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Le défi du samedi
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4 février 2012

Une si jolie petite ville... (Célestine)

église

Ici, c'est notre ville.

Voici l'église dont les cloches , le jour du Seigneur, résonnent tumultueusement sous le ciel lumineux du Midi, pour guider les fidèles vers l'office. Ceux-ci en ressortent heureux et pleins de tendresse mêlée de pitié pour les brebis perdues.
Les effluves des viennoiseries dorées, qui épousent le fumet du poulet grillé et des frites, déclenchent une subtile félicité des sens . C'est l'heure de retrouver les siens pour les nourritures terrestres. C'est le bonheur !
Ici, c'est notre ville.
Une petite scène de poche, où se jouèrent d'immenses chefs-d'oeuvre, montre portes closes depuis longtemps, sous prétexte de sécurité. Les cintres , les coulisses, le trou du souffleur,  tout est en imminente ruine, qu'ils disent. Les velours et les ors vieillis du dix-huitième siècle dorment pour toujours inutiles, noyés de l'obscurité d'un triste oubli.
C'est que notre édile, lui, rêve d'un nouvel édifice culturel trop somptueux dit « des Congrès » bien loin d'une petite scène intime et modeste. Un projet pompeux et hors de prix qui suit une ligne politique que l'on peut trouver inepte et peu écologique...si l'on réfléchit un peu plus loin que le bout de son nez.
Ici, c'est notre ville .
On  y voit des lumières, de jolies boutiques, des rues bordées d'ifs bien entretenus,  des troncs bien droits, de belles fleurs polychromes , de petits lieux cools où l'on puisse boire un verre en toute quiétude. Tout semble étudié pour une vie douce et sereine.
Ici, c'est notre ville.
Elle est fière de son donjon rénové, son musée de peinture moderne, son chemin de fer, ses écoles un peu vieillottes. Ses flopées de bistrots joyeux. Son enchevêtrement de styles et de constructions hétéroclites. Y compris une mosquée, depuis peu.
Le mercredi, les minots en trottinette ou en roller font exploser leurs petits cris pointus comme des flèches et les oreilles des vieux promeneurs s'emplissent des souvenirs émus de leur jeunesse.
Ici, c'est notre ville .
Les bons citoyens se serrent près du feu. Ils entrouvrent frileusement leurs persiennes pour observer les mouvements des individus louches qui glissent comme des ombres le long des ruelles sombres.
Des mendigots en guenilles tendent leur sébile, résignés, sur le sol froid et dur. Derrière leurs inscriptions dérisoires, griffonnées en vitesse,  ils quêtent un peu de douceur et de générosité.  Les belles demoiselles et les jolis  messieurs  s'en vont guincher en rond , vêtus de leurs riches costumes,  et détournent leurs yeux pour ne plus les voir. Les gueux pleurent doucement et leur ventre crie en silence. De temps en temps, impunément, le froid en tue un.
Ici, c'est notre ville. Une si jolie petite ville...

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28 janvier 2012

L'ombre de lui-même (Célestine)

Célestine178

 

Le petit homme était seul. Très seul. Il arpentait les allées vertes du grand parc en regardant tristement le bout de sa chaussure vernie. Cette solitude, il en avait accepté l'augure avec sa charge. Mais là, c'en était trop. Le blues s'installait en lui. Il s'assit sur un banc.
Ses amis - mais en avait-il vraiment eu?- le quittaient les uns après les autres...les traîtres.
Je vais disparaître, dit-il à mi-voix. On n'entendra plus parler de moi...

-Eh, mais moi je serai là ! Je reste avec toi !

L'homme se figea.

-Qui est là ?

-Mais c'est moi, ton ombre, voyons !

-Casse-toi, pauvre idiote, j'ai pas envie de parler.

-Mais je ne  peux pas, je suis attachée à toi !

-Eh ben, ça en fait au moins une ! C'est que ça se bouscule pas en ce moment !

Quelle dérision ... Il ne lui restait plus que son ombre. Lui dont les rêves de gloire éclaboussaient le monde.

-J'comprends pas, chuis pas l'meilleur ?
-Oh mais si, bien sûr ! Les gens sont ingrats. J'en sais quelque chose, moi qui me fait marcher dessus tout le temps sans ménagement...
-Dis moi , franchement, j'ai pas fait tout c'que j'pouvais ?
-Bien sûr !
-Je me suis pas assez agité dans tous les sens ?
-Ça oui, j'en ai encore le tournis !

-Quand j'pense à tous ces voyages en jet privé, moi qui ai horreur de l'avion, à tous ces repas trop copieux, dans des hôtels de luxe, des repas avec des tas de couverts qu'j'ai jamais su à quoi ils servent...Tout ça, c'était pour eux ! Tous ces discours, ces inaugurations, ces visites, ces Chinois, ces Irakiens, ces Rastaquouères à qui il a fallu faire des courbettes. C'est pas admirable, ça, quand on y pense?

-Génial tu veux dire !
-Et ma femme, elle est pas sublime, ma femme ?
-Euh...si si, magnifique !

-Et puis, bon d'accord, j'ai eu des paroles un peu vives au début, mais après? j'ai pas toujours été sympa avec tout l'monde ?  A toujours poser des questions, à faire semblant de m'intéresser, à goûter des trucs infâmes, et à sourire,  partout où j'allais. Et j'peux t'dire que souvent, je m'emmerdais ferme!
Et puis, y'a le grand noir, là, le yankee dont j'ai dû supporter l'humour à deux dollars ...Bon sang, c'qu'il a pu m'énerver, clui là! Et je ne te parle pas des Guignols qui se sont payé ma tête, et de...mes amis dont j'ai dû refuser les invitations à m'dorer la pilule sur leurs yachts ou dans leurs châteaux, tout ça pour être "politiquement correct" ! J'aurais bien aimé  un peu d'vacances, moi, c'était mon droit, non ?  Honnêt'ment, tu crois qu' c'était une vie ?

