Chanson-comptine
sponsorisée par Les bisounours fondus,
le magasin des douceurs de l’enfance (peluches, bonbons, livres et bien
d’autres choses encore !)
« Le
beurre a disparu ! »
Déplore
émue
Mzelle
Aufray l’ingénue
Intendante,
c’est connu,
De
l’école des Ptits Lu.
La cuisinière déçue
Ne
pourra - sans beurre, c’est exclu -
Fourbir
son régal au lait cru,
Jusque
là inconnu,
Le soufflé de laitue.
« Un vol, qui l’eut cru ! »
Répètent
en chœur têtu
Mzelle
Aufray, jeune et menue
Le
gardien, joyeux hurluberlu,
Et
puis la mère Lulu, la cuisinière fessue.
On soupçonne le dahu,
Et
puis le rat des rues,
On
enquête, on évalue,
Quel
gone ventru
Aurait-pu… ?
C’est alors qu’on trouve repue
De
graisse la table en bois nu :
Le
beurre a fondu !
Reste
une question ardue :
Qu’y-aura-t-il
au menu ?
Et en prime (time) la voix de la crémière (ndlr) :
Où, nus, allongés sur le dos, nos deux héros*discourent de la forme des nuages, de la caresse du soleil sur la peau, des petites bêtes qui peuplent la lande et du plaisir, tandis qu’à l’horizon, l’adversité tisse ses noirs desseins.
L’herbe chatouillait et le ciel était paisible. Il avait la couleur du lac. Ou bien c’était l’inverse. Il faisait très chaud. Autour d’eux : une libellule bleue et deux papillons blanc citron. Lorsque s’approcha un insecte bourdonnant, elle chuchota qu’elle avait peur. Il lui montra le chevalier qui s’effilochait dans les nues bleues, filant sur sa licorne blanche. Elle sourit, pencha la tête vers lui. A travers les feuillages, le soleil souriait lui aussi. Le vent troublait leurs peaux. Dans leurs yeux, l’une et l’autre étaient nus. Une ombre froissa la surface de l’eau. Un bruissement glissa quelque part. Dans la douceur, exactement, ils étaient nus.
Une onde. Une onde de choc. Une pulsation. Un nerf. Un muscle. Je ne sais quoi. Qui vibre. Et qui ne vibrait pas. Depuis si longtemps qu’elle a oublié que ça bougeait, avant. Quand elle était petite. Quand elle avait l’âge des boites à musique et des rêves qui tournent. Un sillon. Une ombre creusée. Une ligne marquée. Et son cœur qui saute. Et son cœur qui explose. D’émotion indicible. Même pas une joie. Une onde. Une onde de choc. Qu’elle n’attendait pas. Qu’elle croyait perdue. Enfouie dans ses espoirs tués. Le reflet d’elle qui se dessine. Autre. L’impossible qui gagne. Les frémissements qu’elle sentait. Qu’elle savait. Qu’elle a laissés au creux de leurs certitudes. Son visage enfermé dans la boîte à musique. Et la danseuse qui se remet à danser. La vie qui calligraphie. Sur sa joue droite, la commissure des lèvres comme une fossette. Sur son front, trois plis esquissés, pour une suite à la partie gauche. Une ombre fugitive. Et pleine. Des larmes en battements. Parce qu’elle se souvient. De sa moitié de visage, figée. Du courant électrique dans ce nerf facial. Qui faisait mal et la condamnait. La musique chuchotait trop bas. On ne voyait que le silence. Une onde. Un espoir fou. Comme un galet dans un lac. La peur aussi. Le presque trop. La boîte à musique qui l’affole. Les rêves qui tournent. Peut-être qu’elle enfermera les douleurs. Une partie. Peut-être que… Un nerf, un muscle. Qui se dé-paralysent. Jusqu’où ? Une onde en question. Une pulsation.
