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6 mars 2021

Première rentrée à l'école (Yvanne)

bureau


Il arrive parfois qu'une pensée ou un souvenir vous assaille tout à coup et l'on est ébloui par sa fulgurance. Et qu'un mot, un mot tout simple, usuel, ouvre soudain dans votre esprit, dans votre mémoire une porte sur  un moment de vie et l'âge aidant, très souvent sur l'enfance. Encaustique.  S' y associent, pour moi immédiatement une odeur puis tout juste après, un décor.  Ce mot choisi par notre ami Walrus m'a transportée bien des années en arrière, dans les années 50/60.

Un matin de septembre aux couleurs déjà bien présentes de l'automne. Je vais avoir 6 ans dans quelques jours. Je suis réveillée depuis des heures. Ai-je seulement dormi tellement l'impatience me tenaille. Je vais à l'école aujourd'hui. Un événement oui vraiment. J'attends ce moment depuis si longtemps. Un jour nouveau pour une vie nouvelle. D'ailleurs, tout est nouveau, neuf  je veux dire : la jolie blouse à carreaux, la veste de lainage tricotée par ma grand-mère pour l'occasion. Et mon sésame : le cartable marron, une richesse, un bien précieux, solide et qui sent bon le cuir. Ce dernier revêt pour moi une importance particulière : il est à moi et à moi seule avec, à l'intérieur le joli plumier en bois verni et son porte-plume. Je n'aurai pas à partager cette petite fortune avec mes frères et sœur plus jeunes comme je dois le faire habituellement pour tout le reste.

Je suis prête et j'attends avec une certaine fébrilité que la cloche sonne. Je tiens  mon sac d'une main ferme et de l'autre, le livre de lecture – que je n'ai pas voulu placer dans le cartable - acheté par mon père et avec lequel il m'a appris à lire. Il trouvait sans doute comme moi injuste de faire une rentrée à 6 ans parce que j'étais née en fin d'année. Ce livre m'a attiré quelques ennuis avec la maîtresse car elle avait une autre méthode pour apprendre. Et moi, bien entendu je ne voulais pas m'en séparer. Un premier livre, on ne l'abandonne pas. Le premier que j'ai aimé c'est dire. Pour l'écriture également, cela ne s'est pas passé tout seul et tranquillement. Papa m'avait aussi appris à tracer l'alphabet à sa manière qui n'était pas tout à fait celle de l'institutrice. Notamment pour les « i ». Mais c'est une autre histoire.

Enfin, voici le moment de faire les deux cents mètres qui me séparent de l'école. Papa m'accompagne et me laisse au portail à ma demande. Je suis grande n'est-ce pas et je n'ai plus besoin qu'on me tienne la main. Bien sûr, la cour je la connais déjà. J'y suis entrée plusieurs fois en fin de journée pour apporter à la maîtresse la tarte ou le pâté de viande et pommes de terre que l'on cuit dans notre four familial le jour du pain. Mais je ne connais pas la classe – unique - dont la porte est toujours fermée à cette heure et les épais rideaux tirés. A mon grand regret.

Ce matin, je brûle de découvrir enfin ce mystère : une salle de classe. Cela m'impressionne bien plus que d'affronter la maîtresse et les camarades qui me sont tous familiers.
Après quelques bousculades parmi « les grands » la porte s'ouvre enfin et Madame N. nous demande de nous ranger pour pénétrer dans le sanctuaire (pour moi).  L'odeur d'encaustique, très  prégnante me prend quelque peu à la gorge. Mais je ne la crains pas. Je trouve même que ça embaume comme quand maman nettoie la maison au printemps. Le bureau sur l'estrade et les tables bien rangées ont été récurés et cirés. Tout est en bois et tout brille. Même la bibliothèque tout au fond. Cette dernière recèle des trésors que je n'aurai de cesse d'explorer tout au long de mes années de primaire. Et le grand tableau noir triptyque, les cartes géographiques qui ornent les murs, la mappemonde sur une console... des découvertes que je balaie d'un regard attentif.

Voilà ce que furent mes premiers pas dans la salle de classe de l'école de mon village. Ils sont inoubliables et le parfum de la cire, puissant et évocateur  entre pleinement dans ce souvenir. Il en est la quintessence et déclenche en moi chaque fois que je le respire une véritable émotion. En fermant les yeux je revois, l'espace d'un instant fugace, la petite fille curieuse et volontaire qui aborde un monde nouveau pour elle et qu'elle va aimer beaucoup.

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Commentaires
J
Quel titre donner au recueil des souvenirs heureux liés à l'encaustique ?<br /> <br /> <br /> <br /> "Ca glisse au pays des merveilles" ?<br /> <br /> <br /> <br /> OK, je sors, non sans remercier pour le bonheur de ce texte !
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B
Merci pour ce si beau partage d'une premiere journée d'école un moment d'enfance magnifique et si bien conté Merci Yvanne
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P
Oui, c'est magnifiquement évoqué; ton souvenir réveille les nôtres. N'est-ce pas le but du narrateur de nous emmener, à travers sa lecture, vers notre monde ? Avec ton encaustique, ça brille dans nos yeux.
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K
Magnifiquement évoqué Yvanne ! Mon école de ville n'avait pas ce charme... mais m'a donné aussi le goût de lire, d'écrire et de vivre !
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L
Tes souvenirs rejoignent un peu les miens, mais nous on cirait les bureaux avant les grandes vacances avec de la bougie pour qu'ils soient tout brillants à la rentrée
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P
Que ces souvenirs sont émouvants ! Et si bien racontés, avec un réalisme touchant. Merci, Yvanne, de ce partage.
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V
Très joli. Merci pour ce retour en enfance.<br /> <br /> Pour moi, le primaire, c'est l'odeur de l'encre violette... <br /> <br /> Sourire
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J
Excellentissime, ces beaux souvenirs si habilement évoqués !
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L
moi, ça me rappelle ma grand-mère
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W
J'ai fréquenté le même genre de classe... mais le mobilier était verni et donc moins évocateur ;-)
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V
Ah ces souvenirs qui nous tirent par le bout du nez ... merci pour celui-là
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