Un joli mot de Noël (Borsolina)
Ce matin, monsieur et madame Mot devaient se presser afin de faire leurs dernières emplettes pour le réveillon de ce soir. En effet, une surprise était arrivée à leur réveil et ils avaient donné naissance à leur dernier petit mot qu’ils avaient affectueusement nommé Désamoureux.
Ils prirent alors leur motomobile afin d’arriver au plus vite au grand magasin des mots qui était déjà assailli par les acheteurs effrénés de dernière minute. Ils n’hésitèrent pas longtemps devant les rayons et choisirent celui des mots doux. Là, les mots scintillaient de toute part, il y avait des mots qui roulaient, d’autres qui coulaient, encore qui riaient et même qui embrassaient.
Il y avait aussi les mots composés, madame Mot hésita d’ailleurs longtemps entre pomme d’amour et pain d’épice, mais monsieur Mot préférait arc-en-ciel. Avançant toujours dans le rayon, ils découvrirent les derniers mots à la mode dont tous les jeunes raffolaient et qui regorgeaient de j’te kiffe par ci, j’te kiffe par là. Mais pour un nouveau né, cela ne leur convenait pas.
Le choix devenait cornélien tellement il y avait de mots, ce qui étonna madame Mot qui ne se souvenait plus de cette période heureuse où elle et son époux se caressaient de mots tendres tels que bonheur, douceur, joie, plaisir, bonne humeur, adoration, gentillesse, délicatesse, amabilité, générosité, ravissement, beauté, etc.
Monsieur et madame Mot commençaient à se sentir tout chose, leurs cœurs fondaient devant la féerie de tous ces mots et lorsqu’ils trouvèrent enfin le mot qu’ils recherchaient tant, l’émerveillement pouvait se lire dans leurs yeux.
Heureux, monsieur et madame Mot, bras dessus - bras dessous, retournèrent bien vite à leur doux logis afin de préparer la fête de Noël. Ils disposèrent tous leurs mots-cadeaux au pied du sapin et réveillèrent leur progéniture aux douze coups de minuit.
Tous les petits mots de monsieur et madame Mot, bien qu’encore endormis, se précipitèrent devant le grand sapin qui brillait de tous feux. Chacun attrapa son paquet, excité maintenant comme une puce, et s’empressa de l'ouvrir.
Monsieur et madame Mot se délectaient de ce spectacle. Madame Mot saisit alors le dernier cadeau qu’ils avaient acheté quelques heures plus tôt et l’offrit à son petit dernier qui n’osait s’approcher. Le petit Désamoureux déchira le papier. Son visage s’illumina d'un grand sourire lorsqu’il découvrit le mot Amour.
Consigne 83 (Borsolina)
Cher Monsieur Van Rompuy,
J’ai
l’honneur de m’adresser à vous suite à l’annonce parue ce jour dans Le Petit
Journal, et de vous proposer ma candidature pour ce nouveau poste de travail.
Je pense
requérir toutes les qualités pour être le mieux à même de remplir les fonctions
de cet emploi. En effet, sans être exhaustive, en voici la liste :
- La patience :
Ma qualité première et primordiale pour
ce travail, à mon humble avis, est la patience. Je suis également doué d’une
grande retenue et maitrise de soi ayant pratiqué le yoga durant de nombreuses
années.
Etant issu d’une famille
aristo-catholico-bourgeoise, j’ai baigné durant toute mon enfance dans un
univers où la bienséance et les bonnes manières étaient de rigueur. Il ne
saurait être acceptable de se laisser aller et de répondre effrontément à un
client.
- La
pédagogie et la diplomatie :
Je suis en
mesure d’écouter longuement les plaintes et complaintes des usagers. Ayant un
doctorat en psychologie et une maitrise en sophrologie, je saurai les rassurer,
trouver les mots adéquats afin de les apaiser et de leur permettre de retrouver
leur bonne humeur.
- La disponibilité :
Je serai à même de me rendre disponible à
toute heure du jour et de la nuit, et ce, sept jours sur sept, toute l’année.
J’ai par ailleurs obtenu il y a peu une greffe de téléphone.
-
Multilingues :
Je parle
toutes les langues du monde, et par conséquent je pourrai satisfaire toutes
demandes.
