont les finances sont alimentées par quelques grandes firmes internationales et quelques grandes fortunes privées qui veulent se donner bonne conscience et surfer sur la vague verte. Toutes les découvertes dans quelque domaine que ce soit sont laissée dans le domaine public et nous participons à leur développement industriel par un transfert technologique assuré par les chercheurs mêmes qui leur ont donné naissance.
- Quel est le chiffre d’affaires de la BNG ?
- Nous ne vendons rien Lieutenant, donc pas de C.A. pour nous mais un budget de fonctionnement de plusieurs dizaines de millions d’Euros par an.
- Et quel est votre champ d’actions ?
- Nous soutenons tous les projets qui visent à améliorer les conditions de vie de l’homme sur la terre ainsi qu’à la protection de l’environnement.
- Très bien. Eh bien Monsieur Estrosi je vous remercie beaucoup d’être venu nous trouver et pour tous ces renseignements. Je compte sur vous pour les coordonnées de Madame Eloie et pour lui dire de nous contacter.
- C’était bien normal. Au plaisir Lieutenant.
- Au revoir Monsieur Estrosi. Vous laisserez vos coordonnées à l’agent à l’accueil en passant s’il vous plaît, encore merci.
- ...
- Ah j’oubliais, VOYELLE, est-ce que cela vous évoque quelque chose en rapport avec Maxime Eloie ?
- ... Euh non, je ne vois pas désolé.
- Merci !
Le lieutenant poussa poliment Estrosi vers la porte du bureau et ferma derrière lui.
- Une hésitation qui en dit plus qu’un long discours cher Monsieur Estrosi. Roste décrocha son téléphone. Durand ? Ouais, dis moi tu as les coordonnés du ministre ? Oh je déconne Durand, c’est bon... Tu pourrais interroger la base de la brigade financière pour savoir qui se cache derrière ce cher Monsieur Estrosi et sa bien pensante BNG s’il te plaît ? Merci.
Moi je vais essayer de dégoter un mandat pour fouiller le bureau de notre disparue dans l’immeuble de la BNG...
Chapître 4 - Défi n°24, La file d’attente... (Fafa)
Quoi de plus banal que d’aller chercher son pain et des croissants frais le matin.
Tout le monde allait sans un mot, vaquait à ses occupations sans prêter attention aux autres. Elle n’en espérait pas plus ici de toute façon. La vie en ville n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait connu dans sa petite bourgade de Bretagne. Ca lui revenait tout d’un coup, personne ne vous aurait croisé sans vous dire bonjour.
La boulangerie était là, quelques pas encore... la file d’attente commençait sur le trottoir.
Quelle idée vraiment de venir prendre son tour en espérant qu’un habitué la reconnaisse et lui adresse un signe de tête ou mieux, la salue.
Elle s’installa juste derrière une dame d’un certain âge à la tenue particulièrement soignée pour aller acheter sa baguette. Elle sourit. La femme prit son geste pour une marque de politesse et lui rendit son sourire avec un hochement de tête.
Elle avança de deux pas. Un petit acacia chétif faisait une légère ombre sur la vitrine, jouant avec le reflet du soleil. Elle put entrevoir l’intérieur de l’échoppe. La file s’étirait encore sur plusieurs mètres après la porte. Elle devait compter au moins dix personnes et trois serveuses s’afféraient derrière les banques. Ce ne serait vraiment pas de chance si dans tout ce petit monde il ne se trouvait pas quelqu’un qui la reconnut pensa-t-elle.
La petite file avança doucement au moment ou un client vêtu d’un bleu sortait, difficilement, en se contorsionnant entre le montant de la porte et une personne qui se trouvait juste sur le pas.
- Pardon ! grogna-t-il avant de traverser le trottoir au pas de charge et de s’engouffrer dans un camion garer en double file.
Celui-ci ne l’avait pas vu mais il ne semblait pas être du quartier, sans doute un ouvrier sur la route d’un chantier qui s’arrêtait acheter son pain pour le midi.
Une enfant sortit juste après l’ouvrier, elle ne devait pas avoir plus de dix ans. Elle avait le regard littéralement scotché à ses baskets. Sans doute la ou une des premières fois où ses parents la laissaient aller chercher le pain. Peu de chance qu’elle la reconnaisse. Elle salua l’enfant à son passage.
- Bonjour.
La gamine leva les yeux et s’enfuit à toutes jambes en lâchant un petit « Bonjour Madame ».