-Tu as raison..Tu es un vrai philanthrope ! Je dirais même plus, tu es un saint !
-J'ai essayé de vivre comme eux, faire du jogging, divorcer, dire des gros mots...
-Je sais, ça...

-Ben alors, à la fin, qu'est-ce qu'ils m' reprochent ? J'comprends vraiment pas...

-Ils disent ...euh...que tu n'as pas tenu tes promesses.

-Hein ? Et c'est tout? Juste ça? Tout d' même, tu m' diras pas le contraire, les Français s'attachent  à des détails bien mesquins...J'vais te dire: chuis  déçu.

Il commençait à faire frisquet. Le petit homme regarda sa Rolex qui lança un éclair dans l'or du crépuscule. Il se décida à rentrer, le cœur serré dans son costume Armani. Il s'éloigna, les épaules agitées de soubresauts nerveux.

-J'comprends pas, j'comprends pas...

Pour la première fois de sa vie, il ne se sentait plus que l'ombre de lui-même.

 

21 janvier 2012

Night fever Célestine)

Célestine177

23h 00  Je ne dors pas. Je crois que j'ai encore le temps. Tout le temps.
23 h10  Oh la, faudrait quand même que je me bouge ! Mais j'ai les neurones engourdis papr la fatigue de la semaine.
23 h 20 On dirait que les brumes de mon cerveau se dissipent, entreverrai-je une issue ?
23 h 30  Une espèce de frénésie m'agite soudain, mais les doutes m'assaillent...et si je me trompais tragiquement ?
23h 40 Je dois foncer, là, il n'est plus temps d'atermoyer et de me perdre en conjectures !
23h 50 Un étrange sourire flotte sur mes lèvres. Et moi je flotte entre deux eaux, heureuse...
23h 55 Plus un bruit, dans la maison endormie, mais moi, j'ai de moins en moins sommeil
23h 56 Encore quelques minutes et je fais le grand plongeon...
23h 57 Le plus difficile : mettre la dernière main, peaufiner les détails
23h 58 Quelle excitation! et si...et si...oh my God ! c'est ce que dirait Joye n'est-ce pas?
23h 59 Je ne peux vraiment plus reculer, il faut y aller, ma vieille !
0h 00 Je clique en tremblant,  samedi-défi, ça y est, mon message est parti
0h 01 Enfin, j'ai tout le reste de la nuit pour lire vos insomnies !...

7 janvier 2012

2012 année érotique (Célestine)


-Et sinon, vous avez pris de bonnes résolutions pour 2012?
-Oh oui! Nous, tous les jours, on va se peloter les entournures et s’escarguer les entrimonts.
On va s’emmêler les cannetilles.
On va se titiller l’opoponax avec un pinceau en poil de mélampyre.
On va se plamotter les ergastules à bouche-que-veux-tu, se grattouiller la jamerose , s’escarteler le paltoquet!
On va grimper dans les lophobranches pour s'éventiller l’esperluette...
-Dites donc, beau programme!
-Ben oui, faut bien oublier la crise!
-Bonne année, alors, et bonne santé!

31 décembre 2011

Dérèglement climatique (Célestine)

Dérèglement climatique

31 décembre. Il fait un temps anormal, c'est le moins que l'on puisse dire. La radio est posée sur la table du jardin, comme aux plus beaux jours. Les journalistes nasillent, depuis ce matin, avec une certaine jubilation mêlée d'une sourde angoisse à l'effet calculé, les prévisions de Météo France. Leur bla-bla trouble à peine l'air doux de ce Noël au balcon. Une brisounette agite doucement les feuilles des oliviers.

« L'année 2012 sera la plus chaude que l'on ait jamais enregistrée de mémoire de météorologues. Les dérèglements climatiques seront particulièrement sensibles dans les régions où l'hiver est habituellement rigoureux. En désespoir de cause, les stations de sports d'hiver ont déjà ressorti les luges d'été et les trampolines, et s'attendent néanmoins à un chiffre d'affaire catastrophique.

En janvier, il fera déjà très doux, le thermomètre grimpera ensuite en février jusqu'à 30 degrés, et il est à craindre que le printemps soit particulièrement chaud, notamment aux alentours du 22 avril et avec un pic le 6 mai...Quant à la canicule de l'été prochain, elle pourrait s'annoncer catastrophique....Bonne année à tous!»

-Et nous dans tout ça, on n'a pas l'air con, ma vieille, plantés dans la pelouse, à servir de perchoir aux moineaux...

-Aux Rossignols tu veux dire, Alphonse ! Hi hi hi !Oh le jeu de mots...trop bon !

-Et tu arrives encore à faire de l'humour ? Moi, quand je pense à nos heures de gloire, ça me fait mal de nous voir mis au rebut, au rancart, à la retraite quoi ! J'te'l'dis, Germaine, sale temps pour nous, les skis !