- L’adaptabilité :
Je suis
doué d’une grande aptitude à la malléabilité, je saurai m’adapter à toute sorte
de clients : un travailleur licencié en colère contre son patron, un
usager du métro en rage contre les transports en commun en grève, un mari
violent remonté contre sa femme, une mère au foyer exaspéré par ses enfants, un
élève furieux contre son professeur qui lui aurait donné une mauvaise note, un
client mécontent du service après vente de son fournisseur d’accès à internet, etc.
-
Expériences personnelles :
Ayant
moi-même été régulièrement dans des situations similaires à vos futurs
utilisateurs, mon expérience est un atout considérable et nécessaire à la
compassion à laquelle s’attend votre clientèle.
Voici les
raisons pour lesquelles je pense être la personne idéale pour le poste proposé.
Vous
remerciant d’avance d’avoir pris le temps de lire cette lettre,
Je vous
prie d’agréer, cher Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.
Juste Parfait
Ah les ados ! (Borsolina)
Ah les ados !
C’était pour ce soir, Mathieu l’avait décidé. Depuis qu’il avait vu cette inscription à l’intérieur de la porte de la grande armoire de l’aumônerie, il n’arrêtait pas d’y penser. Il avait d’ailleurs appelé Samy pour la lui montrer et celui-ci avait lu :
A la nuit tombée
Ce n’est pas par pur hasard
La porte du jardin
et s’était écrié :
- Ben la porte du jardin quoi ? Ca veut rien dire ton truc, c’est trop naze ! Pfff
Mathieu lui avait alors répondu :
- Mais arrête ! Tu sais bien : la porte au fond du cloitre, parait qu’il y a un passage secret qui mène direct au dortoir des filles. C’est de notoriété m’enfin ! Même mon frère m’en avait parlé à l’époque où il était pensionnaire lui aussi.
- N’importe quoi ! Quelque chose en toi ne tourne pas rond mon pote ! Tu rêves, on pourra jamais rejoindre les filles.
- Crois-moi, on tente ! Viens on va chercher Flo, j’suis sûr qu’il sera partant !
- Ca c’est vraiment toi… quand t’as une idée en tête tu l’as pas ailleurs !
Le soir venu, les garçons attendirent l’extinction des lumières du pensionnat pour filer en douce dans la cour. Ils traversèrent le cloitre en courant, la pénombre leur glaçait déjà le sang lorsqu’ils arrivèrent essoufflés devant la porte. Samy commençait déjà à trépigner et essayait de dissuader ses deux amis. Mais ils ne lui laissèrent pas le choix et commencèrent à traficoter la serrure rouillée de la porte. A leur grand étonnement, celle-ci n’était pas verrouillée et s’ouvrit dans un grincement qui aurait réveillé un mort. Les trois copains se trouvaient alors devant cette entrée plongée dans le noir. Mathieu dit : « Allez les gars, à vos lampes-torches, on y va. » Mais malgré son ton autoritaire et l’excitation de l’expédition, on pouvait déceler une légère inquiétude dans sa voix. Il entra le premier, pour donner l’exemple. Mais surtout il ne voulait pas perdre la face en se dégonflant.
Ils avancèrent alors dans une sorte de petit tunnel vouté en pierre. Le sol en terre battue craquait sous leurs pas. Ils ne disaient mot.
Rapidement, les trois garçons arrivèrent à un croisement : le passage se partageait en trois. A droite et au centre, le tunnel semblait continuer, alors qu’à gauche, il y avait un escalier. Flo, surnommé monsieur GPS, dit que l’escalier semblait trop près de la porte pour mener au dortoir des filles. Il restait alors le tunnel de droite et celui du milieu, Samy proposa celui de droite, Mathieu et Flo s’exclamèrent alors : « On prend celui du milieu ! »
Alors qu’ils longeaient le passage souterrain depuis quelques minutes, la lampe de Samy rendit l’âme. Ses deux amis éclatèrent de rire. Mais tandis qu’ils se moquaient gentiment de leur camarade, ils ne firent pas attention au sol qui se dérobait sous leurs pieds. Les trois garçons hurlant glissèrent sur une pente très raide et tombèrent dans une grande galerie. Samy pleurnichait et reprochait à Mathieu de l’avoir entrainé dans cette aventure. Mais Mathieu et Flo étaient subjugués par le lieu où ils se retrouvaient.
La grotte, immense, était magnifique. Elle était creusée à même la pierre et de nombreuses sculptures très étranges tapissaient les parois. Les garçons, intrigués, s’approchèrent en silence afin d’admirer ce magnifique tableau.