Deux nouveaux clients sortirent ensemble, un homme et une femme d’âge mûr qui échangeaient des commentaires sur l’aspect des gâteaux et leurs prix. Ils la croisèrent sans prêter la moindre attention à elle mais en croisant son regard. Encore deux qui ne la connaissaient pas.
La file avança d’un coup et elle se retrouva dans le magasin. Enfin elle allait pouvoir être vue du personnel. Les trois filles étaient bien occupées.
L’une d’elle faisait des allers retours dans l’arrière boutique pour réapprovisionner les étagères en pains en tous genres sans prendre le temps de regarder les clients. Celle-ci devait être une apprentie qui ne venait au comptoir qu’en cas de grosses affluence, tant-pis.
La seconde servait les clients au fur et à mesure que la file avançait, se tournant d’un sens puis de l’autre pour attraper qui un pain, qui une viennoiserie, qui une religieuse au chocolat, qui était particulièrement appétissante d’ailleurs. Elle ne l’avait encore pas regardé.
La troisième devisait tranquillement avec les clients en enregistrant et encaissant les commandes. Elle était un peu plus âgée que les deux autres. Cela devait être la patronne pensa-t-elle. Mais elle non plus ne la regardait pas pour l’instant.
Une jeune femme BCBG et un homme aux cheveux gris et au pas lents étaient sortis. Ni l’un ni l’autre ne l’avait reconnu, ils étaient tous deux passés à côté d’elle en l’ignorant totalement.
Trois autres personnes sortirent encore sans prêter la moindre attention à elle. La patronne l’avait maintenant aperçu mais elle resta impassible. La deuxième serveuse elle aussi l’avait vu mais n’avait pas eu plus de réaction.
La jeune apprentie se concentrait toujours sur ses étagères.
Elle commençait à sentir le désespoir monter en elle lorsqu’une main se posa sur son épaule.
- Bonjour Chloé ! Comment tu vas ? La voix était enjouée et pleine d’allant.
Elle se retourna pour faire face à son interlocuteur, soulagée qu’on l’ait enfin reconnu.
- Bonjour !
- Oh excusez moi madame je vous ai pris pour quelqu’un d’autre... Désolé.
L’homme reprit sa place dans la queue qui commençait à se reformer derrière elle. La vieille dame un peu snob venait de régler sa commande.
- Bonjour Madame ! Qu’est-ce que vous désirez ?
En l’espace de deux secondes tous ses espoirs venaient de s’envoler, elle sentit des larmes brouiller son regard, elle éclata en pleurs.
- Qu’est-ce qui ne va pas Madame ?
Tout le monde la regardait dans la boulangerie. Tentant de se reprendre, dans un sanglot elle répondit.
- J’ai oublié mon porte-monnaie. Et elle reprit à pleurer.
La patronne, la serveuse, les clients dans la file, tous la dévisageaient interloqués, même la petite apprentie.
- Mais enfin faut pas vous mettre dans des états pareils pour si peu, ça arrive. La serveuse semblait plus gênée que compatissante.
- Excusez-moi. Murmura-t-elle entre deux reniflements.
Elle sortit rapidement en évitant tous les regards. Elle vit en passant que le jeune homme qui l’avait abordée regardait fixement le bout de ses souliers.
- C’est pas grave. Glissa-t-elle doucement à son attention.
Derrière elle la serveuse embarrassée interrogea doucement sa patronne.
- Qu’est-ce qu’elle a madame Eloie aujourd’hui ?
- ...
Une fois dans la rue elle marcha à l’opposé de la porte de l’immeuble d’où elle sortait quelques minutes plus tôt. Elle ne releva la tête qu’après avoir copieusement mouillé son chemisier par ses larmes. Elle avait bien dû marcher un kilomètre, elle n’avait plus la moindre idée d’où elle se trouvait. Elle regarda tout autour d’elle à la recherche d’un point de repère quelconque, un nom de rue ou une façade familière.
Son regard s’arrêta sur une plaque en cuivre fixée à droite d’une porte cochère. L’inscription noire en creux la laissait perplexe et hésitante.
Pourquoi pas après tout. Elle poussa la porte, entra sous le porche et s’avança jusqu’au hall de l’immeuble. La gardienne en la voyant n’eut pas la moindre hésitation et lui montra du doigt la porte juste en face de sa loge. La même plaque qu’à l’extérieur mais en modèle réduit s’agrémentait d’un laconique « Entrer sans sonner ».
