Happée (Kate)
Happée
En France on zape avec la zapette -un ou deux p (on n'en garde qu'un, ça suffira !)- peu importe puisque le mot "officiel" serait télécommande.
Télécommande : mot né en 1945... car on arrivait déjà à commander un appareil à distance et le mot devait faire défaut, alors ce mot a-t-il été ainsi fabriqué en 1945, donc, sur deux racines de langues mortes très en vogue à l'époque. De :
- "télé", au loin, à distance, en grec ;
- "commande" de "cum", avec et de "mandare", ordonner, en latin.
La télévision s'est infiltrée dans les foyers dans les années 60, chez nos voisins d'en-dessous Adamo chantait l'amour en noir et blanc et quand ils nous invitaient le dimanche après-midi, on était nombreux, c'était gai, plus que les disques et la radio. Ensuite mes grand-parents ont eu la télé, même s'il n'avaient pas de salle de bain, et ils parlaient tout le temps en même temps, commentant tout... Enfin, bref, elle s'est généralisée, même mes parents en ont acheté une et elle a trôné en reine dans la salle de séjour pendant des années, et de noir et blanc elle est passée à la couleur et mes parents se sont séparés (non, pas à cause de la télé) et puis la télécommande est arrivée... Tellement familière, elle a fini par s'appeler zapette puisqu'on pouvait zaper avec (ce que j'ai toujours détesté) et passer des heures à regarder tout et n'importe quoi sans jamais s'y intéresser, sinon s'adonner au plaisir de zaper (ou plutôt l'addiction)... qui aurait tout aussi bien pu être substitué par une manette de jeu video, style "playstation" où on joue au tennis, même si c'est en virtuel au lieu de passer des heures de beau temps à regarder Roland Garros alors qu'on ne connait pas une seule règle de ce jeu, hormis qu'il faut souvent s'éponger le front, de préférence après avoir couru, hurlé ou bu un coup... Mais bon, souvenirs, souvenirs...
Non, je ne zape pas, je choisis mon programme et s'il me déçoit, je l'arrête, en principe...
Alors bougeons un peu, enfin un peu plus que ma raquette et moi sur un court et partons, oui, partons !
En Angleterre, on zape avec le "TV remover", et ce mot zap m'évoque instantanément le temps (les années 80) où je lisais les romans de David Lodge, notamment "Un tout petit monde" où l'intelligentsia (ou considérée comme telle) universitaire se retrouvait de séminaire en congrès au quatre coins de la planète (si j'ose dire) et les professeurs Philip Swallow (England) et Morris Zapp (USA) m'émerveillaient de leurs quêtes, conquêtes, connections, etc., bref, zapaient autour du monde tels des "Ulysse" modernes...
Plus récemment, et même pas plus tard que la semaine dernière, cette belle couverture bleue et ce titre sybillin, mais surtout un nom d'auteur dont j'avais toujours entendu parler sans jamais le lire -Julian Barnes- m'ont attirée. Non, je n'ai pas zapé le livre au bout de dix pages, ni même de cinquante, comme je n'hésite pas à le faire dès que j'en ressens l'envie ou le besoin. Non, j'ai plongé dans ce livre, il m'a happée... enchantée, questionnée, plu. Le tennis n'y joue pas de rôle, non, mais dans "La seule histoire" que j'ai lue ensuite, oui.
Ce dimanche matin tôt, l'animatrice radio annonce qu'on est samedi et l'animateur ne rectifie pas. Je me lève, il fait encore nuit. Mini zapette en main, j'allume la radio, elle dit "HELLO" et aussi "GOOD BYE", comme la chanson (mais "GOOD BYE" est plus facile à photographier !) dans la cuisine. Tiens, une interview de France Brel, la fille de Jacques Brel et à la tête de sa fondation. Elle choisit pour la chanson finale de l'émission une belle chanson canadienne, triplement canadienne et universelle. Non, je ne prendrai pas la manette pour zaper ! Mais si, après j'ai zapé... dans le temps, en février 2018, le mot du défi de la semaine était "curriculum", et j'ai eu la confirmation que cette chanson m'avait déjà emballée, et ce gars ben ordinaire aussi... et me suis envolée avec lui !