- Dis, Math, tu sais ce que ça représente ?
- Non, aucune idée… D’où ça sort ça ? C’est vraiment bizarre…
Leurs lampes parcouraient lentement les murs puis le plafond. C’est à cet instant que les garçons virent des milliers de petits yeux qui brillaient dans le noir et les regardaient. Samy, sautant dans les bras de Flo, poussa un cri strident et les milliers de paires d’yeux commencèrent à bouger dans tous les sens. Les chauves-souris, gardiennes tranquilles de ce temple, s’envolèrent toutes en même temps dans un brouhaha terrible et plongèrent tout droit sur les trois amis. Mathieu cria : « Courez, courez !!! ». Ils se mirent à courir aussi vite que leurs jambes le leur permettaient vers un autre tunnel qui se trouvaient dans le fond de la galerie. Virage à droite, virage à gauche, tout droit, « plus vite, plus vite » une petite montée, encore tout droit, le bruit des volatiles derrière eux s’amenuisaient au fur et à mesure de leur fuite, mais les enfants galopaient toujours jusqu’au moment où ils finirent par retomber sur le premier croisement qu’ils avaient vu après avoir passé la porte du cloitre. Ils étaient revenus à leur point de départ. Ils n’hésitèrent qu’un quart de seconde, et d’un signe de tête, se dirigèrent vers la sortie. A toute vitesse, ils arrivèrent devant la porte qui était maintenant fermée, mais impossible de l’ouvrir malgré les coups qu’ils lui assenaient. Il ne restait alors qu’une solution : l’escalier. Obligés de rebrousser chemin, il ne leur fallu pas longtemps pour grimper quatre à quatre les marches de l’escalier surplombé par une autre porte. Elle était fermée elle aussi. Ils tambourinèrent de leurs poings en criant à l’aide quand enfin ils entendirent le cliquetis d’une clé de l’autre côté. « Vite, vite, ouvrez-nous ! » La porte finit par céder, les garçons se précipitèrent à l’intérieur. « Mais que faites-vous là ? » leur aboya madame de Bouveret. Ils avaient atterri dans la chambre de la surveillante générale du pensionnat des filles.
SAV SONIQUELÉTOUS* (Borsolina)
SAV SONIQUELÉTOUS*
8bis, rue des Boulets
92361 PERDUVILLE-LES-OIES
A Perduville-les-Oies
Le 31 octobre 2009
Cher Monsieur,
Nous avons bien reçu votre courrier en date du 1er juillet 1988 et la société SONIQUELÉTOUS vous remercie de votre achat.
Le matériel que vous avez acheté est l’un des plus performants du marché, en avance sur son temps et très simple d’utilisation.
Afin de vous donner entière satisfaction, toute l’équipe technique de SONIQUELÉTOUS s’est mobilisée afin de répondre à vos questions.
Votre première question concerne la programmation de la fonction enregistrement de votre magnétoscope. Sachez dans un premier temps que le modèle en votre possession est équipé de deux têtes, ce qui vous donnera une qualité d’image exceptionnelle.
Après avoir inséré votre disquette dans le lecteur, il vous conviendra d’appuyer sur la touche i de votre télécommande (si celle-ci ne faisait pas partie de votre colis, je vous invite à appeler notre service téléphonique au numéro figurant en entête de ce présent courrier, puis taper 1). Une fois le menu affiché sur l’écran de votre téléviseur, choisissez l’option « enregistrement », puis avec les flèches de la télécommande, déplacez le curseur une fois à droite, puis trois fois en bas, puis deux fois à gauche, là, et seulement à ce moment précis, cliquez sur « programmation ».
Il ne vous restera plus qu’à entrer le numéro de la chaine (attention notre produit n’est configuré que pour les six chaines nationales), le jour, l’heure, la durée et le mode.
Dans l’hypothèse où notre explication vous semblerait insuffisante, je vous recommande d’appeler à nouveau notre service vocal au même numéro que précédemment. Cette fois-ci, vous ne taperez rien.
Votre seconde question concerne le branchement dudit magnétoscope via un décodeur CANAL X. Toutes les données nécessaires à cette manipulation figurent en page @ du manuel d’utilisation. Si malencontreusement votre colis ne contenait pas de manuel, vous pouvez en demander un autre exemplaire toujours à notre hôtesse qui se fera un plaisir de vous répondre. Dans ce cas, tapez 3615 et demandez Ulla. Dans l’hypothèse où vous seriez en possession d’un manuel mais version chinoise, coréenne, malaisienne ou thaïlandaise, vous pouvez le renvoyer à l’adresse figurant dans la note** ci-dessous.
