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Le défi du samedi
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15 février 2014

Participation d'Adrienne

Le prof de maths a 55 ans, des verres épais comme des fonds de bouteille et une réputation d’ours.

- Chaque fois qu’on a un test de maths, dit Stijn, le premier de la classe, je stresse comme un fou.
- Mais pourquoi donc ?

Ce n’est pas toujours rationnel, à quoi tient la réputation d’un prof, d’où elle lui vient et s’il la mérite vraiment. Dans le cas du collègue de maths, ses grands coups de gueule le font passer pour un rustre sans cœur – ce qu’il est loin d’être – mais le plus bizarre de tout, c’est qu’il a une réputation d’alcoolique, alors qu’il ne boit que des canettes de coca light.

Puis, tôt ou tard un sourire légèrement moqueur apparaît sur toutes les lèvres quand quelqu’un dit : « En zijn duivenkot ! »

Parce qu’il est colombophile. Donc ringard.

Jusqu’à ce quelqu’un lance :

- L’oncle de ma copine, il est aussi colombophile, et il vend les œufs de ses meilleurs pigeons à 1500 euros pièce !

Au  silence qui suit, on sent tout le respect dû à l’argent, parmi ces jeunes qui font des études d’économie.

- Bon, dit Madame, à moitié rassurée sur la vision qu’ils ont de son collègue. Il se fait tard. Si on allait manger ?

Le pigeonneau, se dit-elle en fermant à clé la porte de sa classe, c’est tout de même excellent. Avec des petits pois et du gratin dauphinois.

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9 novembre 2013

gare à la littérature de gare (Adrienne)

"Il avait commencé à lire le roman quelques jours auparavant. Il l'abandonna à cause d'affaires urgentes et l'ouvrit de nouveau dans le train, en retournant à sa propriété. Il se laissait lentement intéresser par l'intrigue et le caractère des personnages.

 

Ce soir là .........."

 

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Ce soir-là, le style était si lourd que le train dérailla.

Ce soir-là, les phrases étaient si creuses qu’il tomba dedans.

Ce soir-là, la psychologie des personnages était si mince qu’on aurait aisément pu s’en rouler une cigarette.

Ce soir-là, l’intrigue était si transparente que même le vent et la pluie passaient au travers de sa nudité.

Ce soir-là, les contresens étaient si nombreux qu’il aurait mieux valu lire le roman en commençant par la fin.

Ce soir-là , les ficelles étaient si grosses qu’elles auraient pu servir à remorquer le Costa Concordia jusqu’au port de Gênes.

Ce soir-là, le dénouement était tellement tiré par les cheveux qu’il était content d’avoir gardé son chapeau sur la tête.

C’est ainsi qu’un soir un train fut englouti par le néant de la littérature.

 

***

11 mai 2013

Participation d'Adrienne

"La jeune fille s'était levée pour saluer sous les bravos et les vivats.

Le concert était fini. Debout, les auditeurs applaudissaient à tout rompre, criaient "bis", "encore", et refusaient de partir."

Extrait du livre d'Elise Fischer : "Les alliances de cristal"

***

Dans les coulisses, chacun la repoussait chaque fois sur la scène : Va, va, retournes-y, salue !

Les organisateurs du concert étaient là aussi, pressants : Tu n’as rien prévu pour un bis ? une petite pièce ? un mouvement, un seul ? un de ceux que tu as joués ?

La jeune fille était vidée, épuisée, livide. Mais il n’y avait personne pour le remarquer. Ni dans la foule, qui exigeait son petit supplément de plaisir musical, ni derrière les coulisses.

Celui qui s’était arrogé le rôle d’impresario était le plus acharné : Va donc ! ne te fais pas prier ainsi !

Cette petite si prometteuse n’allait tout de même pas commencer à faire des caprices de star ? Il espérait beaucoup de cette soirée et voyait déjà deux ou trois articulets élogieux dans la presse. Il y avait des journalistes dans la salle, qu’il avait invités, et qui étaient restés jusqu’à la fin. Bon signe !

