Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 052 269
Derniers commentaires
Archives
30 septembre 2023

Champignothérapie (Yvanne)


J' ai évoqué la semaine dernière les forêts limousines. Aujourd'hui je vais vous parler des forêts corréziennes que je connais quand même mieux même si elles se ressemblent. Ici abondent entre autres châtaigniers, chênes et des sapins principalement en haute Corrèze. Et devinez ce qui pousse à leurs pieds !

Quand la rumeur envahit les chaumières, celle qui donne la fièvre et déclenche la champignonite aiguë, tous les fêlés des cèpes ne pensent plus qu'à filer vers futaies et taillis pour inspecter leurs coins favoris et bien entendu secrets. Il y a urgence !

Mon époux et moi ne faisons pas exception. Quand le bouche à oreille fonctionne à fond parmi les initiés ou que  la vision sur le marché de paniers où reposent sur leur lit de fougère les beaux spécimens dits « de Bordeaux » nous n'avons plus qu'une idée en tête : rejoindre au plus vite les bosquets.

Il y a tout un cérémonial et une préparation sérieuse avant de se lancer. La veille, on place dans le coffre de la voiture poches, cagettes, bâtons, bottes, couteaux, imperméables quand le temps est à la pluie. On n'oublie pas le casse-croûte parce qu'évidemment il faut partir très tôt si l'on ne veut pas être devancé. J'adore ces moments où l'on arrête de scruter le sol pour déguster la baguette croustillante  achetée au passage chez un boulanger et que l'on accompagne de jambon de pays et de fromage de chèvre. S'il fait beau on a le bonheur de voir se lever le soleil sur l'étendue de la forêt. Il filtre à travers les arbres et sublime les couleurs automnales rendant le roux des fougères plus ardent et le vert de la mousse plus vif. Son concours est précieux : il va nous aider à mieux débusquer les bolets bien cachés. Les sens en éveil, la vue mais aussi l'odorat - très important l'odorat, c'est lui qui vous guide vers les têtes brunes – on avance doucement, prudemment, à l'affût.

Il arrive souvent que l'on rencontre d'autres chercheurs. On se salue poliment sans trop s'approcher. On parle de la pluie et du beau temps en évitant soigneusement de dévoiler ses trésors. Quand un curieux demande si la cueillette est fructueuse, on reste évasif et on minimise. Personne n'est dupe mais ça fait partie du jeu.
      -    Vous en trouvez ?
    • Oh pas beaucoup. Ce n'est pas terrible cette année. Et vous ?
    • Juste de quoi faire une omelette mais ça me suffit.

Tout le monde n'a pas la chance d'être propriétaire terrien et pourtant chacun veut une part du  gâteau odorant et succulent. Il faut préciser qu'ici l'on a un sens très pointu de la propriété. La plupart du temps, les gens sont cependant tolérants et si la cueillette se limite à ses besoins personnels tout se passe bien.

Quelquefois la colère des détenteurs de bois est bien légitime. Certains cueilleurs n'hésitent pas à arriver en nombre pour entasser des clayettes bien remplies dans leurs coffres de voiture. Ils vendent  ensuite à des marchands ou n'hésitent pas à « monter » jusqu'à la capitale pour que la somme rapportée par leur rapine soit plus conséquente.

D'autres n'ont absolument aucun respect pour les propriétaires et la nature. Pour être les premiers sur place, ils n'hésitent pas à labourer  les sous bois sur leurs engins pétaradants et nocifs, les quads. Également aussi destructrices, des familles entières que nous avons vues armées de râteaux pour mieux écarter les feuilles et les brindilles. Après leur passage il est certain qu'il n'y aura plus de repousse. On peut comprendre au vu d'un tel désastre que les paysans – ce sont eux en majorité qui possèdent les bois – deviennent irascibles et emploient des moyens radicaux pour protéger leurs biens. Trouver ses pneus crevés était monnaie courante il fut un temps. Depuis qu'une réglementation a été mise en place avec procès verbaux à l'appui pour la récolte des bolets en trop grand nombre il y a moins d'exactions dans les deux sens et c'est tant mieux.  

Voilà une activité, je dirais une passion qui n'est pas de tout repos. Arpenter les futaies souvent pentues, se focaliser sur la traque, cela exige bien des efforts physiques et de concentration. Pour moi s'y ajoutent invariablement une nuit blanche avant le jour J à cause de l'excitation et une nuit agitée par la suite car il m'est impossible de fermer les yeux : je vois des cèpes partout ! Une vraie maladie oui sûrement mais chose étrange : une maladie qui fait un bien fou.

yv

Publicité
Commentaires
L
il fut un temps où nous ramassions les roses des prés mais à ce jour, ils disparaissent ! Mais pour les cèpes, ici, il n'y en a guère et puis, je ne vais plus les chercher non plus !
Répondre
K
Quel bonheur ! Malheureusement, les pilleurs et les saccageurs sont actifs aussi chez nous et cela génère des colères et des actions en tout genre... Quelle tristesse ! Prudence, donc !
Répondre
M
Ton texte sent la forêt...J'adore !
Répondre
J
Superbe, merci pour encore un aperçu authentique (et expert) de la vie là-bas !
Répondre
J
O Tempora ! Ô Morilles ! Tant que ces escarmouches d'irascibles ne vont pas jusqu'au champignon atomique, ça va !
Répondre
W
Tiens, ça me rappelle que nous avons effectué ce genre de recherche avec les parents de notre beau-fils dans une forêt près de Valençay.<br /> <br /> Chez nous, en forêt de Soignes, la cueillette est tout simplement interdite.
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité