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Le défi du samedi
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11 avril 2020

Sofa away (Pascal)


Te souviens-tu ?... Confinés d’amour, dans notre petit appartement, tous les jours, nous apprenions à le faire. La somme de nos deux âges, c’était la quarantaine ; c’est pour cela qu’on s’enfermait loin du monde souffreteux et de ses agitations guerrières. Les volets à l’espagnolette, dans un moment de matin, seul le soleil pouvait nous rendre visite. Sa clarté voulait nous surprendre dans notre lit douillet. Pour t’enlever, pour t’envoûter, il « vertébrait » la poussière, il la maquillait en paillettes multicolores qui s’élevaient jusqu’à ressembler à un galant cousu d’or. Divinement impudique, vêtue d’une seule barrette, tu allais jusqu’à la fenêtre, tu te plaçais dans son rayon lumineux, tu te laissais éblouir, et j’étais jaloux, et je venais te chercher, et je venais te soustraire à ses sortilèges savants…  
 
Comme deux gosses, on se courait après, autour de la table ; je ne sais plus qui rattrapait l’autre ou qui se laissait prendre. On se donnait des gages ; diablesse, ensorceleuse, avec des effets de sourires enchanteurs, des doses savantes de chair blanche découvertes, un trait de parfum accaparant mes narines frémissantes, tu savais rallumer le feu de ma passion ; en braille de mes doigts, de ma langue, au jeu de piste de mes sens, j’avais des chemins balisés à caresser, des collines à visiter, des forêts à traverser, des grottes à explorer. À pleines dents, je croquais dans le fruit offert. À deux, on tenait le monde ; on s’exerçait à le repeupler en riant, en râlant, en criant. Essoufflés, sur ce sofa défoncé, encore, on s’échangeait nos frissons, nos murmures, nos secrets, nos illusions ; on se tricotait un futur ambitieux en forme de bonheur…  

Te souviens-tu ?... Quand tu sortais de la douche, je te réchauffais, je t’essuyais avec la grande serviette, tu cherchais un baiser, et tu volais le chewing-gum dans ma bouche. Au coin du sofa, comme deux souris affamées, on grignotait des gaufrettes et quand on s’embrassait, quand on se redécouvrait, on léchait nos miettes. On dansait nus, on avait les mêmes refrains de chanson, on fumait la même cigarette, on buvait dans la même bouteille d’eau ; tu me donnais la becquée, j’essayais tes bagues, tu tentais ma chemise, je récupérais mon chewing-gum, et je te regardais te recoiffer dans la glace de la vieille armoire, et ma seule pensée, c’était de te reprendre dans mes bras…  

Telles deux mouches éprises, sous l’éclairage de l’ampoule-lustre, on se tournait autour ; on cherchait la faille, j’étais taureau, tu étais banderille, j’étais Pégase, tu étais Vénus, j’étais Dylan « Just like a woman », tu étais sa guitare, et mes doigts couraient sur ton corps à la recherche des meilleurs accords. Coude à coude, yeux dans les yeux, pendant de longs silences connivents, chercheur de saphir et de topaze, je scrutais le fond de tes pupilles ; en apnée d’admiration, dans l’immensité de ces bleus abyssaux, je voyais des trésors, je voyais mon avenir, je voyais mes décors. Toi, comme si tu ne savais pas que tu étais aussi la détentrice de mon âme, tu cherchais toujours à savoir ce que je pensais. On faisait semblant de bouder pour mieux nous retrouver…

Te souviens-tu ?... Nos gourmands bouche-à-bouche nous ravitaillaient d’Amour, nos somnolences nous enlaçaient, nos endormissements nous scellaient aux mêmes paysages voluptueux. Quand je me réveillais de cette douce léthargie, j’avais le nez dans ton cou, j’étais bercé par ta respiration, réchauffé par la chaleur de ton corps ; je flottais dans une allégresse incommensurable, et je ne savais pas si je rêvais ou si c’était la réalité. Zéphyr de désir, en soufflant doucement sur ton duvet, je créais des frissons courant sur ton corps et, explorateur infatigable, je cherchais où ils pouvaient se cacher…

Tout ça, c’est si loin…  

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Commentaires
B
C'est si loin et ça semble si proche c'est toujours un réel plaisir de te lire cher Pascal Merci
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M
Tes souvenirs sont si...doux, qu'ils ne peuvent qu'être éternellement jeunes et beaux !
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L
POURQUOI?
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J
Toi aussi, tu es fan de Carole King ?<br /> <br /> <br /> <br /> https://youtu.be/UofYl3dataU
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L
Ah ! Les jeunes années, et l'amour fou ! Comme c'est émouvant et bien écrit, ce souvenir
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Y
Et tu parles si bien d'amour Pascal que je ne peux croire que "tout ça est si loin "
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W
Oh oui ! Même qu'on a bazardé le sofa...
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J
Eh oui, mon bon monsieur, Dylan a aussi chanté (et prévenu) : The times they are achèèèèènjine !<br /> <br /> <br /> <br /> But it was beautiful tout plein
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K
Oui, c'est loin, si loin mais on ne peut pas oublier, c'est à nous, c'est nous et la vie va comme elle peut, cahin-caha et en ce moment on jouerait plutôt à cache-cache qu'à chat perché...
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N
Si c'est encore possible, tenter de remettre le couvert est une prescription anti-stress ! A moins que tu aies troqué ton sofa pour un fauteuil étroit, là il faudra redoubler d'imagination et de souplesse, comme Germaine et Végas !
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V
Waou … le vieux sofa doit encore en trembler de plaisir
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