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24 décembre 2011

Cadeau de Noël (Célestine)



71244492[1]Tiens? Qu'est-ce que c'est? Un cadeau?  J'ouvre. Et je vois...
Une petite boîte en fer blanc. Une boîte toute simple. Pas livrée par camion. Pas arrivée par la poste. Trouvée là, simplement posée sur le paillasson , devant l'entrée, parmi les folles herbes enluminées de givre, sous les regards frileux du chat de la maison.
Dans la boîte, rien de connu ou d'attendu. Pas de supercalifragilistique cadeau numérique pimpant et clinquant. Juste une petite baguette de bois. Une baguette de bois toute simple.
En regardant de plus près, c'est un crayon. Un joli crayon tout simple.
C'est un crayon qui dessine tout seul. Il sait dessiner des choses très difficiles: il dessine l'arc en ciel sur le pourpre profond d'un soir d'orage, une fontaine d'anges aux grelots de cristal. Il dessine le silence suspendu aux lèvres du temps, à ce moment divin où Mozart vibre encore et où le silence déchire les ors et le velours incarnat de Pleyel. Il sait dessiner aussi le sein pâle de la jeune fille qui palpite à l'émoi du printemps, le vertige que l'on éprouve au pied des cathédrales, la splendeur des glaciers, des déserts et des villes, les parfums et les sons , les larmes qui perlent, les rides qui parlent, la main qui se tend, et le premier cri d'un nouveau-né dépliant ses poumons comme un coquelicot. La moire et le velours, le croquant et le fondant. Tant de choses belles et douces et ineffables.
Il dessine, mine de rien, toute la magie que chacun accorde à l'existence. 
J'ai pris le crayon, et il a écrit tout seul ce que je voulais vous dire depuis longtemps, pour vous tous, qui êtes à l'extérieur de moi et pourtant faites partie de moi, comme je fais partie de vous, ces trois mots, les plus beaux du monde:

 

 

 

JE VOUS AIME!

 

 Ceci est un message personnel à chacun d'entre vous, qui me lisez et m'apportez en retour tant  de bonheur  et de vous-même  à travers vos écrits. Passez le plus beau et le plus doux des Noëls.

10 décembre 2011

Saturday night fever (Célestine)

Juin rougeoyait à l'horizon. C'était l'été. Les vacances s'annonçaient radieuses. Il était dix heures du soir. Les martinets vrillaient le ciel de leurs cris suraigus. L'air embaumait le chèvrefeuille.

J'habitais encore chez mes parents, et pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut vous imaginer le typique appartement des années 70 : une porte d'entrée en chêne clair, munie d'un judas cylindrique fermé par un petit opercule pivotant. L'entrée, minuscule, carrée, cuisine à gauche, salon- salle- à- manger à droite, et devant, un long couloir tout droit desservant les autres pièces.

Quand les trois portes étaient closes en même temps, le carré formait comme un sas étanche phoniquement.

Ce soir là, les trois portes étaient fermées, justement. Le détail a son importance.

Mes parents regardaient sans doute Maritie et Gilbert Carpentier au salon, mes frères jouaient ou plus vraisemblablement, glandaient dans leurs chambres. Ma petite sœur dormait. Je rêvassais sur mon lit, la porte-fenêtre ouverte sur l'été et le balcon, les voilages frémissant de la brise du soir.

Mes années d’École Normale venaient de se terminer. Mes camarades de promo et moi nous étions partagé les postes vacants pour la rentrée prochaine. J'avais obtenu une école à R., une petite ville à une vingtaine de kilomètres de chez mes parents.

Je devais être en train de confier à mon journal mes états d'âme du moment, les yeux lointains, en écoutant à la radio les Bee Gees chanter « More than a woman » avec leurs voix de haute-contre.

Vous saisissez la scène : personne, à ce moment précis, et dans cette configuration topographique et circonstancielle, n'était en mesure d'entendre de petits coups discrets à la porte en chêne. Des petits coups frappés par ma copine Rachel qui n'osait pas sonner, parce qu'il se faisait tard, et qu'elle était polie. Personne...sauf mon deuxième frère, qui, comme tout bon adolescent qui se respecte, venait de ressentir au fond de son estomac l'appel pressant et langoureux du sandwich au poulet vespéral dans le frigo, celui-là même qui faisait à chaque fois hurler ma mère : «  Quoi, encore ? On est sorti de table il y a à peine deux heures ! »

Par une conjonction astrale extraordinaire, mon frère traversa le sas de l'entrée juste au moment où Rachel grattait à la porte comme une souris. Trente secondes plus tard, elle serait partie bredouille, ce qui aurait considérablement changé la face du monde. Enfin, de mon monde à moi.

Car Rachel , prise d'une inextinguible crise de doute et de panique, car elle n'avait pas de voiture, venait tenter sa chance pour échanger son poste contre le mien. Ses larmes m'émurent au point que j'acceptai la ville de M. contre celle de R. Celle-là était plus loin mais plus au sud. De toutes façons, j'étais décidée à couper le cordon, alors, là ou ailleurs... Elle partit en me bénissant.

Trente-trois ans ont passé. Je suis toujours à M. J'y ai construit ma vie. Je n'ai jamais eu envie d'en partir. Je regarde souvent mon mari, mes enfants, ma maison, mes amis, mon école, mes collègues, mes élèves en me demandant quelle aurait été ma vie si un soir de juin, par le plus grand des hasards, mon frangin n'avait pas eu tout à coup une irrépressible envie de poulet...

   

3 décembre 2011

Mémorium (Célestine)

 

La voix synthétique sépulchrale résonna dans les haut-parleurs à propagation d’ondes tribenniales. Les visiteurs rechargèrent leurs cartouches d’oxygène  artificiel saturé aux distributeurs automatiques à l’entrée. Il régnait une atmosphère délétère dans cette partie du grand Mémorium Galaxial. Seuls quelques privilégiés parmi les Citiziens avaient été autorisés à voir les salles interdites, et pour un temps très court. On était en 3012. Ensuite, le muséum fermerait ses portes car seul le Grand Ultime avait le droit d’y accéder.

« Mesdames messieurs, nous pénétrons maintenant dans la salle du deuxième millénaire. Le tableau que vous avez devant vous a une valeur inestimable. C’est le dernier tableau qui a été peint avant le Grand Réalignement de 2012. Les historiens s’accordent à dire qu’il marque le début de l’Ere de la Calamité. Il représente la Grande Prêtresse Ségolénia, en méditation devant un des Symbolesde la Décadence Archaïque. En ces temps anciens, les habitants de la Planète s’appelaient encore les hommes, ils étaient divisés en multitudes de groupes, appelés continents, nations, cliques, ligues, partis, classes. Ils n’avaient pas encore eu la Révélation Suprême. Ils ne parlaient pas la même langue. Ils se battaient donc constamment, pour la survie, pour l’argent, pour le pouvoir. Ces luttes occupaient le plus clair de leurs vies ridiculement  courtes.»