Votre lettre m’a trouvé alors que je venais mettre en ordre les affaires de ma mère. Je dois mettre en vente sa maison. La maison de mon enfance. Ma mère est morte le 8 mai 2009. Agée de 94 ans. La coïncidence vous trouble-t-elle ? Mais je n’étais pas seul à l’enterrement… nous étions cinq. Avec moi, ma femme et nos deux adorables jumelles, un très vieil homme que je ne connaissais pas. Il m’a dit être inspecteur, devenu ami – caché – de ma mère au fil d’une longue enquête jamais résolue. J’ignore jusqu’où ont été les liens entre cet homme et ma mère, mais courbé devant la tombe fraiche il semblait avoir perdu un immense pan de sa vie. Vous devez vous impatienter et vous demandez pourquoi je vous raconte tout ceci. Celle dont vous avez pris soin, c’est Mireille Icks. Pas Mathilde Germaine, ma mère, dont je sais si peu de choses. Le très vieil homme n’a pas voulu me raconter de quelle enquête il s’agissait. Il m’a seulement dit qu’elle était son échec, et qu’il fallait que je reprenne les choses à zéro, qu’ainsi, non influencé par ce qu’il avait cru trouver et ce qu’il avait manqué, je verrai peut-être d’autres pistes. D’autres pistes pour quoi, mystère ! Je ne sais pas ce que je cherche. Ma mère était-elle soupçonnée ? Ma mère était-elle victime ? J’ai trié la maison. Ouvert les placards, les tiroirs. Tous ceux que je n’ouvrais plus depuis longtemps. Et ceux que je n’avais jamais ouverts. Je n’ai jamais osé fouiller du vivant de ma mère malgré toutes mes questions sur ses origines. Nos origines. J’ignore tout de la famille de ma mère. Mon père est moins qu’un fantôme. La seule réponse de ma mère était le silence, larmes dans les yeux et mâchoire crispée. J’ai trié la maison et trouvé des carnets. Ma mère y écrit à une sœur jumelle qu’elle appelle Mireille. Auriez-vous l’obligeance de me partager vos découvertes ? Peut-être y aura-t-il parmi toutes ces adresses celle qui fait le lien entre leurs destinées ? Accepteriez-vous de me rencontrer ?
Bien cordialement,
Olivier Caplin
Ci-joint ma carte avec toutes mes coordonnées. Je vous en prie, j’aimerais tellement en savoir plus… Votre madame Mireille ressemblait-elle à Mathilde Germaine, ma mère ?
Il est arrivé en retard, le cœur au vent, les yeux
ouverts sur tous les paysages… boissons, femmes et hommes compris. On ne donne
pas rendez-vous à un poète, on l’attend seulement. C’était dans une rue, au cœur d’une ville de rêve. Ce sera comme quand on a
déjà vécu : un instant à la fois très vague et très aigu… Ô ce soleil
parmi la brume qui se lève !
Nous étions
seul à seule et marchions en rêvant…
Il m’a dit : « et les soucis que vous pouvez avoir sont comme des hirondelles sur un
ciel d’après-midi, - Chère, - par un beau jour de septembre attiédi. »
Il disait aussi comme nous, les femmes, aimions sentir
battre nos cœurs sous nos mantes à des
pensers clandestins, en nous sachant les amantes futures des libertins, et comme Colombine rêve, surprise de sentir un cœur
dans la brise…
Il m’a dit « regardez ! Le ciel si pâle et les arbres si grêles semblent sourire à nos costumes
clairs qui vont flottant légers, avec des airs de nonchalance et des mouvements
d’ailes. »
Il s’est penché, à mon oreille a murmuré… « L’allée est sans fin sous le ciel, divin
d’être pâle ainsi ! Sais-tu qu’on serait bien sous le secret de ces
arbres-ci ? »
Il a déclamé : voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches, et voici
mon cœur, qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains
blanches, et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux. Et
puis : écoutez la chanson bien douce
qui ne pleure que pour vous plaire. Elle est discrète, elle est légère :
un frisson d’eau sur de la mousse !
