"El Tiempo" n'a pas de temps à perdre (Claudio)
Olivier
commençait à trouver le temps long.
Depuis qu'il avait
accepté ce poste de reporter d'El Tiempo, son rédacteur en chef
ne l'envoyait que sur du futile. La dernière fois, c'était le pompon !
Un reportage sur des bourses mal léchées par des fonctionnaires de
police ! Non, mais j'vous jure !
Mais ce matin, tout est différent.
On lui fait enfin confiance
pour du solide, du sérieux.
- Écoute, Olive, je n'ai que toi sous
la main. Tu pars tout de suite pour l'Aragon et tu feras le maximum
pour expliquer ça à nos lecteurs.
Le boss lui tend une dépêche.
Il lit : "Le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard".
La route est longue et ça chauffe dans la cabeza. Par quel bout
prendre l'affaire ? Il sait déjà que le temps ne fait rien à celle-ci,
qu'avec lui, tout finit par s'en aller et que toujours il se monnaie.
Cela reste banal et ne suffit pas. Avec celui qui chante pour passer le
temps et celui qui ne chante pas pour passer le temps, Olivier ne sait
plus que penser.
C'est à l'instant même où le train rentre en gare de
Madrid que le reporter a trouvé son angle. Mais la Castille ce n'est
pas l'Aragon Léon et le temps de se rendre compte de son erreur, l'angle
fuyait. Trop tard.
Olivier ne voit pas le temps passer et commence à le trouver court.
Il voudrait suspendre son vol.
Mais oui, c'est ça, on n'arrête
pas le temps, c'est le même pour chacun. Le temps est équitable et
égalitaire.
Le temps est communiste !... Ne nous emballons pas !
Le
communisme, c'est comme Dieu et le football. Des garde-fous et des
illusions.
Et le temps ? Serait-ce une illusion ? C'est vrai,
peut-être que le temps n'existe pas... Peut-être.
Mais vivre, ça
existe. Pas sûr. Qui dit que nous vivons. Peut-être rêvons-nous que nous
vivons. Si nous rêvons c'est que nous vivons. Qui dit qu'un mort ne
rêve pas ? ...
Le patron commençait à trouver le temps long et l'Olivier tortueux.
Alors,
il fit précéder la signature de la lettre de licenciement d'un
joli "Le temps d'aller à Madrid, il est déjà trop tard"
Gare au garou (Claudio)
(remerciements à qui vous devinez)
Monsieur le loup-garou de l'OURAGAN,
maintenant ça suffit. J'en ai soupé de votre schizophrénie. Avec vos
airs de grand professionnel, vous vous transformez en marchand de
papier dès qu'un concurrent fait un pet. Même droit.
Aussi, je vous prie de considérer la présente comme ma démission de
votre journal si mal nommé. Plus girouette que vent, vos contorsions
m'écœurent et je vous laisse à vos torticolis.
Votre Carte Blanche pour des reportages sur des évènements qui n'en
sont pas, est bien pâle face au respect que je porte à ma Carte de
Presse.
Les chiens de tout l'Oregon ayant tous été déjà écrasés plusieurs fois,
voilà que vous voulez fabriquer du papier avec un ours en peluche.
C'en est trop.
Mais je ne sais pas dire Adieu sans l'accompagner d'un cadeau, modeste
certes, mais j'y tiens.
Voilà mon papier.Qu'il vous serve d'hygiène intime ou d'étouffoir
m'importe peu. L'essentiel est qu'il m'ait servi d'hygiène éthique et
de défouloir, Monsieur le Rédac chef !
"Dans la petite ville de La Pine
(Oregon), sur le trottoir de l'artère
principale, un ours en peluche, mal léché jusque là, vint demander les
services de professionnelles à la peau lisse afin de soulager l'animal
qui est en lui. Les fonctionnaires s'exécutèrent dans tous les sens.
Car plus l'ours appréciait, plus l'animal se transformait. Et plus on
lèche un rédac-chef shizo, fût-on très professionnel, plus on y
perd son âme et parfois même sa vie.
La suite se fit dans
l'étable/Malheureusement je ne puis/Pas la voir
et c'est regrettable/On aurait sûrement beaucoup ri/Car le rédac au
moment suprême/Criait Maman, pleurait beaucoup/Pendant qu'riait
l'énergumène/Qu'il osa mettre sur le coup "
Otto (Claudio)
Trente ans de permis. Trente ans de voiture.
Et trente ans d’œillades salaces sur sa plaque d’immatriculation.
Certes, Otto n’était pas le seul Rhônais estampillé 69.