Néanmoins, la confiance que vous portez à notre société nous incite grandement à vous apporter une aide immédiate.
Aussi, vous devez vous munir des 5 fils : bleu, blanc, bleu, rose et jaune figurant dans le colis*** puis branchez le fil blanc et le fil bleu ensemble. Le fil blanc sera ensuite branché au poste de télévision à l’emplacement prévu à cet effet et le fil bleu à votre décodeur. Branchez ensuite le fil bleu au magnétoscope en case deux situé à l’arrière dudit magnétoscope. Si vous n’avez pas de case deux à l’arrière de votre magnétoscope, ne le branchez pas, ce fil ne sert à rien. Hé oh Gégé, tu peux parler un peu moins fort quand tu téléphones à ta poule, on s’en fout de son 90B, j’essaie de me concentrer là, avec ce foutu courrier. Enfin, tu branches le fil vert entre le magnéto et ta télé. Là, tu pourras enregistrer tous tes programmes préférés****.
En espérant t’avoir totalement renseigné, toute l’équipe de SONIQUELÉTOUS se tient à ta disposition pour toute autre demande (mais ça ne veut pas dire que tu peux en abuser, on a une vie nous aussi).
Cordialement, Guigui*****.
* Société anonyme au capital très très variable avec directoire et conseil de surveillance.
** SONIQUELÉTOUS & CO, 8bis et 32, rue des Boulettes - 92361 Trouville
*** Si vous ne possédez pas ces fils, nous ne pouvons rien pour vous.
**** Hé hé, alors on matte CANAL X en cachette ?!
***** Si ça ne marche pas, jette-le !
Once upon a time… (Borsolina)
Le chargement du bateau mettait tout le port en effervescence. L’expédition qui se préparait à larguer les amarres était signe d’espoir pour tout un peuple. Les esclaves noirs, entonnant des chants joyeux, faisaient rouler de gros tonneaux remplis de toutes sortes de denrées et les plaçaient à fond de cale. Le voyage allait être long, les hommes le savaient mais étaient enthousiastes à l’idée de rejoindre le nouveau monde prometteur de richesse et de réussite. Après avoir mis à bord les félins éradicateurs de rats, le vaisseau s’éloigna du quai sous l’applaudissement et les sifflements de la foule qui s’était donnée rendez-vous.
La mer était belle et calme quand le Bounty prit le large. L’équipage était commandé par le très célèbre capitaine Jack Sparrow, lui-même secondé par Clark Gable et son fils Télémaque. Le vent gonflait les voiles du lourd navire qui filait à vive allure, le soleil brillait, l’équipage se sentait en confiance et ne se doutait pas qu’il allait subir la colère de Poséidon. Ce qui arriva après trois semaines de voyages : le ciel s’assombrit subitement, la pluie commença à s’abattre sur le pont, les éclairs déchiraient les nuages ponctués par de fracassants coups de tonnerre. La mer était maintenant déchainée et formait des creux de plus de dix mètres. Les hommes, trempés jusqu’aux os, apeurés, continuaient de répondre aux ordres de leur capitaine qui essayait tant bien que mal de tenir la barre. Puis, une vague plus haute que les autres vint s’abattre sur le Bounty qui se brisa dans un craquement terrible. Les marins hurlaient, se débattaient, essayaient de s’agripper à une planche ou un bout de mât. La dernière chose que vit Jack tombé à l’eau, avant de couler emporté par le courant, fût son ami Clark et son fils accroché à un radeau de sauvetage.
Jack savait que ça ne servait à rien de se débattre, il connaissait bien les courants marins pour les avoir étudiés, et préférait voir arriver sa mort sereinement et avec dignité. Ce n’était qu’une question de secondes, son souffle retenu jusqu’au bout, il ouvrirait alors sa bouche machinalement pour chercher l’air et dans une grande aspiration, ses poumons se rempliraient d’eau, le faisant s’étouffer, et ainsi sombrer au fond des océans.