Il a échappé une confidence… Je ne sais pourquoi mon esprit amer d’une aile inquiète et folle vole
sur la mer. Tout ce qui m’est cher, d’une aile d’effroi mon amour le couve au
ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?
Parfois, sur une clef de sol impossible juchées, les
notes ont un rhume et les do sont des la…
Nous avons marché en silence puis il a repris « Va, sans nul autre souci que de conserver ta
joie ! Fripe les jupes de soie et goûte les vers aussi. Les vers,
c’est de la musique avant toute chose, et
pour cela préfère l’Impair plus vague et plus soluble dans l’air, sans rien en
lui qui pèse ou qui pose. C’est des beaux yeux derrière des voiles, c’est le
grand jour tremblant de midi, c’est par un ciel d’automne attiédi, le bleu
fouillis des claires étoiles. Oui, de
la musique encore et toujours, que ton vers soit la chose envolée qu’on sent
qui fuit d’une âme en allée vers d’autres cieux à d’autres amours. Que ton vers
soit la bonne aventure éparse au vent crispé du matin qui va fleurant la menthe
et le thym… »
Il y a lui, il y a moi et tout bruit s’apaise autour. A peine un vague son dit que la ville est
là qui chante sa chanson, qui lèche ses tyrans et qui mord ses victimes ;
et c’est l’aube des vols, des amours et des crimes. Caché sous les mots, le
soir est venu.
La lune est
rouge au brumeux horizon et s’en va
la chanson amoureuse, la sérénade d’automne.
Dans le vieux
parc solitaire et glacé, deux formes ont tout à l’heure passé.
Un papier froissé est resté :
Mes yeux mouillés de vent amer dans cette nuit d’ombre
et d’alarmes sont deux étoiles sur la mer. Mes yeux joyeux dans le ciel clair
par cette nuit sans plus d’alarmes sont deux bons anges sur la mer.
J’ai la fureur d’aimer.
Prince et princesses, allez, élus, en triomphe par la
route où je trime d’ornières en talus, mais moi, je vois la vie en rouge.
*
extraits de Paul Verlaine, Choix de poésies, éditions Grasset, coll. Les
Cahiers Rouges.
Mon vague à l’âme se dissout dans le sifflement de la bouilloire rouge.
L’eau bout, posée sur la vieille cuisinière à bois qui ronronne, qui
s’essouffle, qui crache, qui gémit.
La chaleur valse avec les courants d’air clandestins, insinués entre les
mauvaises planches du chalet. Et ce n’est pas grave.
L’odeur âcre, de poussière et de bois humide, me grise.
Sur la toile cirée rouge de deux grandes tables, des vases improvisés pour
des brassées jaunes de coucous.
Le plancher craque. Les bûches éclatent. La bouilloire chante.
Je sais que tout près, il y a le grand champ à roulades, la forêt, la
rivière.
Sur le divan, paupières closes, je joue à la bataille de peluches et je
peux toucher le toit avec mes pieds.
Le volet est percé d’un sapin.
« Oui, docteur, vous disiez ? Vous n’êtes pas là pour les
images ricoré ? Vous voulez du drame, de la tragédie, des lapsus
révélateurs, de l’inconscient croustillant ? Là, ça fait trop cliché de bonheur ?
Ah ben je crois que vous vous êtes trompée de patiente… Comment ? Le salon
détente, c’est la porte à côté ? Oh pardon… je me disais bien qu’avec
votre tête de vieux grincheux… »
Val(érie), Janeczka,
Walrus et Papistache entament la deuxième année des Défis du samedi et mon
étrange pudeur m’a fait parler de moi pour parler d’eux. Je les découvre depuis
si peu…
Filant discrètement
Pandora, un jour, un défi m’a happée. Quelques mots de Jules Renard : les
femmes sont toujours décrites avec des mots de bijoutiers…
C’était un dimanche, les
défis publient le samedi. J’ai laissé mes mots s’écrire, parce qu’il faut
toujours libérer des mots qui viennent comme s’ils ne pouvaient faire
autrement. Et j’ai doucement frappé à leur porte pour dire, juste dire,
que le vent avait semé leur graine d’écriture jusqu’à moi.