Le lendemain, en effet, on pouvait lire ceci :

« Jeune virtuose morte sur scène »

4 mai 2013

Peinture futuriste (Adrienne)

J'ai mis l’œuf de poule sur la table 
et j’ai peint un pigeon sur la toile 
Alors 
on ne fait plus l’œuf
a demandé le maître 
Non 
ni l’œuf ni la poule 
a répondu le pigeon 
Ah bon 
excusez-moi je croyais qu'on commençait par la poule 
a dit le maître 
Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper 
a dit l'œuf
13 avril 2013

Les silencieux bavards (Adrienne)

 

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30 mars 2013

Mécréante (Adrienne)

On avait bien expliqué à la petite que dans la nuit du cinq au six décembre, il caracolait sur les toits, suivi de son fidèle Zwarte Piet chargé du sac plein de jouets pour les enfants sages.

- Tous les enfants du monde entier ? avait voulu savoir la petite.
- Oui, lui avait-on dit, en précisant une nouvelle fois : tous les enfants sages !

A six ans, la petite fille n’avait qu’une très vague idée de l’ampleur du monde et du nombre d’enfants qui l’habitaient – sages ou pas sages – mais elle se disait qu’une telle chose était impossible.

- Tous les enfants du monde en une seule nuit ? C’est impossible ! dit-elle.
- Mais si, c’est possible ! N’oublie pas que c’est un saint !

Les saints savent faire des miracles. C’est son institutrice qui le lui a dit.

- Près de la cheminée, a dit la maîtresse, vous mettrez une petite douceur pour saint Nicolas et une carotte pour son cheval.
- Chez moi, dit Bernadette, dont les parents étaient fermiers, on met une betterave pour le cheval!
- Chez moi, dit Catherine, fille de commerçants, on met une bière pour saint Nicolas et du sucre pour le cheval!

C’était sans doute pour ça que chez Catherine le saint homme venait déjà des jours à l’avance : chaque matin du mois de décembre, elle trouvait des friandises et des cadeaux à côté de la cheminée. En échange d’une trappiste brune.
Chez la petite, on ne mettait rien du tout, ni pour le cheval, ni pour le saint.

- Et pourquoi nous on ne met pas une bière pour saint Nicolas ?
- Mais réfléchis ! dit la mère. Il serait saoul, si tout le monde lui donnait une bière !

C’était vrai, bien sûr. Et alors il tomberait du toit ou se tromperait de cheminée.

- Et il passe vraiment par la cheminée ? demandait encore la petite.
- Mais oui, évidemment ! lui disait-on. Par où veux-tu qu’il entre ?
- Ben… par la porte !
- Mais la porte est fermée à clé, tu sais bien.

Oui, mais on a bien dit que c’était un grand saint ? et qu’il faisait des miracles ?
La petite réfléchit si fort que ça fait des plis au-dessus de son nez.

- Mais la cheminée, c’est sale !
- …
- Et le feu brûle !
- …

La petite s’étonne que les grandes personnes n’aient pas pensé à tout ça avant elle. Devant la cheminée, il y a le poêle au charbon. On y fait du feu en continu, jour et nuit. Ne faudrait-il pas l’éteindre pour la nuit du cinq au six décembre ?

- Je t’ai déjà dit que c’est un saint, répète la mère avec de l’impatience dans la voix, alors va dormir et ne pense plus à rien !

Couchée dans son petit lit, l’œil rivé à la fenêtre par où elle voit les toits et les cheminées du pâté de maisons d’en face, la petite ne dort pas. Elle veut voir de ses propres yeux le grand saint, son cheval blanc, Zwarte Piet et le gros sac de jouets.

Elle veut bien croire qu’il existe, puisque effectivement le matin du six décembre il y a une poupée pour elle et des jouets pour le petit frère, mais cette histoire de toits et de cheminées, non vraiment, elle n’y croit pas !

