Ah vraiment quel beau métier ! (Yvanne)
- Salut Michou ! Tu t'es fait chic aujourd'hui. T'es allé aux filles ?
- Pfff. Te fous pas de moi Max.
- Mais non. T'es allé en ville ?
- J'étais à la Mairie.
- Ah ! Il fallait se mettre sur son trente et un pour voir le maire ?
- Tu comprends rien. Et tu m'agaces avec tes questions. Si tu veux savoir, je suis allé me présenter pour faire l'entretien.
- L'entretien de quoi ?
- De la commune pardi. Tu te rends compte si je suis pris ? ( Michou se frotte les mains. Il en rêve d'être cantonnier ) A la place de ce pauvre Jeannot qui peut plus soulever un outil tellement les douleurs le bouffent.
- Tu vois ce qui t'attend... Et le Jeannot, il s'en est pas beaucoup servi de sa pelle. Ah si, le plus souvent pour s'appuyer dessus. Il a plutôt la maladie du renard oui !
- Mauvaise langue. En plus, le malheureux, il paraît qu'il a attrapé la prostate. Et puis, tu vas pas comparer ? T'as vu comme je suis costaud.
- Et alors, c'est le maire qui t'as reçu ? Il te connaît bien et il préfère sûrement que tu te lèves le matin pour aller bosser un peu, plutôt que te planquer sous les fenêtres de la Marie-Jo toutes les nuits. Pour essayer de la voir à poil. Tu l'auras le poste, je te le dis.
- Si tu continues à raconter des racontars de merde, je te fous mon poing dans la figure.
- Allez, te fâche pas.
- Bon. Il était pas tout seul le maire. Y avait un type qui rigolait tout le temps comme si on le chatouillait et une nana qui me regardait de travers, une grosse qui montrait ses seins.
- T'as pas dû t'ennuyer alors ! Ils t'ont posé beaucoup de questions ? T'es embauché ou quoi ?
- Doucement pas si vite. Faut que j'y revienne. J'avais pas fait mon spéculum vité.
- Hihihi.
- Qu'est ce que t'as à te foutre de ma gueule ? Tu te crois intelligent ?
- Te fâche pas. T'as pas bien compris je crois. Le truc dont tu parles c'est les toubibs des femmes qui l'utilisent. Ça servirait à rien que je t 'explique puisque t'as pas de femme. Les autres, là, à la Mairie, ils veulent voir ton curriculum vitae. C'est du latin. Tu sais bien que maintenant ces gens-là peuvent pas parler comme tout le monde. Ça veut dire qu'il faut que tu écrives sur un papier tout ce que tu as fait jusqu'à présent et tout ce que tu sais faire.
- Ah bon ? Il faut tout ça pour être cantonnier ? Tu pourras m'aider toi ? T'es plus instruit que moi. Je te paierai un canon, tiens.
- Si tu veux. Pour ce qui est de ce que tu as fait jusqu'à présent, ça ira vite.
- Comment ça ?
- Ben dis-donc Michou, avoue quand même qu'à part glander et te balader sur ton pétarou...
- Oh ça va hein ! Mais j'y pense : ils m'ont demandé si je savais conduire une balayeuse. Tu crois pas qu'ils sont maboules ? Faut pas savoir conduire pour pousser un balai tout de même. Et puis ils veulent pas que je dise « cantonnier ». Ils parlent d'employé de la voierie. Quelle voierie ? Ils savent même pas qu'on a depuis longtemps fait sauter les rails du transcailladou. Et ils se croient malins ces deux gougnafiers. Je parle pas du maire : bouche cousue. J'avais beau le regarder pour qu'il dise deux mots. Rien. Pourra toujours courir pour que je lui apporte des truites, et des cèpes celui-là !
- A mon avis, tu devrais bien pourtant. A la fin, c'est lui qui décide.
- Tu crois ?
- J'en suis sûr. Tu vas réfléchir pour tes compétences et ce que tu espères comme paie. On se voit demain.
- Hé Max, les compé...comme tu dis : pas de problème, ils peuvent compter sur moi. Pour l'argent, ils me donneront ce qu'ils voudront. Pourvu que je puisse payer mes pipes et mettre de l'essence dans ma bécane, moi, ça me va. Mais faudra pas oublier de préciser qu'il me faut mon transistor pour travailler. Et aussi ma mobylette. A demain chez la Jeanne. Tu auras ton verre de blanc servi. Même qu'on demandera la bouteille si tu veux.
Ah ! Ce brave Michou. Le cœur sur la main. Toujours prêt à rendre service. Ce travail lui conviendra j'en suis sûr. Si on sait le prendre on en fait ce qu'on veut. Il mérite la place allez. C'est pas de sa faute si les crapauds n'ont pas de queue tout de même !