Janeczka (dont j’ai
toujours peur d’écorcher le nom en mélangeant deux lettres) est venue et m’a
dit « il y a toujours une place pour les retardataires ».Alors mes mots sont allés se promener chez
eux, et l’accueil a été si doux…
C’est ainsi que j’ai
mis un pied chez les Défiants. C’était le 20 octobre 2008. Le 1er
novembre, j’y laissais une main, retravaillant avec plaisir un devoir de
français datant de 1995. Le 14 février, j’y posais mon cœur. Normal, me
direz-vous, c’était la Saint-Valentin. Le 1er mars, je m’allongeais
sur leur divan parfait : c’était psychanalyse à base de verbes anciens et
rares !Mais c’est le 8 mars que
j’ai perdu la tête, pour leur cinquantième, volant tout ce que je pouvais au
temps pour partager leur déluge de folie… euh de défis !
Depuis, j’apprivoise
lentement les personnages qui s’y trouvent. Je ne peux décrire chacun d’une
phrase, j’aurais aimé pourtant, mais je vous l’ai dit, je les découvre depuis
peu et j’apprivoise lentement. Et puis, ce genre de jolis blogs, c’est comme
les poupées russes : à chaque fois qu’on ouvre, on trouve un autre
univers.
Dans la première
poupée, j’ai trouvé humour, liberté, diversité, échange. Et je pense à cet
atelier d’écriture « en vrai », où j’ai confronté mes 17, mes 18, mes
19 ans, à d’autres écritures, d’autres voix, d’autres vies. Compagnons de mots
pour un temps… avec qui j’ai passé mon week-end d’avant – bac et c’était
délicieux.
Délicieux comme le
gâteau de mots offert chaque samedi par les Défiants…
Je
me lève et je me bouscule… et je reste accrochée à mes rêves de funambule,
comme d’habitude.
Dans le vague, j’ai bu mon thé
d’agrume. Savouré les tartines mielleuses et moelleuses qui l’accompagnent
chaque matin. J’en suis à l’étape maquillage et, bien sûr, je suis en retard. J’ai
perdu les minutes sous l’eau brûlante de la douche… Un doux reflet cuivré sur
les paupières, la bataille avec le mascara pour le poser sur les cils et non me
l’enfoncer dans l’œil, le rose à lèvres… et zip, je déraille !
Un gros flocon de coton blanc
s’échappe de la bonde de la baignoire avec des « blops », des
« ouch », des « ziiiiiiiiiiiii » et j’entends une voix
bonhomme de gros nounours s’exclamer : « aaaaah, ça fait du
bien ! Ils sont vraiment crades ces tuyaux, je n’en pouvais plus ! Je
suis sûr que j’ai des tâches grises sur mon bel habit blanc maintenant… Ah,
j’aime bien ce boulot mais alors les conséquences… et personne ne nous plaint
jamais… Enfin, occupons-nous de vous ! » Et je me retrouve face-à-face
avec une grande bouche, fendue d’un sourire qui va d’une oreille à l’autre (si
cette forme a des oreilles…). Je cligne des yeux trois fois, puis trois autres
fois, les frotte comme une lampe magique… le flocon de coton blanc m’attend, sagement
installé dans mon lavabo.
« Bonjour, je suis un génie, alors,
c’est quoi tes vœux Mamzelle ? » m’assène-t-il sans sourciller !
