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Le défi du samedi
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25 avril 2020

Chacun son clochemerle ! (Yvanne)


C'était réglé comme du papier à musique. Tous les samedis que le bon Dieu fait la tante Marguerite, dite Guite  et l'oncle Léger – qui pesait bien son quintal ! - dit Zé,  venaient à la ville. Ils entassaient dans l'Acadiane les corbeilles de légumes qu'ils produisaient, des œufs, quelques volailles et lapins vivants enfermés dans des  panières en osier. A six heures pétantes – l'oncle n'en démordait pas -  été comme hiver, ils prenaient la route pour le chef lieu, distant d'une quinzaine de kilomètres.

L'oncle aidait sa femme à s'installer sur la place de la cathédrale et de là, reprenait le volant pour aller se garer au plus près des urinoirs. C'était un impératif : sa prostate vous comprenez...L'odeur prégnante d'ammoniaque qui se dégageait des lieux d'aisance ne le gênait pas. Et pour cause : après avoir acheté le journal, il se confinait dans sa camionnette. Il n'en sortait que pour soulager sa vessie. Et ceci assez souvent ! Il  ne se préoccupait pas non plus des regards intrigués  et même quelquefois interrogateurs que lui lançaient certains passants. Cela l'amusait beaucoup et il ne manquait pas, lors de réunions de famille de raconter des anecdotes salées concernant les pissotières et ses fréquentations. Il en voyait des choses l'oncle Zé depuis son Acadiane ! Des jaloux sans doute n'hésitaient pas à le traiter de voyeur. Allez savoir !

Pendant ce temps, la tante vendait sa marchandise à ses pratiques. Mais la pauvre femme devait attendre que les bourgeoises veuillent bien se présenter. Et vous savez ce que c'est : le samedi, on fait la grasse matinée, on traîne et la plus grosse affluence a lieu autour de 10/11 heures. Guite avait beau serrer les cuisses, se dandiner d'un pied sur l'autre, au bout d'un certain temps, elle n'y tenait plus. Sentant sa culotte se mouiller, elle demandait à regret à Germaine – elle est bien brave la Germaine mais on ne sait jamais ! - de lui garder son étalage et elle fonçait chez moi.

J'habitais tout près de la place du marché et j'étais habituée à voir débouler tous les samedis matin la tante, la main comprimant son entre-jambes. J'avais à peine le temps d'ouvrir la porte que déjà Guite courait vers les toilettes en maugréant : « ah, ma petite, si c'est pas malheureux de te déranger comme ça ! Mais que veux-tu : je n'ai pas de quéquette – oui, la tante appelait un chat, un chat – et je ne peux tout de même pas m'accroupir derrière les piliers du porche de l'église. »

Après avoir lâché un jet puissant et sonore dans mes toilettes, la tante repartait, soulagée vers ses cabas me disant : « à tout à l'heure. » En effet, elle revenait chez moi pour les mêmes raisons avant de regagner son village, l'oncle refusant obstinément d'arrêter l'Acadiane au bord de la route. Ce n'était pas un mauvais bougre l'oncle. Il n'était pas macho non plus. Mais allez lui faire comprendre que ce n'est pas parce que les femmes n'ont pas de prostate qu'elles n'ont pas envie de pisser. Et comme les hommes, de plus en plus souvent en vieillissant. Non, ce n'était pas concevable pour Zé.

Un samedi comme les autres, la tante se présenta chez moi dans la matinée. Elle avait du mal à contenir un rire et elle me faisait des clins d'œil que je ne comprenais pas. Elle me dit « ne ferme pas la porte, ton oncle arrive. » Je n'étais pas autrement surprise. Quelquefois, Zé venait jusque chez moi quand il s'ennuyait un peu trop dans sa fourgonnette. La tante se dirigea, comme d'habitude à toute allure vers les toilettes pendant que j'attendais Zé en haut de l'escalier.

Je vis alors arriver un Zé tout penaud qui passa devant moi sans mot dire. La porte refermée, il me demanda si je ne pouvais pas faire sécher un peu son pantalon. Je remarquai alors que ce dernier était trempé jusqu'à mi-jambes. Ses chaussures dégoulinaient d'eau. Comme je le plaisantais «  ben alors, tonton, c'est-y que tu aurais besoin d'un tuteur ? «  il me tourna un regard noir et s'exclama : « ces cons de la Mairie, ils ont enlevé les pissotières. Ils ont mis à la place des choses à la turque . J'ai tout fait comme ils disent, tiré sur la chaînette et voilà pas qu'il m'est arrivé dessus des trombes d'eau. Sont pas près de m'y reprendre !  Et j'irai pisser juste à côté pour les emmerder. »

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Commentaires
J
Les toilettes turques sont mieux que rien, mais avant d'y arriver, je retrousse les jambes de mon jean jusqu'aux mollets. C'est tout un art comme le dit Vegas. Perso, j'aurais voulu que ce sadique de tonton (celui de ton histoire, pas Vegas !) se mouille jusqu'au coup, le saligaud.<br /> <br /> <br /> <br /> Superbe histoire, Yvanne, et vraiment bien racontée. Bravo.
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L
Alors là, on sent le vécu et c'est très drôle !
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W
Ta petite histoire à la turque, c'est du Mozart !
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J
On comprend mieux maintenant pourquoi il ne vont jamais aux toilettes les supermen du cinéma !<br /> <br /> <br /> <br /> Pourtant le gore est à la mode, non ?
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K
Oui, je confirme, les femmes ont souvent besoin de faire pipi et tenir un étal de marché ou un stand de brocante implique une solution pour ce problème qui prend vraiment la tête !
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V
Les toilettes à la turque, c'est tout un art :)
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N
voilà donc pourquoi les toilettes à la turque sont toujours si sales !!! mystère éclairci. Très joli fable du samedi matin... bon je vais alors aller chercher mes légumes tout de suite...
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