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Le défi du samedi
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7 janvier 2023

Noces à Bagatelle (Yvanne)

 

Mon grand-oncle Henri, le frère de mon grand-père paternel, convola en justes noces avec demoiselle Marie-Adélaïde C. dite Adi en janvier 1909.
Ce n'était pas une période faste question météo mais les mariages étaient la plupart du temps célébrés durant le calme de la saison froide. Ceci pour ne pas empiéter sur les travaux domestiques dans les fermes quand les invités étaient paysans. Ce qui n'était pourtant pas là forcément le cas mais sans doute d'autres raisons impératives avait conduit à choisir ce mois plutôt qu'un autre. Toutefois, on ne s'unissait pas en novembre puisque c'était sensé porter malheur au jeune couple. Cela en partie pour respecter les morts mais aussi parce que la superstition occupait une grande place dans les campagnes.

Il faisait donc très froid en ce jour d'hiver et un vent mauvais balayait le plateau de Millevaches. Les invités grelottaient dans leurs habits du dimanche à la mairie et à l'église et il tardait à tout un chacun de rejoindre au plus vite l'auberge Bagatelle où devait se dérouler le repas. Les mariés avaient fière allure et semblaient très heureux comme on peut le voir sur la photo sépia prise ce jour là. Ce n'était pas un mariage « arrangé » comme c'était souvent le cas à l'époque. L 'oncle avait rencontré sa promise lors de son apprentissage au métier de maçon chez le père d'Adi, entrepreneur. Ils étaient immédiatement tombés amoureux.

Henri avait une trentaine d'années. N'étant pas l'aîné de sa fratrie, il avait dû partir pour gagner sa vie, la ferme familiale ne lui revenant pas. Maçon accompli, il était « monté » à Paris comme beaucoup de Limousins et d'Auvergnats pour travailler à la construction du métro. Les parents de la tante, assez aisés, avaient tenté de s'opposer à cette union, voyant d'un mauvais œil le départ de leur fille pour suivre un mari désargenté à la capitale. Mais craignant un événement qui apporterait le déshonneur sur leur famille, ils avaient fini par céder. Leur inquiétude était cependant infondée puisque le couple n'eut pas d'enfant mais la prudence les guidait. On ne sait jamais.

Ce fut un beau mariage. C'est du moins ce que racontait mon grand-père. Quand il en parlait il ne manquait pas d'évoquer le repas pantagruélique qui fut servi à Bagatelle. D'abord c'était la première fois pour lui qu'un banquet de noce avait lieu dans une auberge. Habituellement on aménageait une grange, la plus grande du village, que l'on décorait de verdure et de bouquets. On y servait les plats des jours de fête : charcuteries, rôtis de porc ou d'agneau, volailles de la ferme, fromages, clafoutis, flognardes et autres pâtisseries limousines, principalement des tartes aux fruits. Le tout arrosé de vin du pays sans oublier le café et la goutte ! On dansait, on chantait et on s'amusait beaucoup.

A Bagatelle, ce fut tout autre chose mais pour lui cela resta un éblouissement. La salle était magnifiquement agencée. La vaisselle était de porcelaine de Limoges, les couverts en argent et les verres en cristal. Un véritable luxe qui avait mis quelques invités mal à l'aise. Les parents C. n'avaient pas lésiné sur la qualité de l'accueil. Pour épater la galerie assurait mon grand-père. Mais surtout, surtout ils avaient établi un menu, selon lui, digne d'un prince. On parle de nos jours de farandole de desserts quand au restaurant on amène un chariot rempli de mignardises et autres gâteaux. A l'auberge Bagatelle, ce jour là il s'agissait plutôt d'une farandole de plats tous plus originaux (pour la majorité des convives) et fastueux les uns que les autres. Mon grand-père citait avec gourmandise le saumon, les vol-au-vent, la poularde, les croquembouches et les glaces mais aussi des fruits exotiques qu'il dégustait pour la première fois, tels ananas et mandarines et bien d'autres mets encore dont il ne se souvenait plus. Tout ceci arrosé d'excellents vins et de champagne. Ce qui avait manqué à tous les jeunes c'est de pouvoir danser mais les mariés regagnaient Paris en train le lendemain.

J'ai peu connu cet oncle et cette tante même s'ils avaient acheté pour leur retraite une maison dans une commune assez proche. Cependant quand la famille leur rendait visite je ne manquais pas de les interroger sur leur vie à la capitale, lui travaillant à la construction du métro et elle, chez Marie Curie ce qui bien entendu m'épatait. J'aimais l'entendre évoquer les filles de Madame Curie et me parler d'Irène surtout qu'elle adorait.

 

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Commentaires
Y
Un grand merci aux amis qui ont fait l'effort de me lire et de commenter mon texte. J'apprécie toujours...😊
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J
C'est drôle comme dans les récits de cette époque on s'arrête aux mises en bouche du mariage et on n'évoque jamais la farandole des galipettes.<br /> <br /> Alors que dans la littérature d'aujourd'hui, c'est l'inverse !<br /> <br /> OK, je sors.<br /> <br /> <br /> <br /> Non sans m'être régalé, encore une fois, de ton récit !
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A
Mince! quelle intéressante généalogie! on en redemande, de tes souvenirs!
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L
C'est vrai que c'était une autre époque que tu évoques très bien
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V
Une plongée dans les mariages d'antan ... merci pour ce récit
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W
Le choc, cette rencontre entre le monde rural et la bourgeoisie !
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M
J'adore lire tes histoires !
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K
Magnifique histoire si bien contée et quelle chance d'avoir pu côtoyer Marie Curie et ses filles !
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J
J'aime beaucoup tes portraits-photos de l'antan ! Superbes, comme des films de Pagnol.<br /> <br /> <br /> <br /> En passant, la grand-mère paternelle de mon mari s'appelait "Addie".
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