C comme chicorée (Adrienne)
- Qu’est-ce que c’est que ça ? Moi n’aime pas ça ! disait mini-Adrienne du haut de ses presque cinq ans, en examinant attentivement ce qu’il y avait dans son assiette.
Rassurez-vous, ça n’arrivait pas souvent.
Si peu souvent, même, qu’elle se souvient exactement de quoi il s’agissait et de la raison pour laquelle elle fronçait le nez comme si on avait voulu l’empoisonner.
La première fois, c’était pour des champignons.
Ils avaient flotté trop longtemps dans l’eau, probablement, parce qu’ils baignaient dans un jus noir.
Et ne sentaient pas bon.
Mais ça, les parents ne l’ont pas compris :
- Toi, tu manges avec les yeux ! ont-ils décrété.
Et ils ont continué à lui faire ce reproche. Toute la vie.
D’accord, l’aspect visuel, c’est important.
Mais ce qui rebutait mini-Adrienne, c’était l’odeur.
L’odeur du chou rouge.
L’odeur de la soupe.
L’odeur de la chicorée.
- Pourquoi tu mets « ça » sur le café ? demandait-elle à sa grand-mère en lui voyant ajouter une grosse cuillerée de chicorée par-dessus le café moulu, avant d’y verser l’eau bouillante.
- Parce que c’est meilleur !
- « Ça » sent mauvais !
Les grandes personnes n’ont jamais accepté cet argument : elles aimaient l’odeur douceâtre de la chicorée qui dénaturait complètement le goût du café.
Grand-mère Adrienne, jusqu’à son dernier souffle, a ajouté sa cuillerée de chicorée dans son filtre à café.
- Parce que c’est meilleur :-)