Droguiste (Lilou)
Ah droguiste, voilà un mot qui me revient du fond de mon enfance. En vacances dans un petit bourg de l’Ain, dans la rue principale, il y avait tout ce dont nous avions besoin. Cela allait de l’indispensable boulangerie, dont la vitrine me faisait un peu loucher ; l’inénarrable boucherie dont le propriétaire se tenait sur le pas de la boutique avec son large sourire qui me faisait un peu peur, alors qu’il était, sans jeu de mots, doux comme un agneau ; plus loin le bureau de tabac et les pages de magazines qui battent au vent sur des supports métalliques. Sur le trottoir d’en face la pharmacie et la mercerie, et là on prenait le chemin à gauche et hop ! une immense boutique qui brillait : la droguerie et sa caverne d’Ali Baba. D’abord l’odeur très particulière, d’essence térébenthine, White spirit mélangée à l’eau de Cologne et à la cire d’abeille qui m’enivrait. Ensuite les yeux étaient submergés par les couleurs, un rayon consacré aux peintures et alors là je m’émerveillais de voir tant de pots alignés. J’étais en admiration devant le nuancier pourquoi ? cela reste mystérieux ! J’avançais encore dans une petite allée encombrée de cartons à bougies rouges coquelicot et là devant moi les tonnelets de parfums. Le contenu vert ou bleu ou bien rose s’écoulait par un petit robinet qui claquait lorsqu’on le refermait. Enfin, je me frottais le nez dans la douceur des peaux de chamois qui faisaient briller les casseroles en inox ou les bassines à confiture en cuivre…
Ce ne sont que des petites choses, des petits souvenirs d’une gamine de cinq ou six ans mais qui sont restés gravés dans ma mémoire. Il n y a plus de droguiste qui vous conseillait un produit pour les meubles ou pour les vitres et qui ponctuait ses phrases par « Vous m’en direz des nouvelles » , et cela fait vingt francs m’dame, vingt francs ! Mais que vendrait un droguiste aujourd’hui !