Chez le notaire. (Yvanne)
Il est plus de quinze heures en ce jeudi 22 octobre. Michèle attend déjà depuis 35 minutes que Maître Pradel veuille bien la recevoir. Décidément, se dit elle, cette étude est sinistre. Déjà la bâtisse qui date de plus d'un siècle. Certes imposante mais construite sans goût. Pas très bien entretenue non plus. La salle d'attente est sombre et se présente plutôt comme un couloir avec sur le côté une rangée de sièges peu confortables. Quatre générations de Pradel se sont succédées ici. Des hommes de loi sérieux et honorablement connus dans le pays. Oui. Peut être songe Michèle : j'espère que le dernier ne va pas ternir la réputation de ses pères .
Michèle ne sait plus à quels saints se vouer. Elle a cru faire une bonne affaire en achetant cet ancien presbytère vendu par la commune où elle réside déjà dans un appartement du centre bourg. Elle a été conquise par le charme de la vieille maison et son « jardin de curé ». L'acquisition de ce bien et les travaux qu'elle a fait effectuer ont eu raison de ses économies. Mais qu'importe : Michèle aime beaucoup son sa nouvelle résidence et tout irait au mieux s'il n'y avait pas cette histoire rocambolesque de compteurs.
Michèle a signé l'acte de vente dans l'étude Pradel au mois de juillet. Dès sa possession des clefs elle a cherché le compteur d'eau et celui d'électricité dans toute la maison et sur son terrain et ne les a pas trouvés. Le personnel de la Mairie où elle s'est tout de suite rendue n'a pas pu la renseigner. Elle a demandé audience au maire qui l'a reçue, écoutée sans mot dire, conservant un quant à soi qui a eu pour conséquence d'énerver la plaignante, sûre de son bon droit. Mais enfin dit-elle vous avez un plan cadastral je ne sais pas . Ce n'est pas possible. Il faut trouver une solution. Je ne peux pas rester dans cette impasse. Je vais avoir des problèmes. Avec un haussement d'épaules, l'édile conclut qu'il lui faut se rendre chez le notaire Pradel. Lui seul doit avoir ces renseignements.
Pas convaincue du tout et sentant anguille sous roche, Michèle a donc pris rendez vous avec l'étude. Elle regarde à nouveau sa montre quand la porte du bureau s'ouvre enfin et une jeune femme l'appelle et la fait entrer. Surprise de se trouver face à une inconnue, Michèle fait part de son étonnement. Très vite, la magistrate se présente : elle est la fille de Denis Pradel et travaille dans l'étude de son père depuis un mois seulement.
Maître Diane Pradel invite Michèle à s'asseoir pendant qu'elle même s'installe derrière un bureau moderne et bien rangé. Tout a changé très vite ici constate Michèle. Un air de renouveau assainit cette pièce qu'elle a connue il y a peu vieillotte, encombrée et poussiéreuse. Elle expose les faits qui la préoccupent à la jeune femme. Celle ci prête une oreille attentive et bienveillante à ses dires et précise :
- Ne vous inquiétez pas. Je suis tout à fait au courant de cette situation. Il se trouve que j'ai acheté, également à la commune, le terrain jouxtant votre propriété pour y faire bâtir une nouvelle étude. Nous serons donc voisines. Il n'y avait qu'un seul compteur d'eau et d'électricité puisque c'était auparavant une seule et même parcelle. Et ils se trouvent chez moi. Je ne comprends pas l'attitude du maire puisqu'il est parfaitement au fait du problème. Je vais faire remédier immédiatement à cela.
Michèle entrevoit la vérité et se promet de dire franchement au premier magistrat de la commune qu'il pourrait avoir un peu plus de considération pour ses administrés afin de leur éviter des ennuis quand cela lui est possible.