L'Atelier d'écriture scato-masochiste de Madame ADECI (Joe Krapov)
Un atelier d’écriture, c’est vrai, c’est exactement comme un club sado-masochiste. Il y a un animateur qui donne des ordres cruels – on appelle ça des consignes – et des gentil·le·s membres qui font preuve de discipline (Laurent serrez ma haire avec ma) et qui se plient avec humilité et, si possible, originalité aux quatre volontés du maître.
Ici, au Défi du samedi, le gourou est bonasse : il a une tête de papy gâteau et il accepte toutes les acrobaties intellectuelles nées de de son mot hebdomadaire avec la bonhomie d’un promeneur de chien qui est une chienne et qui a passé l’âge de se demander pourquoi on ne met qu’un seul « m » à bonhomie et pas deux « n » à bonasse. Parce que bon et con, c’est pas pareil ? Parce qu’un bon homme apprécie un bon home ?
J’en connais d’autres qui sont bien plus lunatiques, irréguliers, cyclothymiques, voire chiants. Moi, par exemple, à Villejean !
Mais la pire, c’est Madame ADECI. Je ne vous raconte pas ses drôles de lubies ! Si, en fait, puisque c’est le sujet de cette semaine du Défi du samedi.
Figurez-vous que son atelier d’écriture sado-masochiste ne fonctionne que tous les deux ans ! Tous les deux ans elle vous envoie ses consignes par la poste. La première épreuve consiste à aller chercher la consigne d’écriture chez un de ses adeptes qu’on appelle un médecin. Vous héritez alors d’une belle enveloppe bleue contenant du matériel spécifique mais où le stylo brille par son absence ! On écrit directement sur l’ordi ? Pas du tout ! Quand vous êtes de ce côté-ci de l’atelier d’écriture, et surtout chez Madame ADECI, vous en chiez ! Dans le sado-masochisme, on donne de sa personne, qu’est-ce que vous croyez !
Il y a tout d’abord une épreuve d’origami au cours de laquelle vous devez déplier un masque de Pikachu percé de trous et agrémenté de trois parties autocollantes recouvertes de pastilles jaunes dures à enlever.
Il y a ensuite une épreuve de collage puisqu’il faut fixer le réceptacle de l’épreuve d’écriture sur… la lunette des toilettes, si, si vous avez bien lu !
Ensuite on s’assoit sur la feuille et on doit inventer une défèque-new bien solide sans pisser trop de copie. Il faut en tartiner un minimum mais pas y mettre le paquet sous peine de voir sa production partir à vau-l’eau (c’est ce qui est arrivé jadis à Marcel Proust ! Quel con, c’type, hé !).
Ensuite commence l’épreuve d’écriture et là, vous n’êtes pas dans le caca ! Enfin, si ! Il faut que vous fassiez adhérer à une tige verte des « selles » (?) même pas de cheval jusqu’à la marque rouge sur le dessin. Les fidèles lecteurs de Blake et Mortimer sont alors forcément déçus de l’absence de Marque jaune dans l’histoire. Mais ils seront rassurés d’être tombés dans un piège diabolique !
Ensuite ce sont des histoires pas cochonnes pour deux ronds d’emboîtages des objets préalablement déballés : on met la tige dans le tube, le tube dans un étui de protection, le tout dans une enveloppe et l’enveloppe, avec la fiche d’identification, dans une autre enveloppe qu’il faut aller poster dans une boîte à lettres à destination de Madame ADECI.
Quand est-ce qu’on est publié ? Jamais !
Quand est-ce qu’on reçoit des commentaires des autres participants ? Jamais !
Simplement, au bout d’une quinzaine de jours Madame ADECI vous renvoie un courrier pour vous signifier que le résultat est nul.
Et vous savez quoi ? On est très content ! C’est ça qui est bien avec le sado-masochisme : plus on est maltraité, plus on est satisfait !
Certaines mauvaises langues prétendent que le commerce de Madame ADECI n’a rien à voir avec un atelier d’écriture sado-maso mais serait consacré à la recherche du cancer chez les pratiquants. Ben mon colon, des pistages pareils, je n’en ai vu que chez les Scouts de Belgique à l’époque où mon oncle Walrus était responsable fédéral ! Si ça n’est pas du sport de se retrouver à genoux, le pantalon baissé en train de patouiller dans la cuvette des chiottes parce que le Pikachu a craqué sous le poids d’un bel étron coulé dans le bronze, je veux bien revoir tous mes concepts !
Il faut savoir également qu’on n’intègre cet atelier-club select que si on a atteint l’âge de cinquante années. Et c’est ça qui me réjouit ! En décembre 2027, notre Président de la République lui-même va nous rejoindre dans l’atelier et se prêter aux lubies de Madame ADECI. Quel plaisir, dès maintenant, de l’imaginer en train de procéder aux rites imposés par notre animatrice préférée ! Saura-t-il déplier Pikachu et barbouiller comme il faut la tige du petit tube ?
Bon c’est vrai, avec l’absence de majorité dont il vient d’hériter à l’Assemblée, il est déjà, en fait, un peu dans la mélasse. Soyez philosophe, Emmanuel : ça vous fait de l’entraînement pour plus tard !