Mais tandis qu'il glissait lentement vers les abîmes, il se sentit enlacé par quelque chose de froid, flottant au milieu d'une épaisse chevelure, qui lui prit la bouche et lui injecta une grande bouffée d'oxygène. Jack qui reprit alors des couleurs écarquilla les yeux, et en resta presque bouche bée, faillant boire la tasse pour de bon cette fois-ci. Il se ressaisit et dévisagea sa sauveuse : une sirène! Jack en avait entendu parlé maintes fois, mais n'avait jamais crû à ces chimères. Elle lui prit à nouveau la bouche pour le faire respirer. A la place des jambes, elle avait une grande queue couverte d’écailles avec un voile magnifique, auréolé de vert et de bleu scintillants. Son buste était bien celui d'une femme, avec une belle poitrine, mais son visage était vraiment très ingrat. Jack, amateur de belles femmes, sembla décontenancé.
La sirène, dans un grand sourire qui dévoila toutes ses dents jaunies et cariées, prit Jack dans ses bras et se mit à nager telle une fusée. Elle fendait l'eau, à défaut d'air, croisant des petits poissons de toutes sortes qui se retrouvaient à faire des roulés-boulés à leur passage. Jack n'en croyait pas ses yeux devant la magnificence des fonds marins. Lui qui croyait que tout n'était qu'obscurité, au contraire, tout un petit monde existait et vivait sous ces millions de mètres cubes d'eau.
Ils arrivèrent enfin à destination et pénétrèrent dans une sorte de bulle qui semblait être le royaume des sirènes. Jack fut surpris de pouvoir respirer normalement, ce qui n’était pas un luxe ! La sirène s’adressa alors à lui : « Bonjour humain, je m’appelle Arielle ». Jack ne savait s’il devait répondre ou partir en courant, mais la seconde option n’était pas envisageable. Il répondit alors : « Je vais me réveiller, je suis mort, ou alors… », mais avant qu’il n’eut le temps de finir sa phrase, Arielle le rassura en lui disant qu’effectivement tout cela devait lui semblait très étrange mais qu’il n’avait rien à craindre. Elle le prit par la main et lui expliqua qu’elle allait le présenter à leur roi, son père. Arrivé à la cour, Jack se sentit dévisagé de toutes parts, mais ce qui le mettait le plus mal à l’aise est que toutes les sirènes qu’il croisait étaient plus affreuses et laides les unes que les autres. C’était un cauchemar pour Jack, il n’était pas question qu’il resta une minute de plus ici.
Le roi qui semblait très vieux au vu de sa longue barbe blanche s’approcha de Jack et lui dit : « Bienvenue humain, nous sommes ravis de t’accueillir parmi nous, cela est si rare d’avoir des visiteurs. Nous sommes tes hôtes, dis-nous ce qu’il te ferait plaisir ». Sans hésiter, Jack répondit qu’il voulait rentrer chez lui. Toutes les sirènes poussèrent un soupir en même temps, et baissèrent la tête. Le roi lui dit alors « Qu’il en soit ainsi humain, nous ne pouvons te retenir ici contre ton gré. » Il désigna une grosse bulle à Jack posée sur un gros coquillage en forme de cône et lui dit de s’asseoir dedans. Une fois assis, le coquillage se mit à vrombir très fortement, la bulle était secouée dans tous les sens et d’un coup sec fût propulsée à travers les eaux vers la surface.
Lorsque Jack se réveilla, il était allongé sur le sable, à moitié dans l’eau. Le soleil le chauffait lentement, tout était calme autour de lui. Se relevant, il aperçut au loin son vieil ami Clark et son fils Télémaque courant vers lui et criant : « C’est Jack, c’est Jack, il est vivant ! »
Sophie… ou les malheurs ! (Borsolina)
Le grand jour est enfin arrivé. Sophie est toute excitée d’enfiler sa jolie robe blanche ornée de petits volants en dentelle. Elle est d’autant plus fière de pouvoir s’habiller avec sa maman qui ressemble à une princesse dans sa robe de mariée. Sa maman va enfin épouser Jérôme, le papa de François.
François qui va devenir son frère, est un petit fripon et n’a de cesse de la chahuter et la taquiner. D’ailleurs, au moment d’enfiler ses jolies chaussures vernies, Sophie pousse un grand cri et retire ses pieds qui semble-t-il se sont faits chatouiller par un petit lézard. Sophie commence à crier après François, mais très vite, sa maman, se retenant de pouffer de rire, la rassure en lui disant qu’une grande fille comme elle ne devrait pas avoir peur d’une aussi petite bête.
La grande maison familiale grouille de monde. C’est le branle-bas de combat, lorsqu’Henri, son grand-père, lance le signal : « C’est l’heure, il faut partir ! ».
