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Le défi du samedi
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1 mai 2021

Sexisme et misogynie (Yvanne)

 

- Venez donc voir le tapis que nous avons reçu hier Madame P. Il est installé et on ne peut qu'être béat d'admiration devant la finesse du travail effectué. Tissé entièrement à la main. Venez donc...
Mon chef désirait me montrer la tenture murale offerte par son frère, médecin à New Delhi.

J'étais fraîchement débarquée de la région parisienne et me trouvai flattée que le patron, au demeurant pas très causant, pas très démonstratif, pas très aimable pour tout dire me fasse l'honneur de m'inviter chez lui, dans l'appartement qu'il occupait. Il y a quelques années, en province, les directeurs ou chefs d'établissement vivaient au-dessus des bureaux qu'ils supervisaient.
Certains collègues, qui avaient aidé à mettre le tapis en place vantaient sa beauté et j'étais vraiment curieuse de voir cet objet de décoration que l'on disait exceptionnel. Je ne voyais aucune malice dans cette invite.

J’emboîtai donc le pas à Monsieur C. Il me conduisit dans son salon et me fit asseoir sur le canapé. « Installez-vous là. Vous serez juste en face » Il était débout, fumant tranquillement sa pipe pendant que je regardais, émerveillée la tenture qui couvrait tout un mur.

Bientôt, C. prit place à côté de moi et je commençai à ne plus me sentir très à l'aise, d'autant que je remarquai soudain l'absence de sa femme. Je fis mine de me lever mais il me saisit par l'épaule, m'attira à lui et commença à me faire des propositions indécentes. Avec compensation bien entendu sur le déroulement de ma carrière. Je n'en croyais pas mes oreilles. Comment osait-il ? Je me dégageai en criant : « ça ne va pas, vous. Vous êtes fou. »

Un peu surpris, il tenta de me retenir sans doute pour s'excuser, ayant peur des conséquences. Mais je le repoussai, pris la porte que je refermai derrière moi avec fracas et rejoignis mon bureau, rouge de colère, de honte et de confusion. Mais oui. J'avais honte. Qu'est-ce qui avait pu lui laisser croire que je pouvais donner suite à ses élucubrations ? Qu'est-ce que j'avais fait ? Qu'est-ce qui, dans mon comportement depuis que je travaillais ici, lui donnait à penser que j'étais une femme facile ? Je me posais toutes ces questions en même temps qu'un profond dégoût pour le personnage me submergeait.

Mon arrivée intempestive dans la pièce n'échappa pas à mes collègues, un homme et une femme.
Je ne savais pas comment me comporter. Je baissais le nez, ruminant cette humiliation.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? demanda Nadine.
- Rien. Foutez-moi la paix.
- Alors, tu l'as trouvé comment ce tableau ?
Je perçus soudain une certaine ironie dans le propos de Jacques. Je relevai la tête, remarquai un sourire entendu sur son visage. Il sentait qu'il s'était passé quelque chose et, visiblement, s'en délectait. Pas possible ! Qu'est ce qu'il croyait cet imbécile ? Ce fut plus fort que moi. Je débitai, tout à trac :
- L'autre, le porc, m'a fait des avances...Ça ne va pas se passer comme ça.
- Tu veux rire. Je ne te crois pas. Il n'aurait jamais fait ça. Tu inventes.
Là dessus, il s'esclaffa. Le bouquet.

La réaction de ce collègue me fit encore plus de mal que les suggestions indélicates de mon chef. Par la suite, l'attitude de ce dernier fut exemplaire à mon égard. Au fond de moi, cependant, je n'oubliais pas l'affront et me tenais sur mes gardes. Personne ne parlait de l'affaire qui avait pourtant fait – bien entendu - le tour du bureau. Le comportement du collègue ne fit que confirmer à mes yeux ce que j'avais compris : sa supériorité affichée de mâle. Déterminé à écraser toute velléité de prise d'initiative dans le travail par la gent féminine. Toujours prêt à se moquer de tout : coiffure, vêtements, paroles...Je m'interrogeais souvent à son propos : compensait-il par ces démonstrations hostiles vis à vis de toutes les femmes du bureau un mal être dans son foyer où il ne portait peut être pas la culotte ? Justement, en parlant de culotte peut être avait-il des problèmes érectiles ? J'en étais persuadée. Je peux bien me permettre cette insinuation graveleuse quand le défunt Léo Ferré – que par ailleurs j'aime en tant que parolier et chanteur – ne se privait pas d'asséner : « l'intelligence des femmes se trouve dans les ovaires. »

Sans entrer dans les détails et sans vouloir épiloguer, je dirais aujourd'hui que le chef qui avait eu un comportement sexiste, inexcusable certes vis à vis de moi ne détestait pas les femmes. A l'inverse, le collègue, par l'attitude arrogante qu'il manifestait constamment à l'égard de nous toutes faisait preuve d'une misogynie crasse.

 

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Commentaires
T
ça sent le vécu
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L
je connaissais le coup de l'estampe
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V
Deux situations qui en disent long, deux comportements différents, le second n'ayant rien à "envier" au premier puisqu'il agréée passivement ces horreurs
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L
pas facile de s'extirper de telles situations, en effet, ni d'éviter un collègue de travail de ce type
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W
Zut ! Mes deux supérieures étaient des femmes (c'est donc normal qu'elles m'aient été supérieures) mais aucune n'avait de tapisserie dans son bureau. ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Sérieusement, c'est bien sûr dramatique d'avoir été confrontée à ce genre de comportements.
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V
Beaucoup de choses en condensé dans ce texte... Sourire
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J
Je retiens le plan du tapis indien ! Excellent ! Le coup des estampes japonaises n'intéresse plus trop les filles depuis "L'Empire des sens" !<br /> <br /> <br /> <br /> OK, je sors ! ;-)
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A
ah mince! mince! mince!<br /> <br /> oui on se sent salie et honteuse alors que c'est l'autre qui est sale
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K
Yvanne, belle illustration de ces deux comportements qu'on a toutes rencontrés mais pas forcément au même moment ni au même endroit mais le lieu de travail est propice avec ses rivalités et enjeux de pouvoir (sans oublier les jalousies féminines, mais c'est un autre sujet...) à ce genre de situations !
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M
Je me pose une question :<br /> <br /> " Que représentait donc ce tableau ?"<br /> <br /> ( Je sais, elle est d'autant plus légère que le sujet est lourd !)
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