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Le défi du samedi
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15 janvier 2022

La petite fille et l’ogre (Clio101)

 

       On l'avait répété cent fois à Samira. La forêt est très dangereuse ; il ne faut y aller sous aucun prétexte. Il y règne des créatures mauvaises qui t'enlèveront pour te tuer ou faire de toi leur esclave. N'y va jamais ou tu pourrais ne jamais revenir.

      Il fallait particulièrement se méfier de l’ogre de la forêt. Il avait tout le gibier des bois à sa disposition mais son plat préféré était sans conteste le rôti de petite fille. L’ogre rôdait dans les bois pour s’emparer des petites filles imprudentes qui s’aventuraient sur son territoire. Après les avoir attirées chez lui par des paroles enjôleuses il les endormait et les faisait cuir dans son four avec des pommes de terre et des oignons tendres.  On le reconnaissait à la peau de sanglier qu’il portait en permanence sur lui et aux bois de cerf qui couvraient son crâne.

      Une petite fille ordinaire aurait sagement obéi aux adultes. Elle n’aurait pas discuté et n’aurait jamais songé à aller dans les bois puisque cela est aussi dangereux. Mais Samira n’était pas une petite fille ordinaire. Quand on lui donnait un ordre elle voulait exactement faire le contraire. Ou plutôt elle n’aimait pas acquiescer aveuglément mais voulait expérimenter par elle-même les conséquences de ses actions. Par exemple si on lui disait : « n’approche pas ta main de la marmite, tu vas finir par te brûler », elle tendait la main vers la marmite pour mieux sentir l’intense chaleur sur sa paume.

      Alors quand on lui dit de ne pas se rendre dans la forêt un vif désir la saisit de l’explorer pour découvrir si toutes les créatures mauvaises qui y habitaient existaient vraiment. Un après-midi où toute sa famille faisait la sieste après un long déjeuner, elle lui faussa compagnie et se dirigea vers ce lieu mystérieux.

      Au fur et à mesure qu’elle pénétrait dans le couvert des arbres Samira contemplait avec étonnement le spectacle qui s’offrait à elle. Les taillis, sous-bois, mousses et feuilles de toutes formes formaient une palette de verts touffue et bigarrée. La lumière perçait entre les feuilles des plus hauts arbres et dessinait une myriade de paillettes d’or qui n’en finissaient pas de se recomposer. Le regard de Samira scintillait à l’unisson de ce jeu de lumière et le froufrou des feuilles et le claquement des branches mortes sous ses pieds lui donnaient le sentiment que son cœur battait à l’unisson de la forêt. À ce paysage venait s’ajouter le chant des oiseaux et des animaux qui lui souhaitaient la bienvenue dans ce monde : la trille de l’alouette comme un babillement incessant, le son aigu de l’épervier, une note qui montait à intervalles réguliers vers le ciel, le brame du cerf, le sifflement du loriot et le grognement du sanglier au loin. Au milieu de ce concert de salutations résonnaient les trois notes de la huppe, comme un avertissement. Samira n’y aurait pas prêté attention si elle n’avait entendu, comme mêlé à ces sons, la plainte lugubre d’un chagrin que rien ne parviendrait à combler.

      Portée par son instinct et toutes ces voix bienveillantes elle suivit la trace de ce sanglot jusqu’à parvenir à une maison en bois. Une maison en bois tout à fait ordinaire, pareille à celles de son village, à deux détails près. A l’exception du toit, tout était délabré, comme si quelqu’un avait fracassé tous les murs à coups de poing. Assis devant la cabane se trouvait un homme vêtu d’une peau de sanglier et coiffé de bois de cerf.

      Samira se recula et se prépara à fuir. C’était l’ogre de la forêt.

      Ses pieds refusèrent de lui obéir.

      Un torrent de larmes ruisselaient sur les joues de l’ogre.

 

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Commentaires
P
Magnifique description du sous bois.
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M
Oui ben...un ogre reste un ogre ! Bien fait s'il est triste.
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L
Et voilà, tu nous laisses sur notre faim ! je n'aurais quand même pas trop confiance !
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Y
Ben oui : il y a des grands méchants ogres qui mangent...dans la main des petites filles. Moi j'y crois !
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J
Les ogres ne seraient-ils que de grands enfants oublieux des interdits ou... abandonnés dans les bois par leurs parents ?<br /> <br /> <br /> <br /> Bien mené et amené, en tout cas !
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V
Et alors ? Et alors ?
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W
Parviendra-t-elle à le consoler ?
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A
voyons dans le prochain épisode si sa réputation est surfaite ;-)
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K
Le désir de l'interdit est le plus fort et l'ogre, Samira, a forcément quelque chose à t'apprendre... à suivre !
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