Arrivée sur le parvis de l’église, Sophie rejoint sa cousine Julie qui porte la même robe qu’elle. Les deux petites demoiselles d’honneur attrapent la longue traîne de la mariée et s’apprêtent à remonter l’allée centrale. Les premières notes de Wagner emplissent la nef, les petites filles rougissent de plaisir.
La marche nuptiale est magique, Sophie, très coquette, s’imagine dans un conte de fées. Tout le monde sourit en les regardant passer, et la cérémonie débute enfin.
Les enfants sont assis au premier rang et sont ravis de voir leurs parents si heureux, même si François n’arrête pas de gigoter sur son banc.
Le moment tant attendu de l’échange des consentements arrive enfin. Les amoureux sont émus. Les invités sont attentifs et retiennent presque leur souffle avant de pouvoir faire éclater leur joie. Alors que le prêtre est prêt à donner la bénédiction, François commence à nouveau à embêter Sophie et Julie et leur fait croire que c’est maintenant qu’elles doivent se munir des petits paniers enrubannés pour aller faire la quête. Sophie ne se méfie pas, impatiente de passer entre les rangées des invités et ainsi parader, recevoir des compliments des oncles et tantes sur sa jolie coiffure, elle attrape la main de Julie et entreprend d’aller récupérer les pièces. Mais tout ne se passe pas comment elle l’espérait. Au lieu d’être félicitées, les invités leur disent de vite aller se rasseoir en leur faisant de gros yeux et en leur disant que ce n’est pas le moment. Sophie ne comprend pas mais devient toute rouge de honte quand elle croise le regard désapprobateur de sa maman. C’est alors qu’elle entend François à coté d’elle, à voix basse, lui chantonner ce petit refrain « les sœurs qui quêtent ! les sœurs qui quêtent ! les sœurs qui quêtent !!! ».
CHEZ MOI (Borsolina)
Chez moi, la nuit, dans mon appartement, le genre d’appartement refait à neuf où tout est blanc, tout est calme. Il n’y a aucun bruit. Il arrive de temps à autre, lorsque je suis couchée, que ma voisine fasse une machine après 22h, pendant les heures creuses. Cela est un peu gênant car son essorage reste souvent bloqué. Mais bon, ce n’est qu’un rendu pour un prêté !
Chez moi, il n’y a pas de vieilles charpentes qui craquent ou d’escaliers en bois qui travaillent. Enfin si, j’ai un escalier en bois, mais il ne travaille pas ! Ou alors il travaille, mais comme j’entends rien quand je dors… bref !
Chez moi, il n’y a pas de vieilles comtoises qui sonnent à chaque heure ou de réveils qui font tic-tac. Et… heureusement car je trouve ce bruit impossible !
Chez moi, à l’extérieur, il n’y a pas de branches effeuillées qui viennent taper les carreaux de la fenêtre, ou de chouettes qui hululent dans l’arbre du voisin. Non rien de tous ces bruits qui pourraient être effrayants et qui rendent lugubres certaines demeures dès l’obscurité tombée.
Chez moi, quand je me glisse entre les draps, que je retrouve avec délectation l’épaisseur de ma couette, seul le ronronnement de ma chatte vient me bercer et m’aide à m’endormir. Sauf quand elle a décidé en même temps de me pétrir la poitrine avec ses pattes !
Chez moi, ma minette est un peu spéciale. Après avoir ronronné, elle commence son rituel pré-nocturne. D’abord elle va manger quelques croquettes : et crac et croc et crac. Cela dure toujours quelques minutes, mais en général, je commence à sombrer dans les bras de Morphée avant qu’elle n’ait fini.
Ensuite, elle revient d’un pas feutré dans la chambre et là, l’insupportable se produit : elle commence à gratter le coin de la porte du placard pour la faire coulisser. Juste pour m’embêter parce qu’elle y est rentrée plein de fois et qu’il n’y a rien de plus ni de moins.
Alors, comme tous les soirs, attrapant ma peluche diplodocus par la queue, devenue professionnelle du vol plané en direction du placard, j’hurle : « Cléo ! Maintenant ça suffit, j’en ai marre de toi ! »
Je me rendors aussitôt.
Chez moi, finalement, il n’y a pas de bruit la nuit.
Consigne 74 (Borsolina)
Le matin.