23 mars 2013

participation d'Adrienne‏

Désolée, pas le temps d'écrire, les livres m'attendent pour ma leçon!

16 mars 2013

Tirez-lui la queue, il pondra des œufs ! (Adrienne)

Quand elle était petite, elle aimait beaucoup les chiffres.

Ceux qu’on récite avec fierté dans les tables de multiplication, six fois sept quarante-deux..

Ceux qu’on chantonne Un, deux, trois, nous irons au bois.

Ceux qu’on danse à la corde, 1,2,3,4,5,6,7, Violette à bicyclette.

Ceux qu’on décompte pour désigner le joueur, Un petit cochon pendu au plafond…

Ceux qu’on frappe joyeusement du pied en marchant, Un kilomètre à pied, ça use les souliers.

Mais aujourd’hui, ça a bien changé.

Elle a peur de lire le thermomètre. Peur d’y voir un zéro ou un chiffre en-dessous de zéro. Car il ne fait plus que dix degrés dans la maison, et quatre dans la salle de bains.

Elle a peur de lire les résultats de l’analyse de sang. Peur d’y voir des nombres trop élevés ou trop bas. Car ce n’est jamais le moment de tomber malade, et aujourd’hui moins que jamais.

Elle a peur de lire son courrier. Peur d’y voir les montants à payer. Car elle craint de ne plus y arriver, un jour ou l’autre.

 

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,
Adrienne a fait des dettes !

2 février 2013

Au jardin d’Adrienne…

La dernière fois que l’Adrienne s’est allongée sur un transat dans son jardin, c’était il y a trois ans et demi. Exactement.

Il faut dire qu’elle avait bien fait les choses : à l’ombre des noisetiers, sur la pelouse fraîchement tondue, la tête au creux d’un oreiller, un autre sous les genoux pour reposer le dos, une pile de livres à portée de main et un plateau avec le thé. Tout un déménagement qui avait nécessité au moins quatre voyages entre le jardin et la maison mais qui ajoutait au bonheur d’être étendue là, sous le ciel bleu, dans la chaleur de juillet.

- Ah ! soupira l’Adrienne en gratouillant d’une main distraite derrière les oreilles de son chat Pipo, ah ! quel bonheur ! qu’est-ce qu’on est bien !

C’est alors que dans les ramures des noisetiers qui se balançaient mollement dans la brise légère, elle aperçut un écureuil qui l’observait. Impossible de dire qui, de l’Adrienne ou de l’animal, retenait le plus sa respiration en regardant l’autre.

- Oh ! comme c’est mignon, fit l’Adrienne toute remuée par la vue de cette petite bête qui se lançait hardiment de branche en branche.

***

Un mois et demi plus tard, on pouvait entendre pour la première fois cette même Adrienne exhorter son chat :

- Attrape-le ! Attrape-le !

Depuis trois ans et demi, l’Adrienne ne ramasse plus une seule noisette.

 

26 janvier 2013

Bonne ou mauvaise grâce? (Adrienne)

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- Aglaé, arrête, enlève ton bras de là, tu me casses le cou!
Euphrosyne, passe-moi ma serviette, que je me sèche. Fait froid, ici ! Dépêche-toi !
Aglaé, arrête, je te dis ! et puis tu me défais mon chignon, tu m ‘énerves à la fin !
Euphrosyne, ma serviette ! Tu le fais exprès de lambiner, ou quoi ?

Mais qu’est-ce que vous avez toutes les deux ce matin ?

