Un temps de vie (Vanina)
C’est l’âge, à ne pas douter, qui la fait plonger dans ses souvenirs d’enfance, comme si c’était hier. Un bruit, une odeur, tout est objet de mémoire. Elle se plaît à espérer que sa jeunesse ayant été merveilleuse, ce retour à l’enfance, que l’on observe chez les anciens, sera heureux. Elle y pense parfois, inquiète, lorsqu’elle revoit son père, sur son dernier lit, revivre sa douloureuse jeunesse : le camp d’affamement où il fut interné.
Ce soir-là, en ouvrant un tiroir à fouillis, elle retrouve un caillou oublié, du granite aux éclats brillants, évadé du ballast, trouvé sur un quai de gare lorsqu’elle était enfant.
Paris-Montparnasse/Les Sables d’Olonne: elle se revoit dans le train qui la menait en vacances au bord de la mer, avec ses parents, ses cinq frères et sœurs, le chat et le perroquet. Comme ils étaient nombreux, ils avaient pour eux seuls tout un compartiment. Une fois la porte fermée, chat et perroquet étaient sortis de leur cage, remis en liberté. Cinq heures de train -avec changement à Nantes- pour rejoindre l’océan : livres, chansons, jeux divers, sandwich, tout était bon pour faire passer le temps.
Elle est debout, dans le couloir, le front collé à la vitre, bercée par les vibrations au rythme des traverses : toudoum-toudoum, toudoum-toudoum, toudoum-toudoum, ... Le paysage qui défile a un effet hypnotique.
Cette rêverie la détend, elle entre dans une douce torpeur. Ce voyage ferroviaire a un charme bien particulier qui lui fait oublier le temps.
Est-ce l’âge qui fait que le temps passe plus vite aujourd’hui qu’hier ?