Beurk ! Gloup ! Trop nareux ! (Lecrilibriste)
« Si j’aurais su, j’aurais tout avalé à mesure ! »
A cause de la guerre et de mon père prisonnier, nous avons vécu chez mes grands-parents maternels qui avaient une grande maison et quand mon père est rentré, nous y sommes restés !
A cette époque-là, on ne moulinait pas la soupe. En fait, je ne m’en souviens pas. Mais ce jour-là, je ne sais pas qui avait fait la soupe mais les morceaux de queues de poireaux étaient particulièrement gros, je me souviens, et avaient cuit dans le bouillon comme ils avaient été coupés.
Franchement ces queues de poireaux ne glissaient pas dans mon gosier – d’ailleurs tout comme maintenant, les fils de haricots verts - et je les avais disposées délicatement tout autour de mon assiette à soupe qui avait un rebord, comme celles d’avant. C’était beau, ça faisait comme une fleur verte tout autour. J’en avais bouclé le cercle.
Personne ne m’avait rien dit, on m’avait laissé faire mais lorsque j’ai eu terminé mon assiette, mon père est venu s’assoir à côté de moi et m’a dit « Maintenant, tu manges ce que tu as laissé sur ton assiette ».
Beurk ! Gloup ! Trop nareux !
La captivité ne l’avait pas rendu patient, il faut dire qu’il avait crevé de faim pendant cinq ans, qu’il était malade et squelettique à faire pitié et il faut dire aussi que lorsqu’il est revenu après tous ces sévices et cette misère subis, on avait intérêt à filer droit. Fallait obtempérer illico sinon, ça bardait dur !
Et puis, il avait une arme de poing, c’est-à-dire, qu’il nous tapait l’épaule droite avec les phalanges de son poing droit fermé, en disant « mange ta soupe ! » et de plus en plus fort, la vache !!! ça faisait mal !
J’ai donc avalé tant bien que mal mes queues de poireaux. Combien de temps a-t-il fallu, je ne sais pas. En fonction de ma révolte et de ma résistance sans doute. Je ne sais plus, non plus si ensuite j’ai eu des bleus à l’épaule car ça a dû durer un bon moment.
En conclusion, maintenant je mouline toujours la soupe mais j’adore les poireaux en salade, même avec un peu de vert ! Je ris en me souvenant de cette histoire que le mot et l’image de nareux me remettent en tête et je ne lui en veux pas. Ou du moins, Je ne lui en veux plus à ce jour !
Comme quoi hein ! Le dressage a parfois du bon !