Un murmure frissonnant parcourut l’assistance  Ces temps immémoriaux semblaient complètement irréalistes aux Citiziens. Les mots eux-mêmes appartenaient à un passé oublié. Au fur et à mesure que la Voix décrivait les mœurs cette époque troublée et triviale, le dégoût devenait palpable.

« L’élément central du tableau représente une rose, appartenant à une catégorie d’objets oubliés de nos jours. Ces objets dits « naturels » s’appelaient des fleurs. Les objets naturels dans leur ensemble ont disparu à la fin du 21° siècle, avec la découverte des matières tribenniales et extra-synthéticoïdes que nous connaissons aujourd’hui, et surtout l’invention des organismes de substitution plurimétabiologiques … »

Les visiteurs se regardèrent hébétés, abasourdis,  cependant que la Voix continuait son monologue ahurissant. Il était impensable d’imaginer des êtres obligés de se nourrir d’organismes vivants pour vivre, de se reproduire, de se battre pour des territoires. Seuls les rats et les fourmis avaient continué à suivre ces schémas ancestraux, mais cela avait causé leur disparition. Certains mots restaient parfaitement incompréhensibles : démocratie, vote,  lutte des classes, capitalisme, socialisme.

Le Grand Ultime avait tout prévu. La vie était linéaire. Douce et sans faille. Sans rides. Sans luttes. Jusqu’au jour du Grand Convoi Programmé , où l’on devait partir pour une planète sans oxygène. Chaque jour les ordinateurs calculaient le nombre exact de naissances, et de là, celui des Citiziens en partance. Le nombre idéal de Citiziens avait été fixé pour toujours à 25 milliards. Ils acceptaient la règle.

Ils sortirent du Mémorium et passèrent dans une Salle de Réajustement, afin de se faire laver le cerveau.
 Les Soleils brillaient. Tout était Bien.

26 novembre 2011

Minéral (Célestine)

desert

 



rup pur
niol   loin
elbas   sable
riopse   espoir
regayov   voyager
snoissap    passions
selarénim   minérales
serueirétni    intérieures
selbignarfni    infrangibles
selbaroxeni   inexorables
sriopseséd    désespoirs
ssessuoces   secousses
eisénérf   frénésie
semsaps   spasmes
ednom   monde
...tuhc   chut ...
...hhc chh...
..hc ch..


 

19 novembre 2011

Pliage (Célestine)

 

Paul, ne serait-ce point que tu t'ennuies, que dirais-tu d' un pliage?

Tu vas voir, c'est enfantin ! Je vais t'apprendre à fabriquer un bateau en papier !

Ah! Les bateaux voguant , antiques caravelles

vers Cipangu naissant , lontaines balancelles...

1-Présenter une feuille de papier verticalement

Vertical est le mât, mais sous les alizés,

parfois les mouvements de l'eau le font pencher...

2- Plier la feuille en deux sur le côté long

le long des côtes, là où le sable blanchi

étend ses plages immenses et vierges, à l'infini

3- Replier la feuille en deux sur le côté long pour en marquer le milieu

au milieu de la mer, l'océan en furie

les mouettes ont disparu à l'horizon qui fuit

4- Rouvrir la feuille , côté plié vers le haut

le haut du mat où la vigie en criant ho !

terre ! terre ! là bas, souquez donc, matelots !

5- Rabattre un coin de la feuille vers le milieu

Une feuille de bananier trouble mon calme

cependant que je dors dans mon hamac de palmes

6- Rabattre l’autre coin vers le milieu

l'autre coin se rabat pour m'éventer le corps

quand les pétrels piaillent et que je dors encor

7- Plier la base de la feuille vers le haut

Pliés les cocotiers sous le vent des moussons

Échevelés et fous tels de mauvais garçons

8- Retourner la feuille, puis plier l’autre base vers le haut

Retourné, le bateau se couche comme un fût,

Comme une pauvre carapace de tortue

9- Ouvrir le pliage par l’intérieur

L'intérieur de la grotte où se cache un trésor

attire les pirates au regard de condors

10- Plier sur les autres côtés pour obtenir un carré

Un carré d'as dans chaque manche ils vous regardent

ils vous mesurent, ils vous estiment : prenez garde !

11- Rabattre le coin du bas vers le haut

Prenez garde que leur épée ne vous transperce

du bas jusques en haut, et pour quelques sesterces

12- Retourner la feuille et rabattre l’autre coin vers le haut

Retournez au bateau, votre vie en dépend

Souquez souquez marins, pour sauver votre sang

13- Ouvrir le pliage par l’intérieur 

Ouvrir les yeux sur des horizons incertains

et prier pour qu'il y ait d'autres lendemains

14- Replier pour obtenir un carré

Obtenir les faveurs de Neptune au jusant

Rendre le corps des hommes morts à l'océan...

15- Déplier le bateau

Déplier la grand-voile , abandonner la terre...

16- Plier la base du bateau pour qu’il tienne bien droit

Homme libre, toujours tu chériras la mer...



As-tu compris ? Paul ! Mais non, tu n'as rien écouté !

Je te préviens, je ne redirai pas mes explications !

Mais si, Sophie, j'ai tout compris...

 

(Vrai -faux extrait des Petites Filles Modèles de Sophie Rosptopchine...)