Elle poussa la lourde porte et entra...
Chapitre 3 - Défi n°11, L’amnésie... (Fafa)
Elle reconnaissait la sensation mais ne comprenait pas pourquoi elle la ressentait ce matin.
Elle avait dû s’écrouler et dormir comme une masse car le lit était à peine défait.
Pas un bruit, elle était seule visiblement.
Pas de pantoufles, forcément, mais le sol en parquet était agréablement frais sous ses pieds nus.
Elle s’avança lentement vers la salle de bain dont elle apercevait la faïence de chaque côté du grand dressing qui faisait office de cloison.
Dans la grande glace au-dessus de la double vasque de béton ses traits n’étaient pas creusés, ses cheveux à peine décoiffés.
En allant vers la cuisine pour y chercher un verre d’eau ou mieux, un café, serré, elle remarqua le cadre photo sur la petite console baroque...
- Merde ! C’est quoi ce délire ?
Elle se contenta d’un verre d’eau du robinet.
De retour dans la chambre elle fouilla dans le dressing et trouva de quoi s’habiller, sans trop savoir si cela lui allait ou non.
Par la fenêtre qu’elle venait d’ouvrir et qui donnait sur un grand balcon elle ne reconnut pas le quartier qu’elle voyait.
Elle ne reconnaissait ni les gens, ni les immeubles, ni les vitrines des magasins.
- Je m’étais pourtant juré de plus jamais faire ça. Qu’est-ce qui m’arrive ?
Elle retourna dans le salon ou se trouvait la petite console et le cadre.
L’homme à côté d’elle sur la photo était plutôt séduisant, grand, bien habillé avec du charisme.
Elle, paraissait heureuse.
En arrière plan ce qui semblait être une belle maison de campagne, paysagée avec une piscine.
Cela devait bien faire dix ans qu’elle ne s’était pas saoulée à ne plus se souvenir de ce qu’elle avait fait la veille ni avec qui elle avait fini la nuit, cela remontait à la fête pour son diplôme.
Le plus étonnant était l’absence totale de mal de crâne et plus inquiétant, cette impression d’avoir perdu un morceau d’elle-même.
- Bordel mais c’est qui ce mec ? Qu’est-ce que je fous là ?
Le vide complet, un vrai lavage de cerveau.
Pas de bosse, pas d’hématome, pas de douleur, rien qui puisse laisser penser à un accident...
Pas possible que tout disparaisse comme ça même après une nuit de débauche, il devait y avoir une autre explication.
Elle fouilla l’appartement à la recherche de son sac, en vain.
Quelle heure pouvait-il bien être ? Pas de montre, pas de pendules, la télé...
Le journaliste de la chaîne d’info répétait pour la énième fois son scoop du jour. De petits messages défilaient sous sa chemise pendant qu’une pendule électronique rappelait aux spectateurs qu’ils n’avaient plus rien à faire là et que leur place était au bureau.
Dix heures trente minutes et une poignée de secondes.
Qu’est-ce qu’il venait de dire... samedi vingt-quatre, Bison Futé voyait rouge pour les départs et orange pour les retours, chaud week-end de juillet...
Elle laissa le premier de la classe continuer sa litanie, elle se sentait moins seule.
Cela allait bien lui revenir, elle allait avoir un éclair et tout reviendrait, c’est sûr, maintenant !
- Qui suis-je !
Malgré la télévision son cri déchira l’air vide de l’appartement.
Elle se mit à pleurer, doucement, elle tomba à genoux sur le carrelage froid du séjour, puis plus fort, des sanglots la secouèrent.
Il fallut plusieurs minutes avant que les spasmes cessent. Elle se releva, retourna dans la salle de bain et se passa une serviette humide sur le visage, elle se reconnaissait.
- Je ne sais plus qui je suis mais je sais que je suis moi...
- Te v’la bien avancée avec ça !
Elle éclata de rire, un rire nerveux, à la limite de la démence, non elle n’était pas folle.
Elle reprit bientôt son calme, sa maîtrise d’elle et sa confiance. Elle était sûr d’elle, elle le sentait, elle avait l’habitude du stress.
- Reprends toi ma fille comme aurait dit Desproges !
Ça aussi elle s’en souvenait, elle aimait les tirades acides et interminables de ce génie de l’humour pince sans rire que personne n’avait remplacé.
Sa mémoire ne revenait toujours pas mais son esprit commençait à nouveau à fonctionner comme il en avait l’habitude, méthodiquement.
