La vie n'est pas ce que l'on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s'en souvient. - Gabriel Garcia Marquez

Je connais cet escalier. Je l’ai monté et je l’ai redescendu une bonne centaine de fois, dans l’immeuble de mon amant.

Il était grand et mince, aux cheveux noirs. Il portrait des lunettes. Pas terriblement beau, mais pas moche. Sa peau sentait les épices.

Je ne me souviens plus du tout de sa voix, mais elle était marquée par la petite musique du Midi, pas épaisse, non, après tout, il vivait et travaillait à Paris, et, comme moi, il avait appris l’accent qui allait avec. 

escalier

Il s’appelait…

J’hésite.

Dois-je vous dire son nom ? Je crois que non.

Trop de précisions gâche une histoire, à mon avis.  Comme tant d’autres détails sourds et incolores, assombris par le temps et l’oubli, certains souvenirs attendent silencieusement qu’on les rappelle, lorsque d’autres détails méritent d’être changés, poétisés, brodés avec les couleurs qu’il faut pour reconstituer une tapisserie originale. 

Alors,  parce que j’aime ce prénom, disons qu’il s’appelait Mathieu.

Et maintenant, j’attends, comme tant de fois il y a longtemps, ses pas dans l’escalier.