Dans le « Défi du Samedi » de cette semaine, voilà proposé un mot que je ne connaissais pas ; c’est vrai qu’au bistrot, on n’emploie pas beaucoup ce genre de vocabulaire ; admettez : il est plutôt difficile à placer dans une conversation avec quelqu’un qui a un coup dans le nez. Pourtant, il y en a qui réclament la tournée, les deux bras au ciel ! D’autres font des signes désespérés pour rameuter la serveuse jusqu’à leur table ! D’autres encore racontent la truite qu’ils ont soulevée de la rivière en écartant les mains d’une façon démesurée ! Sans le savoir, on peut dire qu’ils pratiquent l’orant avec une certaine obédience*, tous ces athées ! Entre nous, je crois plutôt qu’ils sont au rang des grands mécréants…
Je connaissais un gardien de foot qui pratiquait l’orant avec une certaine adresse. Les carreleurs, aussi, ont une grande constance à la prière, façon orant. Je pense aussi aux raboteurs de parquet, dans la toile de Gustave Caillebotte. Juifs, mahométans, chrétiens, bouddhistes et consorts, les mains jointes, les bras écartés, à genoux, debout, ils sont un peu des sémaphores, quand ils espèrent s’attirer les faveurs de leur autorité divine.
Des genoux usés aux mains tremblantes, du noviciat* au pontificat, langage des gestes, posture, soumission, voire prostration*, l’exigeante profession de foi réclame des années d’expérience…
Achille Gouttant, quand il descend de sa campagne, avec son authentique parfum tenace de bouc, ses poils gris débordant de tous ses orifices, sa morvelle collée aux manches de son paletot, comme des galons gagnés contre le vent du Nord, et son chien attaché au cou avec une ficelle, si je lui demandais « Tu pratiques l’orant, Gouttant ?... », je crois qu’il le prendrait mal, ce vieux singe…
En fouillant un peu, sur le net, j’ai trouvé des œuvres de Marthe Orant, une artiste peintre nabi, c’est à dire *postimpressionniste d’avant-garde. « La vie n’est que désordre », disait-elle. « Elle a imaginé dans ses toiles les espaces où elle aurait pu vivre heureuse et qui l'attendent à jamais dans la lumière éclatante de ses rêves ». Étienne Sassi. C’est ce que je retiendrai sur l’orant…
Je laisse à Joe Krapov le soin de s’occuper de Laurent, non…de l’orant ; il nous trouvera bien des orants à toutes les sauces planétaires, et même plus loin. Du liminal* au burlesque, de l’amphigourique* au verset académique, pourvu qu’il ne soit pas… satanique…
*Des mots que je ne risque pas d’employer au bistrot.
14 mars 2020
Orant (Pascal)
Commentaires sur Orant (Pascal)
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Je suis sincère, cela me rassure beaucoup qu'un natif spiqueur (comme on dit) ait lui aussi des ennuis avec ce mot, surtout un qui maîtrise sensationnellement l'art de narrer.