Elle cherchait des réponses, maintenant bien sûr mais tous les jours aussi, c’était ça son métier, elle en était sûre, poser des questions et trouver des réponses.
Rien dans cet appartement ne lui rappelait quoi que ce soit.
L’idée qui lui traversa alors la tête aurait sans doute parut saugrenue à n’importe qui d’autre mais pas à elle...
Chapître 2 - Défi n°8, Si je suis invisible... (Fafa)
L’entrée des bureaux de B.N.G se trouvait juste en face de l’ascenseur, un grand hall vitré à double porte automatique avec un joli œil électronique en guise d’hôtesse d’accueil. La plaque située à droite du sas indiquait simplement :
Bioengineering for New Generations
Nous oeuvrons pour les générations futures
Un rien prétentieux peut-être...
Un haut-parleur accueillit le lieutenant Roste dès qu’il entra dans le champ de vision de la caméra.
- Bonjour, que puis-je pour vous ? La voix était indéniablement artificielle mais d’une qualité assez rare.
- Je suis le lieutenant Roste de la police nationale, je voudrais parler à Ernst Moritz Arndt, désolé pour la prononciation. C’est au sujet d’une voiture abandonnée.
- Un instant s’il vous plaît... La voix synthétique resta silencieuse quelques minutes puis une autre cette fois bien humaine se fit entendre.
- Veuillez entrer je vous prie, troisième porte sur votre droite, je vous attends.
Les portes du sas s’ouvrirent et se refermèrent sans un bruit au passage du lieutenant qui avançait d’un pas décidé pour ne pas paraître impressionné par les lieux et la technologie omniprésente, où qu’il pose son regard.
Un petit homme à moitié chauve avec de petites lunettes rondes lui ouvrit la porte et s’effaça pour le laisser entrer dans la pièce qui n’était pas comme s’y attendait le lieutenant un bureau mais plutôt un laboratoire emplit de microscopes, d’éprouvettes, et d’un tas d’appareils électroniques dont il ignorait totalement l’utilité.
- Bonjour Lieutenant, je suis Ernst Arndt, que puis-je pour vous, c’est quoi cette histoire de voiture abandonnée, je n’ai pas de voiture, je n’ai même pas le permis pour tout vous dire ?
- Bonjour Monsieur Arndt. En fait il s’agît d’un véhicule qu’on nous a signalé abandonné. A l’intérieur j’ai découvert un agenda sur lequel figure votre prénom à la date d’aujourd’hui. Une personne devait vous voir à dix heures au sujet d’incubateurs puis à quinze heures à propos d’un réacteur ?
- Ah je vois, il doit s’agir de Max, Maxime Eloie, mais je ne devais pas la voir, elle devait juste me contacter pour faire le point sur une expérience en cours.
- Elle ? Maxime ? C’est une femme ?
- Oui, du moins c’est toujours ce qu’il m’a semblé, je ne l’ai jamais rencontré, nous échangeons uniquement par courriels ou sms, elle n’est jamais venue ici mais elle s’exprime toujours au féminin.
- Elle ne travaille pas avec vous si je comprends bien ?
- Non effectivement, nous travaillons sur un projet commun mais elle ne fait pas partie de B.N.G.
- Avez-vous été en contact avec elle aujourd’hui, par mail ou autre ?
- Oui, elle m’a envoyé un courriel ce matin pour s’assurer d’un détail d’une expérience en cours.
- De quoi s’agît-il ?
- Désolé Lieutenant mais ceci est confidentiel et si cette information n’est pas absolument essentielle à vos recherches... mais vous pensez que cette voiture abandonnée pourrait-être celle de Max, enfin de Madame Eloie, où l’a-t-on trouvé ?
- Au sous-sol de cet immeuble.
- Pardon ? C’est impossible, je vous assure que je n’ai jamais rencontré Maxime Eloie. Vous pouvez demander à qui vous voudrez.
- Vu votre accueil, je crains fort de ne guère trouver de témoin pour corroborer vos dires.
- Je vous assure qu’elle n’est jamais venue ici, je vais appeler mes collègues qui pourront vous le confirmer, je ne suis pas le seul à travailler avec elle.
Il appela par interphone quatre autres personnes qui vinrent chacune leur tour confirmer que jamais la disparue avec laquelle il travaillaient tous n’avait mis les pieds dans les locaux de B.N.G.