- Thalie s’est encore levée du pied gauche, chuchote Aglaé en souriant doucement.
- Bah, tu la connais, fait Euphrosyne en levant les yeux au ciel d’un air faussement excédé. Elle est toujours comme ça quand elle est amoureuse sourireadri1  

19 janvier 2013

Vœux d’Adrienne

Chers élèves de mon cœur (boum boum)

A l’occasion de cette nouvelle année (tsoin tsoin)
Je tiens à vous présenter mes meilleurs vœux (bla bla bla bla)

Que 2013 soit pour vous Ouahhh !
Sans snif sans atchoum
Sans gnagna sans beurk
Pleine de hahaha et de hihihi
Une année qui clac et qui clap
Une année miam miam et smack
Pleine de vlan et de vroum vroum
Et de tagada boum boum !

Votre prof de français (cocorico)

Raide Dingue-Dong

12 janvier 2013

Le communiqué (Adrienne)

Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer.

Il ne fut même pas étonné d’entendre la voix de sa mère, pourtant morte depuis plus de cinq ans, lui dire de ce ton glaçant qu’elle prenait chaque fois qu’elle s’adressait à lui :

- Tu t’es bien brossé les dents ?

***

Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer.

- Bonsoir mon cher Président, fit une voix insidieusement suave. Profitez bien de vos dernières heures entre vos draps de soie, car votre frère Juan sera à vos portes à l’aube et cette fois il aura avec lui tout un peuple qui crie « ¡Venceremos ! »

***

Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer.

- Les Français parlent aux Français, prononçait une voix lente et nasillarde fortement entrecoupée de bruits et de cliquetis divers. Voici d’abord quelques messages personnels : …

Excédé, il se leva et alla frapper sur la porte en face de la sienne :

- Agathe ! arrête ces jeux idiots ! Je veux dormir ! Je travaille, moi, demain!

***

Depuis que sa fille suivait des cours d’électronique, il n’y avait plus moyen de dormir tranquille.

 

5 janvier 2013

Loquacité (Adrienne)

Il y en a qui murmurent aux oreilles des chevaux
il y en a qui parlent chat
qui hurlent avec les loups
qui roucoulent
qui bêlent
qui aboient
qui rugissent
qui glapissent
qui sifflent comme ces serpents sur vos têtes…

Et puis il y a moi
qui discute avec mes meubles
pour savoir où je les mettrai
dans ma nouvelle maison
s’ils veulent bien m’y suivre…

Mais ils me répondent
par cet assourdissant silence
du chêne mort.

3 novembre 2012

Silence ! (Adrienne)

« Silence ! » nous dit-on dans une bonne demi-douzaine de langues, au moins une fois toutes les cinq minutes.

« Chut ! » font les gardiens postés aux quatre coins de la salle.

Mais le murmure de la foule ne s’éteint jamais.

***

Il faut croire qu’à la chapelle Sixtine personne, vraiment personne n’est muet d’admiration.

22 septembre 2012

Le coffret (Adrienne)

« Vous ne me reconnaissez pas? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur; elle avait entrouvert la porte d'entrée. Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas.
- Je suis la petite-fille de Maurice et Adrienne S…
- Je ne vois pas de qui vous voulez parler.

Il était clair qu’elle n’avait envie ni de me recevoir, ni de se souvenir. Mais il y avait eu cette crispation fugace autour de sa bouche qui montrait bien qu’elle savait. Et ce regard fuyant au moment où elle allait me refermer la porte au nez. Alors, d’un geste brusque, je lui tendis le coffret :

- J’ai trouvé ça dans les affaires de ma grand-mère. Je crois que ça vous appartient.

Je la plantai là sans attendre sa réaction. Je ne m‘inquiétais pas : sa curiosité ferait le reste.

- Dors en paix, grand-mère, pensai-je en marchant vers la gare d’un pas plus léger, dors en paix. Si tout se passe comme prévu, elle n’aura qu’une hâte : jeter au feu ce coffret qui lui brûle sûrement déjà les doigts, le faire disparaître par les flammes avec son contenu accablant.

Je repris le train et rentrai chez moi. Les deux jours suivants, je scrutai attentivement les faits divers de quelques journaux. Je finis par découvrir ce que je cherchais.

L’explosion avait été terrible.