 

12 novembre 2011

Albert (Célestine)

                                                              Albert


Fleurs-sur-Berge, 1961. Ah ! Fleurs !... son école enluminée de chants d'enfants, ses commerces frileux autour de l'église, l'ombre des ormeaux résonnant des éclats de voix des joueurs de boules et des ivrognes.

Son lavoir rendez-vous des cancans, où l'on ravive à l'eau claire et au savon de Marseille l'honneur sali des femmes du village. Et sa boulangerie, dont la lumière veille toute la nuit sur le sommeil des habitants comme un fanal dans la brume.

Enfin, me croirez-vous ? On trouve aussi une jolie mignonne gare que les notables inaugurèrent un jour à grand renfort de cuivres, de clairons et de ruban tricolore.

 Et dans cette gare, il y a Albert. Albert règne sur la gare en uniforme, fier et droit comme un roitelet de théâtre chanté.

Albert est chef de gare. Il n'est aucun sot métier, me direz-vous. Chaque jour, deux trains seulement s'arrêtent à Fleurs. Un dans chaque sens. Chaque jour, bien consciencieusement,  Albert sort son sifflet et sa montre à gousset. « On va voir qui est le chef, ici. »

Albert a, comme on dit, une beauté intérieure, très bien cachée. Autrement dit, ses oreilles décollées et son sourire chevalin et béat ont toujours été la risée au village. Certains disent même qu’il est fou. Mais il s'en fout.

Albert est chef de gare. Il s'en fout, car tous les matins que Dieu fait, dans le train 52, il entrevoit le visage angélique de son aimée. Une jolie brune, en robe légère l'été, l'hiver en manteau de fourrure, qui lui a souri un jour, et dont il ne sait rien, sauf qu'il l'aime comme un fou.

Et tous les matins, ça va faire dix ans, Albert attend qu'elle descende du train. Durant deux minutes trente, son cœur bat comme un fou. Il ressent un bonheur divin, il voudrait danser sur le quai, mais il y a l'uniforme, alors, il sourit benoitement.

Il souffle dans son sifflet en rêvant qu'il la serre dans ses bras. Et tous les matins le train redémarre avec elle. Il s'en fout, Albert. Il sait qu'il y a le train du soir et qu'il va la revoir.

Mais la belle reste assise et le soir, le sifflet siffle sans joie et ressemble davantage à un gémissement. Une longue et tragique lamentation. Mais il s'en fout, Albert. Demain, le train 52 reviendra, et son aimée lui sourira. Il est chef de gare, Albert. Un chef de gare amoureux. Et rien ne saurait entacher son bonheur.

 

5 novembre 2011

Participation de Célestine

 

Il est mort ce matin, calmement, sans un bruit.

C'était mon compagnon de chambre et d'infortune.

Pour moi, qui ne pouvais regarder au-dehors,

De son lit, près de la fenêtre, il décrivait

les soleils chalumeaux des juillets infernaux ,

les floconnantes plumes des hivers neigeux,

quand la lumière étrangement baisse le ton.

Les brumes de novembre et les avril fleuris,

les chatoiements des blés aux soirs de messidor.

Je connaissais le monde à travers ses paroles,

et chaque jour le monde me semblait plus beau.

Des arcs en ciels de lunes traversaient nos nuits,

des parterres ornaient, de leur munificence,

la ruelle empierrée, le velours des pelouses

et le bonheur des jours, et les corolles tendres

les lézardes des murs et les chats ronronnants.

Grâce à lui, moi qui ne pouvais pas me mouvoir,

je trouvais la prison de mon corps moins sévère,

et j'ouvrais, en esprit, cette aimable fenêtre

sur les merveilles que mon ami me contait.

Il est mort ce matin, calmement, sans un bruit.

L'infirmière pleurait en lui fermant les yeux.

Il me disait le monde à travers la fenêtre

dis-je en pleurant aussi.Et pourtant cet ami

qui m'aida à tenir, qui m'aida à guérir

avait puisé au fond de sa nuit éternelle

pour éclairer ma vie.

Car il était aveugle.









29 octobre 2011

Une journée parfaite (Célestine)

Ce matin, je me suis réveillé en me disant : « Bon sang, c'est l'anniversaire de Denise ! » Denise, c'est ma femme. Je me suis dit que j'allais rendre cette journée parfaite.

En me levant, dans l'obscurité, je me suis pris les pieds dans le tapis et j'ai terminé ma course contre la porte. J'ai allumé le couloir. Mon arcade sourcilière pissait le sang : un petit jet bien rouge sur la moquette bleue. Je me suis dit : « C'est beau, on dirait du Miro ! »

Je suis descendu à la cuisine lui préparer un bon petit déjeuner. Je me suis brûlé la main avec le grille-pain en essayant de rattraper un toast récalcitrant. Mais j'étais content de lui faire la première surprise de la journée.

Mon plateau à la main, j'ai eu l'air idiot de trouver dans le lit le traversin installé sous la couverture, version mauvaise blague de potache qui fait le mur. « Chéri, je suis partie faire du shopping, poisson d'avril ! » Ça m'a fait rire, vu qu'on était en juin. J'ai trouvé ma femme merveilleuse.

J'ai commandé un repas somptueux chez un traiteur, mais les invités ont commencé à arriver, et je ne voyais toujours rien venir. Alors je me suis rappelé que la livraison étant hors de prix, j'avais choisi la version éco « à aller chercher sur place ». Malheureusement, j'ai oublié de noter les coordonnées du traiteur, que j'avais pioché au hasard dans l'annuaire. J'ai regardé l'annuaire. Il y avais deux cents traiteurs. J'ai commandé des pizzas.

