Irréductible (Adrienne)
Le petit enfant de Flandre joue aux cartes sur les genoux de son arrière-grand-père, inlassablement, pendant des heures, « broek af ». Aucune difficulté, on dépose ses cartes, une à une, la plus élevée l’emporte jusqu’à ce que l’un des deux joueurs n’ait plus rien en main. Pas besoin de stratégies, seul le hasard détermine qui l’emportera. Le petit enfant n’a que cinq ans et ne se rend pas tout de suite compte que tous ses efforts ne serviront à rien : parfois il gagnera, parfois il perdra.
Le grand-père est le roi de la manille mais jamais l’enfant n’a eu l’idée de lui demander comment ça se joue.
Grand-mère fait des « patiences » et ça semble bien plus amusant, même si parfois elle grommelle que « c’est mal parti » ou que « ça ne sent pas bon ».
Le père refuse de jouer aux cartes : il connaît toutes les règles mais préfère regarder jouer les autres. Il leur donne des points mentalement. Il sait qui est fort, qui a commis des erreurs, « de beste stuurlui staan aan wal », c’est depuis le rivage qu’on voit le mieux les écueils sur la route des bateaux.
L’enfant devenu grand a décidé de faire comme le père : inutile de le prier ou de le supplier de faire le quatrième, non ! les cartes, il n’y touche pas !