C comme Colocataire (Adrienne)
Ce qui ressemble le plus à une colocation, ce sont les neuf mois passés à la Maria-Theresiastraat dans une grande maison tenue par des sœurs qui se disaient « Servites de Marie ».
Ou quelque chose comme ça.
C’est le père qui avait trouvé cette adresse, sur les conseils de son patron : pour la plus jeune de ses quatre filles, Louvain avait été un « lieu de perdition » .
Elle y était devenue hippie.
Aussi les deux hommes en avaient-ils conclu que les hauts murs et la porte cochère gardée par une bonne sœur seraient une meilleure garantie contre les influences néfastes d'une ville universitaire.
C’est donc là que l’Adrienne a été envoyée pour sa première année à Louvain.
Les repas étaient pris en commun à de longues tables, ce qui veut dire que le bout où on déposait les plats avait plus de chances d’être bien nourri que l’autre. Sauf le jour des scaroles cuites à l'eau.
On y « faisait maigre » le vendredi, alors qu’on était plus de dix ans après Vatican II. Peut-être que leur congrégation trouvait ce concile hérétique ;-)
Mère Supérieure avait jugé l’Adrienne digne de loger dans la « plus belle chambre », au premier étage avec vue sur le jardin, mais à une condition : interdiction d’y faire du bruit – ni radio ni musique ni conversations avec les colocataires.
La chambre avec pension complète qu’on payait au mois était inaccessible le week-end ainsi que pendant les congés scolaires. Tant pis s’il y avait des examens à préparer : on n’avait qu’à étudier chez soi.
La porte ne s’ouvrait que le lundi matin, ce qui causait chaque semaine un grand stress à l’Adrienne : elle avait deux heures de trajet, ratait souvent sa correspondance à Bruxelles, devait déposer son bagage dans sa chambre et filer à son premier cours où elle arrivait chaque fois rouge et hors d’haleine.
Mais c’est grâce à cet argument-là qu’elle a pu convaincre son père de la laisser aller « en kot » à partir de la deuxième année : elle pourrait s’y rendre tranquillement le dimanche soir :-)