Marie et Lucas, les ados, se sont disputés pour choisir les pizzas, pour changer un peu, et quand Denise est arrivée, ils étaient en train de se battre à coups de cacahuètes dans l’œil. Belle-maman a gueulé que ces gosses étaient vraiment très mal élevés ! Le chien a renversé la table basse en verre en voulant faire des fêtes à Denise, et Beau-Papa est parti s'installer sur le balcon parce qu'il fumait et que Belle-Maman déteste ça. J'ai allumé des bougies pour faire une ambiance zen, mais la nappe en papier s'est enflammée. Denise a voulu balancer le contenu du pot à eau sur la table. Ma belle-mère a tout pris dans la tronche et ça a ruiné son rimmel. Denise était désolée. Belle-maman est partie en gueulant dans la salle de bains, et au passage, elle a écrasé la queue du chat qui a poussé un miaulement de douleur terrible, et du coup, le chien a eu peur et il a essayé d'attraper sa queue comme il fait toujours quand il est stressé. Sa queue a renversé le bocal du poisson rouge qui a rejoint les débris de la table basse. Le chat a bondi sans se couper les pattes sur les morceaux de verre et il a bouffé le poisson.

Lucas a dit « j'ai la dalle, quand est-ce qu'on mange ? »

Marie a dit «  t'es qu'une tripe »

Lucas a dit « Pétasse »

Marie a dit « Ta gueule ».

« Taisez-vous ! » j'ai crié.

Denise s'est mise à pleurer, quand on a sonné à la porte. C'était le livreur de pizzas. Pendant que je cherchais en vain de la monnaie dans toute la maison, les ados avaient repris leur rixe, et la basket de Lucas a raté sa cible pour aller se ficher dans la bobine du livreur qui, de surprise, a lâché les pizzas. « Gardez tout ! Il a dit en prenant la fuite comme s'il avait vu des ovnis. Mon beau-frère et ma belle sœur, Gérard et Jeannette, sont arrivés sur ces entrefaites. « On est en retard !... les embouteillages ! » a dit Jeannette en s'étalant de tout son long dans la sauce tomate des pizzas que le chien et le chat avaient commencé à déguster.

Pendant que Jeannette réparait les dégâts collatéraux dans la salle de bains, j'ai dit à Marie de préparer un plat de pâtes. Lucas a rigolé, je lui ai flanqué la serpillère dans les mains. Marie a rigolé. Denise pleurait toujours.

Mes beaux-parents sont partis prétextant qu'ils avaient soi-disant oublié leurs gouttes.

Marie a dit « Papa, il n'y a plus de pâtes, et plus rien dans le frigo ». Du coup, Gérard et Jeannette ont proposé d'emmener les ados au fast-food.

"C'est pas de refus" j'ai dit.

Denise a essuyé ses yeux. J'ai essuyé partout, le chat et le chien repus (les veinards) se sont endormis dans leur panier. Avec Denise, on s'est assis sur le canapé. On s'est ouvert une boîte de tripes.

Elle a souri. « Tu as de la sauce tomate sur l'arcade » elle a dit.

« C'est pas de la sauce tomate » j'ai dit.

Je lui ai offert sa bague. Elle lui allait comme un gant.

« Bon anniversaire, mon amour » j'ai dit.

Elle a souri.

La journée n'avait pas été parfaite.

Je me suis dit que ma femme, elle, était parfaite.


22 octobre 2011

Erreur de date historique... (Célestine)

                          
La Maîtresse :    " Toto, que s'est-il passé en 1111  ? "

Toto :               " Euh...L'invasion des Uns ? "

15 octobre 2011

Participation de Célestine

Dès potron-minet, les chats du quartier assis en rond chauffent leurs moustaches aux rayons vanillés du printemps. Les gouttières perlent de l'averse de la nuit, l'aube fait frisotter les brins de pelouse.

-Et au fait, les gars, elle habite où ça, la nouvelle,  là, la rouquine ?

 

-T'es bien curieux, Méphisto ! Ne me dis pas que tu en pinces pour cette bourgeoise au pelage carotte ? Elle n'est pas pour toi,  tu t'es bien regardé ?

 

Celui qui vient de dire ça prend des mines de fin connaisseur. Un matois aux yeux fendus en pistaches. C'est Arsène, le chat de la Mairesse. On dirait qu'il s'est déjà réservé les faveurs de la belle.

 

-Moi je sais où elle crèche ! Dans la petite maison grise à l'entrée du village ! dit Homère, le gros chat blanc de Lucienne, l'épicière, un diabétique nourri à la crème et aux berlingots,

 

-Il est bizarre le type qui s'est installé là. Pas catholique. Patibulaire mais presque...

 

-Ha ha ! Très drôle, Méphisto, mais elle n'est pas de toi, pontifie Waterloo, le chef de la bande, un greffier sérieux comme un pape, borgne, et pelé comme un kiwi.

 

-En attendant, je le trouve louche, moi aussi, ajoute Lexomil, le chat du pharmacien...

 

-Chut! la voilà !

 

-Elle est quand même sacrément belle, cette minette, se pourlèche le pauvre Méphisto pendant que ses congénères se tiennent les côtes devant son air déconfit.

 

-Croyez-vous que je ne vous entends pas, messieurs, aiguiser vos griffes sur mon dos et celui de mon maître ? Sachez que celui-ci est le meilleur des hommes. Il m'a installé chez lui une vraie petite maison rien que pour moi...une jolie maison en forme de roulotte, dit la rouquine en levant son fin museau vers le soleil.

 

-Pff, tu parles, dans la boîte aux lettres...

 

-Et pourquoi pas ? De toutes façons, il ne reçoit plus de lettres... La chatte, pensive, marque un temps d'arrêt.

 

Si vous l'entendiez quand il me joue Chopin au piano, ses cheveux soyeux en bandoulière! Il me sert dans des assiettes de satin, il m'accroche des perles de lune dans le cou. J'ai de petits mouchoirs de miel pour m'essuyer les babines, et de doux chaussons de guimauve pour défroisser mes pattes au crépuscule. Ma petite maison bleue est tapissée de velours et des calicots de brume rose pendent aux fenêtres. Il me traite comme une reine.