- Bien Monsieur Arndt, force m’est de constater qu’effectivement vous ne connaissez pas physiquement la disparue, enfin pour l’instant elle ne l’est pas encore d’ailleurs, personne n’a signalé sa disparition. Auriez-vous son adresse par hasard, ou son téléphone ?
- Non je suis navré, comme je vous l’ai dit, courriels ou SMS uniquement et c’est pareil avec mes collègues.
- Bien, je vous remercie quand même de votre aide. Tenez, voici ma carte, prévenez moi tout de suite si elle vous contacte, ou mieux, demandez lui de le faire elle-même. Au revoir.
De retour au deuxième sous-sol, le lieutenant entreprit une fouille plus approfondie de la voiture mais à part l’agenda elle était totalement vide et elle lui paraissait toujours aussi inconnue tant pour le modèle que pour la marque ce qui ne cessait de l’étonner lui qui lisait AutoPlus chaque semaine.
Le lieutenant remonta voir le gardien.
- Re.
- Vous avez trouvé Ernst Lieutenant ?
- Oui merci. Dîtes moi, connaissez-vous bien le quartier ?
- Plutôt oui...
- Je cherche un teinturier pas trop loin, disons pas plus de dix minutes à pied.
- Y en a un à même pas dix minutes, rue Anne Fontaine, vous sortez, vous prenez le boulevard vers vot’ gauche pendant cinq cents mètres, la première à droite et vous filez, pouvez pas l’rater.
- Merci bien.
Huit minutes plus tard tout
juste,
le lieutenant était devant la façade d’un pressing Cinq à Sec. L’homme à
l’intérieur fût incapable de lui dire si oui ou non il avait vu Maxime
Eloie, ce
nom ne figurait pas sur son registre mais comme il l’expliqua au
lieutenant, le
système d’automate à l’extérieur permettait de déposer des vêtements
sans avoir
à rentrer dans le magasin, l’appareil délivrant un ticket avec une bande
magnétique pour pouvoir récupérer ses affaires dès le lendemain même un
dimanche.
Décidément c’est la femme invisible ma cliente soupira le lieutenant...
Chapître I - Défi n°3, L’emploi du temps.. (Fafa)
-
Lieutenant ! - Oui
qu’est-ce qu’il y
a ? - Un appel
d’un vigile qui
signale un véhicule abandonné dans le parking souterrain qu’il
surveille. - Et alors ? - Ben et
alors il faut aller
contrôler... - Contrôler
quoi, j’y
comprends que dalle Durand, de quoi tu m’parles ? - Ben quand
une voiture est
« abandonnée » (il marqua ces guillemets d’un double aller retour
rapide de l’index et du majeur de chaque main comme si son ton n’y
suffisait
pas), il faut qu’on aille enquêter sur place pour s’assurer du pourquoi
et du
comment, voiture volée, accident du proprio, et caetera... - Et c’est à
moi de m’y
coller ? Y a pas quelqu’un d’autre, un bleu ? - Désolé
Lieutenant mais
pour enquêter il faut un OPJ et vous êtes le seul dispo ce soir, le
gardien ne
put retenir un léger sourire, tiens, autant pour les bleus. A peine arrivé sur place, le
parking était situé au sous-sol d’un immeuble de bureau dans la zone du
pôle
technologique, le vigile lui sauta littéralement dessus. - C’est moi qui a découvert le véhicule suspecte
Inspecteur ! - Bonjour, LIEUTENANT François Roste, où se trouve la
voiture ? Le vigile guida le
lieutenant jusqu’à la place numérotée deux cent trente six au deuxième
sous-sol,
il aurait put le suivre les yeux fermés tant il exhalait l’aftershave
bon marché
à plein nez. On se serait cru dans un
épisode particulièrement mauvais de Plus Belle La Vie, des kilomètres de
rubalise rouge et blanche étaient tendus entre les piliers, les
conduites d’eau
usée et les chemins de câbles électriques à tel point qu’il fallut
quasiment que
le lieutenant passe dessous à plat ventre pour approcher de l’étrange
voiture
stationnée derrière. Encore un qui s’est fait
bouler du concours de gardien de la paix et qui s’est consolé en
trouvant une
place de vigile, la bombe lacrymo c’est moins classe que le Sig Sauer
mais ils