- Tu es vengée, grand-mère, murmurai-je en reprenant tranquillement une tasse de thé au jasmin.

8 septembre 2012

Canicule (Adrienne)

- Viens voir ! dit-elle dès que j’ai franchi sa porte. Viens voir ce que j’ai prévu d’emporter.

Pas le temps de poser mon sac, d’ôter ma veste, de boire un verre d’eau. Dans la chambre d’amis, un tas de robes, de jupes, de blouses, de pantalons et de lingerie sont étalés.

- Tout ça ? lui dis-je, mais ça n’entrera jamais dans ta valise !

Nous passons ainsi toute une après-midi à faire le tri, à combiner les couleurs, à faire des aller-retour de l’armoire au canapé et du lit à la penderie. Tout l’appartement est plein de vêtements.

- Regarde, lui dis-je en lui montrant l’écran de l’ordinateur. Tu vois le temps qu’il fait, en Toscane ? 36° ! Je t’assure que tu n’auras besoin ni de ces pulls, ni de cette veste.

***

- Tout de même, me dis-je en rentrant chez moi, 36° ! Est-ce vraiment une bonne idée d’emmener une personne de bientôt 79 ans en Toscane en pleine canicule ?

J’en doutais de plus en plus et pensais ombre, sieste, piscine… et précautions à prendre.

***

Devinez qui n’en pouvait plus au plus fort de la chaleur ? Qui avait envie de s’asseoir sur un banc sous un arbre ? De souffler quelques minutes ?

Moi.

- Et maintenant, me dit-elle alors que nous sortions de table en plein cagnard, qu’est-ce qu’on fait ?

Je lui montre l’arbre, le banc…

- Ah ! non, non ! fait-elle avec énergie. Moi je ne suis pas venue en Toscane pour me reposer !

***

- Tu sais, me dit-elle le troisième jour, tu sais où je voudrais encore aller aussi ?

Je la regarde, il y a plus d’appréhension que de curiosité dans mon regard, j’en suis consciente.

- En Espagne ! Mais pas à la côte, hein ! pour visiter des villes !

Ce jour-là , à Madrid, il faisait 43°. J’ai vérifié.

Elle m’enterrera, ma mère.

Adrienne

18 août 2012

Petit frère (Adrienne)

- Va chercher un pain, dit-on à la petite en lui tendant quelques pièces.

Parfois c’est le montant exact. Alors on lui dit :

- Fais attention à ne pas perdre la monnaie !

Parfois c’est un billet. Mais dans ce cas on lui dit la même chose. Au ton qu’on emploie, elle a compris que perdre le billet est encore plus grave.

Ce qu’on ne manque jamais non plus de lui dire, c’est :

- Et demande-le bien cuit !

Toutes ces précautions sont inutiles : c’est toujours la petite qui va au pain, jamais elle n’a perdu la moindre piécette, ni à l’aller, ni au retour – elle les serre toujours bien fort dans son poing fermé – et jamais elle n’oublie de préciser à la boulangère, une fois son tour venu :

- Un grand pain, s’il vous plaît, bien cuit !

D’ailleurs elle se dit que la boulangère doit savoir elle aussi, depuis le temps, ce que la petite va lui demander…

Puis elle se dépêche de rentrer, en tenant le grand pain rond et lourd serré contre elle d’une main et la monnaie dans l’autre. Des nuages de farine resteront collés à ses vêtements, mais elle n’y peut rien. Elle espère qu’on comprendra.

A la maison, on retourne tout de suite le pain pour en vérifier la croûte :

- Tu n’as pas oublié de demander du bien cuit ? fait-on d’un air soupçonneux.

Car souvent on trouve qu’il n’est pas assez brûlé.

« Brûlé », bien sûr, c’est le mot que pense la petite. Elle ne comprend pas pourquoi les grandes personnes tiennent tellement à ce que la croûte soit quasiment noire.

