Ça devait arriver (Yvanne)
- Guite, lève toi. Le chien aboie, les vaches meuglent, les moutons bêlent et les poules...
- Et toi tu brais mon âne !
- Guite, je te dis qu'il faut aller voir. Y a du bruit dans la cour.
- Froussard ! C'est rien. Laisse moi dormir.
- Guite...
- Arrête de me secouer comme un prunier. Enfile tes brages (pantalon en occitan) et sors. L'air te rafraîchira les idées.
- Guite, tu sais bien...
- Quoi ? Que tu as peur ? Ah oui ça je le sais.
- Mais Guite avec ma patte folle je peux pas courir et si c'est...
- Tu me bassines Fernand. Y a rien je te dis. Dors.
- Justement Guite. La bassine...
- Quoi la bassine ? Celle où tu te laves les pieds ? Qu'est ce qu'il me parle de bassine ?
- Peuh ! T'as pas entendu parler de la bassine à la télé peut être?
- Et alors ?
- Alors alors tu crois pas que Jeantou va en creuser une dans son champ de Plumozel ?
Je l'ai vu tourner avec son tracteur hier. Il lorgnait vers ici.
- Et même ? Qu'est ce que ça peut te faire ?
- Mais...On aura plus d'eau au puits pour arroser les légumes.
- Ah ! C'est vrai. L'est bien capable de faire dévier notre source le Jeantou pour faire pousser ses raves.
- Qu'est ce qu'on va faire ? En attendant il faut regarder dehors. Pari que c'est lui qui rôde !
- Attends. J'y vais. Je prends le fusil.
- Oh non malheureuse ! Laisse ça tranquille. Ouvre juste la porte. Si c'est lui il va filer.
- Y a personne. Juste un chien. Ou le renard peut être qui passait par là. Je vais aller voir le maire tout à l'heure.
- Pourquoi faire ?
- Pour lui parler de Jeantou et de la bassine.
- Tu veux que je vienne avec toi ?
- Pas la peine. Ça me gonfle cette histoire. Il faudrait pas que tout le monde se mette à avoir sa bassine. Comme si les piscines ça suffisait pas hein pour emmerder le monde avec l'eau qui manque !
Et deux heures plus tard la Guite arrive à la mairie remontée comme un coucou suisse.
- Eh là Madame. Où allez vous ?
- Voir le maire. Et ça presse.
- Mais il faut prendre rendez vous Madame.
- Pour parler à Marcelin ? Moi ? Tu te fous de moi jeunesse ! T'as encore le lait qui te sort par les trous de nez et tu voudrais m'empêcher...
- Qu'est ce que c'est que ce raffut ? C'est vous Marguerite qui faites tout ce bruit ? Entrez ici et dites moi ce qui vous amène et dans cet état.
- Tu me vouvoies maintenant Marcelin ? Tu te rappelles peut être pas quand on cherchait les œufs dans les fourrés tous les deux au printemps ?
- Il ne s'agit pas de ça aujourd'hui Guite.
- Non. Il s'agit pas de ça. Y a le Jeantou qui veut semer des raves à Plumozel. On pense qu'il a dans l'idée de creuser une bassine et de prendre notre eau. Celle qui arrive dans notre puits.
- Mais tu racontes n'importe quoi. Rentre chez toi et repose toi que tu vas nous faire une attaque. Je m'en occupes.
Le maire accompagne la Guite à la porte et s'adressant à son secrétaire tout ébahi :
- C'est pas de sa faute si les crapauds n'ont pas de queue à cette pauvre femme. Elle croit que son voisin a besoin d'une cuvette pour arroser son champ.
Et levant les yeux au ciel en se rengorgeant :
- Ah le général avait raison : c'est difficile de représenter la France !