SMS (Fabeli)
à maman
au
secours. suis coincée aux wc- verrou cassé- reviens maison
à
érica
sois
rassurée mon cœur- sommes en caisse- on arrive
à
anna
suis
coincée aux wc- mes vieux aux courses- ça m’écoeure- vais m’évanouir- écris moi
ça ira mieux
à
érica
on rêve comme au cinéma- crime en série- un
assassin va arriver
à
anna
merci-
comme amie on a mieux-
maman
arriiiiiiiiiive-
vais avoir crise au cœur- sérieux- ça commence à me miner
à
érica
souris-
ce sera un sacré souvenir
à
maman
non- ce sera un mauvais souvenir
Destination passion (Fabeli)
On m’a souvent
demandé, de tous mes voyages, lequel j’ai préféré
.
De tous mes voyages,
de tous mes sillages
Le seul qui ait
compté est un voyage immobile, un voyage secret.
A l’appel du désir
mon cœur s’en est allé
Sans apprêts, sans
bagages, il a juste embarqué
.
Un geste, une parole,
bouleversement des sens
Un rêve à tenir, une
frontière à franchir
Un pas capital qui
jusqu’à elle m’a conduit
.
Aux rives d’un amour
interdit
J’ai mené la nef de
mes envies.
Lumière inédite d’un
regard sans limite
Géographie insolite
sur une peau inscrite
.
Au pays de l’amour
mon cœur s’en est allé
Sans
regret, sans dommage, il a juste succombé
.
A la brocante - Fabeli
A
la brocante,
Toujours
partante
Je
me ballade
En
promenade
Trois
vieux rideaux pour mon bateau
Six
verres à vin pour le cousin
A
la brocante,
Toujours
contente
Je
fais des tours
Et
des détours
Un
lampadaire pour ma grand-mère
Trois
grands torchons lins et coton
A
la brocante,
Bien
hésitante
Je
réfléchis
C’est
non, c’est oui
Le
grand panier ou le damier ?
Toujours
patiente
Dans
les allées
Je
viens, je vais
Drakkar Viking ou vase Ming ?
Jamais
perdante
Je
pars ravie
De
mes acquis
Les
bras chargés de beaux objets
A
mon grenier vais les poser
Pour
la revente
Dans
quelques mois
J’irai,
ma foi
Les
bras chargés de beaux objets
Que
du grenier j’ai retiré !
Miroir a venir (Fabeli)
J’ai rendez vous dans 10 minutes par liaison satellite avec le journaliste de « page à la une » pour présenter mon dernier roman : Jardins publics. Une commande du comité national de la culture. Les ordres sont les ordres ! Je me doutais bien que cette histoire de plantes carnivores dévorant les nouveau-nés aurait du succès.
En 2018 les gens lisent n’importe quoi ! D’ailleurs ils ne lisent même plus. Ils payent des nègres lecteurs qui dévorent des centaines de livres numériques à leur place et leur préparent une analyse judicieuse. Avec ça ils peuvent épater la galerie dans les soirées mondaines virtuelles qui font fureur sur la méga toile.
En 1998, quand j’ai commencé à écrire il fallait faire attention à ne pas écrire n’importe quoi. Les gens allaient encore à l’école, ils avaient un minimum de connaissances et de sens critique.
En 2018, tout ça est terminé. On les élève comme des poulets, dans ces tours vertigineuses. Des milliers de personnes, nourries à heure fixe par des milliers de repas synthétiques, matérialisés au même instant dans chaque cuisine. Impossible de sortir à l’extérieur vu le niveau de pollution.
En 1998, on pouvait encore écouter le chant d’un oiseau, froisser une feuille dans sa main, sentir la mousse au pied d’un arbre. En 2018, les seuls arbres que l’on peut voir sont virtuels, images holographiques sagement alignées au bord des routes. Aucun risque d’accident, qu’ils disent !
Toute notre vie est devenue virtuelle, nourriture, travail, amour.
Mes livres sont virtuels, mes lecteurs sont virtuels, seuls les mots ont gardé pour moi leur réalité. Surtout lorsque je les pose en secret sur le papier.
En 2018, justement, le papier devient un problème. Au moment des grandes émeutes de la faim, quand les gens se jetaient sur n’importe quoi pour se nourrir, j’avais réussi à dissimulé un grand stock de papier. C’était en 2008. Aujourd’hui il ne reste plus que quelques feuilles. Une misère ! Je ne me suis pas rendu compte que le temps filait si vite. J’ai noirci, noirci, noirci tant et tant de feuilles ! Plus le monde devenait virtuel et plus il me fallait palper la réalité des mots. Ecrire vraiment, lettre après lettre, pour lutter contre ces pixels qui nous dévorent inexorablement.
Bientôt j’aurai noirci ma dernière feuille…
J’ai rendez vous dans dix minutes avec le journaliste de « Page à la une » par liaison satellite, ça évitera un déplacement inutile en avion. Je vais présenter mon nouveau roman : Jardins publics. Je savais bien que cette histoire de nouveau-nés sauvés par la fabrication d’un sérum issu de plantes carnivores aurait du succès.
En 2018 les gens ont besoin de lecture. Grâce aux nouveaux programmes d’éducation élaborés dans les années 2010, ils sont curieux et n’hésitent pas à s’équiper de livres numériques, légers et maniables. On peut au choix les utiliser en vidéo ou en audio.
En 1998, quand j’ai commencé à écrire, les gens se détournaient des livres pour s’intéresser aux loisirs virtuels. Heureusement ils ont vite compris les dangers de ces activités abrutissantes. Surtout quand le nombre de suicides a fortement augmenté. Les gouvernements se sont mobilisés pour lutter contre ce fléau, ils ont compris qu’il fallait offrir à toutes les populations des conditions de vie décentes, de la nourriture saine et des loisirs épanouissants. Le programme « un jardin pour tous » a été en particulier un grand succès.
En 2008, il devenait difficile de trouver des coins de nature sauvage et non pollués.
De façon inexplicable les oiseaux cessaient de chanter et les feuilles des arbres se décoloraient. Heureusement les associations écologiques ont réussi à se faire entendre et le processus de destruction des ressources naturelles a été enrayé.
En 2018, toutes les forêts sont protégées et chaque activité industrielle est réglementée pour favoriser la protection de l’environnement. De plus le recyclage est devenu une activité à part entière et je participe au mouvement international d’économie du papier en publiant mes romans sur papier recyclé. Mes lecteurs sont très attentifs à ce genre de détail, et nous échangeons souvent des astuces écologiques lors des séances de signatures dans les salons littéraires.
Bientôt je vais commencer un nouveau roman…
Départ (Fabeli)
Je suis venue te dire que je m’en vais.
Pour les chaussettes sales que tu laisses traîner ?
Pour le balai que tu n’as jamais voulu passer ?
Pour les mégots en vrac dans les cendriers ?
Non.
Je suis venue te dire que je m’en vais
Pour bousculer les habitudes et brouiller les années
Pour les 2 sucres dans le café et les géraniums sur la même fenêtre
Pour l’amour du samedi soir et le poulet du dimanche midi
Pour toutes ces vacances à l’île de Ré et tous ces repas de quartier
Je suis venue te dire que je m’en vais
Pour donner à mon cœur de nouvelles lois
Je suis venue te dire que je m’en vais
Pour ouvrir les yeux sur d’autres premières fois.
Les crayons (Fabeli)
12 crayons sagement alignés dans une pochette bleue. Il est 23 heures, dans la pénombre grise, la maison est endormie. Toute la maison ? Non, dans le tiroir du bureau en chêne clair….
Il sera bien difficile, plus tard, de dénouer le fil de cette histoire, mais tout porte à croire que c’est le blanc qui a commencé. D’après le rose, qui tardait à s’endormir, quelqu’un aurait éternué. Les différents témoignages, recueillis par l’inspecteur Lapalette, s’accordent pour dire qu’il s’agissait du orange. Un instant, les soupçons se sont portés sur le bleu glacier, mais il fût prouvé que, en habitué de la haute montagne, le bleu glacier ne s’enrhumait jamais. Le marron confirma alors le témoignage du rose, bien qu’il se montrât très attaché à l’orange et qu’il lui répugnât de le dénoncer. Le orange, soutenu par le magenta, finit donc par avouer que, oui, c’était bien lui qui avait éternué. C’est à ce moment là que le blanc, réveillé par le orange, avait bousculé le violet, très susceptible comme chacun sait. Le violet entra dans une colère noire, criant et gesticulant en tout sens. Il bouscula le gris et l’ocre et leur en fit voir de toutes les couleurs. Il s’agita tant et si bien qu’il finit par réveiller toute la pochette et la bagarre fut générale, jusqu’au jaune, pourtant peu disposé à la mauvaise humeur, qui s’en mêla. Il se planta devant le noir, le regarda dans le blanc des yeux et lui déclara tout net : « Tout ça c’est de ta faute, tu sèmes la discorde partout où tu passes, barre toi vite fait ! »
Le noir, bien sûr, tomba des nues devant cette accusation, et il finit par voir rouge devant tant d’injustice. Il remit le blanc à sa place d’un bon coup de mine mais fut alors pris à partie par l’ensemble du groupe. Seul contre tous, écœuré par la méchanceté du blanc, il commença à réunir ses maigres affaires dans un baluchon gris, souleva le rabat de la pochette, et s’enfonça dans la nuit, sans que personne ne fasse un geste pour le retenir.
Voilà pourquoi, ce matin, à six heures, Anaïs ne trouva que onze crayons dans la pochette bleue.