« Euh mes vœux quoi ? » balbutie-je… Il s’esclaffe gentiment :
« tu habites dans la lune, Mamzelle ? Tu es encore dans les brumes du
sommeil ? Je suis un génie, donc j’exauce des vœux. Quatre, pour être
précis. Et pour être encore plus précis, c’est deux gentils, et deux moins
gentils. » Je me surprends à rétorquer « c’est quoi, des vœux moins
gentils ? » Et le flocon de coton blanc, génie de son état donc, se
lance dans une longue dissertation sur les vertus comparées des vœux, exemples
tirés de son expérience à l’appui… Je suis toujours avec mon maquillage raté et
les minutes s’échappent de l’horloge à une vitesse !
« Et si on reparlait de tout
ça ce soir ? » est la seule phrase sensée qui me vienne, si tant
est que ce soit sensé de parler avec un génie… « Là, il faut que je file,
j’ai un rendez-vous important ! » « Plus important que des vœux,
Mamzelle ? Impossible ! Mais plus tu tardes à me faire tes vœux, plus
je reste à l’air libre, alors ça me va ! On va où ? »
On ???!!! « Ben Mamzelle, tu ne sais pas que les génies, enfin
surtout moi, c’est ma spécialité, ils ne disparaissent que lorsque tu as fait
tous tes vœux ? J’ai apparu, t’as gagné, et tu ne veux pas
jouer ? » Gagné, gagné… pour le moment, j’ai surtout un gros flocon
de coton blanc qui veut me suivre partout…
« D’abord, je n’ai pas frotté
de lampe à huile alors qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne te serais pas
trompé de route par hasard ? »
Le génie reprend son air sérieux de
professeur et je réprime un rire tellement il en rajoute : « Je vois
qu’on connaît ses classiques, Mamzelle … Aladin version Disney ou version
littéraire ? Moi pour que j’apparaisse, c’est beaucoup plus complexe.
C’est un peu technique, c’est une conjonction précise entre le choix du rouge à
lèvres, le geste de la main, et l’heure… »
Bon, ben je crois que mon premier
vœu moins gentil, ça va être de reporter mon rendez-vous important… « Une
grève générale surprise, c’est possible ? Ça fera les pieds au prési-prince
pendant qu’on y est ! »
« Tope-la Mamzelle, j’adore
mettre la pagaille ! (il y a un POP dans une poussière poudrée) C’est
quoi, ton deuxième vœu ? »
Ouh la, il est rapide… Il y a trois
choses que je veux dans ma vie. Mais le monde aurait bien besoin de mes vœux
aussi…
« J’ai oublié de te dire,
j’exauce les vœux personnels : la paix dans le monde, la vie douce pour
tous, tout ça, ce n’est pas mon rayon. C’est beaucoup trop difficile pour un
simple flocon de coton blanc de mon espèce ! »
Je m’affale sur le canapé, et le
génie aussi. « Alors, alors, c’est quoi tes vœux ? On n’est pas
obligé de les faire tout de suite mais tu comprends, je suis curieux ! Ca
tourne souvent autour des mêmes choses, les vœux : amour, travail,
vengeance… Je fais la liste de ceux qu’on me demande, tu veux que je te la
lise ? » Et il sort un long, très long ruban bleu de ce qui doit être
une poche-portefeuille. « Euh, ça fait longtemps que tu es
génie ? »
Il se met à compter sur ses doigts
boudinés comme des cumulo-nimbus… « 10803 vœux exaucés, Mamzelle, et
aucune réclamation ! » Hum… pendant qu’il lit, je trouverai peut-être
les vœux 10804, 10805 et 10806… Je veux un amoureux, une santé du tonnerre et
vivre de mes écrits… Mais dans quel ordre de priorité ? Refiler mes
douleurs à quelqu’un d’autre, ce n’est pas un vœu moins gentil, c’est un vœu
très méchant ! A moins que je choisisse un dictateur ou un violeur