Mais, lui, ça l’avait agacé dès le début cette histoire. Mais que les gens sont bêtes ! Il en avait développé une pathologie certaine.
Chaque voiture suiveuse se moquait de lui, c’est sûr. La paranoïa alla s’amplifiant.
Le psychothérapeute, à bout de forces, proposa le déménagement.
Hannah s’en mêla et proposa le divorce. Comprenez ! Son phantasme se transforma en obsession, tant la phobie de son mari virait à l’impuissance.
« Département érotique, mon cul ! » C’était son juron préféré.
Ces deux chiffres, tête-bêche, avaient bousillé sa vie. Mais quelle idée, ce reflet concave !
Seulement dix chiffres à trouver et il a fallu en inverser deux. Quel manque d’imagination ! Encore un coup des arabes !
Otto, risée de tous, s’enferma. Sa femme et ses enfants partis, il passait ses journées sur Internet.
Sa vie ne tenait qu’à un fil.
Fil qui se coupa net lorsqu’il découvrit qu’un défi d’écriture, dit du samedi, portant le numéro 96, proposait de plancher sur l’effet miroir.
Être vivant (Claudio)
Olivier commençait à trouver le temps un peu long.
A quel moment ces carabins ébahis allaient-ils se rendre compte qu’il était toujours vivant ?
C’est bien beau de jouer les équarisseurs de CHU, de faire mumuse avec les osselets des honnêtes gens, soi-disant pour apprendre et faire avancer la science. Olivier n’avait rien contre le progrès. Mais qu’on s’attaque aux morts et qu’on laisse les vivants tranquilles !
Disséquer le phénomène qui défrayait la chronique depuis des mois, c’était l’idée du Professeur Le Mézec, grand ponte de la Faculté de Médecine de Rennes. Pour ce faire, il lui fallait le capturer. Alors il le fit écraser. Tout simplement.
Il le déclara mort et se mit au travail.
Le breton, jaloux, commença par émasculer le supposé cadavre. Car si jusque là, la Bretagne aimait à faire rimer ses chapeaux ronds avec les couilles en plomb de ses indigènes, Olivier les avait détrônés.
C’est tout un service en or que possédait notre homme. Or pur, s’il en est.
Brillant dans tous les sens du terme, souple, agile, exceptionnel aux dires de la gente féminine. Cadeau congénital resté, à ses yeux, longtemps sans importance. Il pensait naïvement que chacun était outillé de la même façon.
La puberté lui ouvrit l’esprit. Un jour, il s’aperçut que sa main droite « s’auriférait » peu à peu.
Plus tard, il fut bien obligé de reconnaître qu’il n’était pas commun de posséder des organes génitaux et une main droite… en or. Il avait bien constaté qu’il faisait de très beaux enfants, même à de vilaines porteuses. Il ne s’y attarda pas, mettant cela sur le compte d’une fierté machiste qu’il repoussa. Il avait bien vu qu’il claudiquait plus que les autres, obligé qu’il était de compenser le poids de la prestigieuse main. Ce sont les autres qui boitent, se dit-il.
L’étalon-or était, naturellement, très sollicité et les prétendantes faisaient la queue devant sa porte. Pour sauver la morale, elles prétextaient que la main d’or guérissait miraculeusement tous les maux de la terre. Ce qui était vrai aussi.
Ces dons de la nature valurent donc à Olivier, la Une des magazines et le tour de France des plateaux télé.
Ce fut le début des ennuis. Chacun voulait récolter son huile… d’or. Celle qui faisait de beaux enfants. Celle qui guérissait les corps. Celle qui magnifiait les sens, exaltait les passions et sublimait les jupons.
Un industriel flaira la bonne affaire. huiledolivier.com était né, déposé, administré. Il fallait maintenant, produire.
Hors de question ! Olivier prit la fuite.
Paparazzi, apprentis sorciers, femmes délaissées et autres rhumatisés chroniques se lancèrent à ses trousses.
C’est ainsi qu’il se retrouva entre les bistouris du bretonnant Professeur Le Mézec.
Castré sans ménagement, scié, ouvert, exploré, trituré, il n’avait rien senti. Mais, Olivier commençait à trouver le temps un peu long. A quel moment ces charcutiers celtes, Ambroise Paré à coiffes, allaient-ils se rendre compte qu’il était toujours vivant ?
Toujours vivant et rien senti ? L’huile d’Olivier ne fit qu’un tour.
Serai-je donc mort ? Et pourtant je vois tout, je sais tout.
…
Et si c’était cela « être mort ». Si c’était comme, « être vivant » ?