Roupis et roupille (TOKYO)
La femme de chambre a glissé encore fumante sous les draps de satin la bouillote.
Florence est aux anges.
A soixante-treize ans , le corps regimbe , et ce jus de pamplemousse qui n’est plus d’aucun secours , la comtesse n’as pas le courage d’affronter la journée.
Sur la table de chevet l’austère portrait de Racine en perruque semble l’observer avec sévérité.
C’est celui qui figure sur les billets de cinquante francs dont elle a toujours une liasse à porter de main.
Le personnel est si coutumier du geste, cette façon de glisser quelques roupies dans leurs mains en regardant ailleurs, l’air de dire c’est la moindre des choses ne me remerciez pas.
Mais hier soir , elle a abusé du champagne avec le compte WILLY , sa voix est pâteuse, elle ne distingue pas très bien les couleurs .
La duchesse roupille.
Alors le petite personnel, se rue à l’étage, pour monter une tisane , s’enquérir des chiens . Mais voilà les réserves s’épuisent et les roupies ne se reproduisent pas en batterie comme les poules.
La banque de France et en grève. On ne passe pas de Racine à Zola se dit-elle. Elle se souvient vaguement d’avoir déposé dans le coffre de l’hôtel un joli magot de quoi roupiller pour deux bonnes années.
Mais elle doit vérifier et cette incertitude la chiffonne.
Elle enfile un peignoir de satin rose, pose ses lunettes fumées sur son nez et sourit à la pensée de déjeuner.