Tu es allé trop loin... Maurice ! (maryline18)
Tu ne voulais pas me déclarer ton amour sans mise en scène et c'est tout à ton honneur mais là, là...tu es allé trop loin Maurice !
j'avais bien perçu un... je n'sais quoi, disons comme un certain degré d'entêtement dans son œil berbère, mais ne comprenant pas un mot de son dialecte, comment pouvions-nous décliner son invitation sans risquer de le vexer ? Sous l'emprise donc, de ce regard noir qui me fit frissonner malgré les 45° ambiants, je suivais, docile et résignée, le mouvement lent de la balade qui promettait d'être longue, très longue...J'en avais déjà ras le baba d'Ali et de nos 40 malheurs qui se profilaient.
Métamorphosée en larve cramoisie, j'essayai de sauver ma tête (pas encore ma peau) couverte à moitié par la voilette de mon chapeau, rabattue jusqu'au nez. Son effet quadrillé me faisait ressembler à une mosaïque bicolore. La déshydratation en marche rapide, elle, m'anesthésiait progressivement, aussi, c'est dans un état de demi-coma, que j'entendis ricaner le chameau qui me transportait avec nonchalance. Je ne voyais déjà plus qu'une opération du Saint Esprit, susceptible de nous sortir de ce mauvais pas...Je rassemblai des miettes d'optimisme dans le ramasse-idéaux de ma pauvre cervelle et entonnais pour moi-même un "Je vous salut Marie".
Tu voulais me déclarer ta flamme dans un décor de rêve ! Voir Volubilis ! Depuis des semaines, il fallait toujours que tu la ramènes avec tes projets de découverte de la fameuse cité Romaine ! Tous les éléments d'un cauchemar s'articulaient pendant que je laissais glisser mon regard vers ton corps de chiffon désarticulé.
Des gouttes de sueur glissaient de ton front vers tes tempes et des cloques apparaîssaient sur ton nez déjà brûlé au deuxième degrés. Tu ne savais plus s'il te fallait ouvrir ou fermer la toile froissée qui te servait encore de chemise. Ton pantalon beige était impreigné de l'odeur forte de la bête à laquelle tu t'accrochais tant bien que mal et qui ne manquait pas de te gratifier de sa bave écoeurante, lors de ses nombreux mouvements d'humeur. Tu avais bénéficié de la monture la plus capricieuse, après moi... Le pan de ma robe, arraché au carré et noué aux quatre coins, couvrait ta calvitie offerte au soleil. Le point de non retour se profilait à son zénit.
Mais qu'avions nous fait pour mériter celà !? Je te dévisageais ébahie...Tu perdais peu à peu de ta superbe, il fallait bien l'avouer...Disparus ton port de tête altier et ce sourire des beaux jours qui m'avait tant séduite.
Mais ces gens n'étaient-ils donc pas humains pour supporter ainsi le poids de leurs vêtements qui ne laissaient entrevoir que leurs yeux sombres ? Notre caravane hétéroclite cheminait, dans le désert Marocain, en route vers Chebbi où nous devions passer la nuit, comme l'indiquait la brochure...J'allais pouvoir de nouveau m'étendre, la joue sur ton torse, ton souffle dans mes cheveux, j'allais encore me laisser caresser par ta respiration régulière et tiède... me laisser emporter par une douce torpeur aux vagues apaisantes.
Pour l'heure, j'aurais vendu dix années de ma vie future pour une bonne limonade ! Ma langue, privée de salive avait triplé de volume et restait collée sur mon palais desséché.
J'ai su que c'était le début de la fin quand ton chameau s'est affaissé, quand tu t'es vautré dans le sable qui tourbillonnait nerveusement tout autour de nous. On ne pouvait plus progresser dans la tempête qui brouillait l'horizon et qui effaçait dangereusement les traces de notre passage.
_"ON VA MOURIR !" Te lançais-je alors, dans un sursaut de lucidité teinté de révolte.
Je ne savais pas encore que tu utiliserais ce fameux couteau suisse que tu emmenais partout pour trancher la gorge du guide et pour lui voler sa gourde, ni que je singerais ton geste avant même que tu n'ai pu boire son eau.
Mais qu'est-ce qu'il nous est arrivé ?! C'était quand même pas sorcier de m'offrir un verre au bistrot du centre, et de me dire : < Je t'aime > ! Merde alors !
Avec les mecs, on en arrive toujours à des extrémités hallucinantes !
Merde ! Merde ! Merde ! En plus, j'aime pas les oranges, SORTEZ- moi de là !
Quoi ? Ah oui, c'est vrai...les bistrots sont fermés...autant pour moi. Saleté de Covid !