Encore une fois, machinalement, elle m’attrape par le manche. Après m’avoir enduit d’une pâte, elle appuie sur mon bouton, et je me mets à vibrer de tout mon corps. Ah au réveil, ça fait du bien ! Je vais pouvoir me faufiler dans tous les moindres recoins et lui redonner le sourire.
Après m’avoir utilisée, elle me rince toujours et me repose, bien droite dans mon verre posé sur le lavabo. Hé ! A quoi vous attendiez-vous ? Je ne suis qu’une brosse à dents, mais à pile m’sieur-dame !
Je travaille beaucoup pour elle, trois fois par jour. Il paraît que ce n’est pas le cas de toutes mes congénères. Certaines ne sortent de leur pot qu’une fois par semaine, et ont les poils tellement écrasés et noirs… pouah, je ne peux imaginer ça ! Moi, ma maîtresse, elle me dorlote, me bichonne, et me parfume tous les jours à la menthe. Même une fois, elle m’a opérée du ventre et m’a changé un truc. Je peux vous dire que les vibrations ne m’avaient pas chatouillée comme ça depuis mon déballage.
Il lui arrive parfois aussi de me mettre dans une sorte de mini-valise. J’aime pas. J’suis serrée, il fait noir là-dedans. Il y a toujours les tubes de gel douche ou de démaquillant qui se frottent à moi. Ils sont vraiment sans gêne ceux-là. Rhooo la la, ça me fait penser qu’une fois, le flacon de shampooing n’a pas pû se retenir et s’est vidé dans la trousse. Il s’est sacrément fait engueulé à l’arrivée, et on est tous passés au karcher.
Et puis, je ne sais pas ce qu’ils font à l’extérieur, mais on est ballotés, secoués dans tous les sens. Par contre, je dois l’avouer, quand elle me sort enfin de cette trousse, et que je prends place dans la salle de bains d’un palace, je ne suis pas peu fière !
L’autre soir.
C’était un mauvais soir. Je ne sais pas ce qu’elle avait mangé… ni bu ou fumé d’ailleurs. Mais on peut dire que j’ai pas chômé. Y avait un de ces boulots. Mais le pire, le pire de tout, et là, d’ailleurs je n’ai pas compris… c’est qu’elle m’a prêtée ! J’ai atterri dans la bouche d’un type… Mon dieu, quelle horreur. Je me demande bien où elle l’avait trouvé celui-là. En plus il m’a fait mal, il avait plein de trous bizarres dans les dents. Je n’avais encore jamais vu ça.
Depuis quelques jours.
Ma vie est lamentable, finie, terminée. Elle m’a remplacée par une jeunette… avec tête rotative qu’elle m’a dit. Je suis tout à fait inutile, dans mon verre à dents. Je me dessèche, mes poils se durcissent. Quelle triste fin. Elle ne me regarde plus, je n’existe plus pour elle. Je vais me suicider. C’est décidé !
Mais alors que j’étais prête à faire le grand saut dans le tourbillon d’eau des toilettes, elle m’attrapa et m’emmena avec elle. Si j’avais pu le faire, j’aurais remué la queue. J’étais folle de joie, elle ne m’avait pas oubliée, elle m’aimait encore et… blurp bluuup glouuu glou… aaah mais j’ai failli me noyer ! Où suis-je ? Oh non, je crois comprendre, elle me recycle. Me voilà en train de nettoyer les parois de son aquarium. Beurk y a plein d’algues, c’est dégoutant… ça pue !
Et depuis les jours passent, et je nettoie chaque semaine les vitres pleines de vase et le moteur encrassé de la pompe. Mon seul réconfort est qu’elle me rince toujours tendrement après chacune de mes corvées.
Hier soir.
Je n’y croyais pas, je ne réalise d’ailleurs toujours pas. Le bonheur, je ne me souvenais même plus comme cette sensation était agréable… elle m’a à nouveau prêtée !
Participation de Borsolina
Une plaquette de beurre de 250 grammes a disparu du réfrigérateur de l'internat. L'enquête est confiée à Mademoiselle Aufray, l'intendante.