ont l’uniforme se lamenta-t-il silencieusement. - C’est quoi comme marque ? - J’sais pas, j’connais pas, une étrangère à coup sûr, lâcha le
vigile
avec une pointe de mépris, moi j’dis qu’on devrait retirer la
nationalité
française à tous ceux qu’achètent pas franç.... - Elle est fermée ? - J’en sais rien moi, j’ai touché à rien en vous
attendant... Le lieutenant enfila un gant
jetable, saisit la poignée du bout des doigts, ouvrit la portière
conducteur et
se pencha à l’intérieur. L’habitacle embaumait comme le rayon cosmétique
d’un
Monoprix ! - Ouais, rien touché... Vous n’auriez pas vu un truc intéressant
des fois
par une vitre ? Ca m’éviterait de perdre mon temps à
chercher... - Ben c’t à dire, i’s’pourrait bien qu’il y ait un agenda dans la
boîte à
gants, ma femme c’est toujours là qu’elle le range le sien quand on
prend la
Fuego... - Merci, allez m’attendre dans votre... - P.C., c’est notre P.C. comme qui dirait, j’ai du café chaud si
vous
voulez ? - Merci, je verrai plus tard. Le lieutenant ouvrit la
boîte à gants qui sans surprise contenait un agenda. Bon, qu’est-ce
qu’il y a
d’intéressant là-dedans ? Pas de nom, pas d’adresse ni de téléphone ni
au
début ni à la fin bien sûr, bon, huit, neuf, ah ! samedi 10
juillet. 09h15
Teinturier Ça m'a l'air d'être du beau
linge mon client. Je vais peut-être pas taper Cricri tout de suite, en
demandant
au vigile ou au gardien à l'entrée dans le hall de l'immeuble, y en a
bien un
des deux qui connaîtra le sieur Ernst, c'est pas si courant comme
patronyme. Le lieutenant se dirigea
vers le « P.C. » où l’attendait le vigile. - Re. Est-ce que par hasard vous connaîtriez un dénommé Ernst ?
Il
doit travailler avec le ou la propriétaire de la voiture. - Nan, désolé mais ça m’dit rien ce blase. Vous savez, les gens
sont pas
très loquaces en général, c’est à peine si ils me voient. Mais
heureusement que
j’suis là pour surveiller parce que des fois y a quand même des trucs
pas clairs
dans les parkings souterrains... - OK, merci quand même. Il doit y avoir un gardien là-haut pour
les
bureaux ? - Ouais, c’est Roro ! Robert Francis en fait, mais comme on est
pote
je l’appelle Roro vous voyez. Vous voulez lui parler ? - J’aimerai bien oui. Où est-ce que je peux le
trouver ? Après un bon quart d’heure
d’indications ponctuées d’anecdotes toutes plus « savoureuses » les
unes que les autres, le lieutenant finit pas avoir un plan complet de
l’immeuble
et savoir qu’il suffisait de prendre l’escalier en face du bocal du
vigile pour
trouver juste en face de la porte le bureau du gardien. Celui-ci, sans doute
consciencieusement prévenu par téléphone par le vigile, attendait le
lieutenant
un énorme cahier dans les mains. - Bonjour Capitaine, Robert Francis, j’suis l’gardien. Nono m’a
appelé
pour me dire que vous cherchez Ernst c’est ça ? - Bonjour, LIEUTENANT Roste, oui c’est ça, vous le
connaissez ? - Pour sûr que j’le connais, j’connais tout l’monde ici. Tenez,
regardez ! Et il tendit le grand cahier à spirales au lieutenant. Ernst Moritz Arndt, il bosse chez
B.N.G, Bioengineering for New Generations. Ils ont un demi étage
rien que
pour eux, au huitième. Vous pouvez prendre l’ascenseur là-bas si vous
voulez. - Merci bien. Vous savez ce qu’ils fabriquent ? - J’ai pas trop bien compris, ils sont pas très causant sur le
boulot. - Encore merci Monsieur Francis, je vais voir ça avec eux
directement,
bonne journée. - Appelez moi Roro Capitaine, à vot’ disposition. Le lieutenant se
dirigea vers l’ascenseur indiqué en essayant de traduire le nom de la
société.
Bioengineering ? j’aurais mieux fait de bosser un peu plus mon anglais
moi...
09h30 Appeler Uwe
Schröder
10h00 Ernst aux incubateurs / vérifier tension échantillon
de
référence
12h30 Déjeuner avec Estrosi
15h00 Ernst vérifier MEP
cartouche
réacteur
16h15 Poubelle salle de pause
16h30 Teinturier
17h00
VOYELLE