Une fois par mois, ma grand-mère et moi allions-nous asseoir sur la terrasse du glacier.

Elle ne commandait que des glaces à la pistache, elle était comme ça, elle avait ses habitudes. Elle portait souvent du bleu , et le foulard offert par mon grand-père recouvrait  ses frêles épaules. .

Elle fuyait la cruauté du soleil sous un grand chapeau de paille, orné  d’un ruban blanc qui s’envolait  à chaque coup de vent .

Elle le retenait avec sa main gantée qui laissait entrevoir un bras jauni par son grand âge.

Elle ressemblait à un sablier qui a fait son dernier tour et qui laisse passer les grains de sable sous nos yeux. Je rapprochais la coupe à glace du bord de la table pour que sa petite main tremble moins.

Jamais ,elle n'a exploré un autre parfum , comme si sa recherche, s’était enfin arrêtée là autour d’une pistache .Son monde avait tellement rétréci  qu’elle avait l’air d’une lueur qui s’était assoupie sous un brin de muguet .

 Dans ce crépuscule je m’acclimatais à sa voix douce et calme et il m’arrivait de finir sa coupe à glace à la pistache. Cela l’amusait beaucoup de voir ma gourmandise et son sourire illuminait ma journée.

 Aujourd’hui je suis venue sans elle, je trouve une douceur nouvelle à savoir que nous avons été là à déguster une glace. Grâce à elle je m’inscris dans la grande horloge du temps.

 Elle m’a appris cette retenue à goûter les heures dans une chaude après-midi d’été.

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