d’enfant ? Demander des douleurs à jours fixes, un quota pour une
année ? Ce que je voudrais le plus, c’est… « Dis, on peut faire un
vœu pour l’avenir ? »
… Epouser machin-chouette… avoir un lave-vaisselle… conduire une Porsche…
Le flocon de coton blanc lève la
tête de sa liste, sourit : « oui, mais par contre, je ne peux pas
faire tomber amoureux, c’est Cupidon qui a le monopole ! »
…
savoir chanter… posséder une Rolex…
Bon, qu’est-ce qu’il me
reste ? Ecrire en sachant que je vendrai quoi que je fasse, bof… Etre
écrivain, c’est autre chose…
« Oh je voudrais passer mon
automne au Canada ! »
« C’est
noté Mamzelle ! »
Oups, il ne me reste plus qu’un vœu
gentil et un vœu moins gentil… Une rupture de stock régulière pour de nombreux
livres un peu trop exposés, histoire que ça laisse de la place dans les librairies
pour ceux qui restent invisibles, que chacun ait une chance sans battage
médiatique ? Et puis, ce vœu pour l’avenir… « Je veux une belle histoire
heureuse », c’est une formule qui résume un peu tout ?
…
avoir tous les bisounours… que je disparaisse parce que je suis vraiment
collant…
Je vous ouvrirais grand les bras et pour un baiser
amant, je vous donnerais mes lèvres.
Je rêve de votre main posée sur mes hanches, de votre
corps tout près du mien.
Je voudrais entendre votre voix qui rend sexy mon
petit nom, lire votre désir de moi dans vos regards qui n’osent pas.
Et si vous me disiez « je vous aime » ?
Je le croirais parce que j’en ai l’envie qui se taisait. Parce que votre air de
petit garçon dans votre assurance d’homme sait faire battre mon cœur intimidé.
Parce que je me souviens de votre bouche sur ma joue pour une bise que vous
m’avez demandée comme une faveur. Je le croirais pour le sourire entre nous,
pour nos yeux qui s’accrochent parfois comme si rien d’autre n’existait.
Et si vous me disiez « je vous aime » ?
J’aimerais que l’on s’apprenne cela, aussi.
.
Le facteur, amoureux, n’avait pas attendu que la
petite aiguille dépasse 16h. Il était parti tôt du centre de tri pour ne pas
rater son train. Il ne voulait pas perdre une minute pour rejoindre sa belle
aujourd’hui, puisque quelqu’un avait décidé que c’était une journée spéciale
pour l’amour. Tout à ses désirs d’elle, à ses suppositions de ce qu’elle avait
pu préparer (depuis 7 ans qu’ils étaient ensemble, elle lui sortait toujours le
grand jeu, ces jours-là), tout à son impatience de découvrir sa joie enfantine
devant le cadeau qu’il avait cherché depuis des mois, il n’avait pas vu la
lettre glisser dans le sac plastique qui contenait ses achats de dernière
minute pour être au diapason de sa douce romantique.
En grimpant dans le
wagon aux vitres sales, une bande d’adolescents sauvages, excités de la soirée
qu’ils espéraient passer à emballer les filles et aguicher les garçons, le
bouscula sans ménagement. Bien trop occupés à parler SMS et codes
vestimentaires et plans drague, ils ne virent même pas le facteur amoureux, lui
aussi pris dans le filet de ses pensées. Il lâcha son paquet qui glissa jusqu’à
l’autre porte en face où il échoua lamentablement.
La lettre que la jeune
femme avait osée pour donner suite à cette étrange question posée, « et si
je vous disais que je vous aime ? », tomba du sac plastique où elle
n’aurait jamais dû se trouver. Elle resta dans ce train de 16h16 jusqu’au soir
où il fut nettoyé. Un courant d’air l’emporta et les mots d’amour hésitant s’effacèrent
sous les larmes d’une pluie neigeuse.