N'ont pas confondu avec la tangente
joye ; Laura ; Walrus ; Vegas sur sarthe ; JAK ;
Kate ; Joe Krapov ; bongopinot ; Jean-Patrick ;
Leçon de vocabulaire (Jean-Patrick)
Quand j’étais gamin, notre maître d’école M. Lenoir n’était pas des plus commodes ; il tenait à ce qu’on cause bien le français et qu’on utilise des mots de vocabulaire pour dire nos pensées avec précision. Des mots, il nous en a appris. Ce qu’ils veulent dire, j’ai un peu oublié. Quant à les utiliser pour dire nos idées avec précision, c’est dépassé : du moment qu’on se comprend.
Je me souviens vaguement d’un mot avec lequel M. Lenoir nous a bassinés, un mot bizarre : asymptote. Les cancres de la classe, on avait compris a-symptôme ; ce que répétaient les parents quand on faisait croire à la maladie et qu’ils voulaient nous envoyer à l’école.
L’autre jour, mon petit fils m’a demandé de l’aider ; il ne comprenait pas qu’un asymptote, c’est une ligne droite qui s’approche indéfiniment d’une courbe sans jamais la couper. Comme je ne me souviens qu’un peu des leçons de M. Lenoir, mais que le gamin passe son permis, je lui ai expliqué que c’était une histoire de priorité dans un giratoire qui tourne sans qu’on en voie la fin ; lui n’a jamais entendu parler d’asymptotes à l’auto-école, et même son moniteur n’était pas fichu de dire qui a la priorité. De toutes façons, d’après son moniteur, si la bagnole ne coupe jamais la route, le chauffard n’a plus qu’à continuer tranquillement, il ne sera jamais inquiété. Ils étaient d’accord tous les deux pour comprendre qu’un asymptote, ça doit être quand les poulets ne sont pas là, alors qu’on les trouverait utiles.
Bon sang ne saurait mentir. Mon petit-fils tient de son grand-père : il n’aime pas les approximations. Il a fouillé fouillé son dictionnaire (celui que je lui ai offert pour ses dix ans, il voudrait que je lui remplace parce qu’il n’explique pas les mots modernes comme « covid »). Eh bien dans son vieux dico racorni, il a trouvé qu’un asymptote, c’est aussi « une chose vers laquelle on tend sans parvenir à l’atteindre. » J’ai oublié ce que nous a raconté M. Lenoir à ce sujet, mais en vieux de la vieille qui en a vu d’autres, j’ai pu trouver des exemples ; une belle fille à ton goût et que tu n’arrives jamais à séduire ; une bonne paie quand tu bosses dur ou un ticket gagnant quand tu joues au loto. Tout ça, ce sont des asymptotes.
Quand je vous dis que les leçons apprises au jeune âge, ça vous reste toute la vie. Je suis sûr que M. Lenoir serait fier de moi.
Les mathématiques par bongopinot
Une addition
Une soustraction
Une proportion
Une fraction
Des théorèmes
Puis des termes
Numérateur
Dénominateur
Asymptote
Courbe ou droite
Vers l’infini
Que je fuis
Car les mathématiques
Même bien pratique
Sans vous fâcher
C'est pas ma tasse de thé
Je prends la tangente
En point de contact
Je botte en touche
Et je me couche
Asymptote ! (Joe Krapov)
Asymptote !
On n’imagine pas la quantité de temps précieux que l’oncle Walrus me fait perdre avec son dictionnaire de mots tordus ! Est-il bien conscient des lectures abominables auxquelles la volonté de comprendre « de quoi-t-est-ce qu’il cause encore » nous conduit les un·e·s et les autres ?
Une chose est sûre : ce n’est pas la page dédiée par Madame Wikipe à ce vocable étrange, "asymptote", qui va me réconcilier avec les mathématiques !
Et maintenant, si, en retour, j’applique ce vocabulaire à une trame bien connue de la maison, est ce que ça rend l’un ou l’autre des deux textes mélangés plus lisible ?
« Longtemps, je me suis courbé de bonne heure. Parfois, à peine mon hyperbole éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’envole. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher l’infinitésimal m’éveillait ; je voulais poser le paramètre que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une asymptote, un infini, la branche parabolique de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma tangente mais pesait comme des équations sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le trident n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une droite d’équation x=a, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des nombres qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la fonction f prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des courbes représentatives de la fonction inverse, à des actes asymptotiques, à la causerie récente et aux adieux sous la parallèle étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour de y(t) – ax(t). Par mesure de précaution j’entourais complètement ma tête de mon oreiller avant de retourner dans le monde des spirales logarithmiques ».
On ne sait pas mais au moins, j’ai rendu la monnaie de la pièce en forçant mon oncle préféré à relire cet abscons de Marcel ! Un partout, la balle au centre !
Ah, l'X, encore ! (Kate)
Ah, Saint Ptote !