Mais ces derniers temps, elle a un problème plus grave à résoudre que celui de la couleur des croûtes. Désormais le petit frère, qui a trois ans, veut l’accompagner à la boulangerie.

- Je préfère y aller toute seule, dit-elle à sa mère.

Mais le petit frère ne lâche pas prise. Elle est bien obligée de l’emmener.

Avec lui, rien n’est simple. D’abord, il faut le tenir solidement par la main. Il est imprévisible et la route est dangereuse. Au retour, il faut porter le pain, bien garder la monnaie, tenir le petit frère. La petite aurait besoin de trois mains.

Puis, à la boulangerie, il la fait rougir de honte :

- Je peux avoir un bonbon ? demande-t-il bien fort à la boulangère.

- Tu ne peux pas demander de bonbons, lui explique tout bas la petite, cramoisie. Ce n’est pas poli.

Mais le petit frère fait la sourde oreille. Elle a beau le sermonner, si la boulangère n’est pas assez rapide pour lui tendre un caramel, il s’écrie :

- Je peux avoir un bonbon ?

Les efforts éducatifs de la petite finissent tout de même par produire leur effet. Au bout de quelques semaines, alors qu’elle tend la main pour recevoir la monnaie, le petit frère se tourne vers elle et lui dit :

- Je suis sage, hein ? Je n’ai pas demandé de bonbon !

11 août 2012

Participation d'Adrienne

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Nous l’avions trouvé grâce à une amie de ma mère qui l’appelait saint Antoine sous prétexte qu’il en avait une effigie sur sa cheminée. Il habitait notre rue et pourtant jamais nous n’avions soupçonné qu’il y avait là, derrière ces petites fenêtres voilées de blanc, l’échoppe d’un cordonnier.

Dès qu’on poussait la porte, l’odeur de vieux cuir et de pieds nous prenait. Par terre, toutes les chaussures étaient alignées dans un ordre connu de lui seul, sans distinction visible pour nous entre les réparées et celles à réparer. Jamais il ne devait chercher, il repérait avant nous celles que nous lui avions apportées trois jours plus tôt.

Trois jours, c’est tout ce qu’il lui fallait pour remettre à neuf, coller, clouer, cirer, lustrer. Il nous les rendait comme neuves pour seulement trois francs six sous. Quand j’ai voulu recoller moi-même un bout de semelle, j’ai payé plus cher le petit tube de colle que si j’avais confié le tout à saint Antoine. Mais il venait de fermer sa boutique pour toujours.

Je le regrette encore aujourd’hui : pour la qualité de son travail, pour son infinie gentillesse et pour sa sagesse. Un jour que je poussais sa porte avec la troisième paire de chaussures à ressemeler en trois semaines, je lui ai dit en riant:

- Hé oui, c’est encore moi ! Mon mari use vraiment beaucoup ses chaussures !

- Ce serait bien pire, m’a-t-il répondu, s’il ne les usait plus.

23 juin 2012

Dialogue avec un escargot (Adrienne)

Adrienne

- C'est à cette heure-ci que tu rentres? siffla Madame Merle.
Monsieur ne pouvait pas répondre: il avait la bouche pleine... 
Mais il se fit facilement pardonner: c'est toujours la fête à la maison, quand Monsieur Merle a dialogué avec des escargots!
16 juin 2012

Les zéros (Adrienne)

- Ce sont des zéros grecs, dit-il avec une belle assurance.

Et non, il ne parlait pas de la situation économique à Athènes. Mais d’Ulysse et de Jason.

Pourtant, toute la classe avait bien ri le jour où Madame avait expliqué la différence entre un h muet et un h aspiré en prenant précisément ce mot-là pour exemple… Oh non ! ça ne leur arriverait pas, à eux, de faire une erreur aussi idiote ! Hahaha, Madame, c'est trop drôle ce que vous nous dites là!

Mais voilà…

C’est qu’en fin d’année scolaire, les zéros sont un peu fatigués J, se dit Madame en retenant un léger soupir.

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