 

-Ben, dis donc, la rouquine, tu es donc toute sa vie! soupirent tous les chats en chœur .

 

La jolie petite bête a fait son effet dans le cercle des matous.

 

Ils restent cois. Plus aucun n'ose parler.

 

-Il est veuf. Et à propos, mon nom est Desdémone. C'était le nom de sa femme. Une belle rousse.

1 octobre 2011

Méfiez-vous des caramels mous (Célestine)

Méfiez-vous des caramels mous...
Par Célestine

Connaissez-vous ces blagues idiotes que l'on trouve dans certains caramels mous ?

Mon fils, du haut de ses sept ans triomphants, me posa un jour ce dilemme crucial, la diction légèrement enzozotée par sa friandise :

« Papa, écoute : dans la série « les soix impossibles » : préfères-tu, toute ta vie, être suivi par trente canards, ou avoir des zambes en mousse ? »

Je croisai son regard d'un bleu candide. Le caramel baignait ses dents, dont trois manquaient encore à l'appel, dans un jus marron de bave collante, lui donnant un sourire béat un peu répugnant de Quasimodo. Il attendait visiblement une réponse.

-Euh...Ze soisis...pardon je choisis... les trente canards ! lançai-je un peu vite, avec un faux air sérieux, cachant mal mon envie de me débarrasser de mon importun gamin. C'est que j'avais du travail, moi!


C'est ce jour-là que j'aurais mieux fait de me casser une "zambe". Au moment exact où j'ai ouvert la porte de la salle d'attente...

-Docteur Martinot ? a dit une voix. Une étrange voix nasillarde.

Je regardai ahuri les chaises vides, quand un palmipède émergea en claudicant de sous la table basse.

-Ce n'est pas trop tôt ! dit-il, n'attendant pas que je l'invite à pénétrer dans mon cabinet.

Je m'épongeai le front.

-Dites-moi que je rêve !

-Mais pas du tout, jeune homme, le rêve étant l'ensemble de phénomènes psychiques éprouvés au cours du sommeil, et par lesquels s'exerce l'activité nocturne du cerveau, il ne saurait être question d'onirologie ici. Vous ne rêvez point.

-Tu parles !

-Mais bien évidemment que je parle. La parole étant le langage articulé symbolique destiné à communiquer la pensée, s'adressant à un interlocuteur pouvant être éventuellement soi-même, et permettant d'exprimer des besoins, pensées, sentiments, souffrances ou aspirations, nous pouvons considérer que je possède ladite parole.

-Je suis dermatologue, je ne vois pas ce que vous attendez de moi, dis-je en reluquant ses plumes d'un beau noir doré.

-Ah ! La dermatologie ! La science de la peau, des muqueuses et des phanères, habituellement associée à la vénérologie...Non, mon derme et mon hypoderme vont très bien, je vous assure, mon derme réticulaire, papillaire, ma membrane basale, mon stratum granulosum...se portent à merveille.

-Mais je nage en plein délire ! Que désirez-vous , à la fin ?

-Délire...perturbation globale, parfois aiguë et réversible, parfois chronique, du fonctionnement de la pensée...Désir...effort de réduction d'une tension issue d'un sentiment de manque...

-Ça suffit ! hurlai-je excédé.Vous me faites perdre mon temps !

Je sentais la sueur inonder mon front d'eau glacée.

-Voilà que je parle à un canard, et en le vouvoyant en plus...non mais ça va pas, moi...

-Perdre votre temps ? Voulez-vous dire ce concept développé par l'être humain pour appréhender les changements du monde, ou bien l'ensemble des conditions physiques des basses couches de l'atmosphère à un moment précis et en un point précis ?

-Tu vas me faire le plaisir de dégager d'ici, Saturnin, et rapidement ! dis-je en attrapant l'emplumé qui me mordit cruellement à la main gauche.

-Aïe!

-Sachez monsieur, que je ne suis pas un canard ordinaire ! Je suis un fuligule à collier de la famille des Anatidés de l'ordre des Ansériformes. Et vous allez payer votre audace !

Il avait l'air furax.

Il sortit d'un air digne et outragé.On aurait dit une duègne offusquée.

Je me laissai tomber chancelant dans mon fauteuil de cuir noir.

Un silence étrange régnait dans le cabinet.

On sonna.

Je traînai les pieds jusqu'à la porte en massant ma main endolorie.

J'ouvris.

Et je les vis. Rangés en file indienne sur le trottoir. Une file d'attente de cauchemar, un concert de claque-becs caquetants et volubiles.

-Ce n'est pas trop tôt ! dit celui qui se trouvait le plus proche de la porte. Il portait le numéro 29. A côté de lui, le fuligule ricana, avec un regard vénéneux.

 

 Je m'évanouis.




Photo internet

Merci à Wikipédia pour avoir instruit mon fuligule...

Merci à Pierre Palmade pour m'avoir prêté quelques éléments de son sketch que j'adore.

Merci à C*r*mb*r  pour les blagues dans la série "choix impossibles".

 

24 septembre 2011

La bal(l)ade d'Oscar et Rosa (Célestine)

 

C'est un matin de pluie brillante que Rosa rencontra Oscar.