Tous les petits garçons connaissaient bien mademoiselle Aufray, l’intendante en chef de l’internat de l’Ecole Primaire de l’Institut Familial de Montauban. On n’aurait su définir son âge, la plupart des pères des enfants avaient été pensionnaires dans cette école et la connaissaient déjà. Il parait que certains grands-pères l’avaient connue aussi à ses débuts alors qu’elle n’était qu’une toute jeune surveillante. Et pourtant, malgré son âge incertain, elle avait la peau du visage bien lisse, ses joues poudrées rose dragée lui donnant bonne mine. Elle était toute petite et toute fine, tirée à quatre épingles, et avait pour habitude d’emprisonner ses longs cheveux cendrées dans un chignon. Ses garçons, comme elle les appelait, et qui se retrouvaient éloignés durant plusieurs semaines de leur famille qu’ils ne retrouvaient que pour les vacances, l’aimaient beaucoup. Elle était une sorte de maman de substitution, très douce et toujours juste. Lorsqu’un enfant faisait une bêtise, elle ne criait jamais. Néanmoins elle n’hésitait pas à le punir et ce n’était pas tant la punition qui vexait le gamin, mais plutôt la honte d’avoir déçue mademoiselle Aufray.
Un jour, une plaquette de beurre de 250 grammes disparut du réfrigérateur de l’internat. La cuisinière prévint immédiatement l’intendante et accusa rapidement les petits pensionnaires.
Mademoiselle Aufray était bien embêtée… C’était le second vol, si tant est que l’on puisse parler de « vol », en deux jours. Cela avait commencé par un sachet de farine. En ces temps de restrictions, ces denrées étaient devenues rares, et ces disparitions ne pouvaient pas continuer. Elle décida alors de convoquer chaque enfant dans son bureau. Elle savait y faire pour voir si un enfant lui mentait. Mais ce jour-là, après avoir auditionné chaque garçon, elle eut l’impression d’avoir fait chou blanc. Elle n’avait pas réussi à déceler la moindre espièglerie. Que faire ? Les punir tous ? Cela n’était pas utile, elle savait que de toute façon ils allaient être privés du gâteau qu’elle avait prévu de faire faire à la cuisinière pour l’anniversaire du petit Paul qui devait avoir lieu le surlendemain. Heureusement, il lui restait trois tablettes de chocolat d’avant-guerre qu’elle avait précieusement mises de côté. Elle pourrait alors distribuer un carré cacaoté à chaque enfant lors de la petite fête.
Néanmoins, elle monta quand même dans le grand dortoir des enfants et ouvrit chaque petite armoire se trouvant à droite de chacun des lits bien alignés. Elle n’aimait pas fouiller, elle avait l’impression de violer l’espace privé des garçons. Mais son sentiment s’estompait bien vite en voyant que les billes de verre, les frondes en bois qu’elle confisquait immédiatement et les insectes morts étaient les seuls trésors qu’il pouvait y avoir dans ces placards. Mais pas de trace de farine, ni de beurre ou plutôt de flaque d’huile vu la chaleur de ce mois de juin. Le mystère restait entier.
L’anniversaire de Paul arriva. Tous les enfants étaient réunis dans le réfectoire et se mirent à chanter un joyeux anniversaire à leur petit camarade. Paul était le plus petit du pensionnat. Il fêtait ses six ans aujourd’hui et se faisait une joie de déguster son gâteau d’anniversaire. Lorsque mademoiselle Aufray s’approcha de lui et lui expliqua qu’il n’y aurait pas de gâteau, les yeux du petit garçon se remplirent de larmes. Seule la promesse de manger un bout de chocolat calma les spasmes de ses sanglots. Mademoiselle Aufray était vraiment triste, et tout en arpentant le long couloir qui la menait à la cuisine afin de prendre les plaques de chocolat, elle se disait que ces petits bouts ne méritaient pas la folie des hommes. Elle alla machinalement vers le grand vaisselier en bois, et ouvrit la porte vitrée du haut qui grinça à lui faire hérisser les poils, comme à chaque fois ! Elle attrapa la boite en fer, mais de suite elle comprit : la boite était vide. Elle revint livide dans la grande salle où les garçons l’attendaient, impatients. Les mots restaient coincés dans sa gorge, mais elle devait pourtant annoncer la mauvaise nouvelle. Les enfants la regardaient avec de grands yeux lorsqu’elle les fit sursauter en poussant un grand cri et pointant son doigt : « Aaaaaaaah des souris !!!!!! » Tous les enfants se retournèrent vers le fond de la pièce et virent une horde de souris, mulots, et rats des champs ainsi qu’un gros gâteau au chocolat quand le petit Paul, un grand sourire jusqu’aux oreilles, s’écria : « C’est Ratatouille !!!! Il m’a fait mon gâteau d’anniversaire !!!! ».