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Le défi du samedi
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16 décembre 2023

Lamouroux (Yvanne)


C'est jour de Noël à Noailles en l'an de grâce 1153. Le seigneur, Guillaume de Noailles et sa famille ont d'abord assisté à la grand messe dans l'église du village. Ils ont pu admirer la crèche qu'un artisan menuisier a construite en bois de noyer. Tous les personnages et animaux ont été magnifiquement sculptés et reposent sur une litière de paille. Malgré la pureté et l'élégance des lignes, l'ensemble est empreint d'humilité. On sent que l'artiste a mis toute son âme à l'élaboration de son œuvre et a réussi avec talent à la rendre belle et émouvante dans sa simplicité.

Les festivités peuvent maintenant commencer au château. La grande salle est décorée de branches de pin au vert sombre relevé par les baies rouges du houx et les perles opalescentes du gui. Cela embaume. Des candélabres sont disposés partout et leurs bougies allumées dispensent une douce lumière. Dans l'immense cheminée brûle un tronc d'arbre. Des serviteurs s'activent devant le brasier et tournent une broche sur laquelle rougeoie un énorme cerf. Les tables, recouvertes de nappes blanches brodées sont disposées à proximité avec des mets à profusion : poissons, divers gibiers, volailles, légumes, tourtes, jattes remplies de crème et de fruits cuits...Des invités, dont le puissant vicomte de Turenne font déjà honneur au festin et boivent force gobelets de vin, d'hydromel et de cervoise servis par le sommelier qui veille au remplissage des aiguières et aussi des hanaps.

Soudain, le silence se fait. Aude de Noailles vient d'entrer dans la salle. Elle porte une somptueuse robe de velours bleu nuit, au col d'hermine. Une fibule d'or ferme pudiquement son corsage. Ses longues tresses couleur châtaigne encadrent son visage à la blancheur de lys et aux yeux de miel. Elle lève fièrement sa tête recouverte d'un voile léger retenu par un cercle doré enchâssé de pierreries. Grande, élancée, elle est très belle et tous les regards se tournent vers elle.  Elle se dirige vers son père qui l'accompagne en la tenant par la main jusqu'à son fiancé le vicomte de Turenne. Ce dernier s'incline mais, hautain, fort de son pouvoir sur elle, revient bientôt à ses agapes et ses beuveries. La jeune fille s'écarte. Elle a blêmi sous l'insulte. Chacun sait qu'elle ne veut pas de ce mariage mais elle doit obéir. Cette union doit resserrer des liens quelque peu distendus entre le vicomte et Guillaume de Noailles, son vassal.

Sur ordre du seigneur du lieu, la fête reprend. Jongleurs, acrobates, mimes, bouffons rivalisent d'adresse pour amuser les convives. Voilà le fameux troubadour, Bernat de Ventadorn qui entonne d'abord d'une voix puissante un chant de Noël de sa composition. Il s'exprime en langue d'oc pour conter ses chansons d'amours courtoises prisées par tous les invités. Il est accompagné à la vielle par son fidèle ami Aubin de Mortegoutte. Ce dernier, tout en jouant ne quitte pas des yeux la demoiselle de Noailles. Elle même semble figée, son regard accroché à celui du ménestrel.

Aubin ne suivra pas Bernat comme à l'accoutumée dans ses déambulations de château en château. Il devient, sur sa demande, écuyer du vicomte de Turenne. Il s'est épris d'Aude de Noailles et ne peut vivre loin d'elle.
Tard dans la nuit, Aubin selle un cheval et se rend à Noailles où l'attend, déguisée en servante sa bien aimée. Ils vont cacher leur passion dans une caverne troglodyte creusée par l'homme au temps de la préhistoire dans un énorme rocher de grès. Ce site, peu éloigné du village abrite leur amour durant quelques mois. Cependant, le vicomte de Turenne entend soudain précipiter son union avec Aude. Les amoureux disparaissent et on ne les revoit jamais.

Le soir de Noël, si on se promène du côté de la grotte, on peut entendre le son de la vielle et les voix mêlées d'Aude et de Aubin célébrant la Nativité en chantant. Puis, un puissant galop de cheval déchire le couchant et c'est le silence. Depuis, ce site que l'on nommait simplement « les Rochers de Noailles » s'appelle « les grottes de Lamouroux » en souvenir des deux amants.

yv



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Commentaires
T
Quelle plume élégante !!
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J
Waooh ! Super ! Merci pour ce conte de Noël avant l'heure !
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L
Avec ton histoire, j'étais en l'an de grâce 1153 et ravie que la belle Aude fausse compagnie à l'arrogant Turenne
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M
J'aime les histoires où l'amour triomphe ! Un régal !
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W
Et y en a qui croient que l'Underground c'est récent ! ;-)
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K
Des amours légendaires qui transcendent les codes sociaux et s'impriment dans les lieux et les mémoires : magnifique !
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N
quel joli "Comte" de Noël !
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J
Sublime. Vraiment sublime, Yvette. Tes descriptions rend l'histoire vraiment vivante !
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