C' était un horloger du Bronx, il ressuscitait les pendules

Et les mélodies arrêtées des réveil-matins détraqués

Elle étudiait la politique à l'université du coin

C'est un matin de pluie changeante 

Que ces deux là se sont connus

Il est des hasards lumineux comme des épis de soleil

 

C'est une après-midi brûlante à NewYork au mois de juillet

Que le timide Oscar osa

inviter pour une balade

Rosa aux cheveux flamboyants

Et Rosa a suivi Oscar dans Central Park bruissant de brise

il avait laissé ses horloges pour aller s'asseoir sur un banc

Elle oublia un peu ses livres

Dans le regard incandescent du réparateur de pendule

C'est une après midi brûlante

Qu'Oscar a emmené Rosa

 

C'est une nuit de pleine lune au dessus du pont de Brooklyn

Que dans sa minuscule chambre Oscar a regardé Rosa

leurs deux cœurs battaient la chamade

au son de trois cent vingt tic-tacs

Le satin de leur peau luisait aux néons des publicités

Oscar chantonna sa ballade

A la belle aux yeux étonnés

C'est une nuit de pleine lune 

Qu' Oscar et Rosa ont juré

 

Qu'ils ne se quitteraient plus jamais.

PONT

17 septembre 2011

Le retour

 

Cela fait dix jours maintenant que je marche dans ce désert...Mes jambes ne me portent plus comme avant, dans ma jeunesse. J'espère ne pas me tromper...Il me semble bien reconnaître cette dune : c'est là que je « l »'ai vu , la première fois.

Ça me fait drôle de revenir, après toutes ces années...malgré les mises en garde de mes proches contre ce « pèlerinage », arguant du fait que je n'ai , soi-disant, aucun sens de l'orientation...

Je me demande où il doit être...Il est peut-être mort. Pour autant qu'il m'en souvienne, il ne savait pas très bien se servir d'un crayon. Quoi qu'en réfléchissant bien, il avait fait un portrait de moi assez ressemblant, il faut le reconnaître.

Il fallait que je revienne, c'était vital pour moi. Si j'ai bonne mémoire, il devait se tenir par là : oui, voilà un morceau de métal qui ne trompe pas ! Il y a une inscription dessus, à moitié effacée : « P-38 Lightn**g »

Un bout de sa carlingue.

Et là, un peu plus loin...mais oui, c'est bien un terrier de fennec...Mon dieu, le renard des sables! Mon renard...j'en tremble! Se pourrait-il...mais non, soixante ans terrestres ont passé!

Oh! Tout me revient, les baobabs, les volcans, les planètes, les réverbères et surtout, le souvenir d'une terrible brûlure : c'était là, exactement là, au pied de ce muret, que la morsure du serpent-minute m'a emporté à tout jamais...Voilà que je pleure maintenant, quel sentimental je fais ! S'il n'y avait pas eu ma rose, et ce satané mouton, je n'aurais pas eu besoin de partir, et j'aurais passé le restant de ma vie avec lui...

Je l'aimais bien.Il m'aimait bien, je crois.

Je suis heureux d'être revenu.

 

 Petit Prince

10 septembre 2011

La remplaçante (Célestine)

 

La remplaçante

On était à la machine à café avec Edgar. Comme tous les jours.

On a vu débouler une fille carrément pas vraie, ébouriffante,j'exagère pas. Des jambes, mon vieux, des seins à piquer la fortune, une carène de navire de luxe, des yeux à faire péter les braguettes, une bouche...maquillée comme une voiture volée.

Elle est passée près de nous, et son parfum nous a pétrifié le cerveau. Norbert faisait une tête ahurie, on aurait dit un de ces oiseaux indiens d'Amazonie à l’œil vide et rond comme une olive noire, sans aucune expression.

-Ferme la bouche ! que je lui ai dit, ça fait courant d'air !

-T'as vu ? Elle nous a même pas calculés, dis donc. Rien, pas un regard ! C'est qui celle-là ? a dit Edgar en sortant de sa prostration.

-Aahhh !! je vois messieurs que vous avez croisé ma remplaçante, a dit Lambert qui sortait de la compta.

Devant nos mines ébahies, il a cru bon d'ajouter : « Mais non, je plaisante ! C'est une cliente du boss. Elle vaut un gros paquet de dollars ! »Il a éclaté d'un rire gras. On était dépités.

Ben j'vais vous dire : si ce crétin de Lambert se met à faire de l'humour, c'est la mort du petit cheval !

N'empêche, je lui aurais bien proposé une formation accélérée, moi, à la « remplaçante »...

FEMME

3 septembre 2011

Conversation (Célestine)


"Je voudrais construire un grand mur, dit la petite fille.

Mon mur monterait jusqu'au ciel. Il m'emmènerait aussi haut que mes rêves. Comme sur les ailes d'un jars blanc, je verrais ma maison. Si petite. Tout en bas.

Les briques en seraient couleur de feu, comme les cheveux de ma maman quand elle s'endort dans son hamac, l'été, et que de minuscules gouttes d'eau lui font une moustache de perles, juste là, sous le nez.

 

Je voudrais construire un long mur, dit le petit garçon.

Le mien serait plus long que la grande muraille de Chine.

Il m'emmènerait au fond du monde, là où les déserts sont si chauds que les reptiles pleurent des larmes de sable, là où les banquises sont si froides que les pingouins restent collés au sol.

 

Je voudrais construire un beau mur, dit la petite fille.

Mon mur entourerait la mer. Je serais la reine du plus grand royaume au monde, et la mer serait ma piscine, avec de vrais dauphins pour bouées, qui danseraient autour de moi pour me distraire.

 

Je voudrais construire ...et toi, Papi ? Dit le petit garçon.

 

Moi, je voudrais détruire les murs .

Les murs d'incompréhension, les murs de haine, les murs d'intolérance, les murs de la honte, les murs de prison, les murs aveugles, les murs du silence, les murs d'indifférence, les murs de l'Atlantique, les murs de brouillard, les murs de bêtise.

Moi, je voudrais détruire tous les murs qui séparent les hommes.


Eh bien, quand je pense qu'on me gronde quand je casse un jouet, soupire le petit garçon."

Photo Grand-Père

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Le défi du samedi
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