Brillant mathématicien
Dont le frère
Ah, Saint Dète !
Illustre grammairien
Eut un parcours parallète
Ou presque
Dans une voie littéraire
Tout en arabesques
C'est une litote
Ou prenons-le comme tel
Leur père
Saint Ange
Quitta leur mère
De façon étrange
Qui depuis lors
Leurs rêves hante
Leur mère alors
Sainte Theorema
Les incita
A ne pas prendre
La tangente
Mais à comprendre
Ainsi Saint Ptote
A l'X entra
La tangente arbora
Mais on la dénia
A Saint Dète
De la branche cadette
Pourtant partie prenante
Des constantes
Car de façon flagrante
Nulle est leur tangente
Suivant la devise
Communément admise
Mathématicien
Physicien
Écrivain
Né ici
Statufié
Assis
Évoqué
Et apprécié
Par ce littéraire
Et tant d'autres littéraires...
Fonction érogène (Vegas sur sarthe)
Bien que Germaine m'ait déconseillé d'y toucher sans sa permission j'avais compulsé ses Roberts – deux beaux volumes au cuir fauve qui avaient perdu de leur fraîcheur au fil des ans sur les rayonnages de notre bibliothèque – mais je trouvai enfin le mot que je cherchais, niché sournoisement entre asymétrique et asynchrone, deux mots aussi hermétiques que la petite culotte d'une rosière.
Je la tenais – ou plutôt je croyais la tenir – cette chose « qui tend vers autre chose sans jamais l'atteindre » comme disait Robert au cuir fauve et comme disait ironiquement Germaine lors de mes rares tentatives d'accéder à son point G !
Dans ces moments de grand désarroi les mots de Victor Hugo refaisaient surface : « Approcher toujours, arriver jamais »; il n'y a rien de pire qu'imaginer la barbe blanche de l'auteur des Misérables pour couper tout élan libidineux.
Qu'y a t-il de plus alambiqué que les maths à part les femmes ?
Je ne sais plus qui a dit qu'en mathématiques on ne comprend pas les choses, on s'y habitue et avec Germaine c'est pareil.
J'ai parfois l'impression d'avoir épousé une inconnue et de n'avoir jamais résolu l'équation ; heureusement que quand on aime on ne compte pas.
Il n'y a pas plus frustrant qu'une asymptote mis à part la savonnette dans le bac à douche et pas mal de Défis du Samedi.
Alors j'ai cessé de penser au dramaturge barbu et de chercher midi à minuit.
Quand Germaine me parle de ses problèmes de sinus ou de ses racines capillaires, je fais mine de l'écouter en souhaitant juste qu'elle ne prenne pas un jour la tangente ...
Vers l'infini et au-delà ! (Walrus)
Ben quoi, on peut toujours essayer de faire le buzz, non ?
Les matheux sont formels : contrairement à ce que l'on pourrait penser, la courbe et son asymptote ne se rejoignent pas à l'infini. L'écart entre les deux pénètre de plus en plus profondément dans le monde de l'infiniment petit mais ne devient jamais nul, contrairement à moi qui le suis depuis longtemps.
Ah, l'infiniment petit ! Il m'en a fait baver des ronds de carotte ! Même que j'ai fini par recommencer ma première année d'enseignement supérieur pour tenter d'approfondir la question de l'analyse infinitésimale. En pure perte d'ailleurs, la règle de l'Hospital* m'est restée hermétique. Vous saviez, vous, qu'il y a des infiniment petits de plusieurs ordres ? Une découverte qui m'a plongé dans des abîmes de consternation !
Les asymptotes, ça me fait toujours penser aux couples "fusionnels" (ou qui aimeraient l'être), douce illusion : il reste toujours un écart qu'ils peuvent tenter d'atténuer, mais c'est peine perdue. D'autant qu'ils n'ont pas l'éternité devant eux : nous ne vivons pas en géométrie ! Et en y regardant bien, on voit que dans le couple, c'est toujours le même qui fait les efforts de rapprochement alors que l'autre va sa petite route tout droit !
* On dit parfois "de Bernouilli" pour éviter le "vieille pratique" cher aux carabins du Quartier Latin. Les âmes délicates s'abstiendront de creuser, car je doute fort que celle-là, mon neveu Joe la mette un jour dans sa guitare...
Asymptote (Laura)
Mais qu'est-ce qu'ils nous asticotent
Les gens du défi avec leur asymptote?
Que voulez-vous que je tricote
Ce samedi avec cette asymptote?
A part un acrostiche, ma camelote
Ou un bouts rimés qui cahote?
Je cherche une antidote
A la douleur mais elle me barbote
Mes pensées qui chevrotent
Je crachote
Des mots, je vivote
Vieillotte
Je trotte
Beaucoup mais je sanglote
Quand la douleur me pelote
Et point d'asymptote!